La liberté d’expression : Face aux menaces
Imen  Ladjimi, Article 19
Au-delà des techniques de gouvernance, ce sont les libertés fondamentales, dont la liberté d’expression, qui représentent la clé de voûte de toute démocratie authentique. Tout progrès ne peut s’engager que dans un environnement qui garantit et protège la liberté d’expression et d’information, par des médias libres, pluralistes, indépendants et professionnels mais aussi des politiques nationales fondées sur le respect de l’Etat de Droit et des standards internationaux.
Ces dernières années ont été mouvementé pour la région, La région Moyen-Orient et Afrique du Nord a été submergée par une vague de manifestations populaires en faveur de réformes sociales.
Si certains pays ont emboîté le pas des révolutions ou encore celui des réformes sociales, d’autres ont connu un bouleversement, pour certains, chaotique. Ces évènements ont considérablement impacté la liberté d’expression et d’information dans la région, dont le bilan actuel est mitigé : l’on peut qualifier la situation de la liberté d’expression et d’information dans la région d’équivoque et ce, de par les menaces auxquelles elle est confronté.
Quels types de menaces ? Comment y faire face ?
1- Les menaces sur la liberté d’expression et d’information :
A. Vulnérabilité / immaturité du cadre juridique :
Au jour d’aujourd’hui, certains pays ne prévoient que fort peu de garantis concernant le respect du droit d’expression et d’information, d’autres, à l’inverse l’énoncent, toutefois, sa mise en œuvre demeure enserré notamment, par les lois restrictives donnant aux autorités toute latitude pour interpréter et réprimer la liberté d’expression.
Ainsi des exceptions trop larges et peu précises telles que “le respect de l’identité nationale, des valeurs culturelles de la société, des exigences de la sécurité et de la défense nationale, de l’ordre public, des intérêts économiques ou encore de la souveraineté et de l’unité nationale” autorise des interprétations subjectives qui pourraient se traduire en pressions inacceptables.
Il va s’en dire que certains pays  ont connu la mise en place des nouveaux textes ou dispositions progressistes, inaugurant une situation nouvelle pour la liberté d’expression et d’information, résultant d’une forte empreinte du mouvement sociétal et politique qui aspire à un environnement propice à la liberté. Or la pratique est toute autre : d’un côté on persiste à appliquer les anciennes lois/ dispositions qui demeurent en vigueur, d’un autre ; l’implémentation du nouveau cadre juridique peine à se faire.  
B. bâillonnement des opinions diverses et divergentes :
  • Au niveau des diffuseurs d’informations professionnels : on assiste toujours au recours à l’intimidation physique ou psychologique, des arrestations, des interrogatoires et des accusations criminelles, à l’encontre des journalistes.  Par ailleurs on assiste toujours à la censure, à la confiscation ou bien même la suspension ou la fermeture de journaux et médias. Toute ces pratiques visent à réduire au silence toute voix discordante et à mettre la vérité hors de portée un effet dissuasif sur le droit à la liberté d’expression, des journalistes sont réprimés, censurés dans un but de les empêchés de faire leur travail et les citoyens ne peuvent pas, en l’occurrence, produire ou consulter librement des informations.


  • Au niveau des individus exerçants leurs droit liberté d’expression notamment via Internet et les nouvelles technologies de l’information et de la communication :  ces individus qui sont pour la plupart (les bloggeurs, les activistes dans les réseaux sociaux, ou de simples internautes)  sont à leur tour intimidé, des attaques physique à leurs encontre, des arrestations et interpellation arbitraires, peuvent entraîner une autocensure généralisée et l’inhibition de débats ouverts sur certaines questions d’intérêt général.
Les nouvelles technologies, se sont transformés en un moyen de surveillance et de répression, permettant aux services de sécurité d’identifier les opposants et ce à travers notamment les vidéos publiés. De même ils ont permis à certains régimes de décider de la mesure dans laquelle les citoyens peuvent jouir du droit à la liberté d’expression, à travers la mise en place de d’une autre forme de censure en vue d’empêcher le public d’avoir accès à plusieurs contenus de l’Internet.
C. L’intensification de la pression politique sur la liberté d’expression au motif de la lutte contre le terrorisme :
Des États ont répondu à ces situations de manière rapide et automatique, en imposant des restrictions disproportionnées à la liberté d’expression ; d’un côté un prétexte pour réprimer des expressions légitimes ainsi que les opinions critiques à l’égard de la politique, d’un autre côté, à mettre en péril le droit des journalistes à protéger la confidentialité de leurs sources.
Par ailleurs, la lutte contre le terrorisme a favorisé l’utilisation de techniques et procédures particulières d’enquête pour surveiller les médias et journalistes et porter ainsi atteinte à la liberté d’expression et au droit au respect de la vie privée.
2- Faire face aux menaces :
– Les standards internationaux doivent être consolidés dans les législations nationales, ils doivent de même, être renforcés et promus auprès des acteurs dont la mission consiste, en principe, à protéger et garantir le respect des droits humains. Ces derniers doivent d’une part ; disposé d’une meilleure compréhension quant aux obligations internationales de leur pays en matière de protection de la liberté d’expression, d’autre part ; être plus informé et attrait aux standards, pour ainsi réduire les interprétations disproportionnés des terminologies vagues et larges pouvant réprimer la liberté d’expression.
-Il doit aussi y avoir une volonté politique de soutenir la liberté d’expression et un Etat de Droit pour le protéger. Ici le rôle de la société civile est plus que considérable, il se manifeste notamment par le contrôle et la garantie de la protection effective de la liberté d’expression par les décideurs : si la mise en place d’un cadre juridique progressiste, par certains pays de la région est louable, elle reste néanmoins insuffisante, car elle doit refléter réellement et concrètement l’intention de mettre en œuvre les garanties de liberté d’expression qu’offrent leurs nouveaux textes. Ils doivent se débarrasser des anciennes lois contradictoires et veiller à l’implémentation effective de leurs nouveaux cadres juridiques.
– les consommateurs d’informations doivent avoir les compétences nécessaires pour produire et faire circuler les informations et nouer un dialogue avec les médias et la presse , mais aussi pour analyser de manière critique et synthétiser les informations qu’ils reçoivent : Pour se faire, il convient de favoriser la mise en place des mécanismes permettant la redevabilité des professionnels mais aussi l’interaction entre les consommateurs d’informations  et les diffuseurs d’information professionnels il est question ici des mécanismes de régulation et d’autorégulation. De même il convient de conscientiser et sensibilisé desdits consommateurs à travers l’éducation aux médias et à l’information.
– la censure n’est pas une réponse efficace à l’extrémisme : le pluralisme, la diversité des opinions, favorisent un débat ouvert et critique, qui constitue un élément important de toute stratégie adoptée en réponse aux attaques systématiques contre la liberté d’expression et leurs causes sous-jacentes. Autrement, la pénalisation de l’expression peut inciter à marginaliser des griefs et alimenter la violence. Par ailleurs les mesures qui doivent être prises dans le cadre de situations exceptionnelles telle que la lutte contre le terrorisme, ne doivent pas toucher à l’essence du droit à la liberté d’expression et devenir un prétexte pour élargir ses restrictions. Le champ d’application des dérogations à la liberté d’expression et d’information y compris, dans les situations exceptionnelles, doit se conformer à des principes basés sur le droit international, régional mais aussi sur les normes se rapportant à la protection des droits humains, en ce sens nous appelons ici à se référer aux principes de Johannesburg pour ainsi concilier entre Liberté et Sécurité.
______________________________________


Biographie Courte
Imen est doctorante en droit pénal international, a aussi travaillé sur les questions relatifs aux droits humains en tant qu’enseignante mais aussi en tant qu’activiste dans la société civile locale.  Elle est actuellement la coordinatrice des recherches et des analyses du bureau régional d’ARTICLE 19 basé en Tunisie, elle est chargé de la coordination des recherches et des analyses des textes juridiques et projets de loi des pays de la région MENA, avec le bureau international d’ARTICLE 19.

https://drive.google.com/open?id=0B-p0lmjLtiXzY2dPZ1NYRTl6OXc

Traduction »