Berne,
19.12.2012

Provisions recommandées pour chaque Suisse.

Boissons
9 litres d’eau par personne
jus de fruits et de légumes
Aliments de longue conservation (pour une bonne semaine)
riz / pâtes
corps gras
légumes, fruits, salades ou champignons en conserve
sauce tomate (sous divers conditionnements)
viande / poisson en conserve
préparations culinaires (en boîtes ou en sachets, par ex.
cassoulet, rösti)
soupes instantanées
sucre, confitures, miel
bouillon en cube, sel, poivre
café, cacao, thé
fruits secs
biscottes ou pain suédois
chocolat
lait condensé, lait UHT
fromage à pâte dure (gruyère, fromage de montagne, etc.)
saucisson, salami, viande séchée
nourriture spéciale (pour nourrissons, allergiques, etc.)
aliments pour animaux domestiques
Articles de consommation courante
radio portable, lampes de poche avec réserve de piles
bougies, allumettes / briquet
cartouche de gaz pour lampe ou réchaud de camping
savon, papier WC, articles d’hygiène
OFAE, 3003 Berne, www.bwl.admin.ch

L’Approvisionnement économique du pays fait face à de nouveaux défis

Berne,
19.12.2012 – L’approvisionnement est exposé à des risques dont la
diversité, la complexité et l’imprévisibilité ont augmenté. Grâce à sa
large palette de mesures, régulièrement adaptée aux nouveaux défis,
l’Approvisionnement économique du pays (AEP) est prêt à affronter les
crises. Toutefois, on constate la nécessité d’agir dans certains
domaines. Ce sont les conclusions tirées du rapport sur l’AEP (2009 à
2012) dont le Conseil fédéral a pris acte aujourd’hui.

La
donne a bien changé lorsqu’il s’agit de garantir l’approvisionnement en
Suisse : dans une économie de plus en plus interconnectée, avec des
processus automatisés et accélérés, les infrastructures deviennent
fragiles et vulnérables. Pour réduire autant que possible l’impact d’une
crise d’approvisionnement nationale, l’AEP dispose d’une large palette
de mesures. Outre le stockage obligatoire de biens vitaux (aliments,
médicaments, pétrole), la stimulation des importations et d’autres
moyens pour gérer l’offre, il a des outils pour réduire la demande lors
de graves pénuries. De plus, pour approvisionner le pays lors d’une
crise, il doit disposer de services et infrastructures importants
(réseaux de logistique, d’énergie et de communication). C’est pourquoi,
l’AEP coopère avec les exploitants de ces infrastructures.

Durant
quatre ans, les mesures ont été régulièrement adaptées aux nouveaux
défis. Le rapport signale toutefois la nécessité d’agir dans certains
domaines afin que l’AEP reste à la hauteur des exigences liées à une
prévention moderne des crises.

Ainsi il faut modifier certaines
procédures, notamment pour libérer les réserves obligatoires ou prendre
d’autres mesures immédiates, permettant à l’AEP d’agir plus vite, de
façon mieux ciblée et avec plus de souplesse. En outre, le rapport
montre que l’on devra, à l’avenir, s’impliquer fortement dans la
prévention pour accroître la résilience des infrastructures : cela
concerne surtout les réseaux électriques, les télécommunications et la
logistique des transports. Les entreprises jouant un rôle clé pour
l’approvisionnement de la Suisse devraient d’ores et déjà viser à
fonctionner même dans des conditions extrêmes. L’AEP doit donc mieux les
impliquer dans sa prévention des crises.

En révisant la base
légale en vigueur, la Confédération veut tenir compte de ces grands axes
et de la nouvelle donne. La loi sur l’approvisionnement du pays (LAP)
actuelle remonte à 1983 et doit être révisée. Le DFE va soumettre au
Conseil fédéral, probablement au début 2013, un projet qui sera mis en
consultation.

Adresse pour l’envoi de questions:

Jonas Willisegger,
collaborateur scientifique,
Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays OFAE,
tél. 031 322 21 51

Auteur:

Conseil fédéral
Internet: http://www.admin.ch/br/index.html?lang=fr
Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays
Internet: http://www.bwl.admin.ch

Des provisions…
providentielles

STRATÉGIE DE L’APPROVISIONNEMENT
ÉCONOMIQUE DU PAYS

Grandes lignes de la stratégie de l’AEP 5
Introduction 9
1 Mandat de l’approvisionnement économique du pays (fondements) 10
1.1 Constitution et loi 10
1.1.1 Mandat constitutionnel 10
1.1.2 Concrétisation du mandat constitutionnel par la loi sur l’approvisionnement du pays 12
1.1.3 Limites du mandat constitutionnel et légal 13
1.2 Principes régissant l’approvisionnement économique du pays 15
1.2.1 Primauté de l’économie privée 15
1.2.2 Subsidiarité de l’action étatique 15
1.2.3 Efficacité et rentabilité 15
1.2.4 Système de milice 15
1.2.5 Coopération avec l’étranger 16
2 Evaluation des risques 17
2.1 Risques et dangers politiques compromettant la sécurité économique 17
2.1.1 Sécurité en Europe 17
2.1.2 Sécurité hors d’Europe 18
2.1.3 Terrorisme à l’échelle mondiale et extrémisme violent 18
2.1.4 Restrictions à la liberté des échanges et pressions économiques 18
2.2 Risques structurels généraux 19
2.3 Risques démographiques, climatiques, écologiques et épuisement de ressources 20
2.3.1 Surpopulation 20
2.3.2 Changements climatiques 21
2.3.3 Catastrophes anthropiques 21
2.3.4 Epuisement de ressources 22
2.4 Risques pour la santé 23
2.5 Risques affectant les infrastructures de l’information et de la communication 24
2.5.1 Technologies de l’information et de la communication 24
2.5.2 Télécommunications 25
2.6 Structures d’approvisionnement en Suisse 26
2.6.1 Situation initiale 26
2.6.2 Approvisionnement alimentaire et politique agricole 26
2.6.3 Production industrielle et approvisionnement en produits finis 27
2.6.4 Approvisionnement en énergie 28
2.6.5 Services 29
2.6.5.1 L’importance des services pour l’économie suisse 29
3.6.5.2 Transports 29
2.6.5.3 Infrastructure de l’information et de la communication (ICT) 30
2.7 Résumé de l’évaluation des risques 31
– 2 –
3 Stratégie 32
3.1 Remarque préliminaire 32
3.2 Stratégie générale en matière d’approvisionnement 32
3.2.1 Assurer l’approvisionnement à court et moyen termes 32
3.2.2 Recours rapide aux moyens d’action disponibles grâce à un haut niveau de préparation 33
3.2.3 Assurer l’approvisionnement de façon sectorielle 33
3.2.4 Assurer l’approvisionnement en fonction de priorités 33
3.2.5 Assurer l’approvisionnement à un niveau réduit 34
3.2.6 Concertation à l’échelon international 34
3.3 Stratégie générale en matière d’approvisionnement 35
3.3.1 Première phase : couvrir la demande de biens vitaux à 100 % si possible 35
3.3.2 Si la pénurie perdure ou s’accroît : préparer des plans pour intervenir plus fortement
dans le mécanisme du marché
35
3.3.3 Maîtriser les crises d’approvisionnement en recourant, avec souplesse, à toutes les options
prévues
36
3.3.4 Les mesures de réglementation créent les conditions requises pour que l’économie privée
puisse continuer de remplir sa mission d’approvisionnement
36
3.3.5 Les mesures de réglementation sont préparées dans le cadre de « l’état de préparation
permanent »
36
3.3.6 Les moyens matériels de faire face à une crise d’approvisionnement sont préparés dans
le cadre de « l’état de préparation permanent »
36
3.4 Exigences qualitatives concernant les mesures de réglementation 37
3.4.1 Les mesures de réglementation doivent être simples et très efficaces 37
3.4.2 Les mesures de réglementation doivent déployer leurs effets dans les temps requis 37
3.4.3 Faibles coûts administratifs (personnel, finances et matériel) 38
3.5 Les objectifs stratégiques en matière d’approvisionnement 38
3.5.1 Perspective générale d’approvisionnement 38
3.5.2 Approvisionnement réduit en fonction de priorités 38
3.5.3 Point d’intervention 39
3.5.4 Objectif stratégique primordial : approvisionner à 100 % le marché en biens vitaux,
pendant au moins 6 mois
39
3.5.5 Objectif stratégique secondaire : approvisionner le marché à un niveau réduit 40
3.6 Objectifs partiels : perspectives d’approvisionnement dans les divers domaines 40
3.6.1 Alimentation 40
3.6.2 Energie 41
3.6.2.1 Pétrole 41
a) carburants 42
b) combustibles 42
3.6.2.2 Electricité 43
3.6.2.3 Gaz naturel 43
3.6.2.4 Autres sources d’énergie 43
3.6.2.5 Eau potable 44
3.6.3 Produits thérapeutiques 44
3.6.4 Logistique, notamment les transports 45
3.6.4.1 Transports 45
3.6.4.2 Assurance des transports contre les risques de guerre 45
3.6.5 Industrie 46
3.6.6 Infrastructures de la communication et de l’information ICT 46
3.6.7 Travail 47
– 3 –
4 Moyens d’action de l’approvisionnement économique du pays 48
4.1 Préparatifs dans le cadre de « l’état de préparation permanent » 48
4.1.1 Analyser la situation 49
4.1.2 Préparer des mesures de réglementation 49
4.1.3 Constituer des stocks (réserves obligatoires) 50
4.1.4 Garantir les capacités de transport requises 50
4.1.5 Assurer les transports contre les risques de guerre 51
4.1.6 Garantir les infrastructures de communication et d’information 52
4.1.7 Coopération internationale 53
4.1.8 Organisations chargées de la mise en oeuvre 54
4.1.9 Information 55
4.2 Réglementation 55
4.2.1 Mesures visant à stimuler l’offre sur le marché 56
4.2.1.1 Libération de réserves obligatoires 56
4.2.1.2 Obligation de livrer 56
4.2.1.3 Stimuler les importations 57
4.2.1.4 Restreindre les exportations 57
4.2.1.5 Stimuler la constitution de réserves supplémentaires 57
4.2.1.6 Interdire l’accaparement 57
4.2.1.7 Reconvertir la production indigène 58
4.2.1.8 Substituer 58
4.2.2 Mesures visant à réduire la demande 59
4.2.2.1 Contingenter 59
4.2.2.2 Rationner 59
4.2.2.3 Délester 60
4.2.2.4 Restreindre voire interdire l’utilisation 61
4.2.3 Mesures visant à garantir des prestations de service 61
4.2.3.1 Garantir les moyens de transports 61
4.2.3.2 Garantir les voies d’acheminement 62
4.2.3.3 Octroyer une couverture contre les risques de guerre pour certains transports 62
4.2.3.4 Maintenir des infrastructures de communications et d’information 62
4.2.3.5 Garantir le trafic des paiements avec l’étranger 63
4.2.4 Mesures visant à protéger les consommateurs 63
4.2.4.1 en matière de prix 63
4.2.4.2 en matière d’information
63
5 Organisation de l’approvisionnement économique du pays 64
5.1 Approvisionnement de base et tâches liées aux infrastructures 64
5.2 Le système de milice, pilier de l’approvisionnement économique du pays 65
5.3 Organisation fédérale pour la mise en oeuvre 65
5.3.1 Confédération 65
5.3.2 Cantons 65
5.4 Organisations de l’économie privée appelées à prêter leur concours et organisations
d’entraide
66
5.4.1 Exécution de tâches relevant de la puissance publique 66
5.4.2 Organisations d’entraide de l’économie dans le secteur du stockage obligatoire 67
– 4 –
Annexe 69
– 5 –
Grandes lignes de la stratégie
de l’approvisionnement économique du pays
1) L’approvisionnement économique du pays concentre ses activités sur la maîtrise de pénuries
affectant à court et moyen termes l’approvisionnement en biens et services d’importance vitale.
Remarque : L’approvisionnement économique du pays se concentre sur la maîtrise des pénuries
d’approvisionnement, à court et moyen termes. Cela découle d’une analyse de risques
circonstanciée. Elle montre que, vu les structures actuelles de l’économie (stockage
réduit, dû aux flux tendus), il faut s’attendre à des perturbations de
l’approvisionnement plus fréquentes et plus soudaines dans certains domaines, ces
perturbations étant surtout de courte ou de moyenne durée. Les premières iront jusqu’à
six mois alors que les secondes pourront durer 18 mois environ.
Les risques que l’on peut détecter 5 à 10 ans à l’avance et ceux qui, à l’instar du réchauffement
climatique, n’auront qu’une incidence graduelle mais durable sur
l’approvisionnement ne sont pas du ressort de l’approvisionnement économique du
pays, ils relèvent d’autres sphères politiques.
2) L’objectif primordial est de garantir l’approvisionnement du marché en biens vitaux – exception
faite de l’énergie acheminée exclusivement par conduites – grâce à des mesures agissant sur
l’offre en prenant une période de référence appropriée et en visant, si possible, les 100 % (marché
approvisionné à 100 %). Ces mesures consistent principalement à :
a) libérer des réserves obligatoires,
b) stimuler les importations et
c) canaliser la production.
Pour atteindre cet objectif, on peut, le cas échéant, recourir à des mesures d’accompagnement
(interdire les exportations, certains usages).
Remarque : Pour contrer des pénuries survenant à l’improviste, le mieux est d’alimenter rapidement
le marché. Il faut alors recourir à des moyens simples, comme la libération de
réserves obligatoires. On évite par là un effondrement de l’offre avec ses conséquences
néfastes sur la conjoncture. Comme l’on ne s’attend qu’à des perturbations sectorielles
de l’approvisionnement, de courte ou moyenne durée, pas besoin en principe
– 6 –
d’agir sur la demande, lorsqu’on peut agir sur l’offre. L’électricité et le gaz, acheminés
par conduite, ne peuvent être facilement stockés ; ils constituent donc une exception,
dès lors que les mesures prises pour favoriser leur importation et une reconversion
de la production n’atteignent pas les objectifs requis.
Approvisionner à 100 %, cela ne signifie pas satisfaire la demande à 100 %, mais,
selon les circonstances, assurer l’approvisionnement à un niveau légèrement réduit,
correspondant à une période de référence comparable dans le passé. Ces mesures
n’entraînent, pour les consommateurs, aucune réduction significative de l’offre.
3) L’objectif est d’approvisionner le marché à 100 % pendant au moins 6 mois. Ensuite, il faut
s’attendre à ce que la population soit approvisionnée à un niveau inférieur.
Remarque : Vu les conditions actuelles sur les plans politique, économique et financier,
l’approvisionnement du marché en biens vitaux peut être assuré à 100 % dans les six
premiers mois d’une crise. Si l’approvisionnement ne revient pas à la normale pendant
cette période et si les circonstances le permettent, le marché demeurera, aussi
longtemps que possible, approvisionné à 100 % grâce aux mesures agissant sur
l’offre. Mais après 6 mois, il est clair que ce taux d’approvisionnement ne peut plus
être garanti.
4) Les mesures agissant sur la demande ont une priorité relative et n’entrent généralement en
ligne de compte que si les mesures agissant sur l’offre (libérer les réserves obligatoires, stimuler
les importations et opérer une reconversion de la production, cf. point 2) ne suffisent plus à assurer
un approvisionnement suffisant. C’est alors qu’on prendra des mesures pour réduire les
quantités vendues et consommées (contingentement, rationnement ou autres mesures similaires).
Remarque : Si, après 6 mois, la crise perdure au point que les mesures prises pour agir sur l’offre
ne suffisent plus à assurer l’approvisionnement du marché, on prendra des mesures
agissant sur la demande. Selon les principes de subsidiarité et de proportionnalité,
on n’instaurera d’abord, en règle générale, que des restrictions touchant la demande
au niveau des commerçants – par exemple un contingentement – et ce n’est qu’ensuite
que les restrictions affecteront directement le consommateur, via un rationnement individuel.
Si l’on n’atteint pas tout de suite l’objectif en libérant les réserves, stimulant les importations
et convertissant la production ou prenant des mesures de substitution, il
faut restreindre très tôt la demande, voire la consommation.
– 7 –
5) Pour atteindre ces objectifs d’approvisionnement, il est indispensable de conserver le volume
actuel des réserves obligatoires. On vérifiera, au cas par cas, s’il faut l’augmenter. L’assortiment
sera régulièrement adapté aux besoins – variables – en matière d’approvisionnement.
Remarque : Depuis la fin de la guerre froide, l’ampleur des réserves obligatoires a été fortement
réduite (pour les combustibles et carburants plus que 3 à 4 mois ½ de la consommation
normale, pour les denrées alimentaires 4 voire 3 mois). Elles ont ainsi atteint le
niveau minimum, permettant encore une gestion des stocks défendable du point de
vue économique. Mais comme l’industrie privée n’a pas ou quasiment plus de réserves
d’exploitation courantes, les stocks obligatoires ont aujourd’hui une importance
sensiblement accrue pour l’approvisionnement. Les objectifs en la matière ne pourraient
plus être atteints si les volumes des réserves obligatoires étaient encore réduits.
Il faut donc vérifier si l’on n’a pas franchi le seuil critique dans certains domaines
et opérer, le cas échéant, une correction à la hausse. Comme tant les risques
affectant l’approvisionnement que les besoins des consommateurs peuvent varier
avec le temps, il faut aussi régulièrement vérifier la composition de la palette de marchandises.
6) On garantit, par des mesures adéquates, les services vitaux dans les domaines transports et infrastructures
de l’information et de la communication ainsi que la fabrication de produits industriels
vitaux. Il s’agit, en priorité, de soutenir les domaines d’approvisionnement de base.
Remarque : Certains services absolument indispensables au fonctionnement de l’Etat, de
l’économie et la société sont considérés comme vitaux. A l’approvisionnement économique
du pays, les domaines transports et infrastructures de l’information et de la
communication préparent, de ce fait, les mesures nécessaires afin que ces secteurs
puissent remplir leur mandat, même en cas de pannes et de perturbations. Au premier
plan se situent les mesures pour canaliser et garantir l’approvisionnement ainsi que
pour mettre à disposition les moyens de transport (par ex. navires de haute mer), garantir
les voies d’acheminement, les infrastructures logistiques et les dispositifs de
communication ou le transport de marchandises dans l’intérêt du pays. En outre le
domaine industrie assure la fabrication de produits industriels « critiques » comme
certains emballages de biens vitaux.
Les domaines infrastructure soutiennent principalement les domaines de
l’approvisionnement de base et accessoirement d’autres secteurs économiques.
– 8 –
7) En cas de pénurie, on surveillera les prix des biens et services d’importance vitale afin de protéger
les consommateurs. S’il le faut, on édictera des prescriptions quant aux marges.
Remarque : L’expérience montre que les perturbations de l’approvisionnement et les pénuries
font monter les prix. Pour protéger les consommateurs contre des hausses de prix injustifiées
et pour contrer le risque d’inflation, on édictera des prescriptions limitant
les marges à un niveau raisonnable. Par contre, on renoncera à fixer des prix maxima
car on risquerait sinon de freiner l’activité commerciale et les importations, plus
que jamais indispensables.
8) L’approvisionnement économique du pays (AEP) garantit l’approvisionnement dans un
contexte international en
– assurant l’accès aux ressources et infrastructures d’approvisionnement à l’étranger,
– échangeant des informations et faisant des préparatifs avec d’autres pays pour assurer
l’approvisionnement et
– tenant compte de l’évolution de la situation à l’étranger lorsqu’il prend des mesures
de réglementation (restrictions).
Remarque : A l’heure de la mondialisation, la Suisse est plus que jamais interconnectée avec
l’étranger sur le plan économique. Située au bout de la chaîne d’approvisionnement,
elle ne peut plus se replier sur elle-même car elle risquerait d’être fort désavantagée
et, pire encore, de ne plus pouvoir importer de marchandises. Il est donc vital qu’elle
puisse accéder aux infrastructures étrangères (ports maritimes et autres installations
nécessaires à l’approvisionnement) et qu’elle ait le droit d’emprunter les voies de
transport d’autres pays.
Elle doit en outre tenir compte des développements à l’étranger lorsqu’elle prépare et
décrète des mesures concernant l’approvisionnement. Si, lors d’une pénurie générale,
elle soutient l’offre intérieure unilatéralement en approvisionnant son marché à
un niveau bien supérieur à ce que font ses voisins, elle risque d’attirer automatiquement
les consommateurs étrangers. Il est donc dans l’intérêt bien compris de la
Suisse d’échanger des informations avec ses voisins et de s’associer aux mesures prises
multilatéralement en matière d’approvisionnement. C’est pourquoi notre pays est,
aujourd’hui déjà, membre de l’Agence internationale de l’énergie et du Conseil de
partenariat euratlantique (partenariat pour la paix).
– 9 –
Stratégie
de l’approvisionnement économique du pays
(AEP)
Introduction
Si, dans les années 80, le législateur a défini de façon très large le mandat d’approvisionnement dans
la constitution fédérale, c’était pour deux raisons : la menace hégémonique lors de la guerre froide et
les expériences faites lors de la crise pétrolière de 1973. L’essentiel des préparatifs concrets relevait
clairement de la politique de défense économique et reposait sur des scénarios impliquant de fortes
et longues perturbations de l’approvisionnement. Avec la politique de détente qui a marqué les années
90, l’exposition aux risques a connu une mutation radicale. Notons qu’avec le changement
structurel simultané, dû à la mondialisation, à l’accroissement de la concurrence et à la volonté clairement
affirmée de réduire les coûts, cette évolution n’a fait que s’accélérer. Cela a une incidence sur
la politique suisse en matière d’approvisionnement qui veut recentrer son mandat en concentrant ses
forces sur la maîtrise des perturbations à court et moyen termes. Voici donc la stratégie de
l’approvisionnement économique du pays (AEP) pour les années à venir, compte tenu des derniers
développements. Elle a pour objet :
– d’analyser son mandat, constitutionnel comme légal ;
– d’évaluer la situation de la Suisse quant à sa politique d’approvisionnement, sur la base d’une
analyse des risques, et dans un contexte tant national qu’international ; puis, ceci fait,
– de formuler ses stratégies, globale et partielle, et
– de préparer en conséquence les mesures indispensables, sur les plans analytique, matériel et organisationnel.
– 10 –
1 Mandat de l’approvisionnement économique du pays (fondements)
1.1 Constitution et loi
1.1.1 Mandat constitutionnel
Selon le système juridique suisse, l’approvisionnement du pays en biens et services est
l’affaire de l’économie privée. C’est donc au secteur privé et en particulier aux entrepreneurs
qu’il incombe d’assurer, par leur activité et en vertu de la liberté d’entreprise,
l’approvisionnement quotidien de notre pays et par là sa prospérité.1 De son côté, l’Etat mène
sa politique économique en recourant à des mesures visant au même objectif. Ces deux éléments
constituent la base de l’ordre économique suisse, à la fois axé sur le marché et soucieux
de son engagement social. Le mandat constitutionnel, à savoir (assurer)
« l’approvisionnement du pays en biens et services de première nécessité » s’inscrit donc
dans le droit constitutionnel économique avec son volet social et fait ainsi partie intégrante de
la politique économique suisse.2
En l’occurrence, la politique d’approvisionnement du pays ne vise pas à garantir un approvisionnement
minimum de la population en lui apportant le minimum vital, en assurant pour
ainsi dire les premiers secours afin de la maintenir en vie, mais il s’agit aujourd’hui de
maintenir, lors d’une crise, la vie économique à un niveau réduit en garantissant les biens et
services vitaux.3 Commerçants, industriels, paysans et prestataires de services doivent, en cas
de pénurie d’approvisionnement, être mis en état de poursuivre leur activité afin de créer et
de garantir la prospérité. Les exploitations et les entreprises doivent continuer de tourner dans
l’intérêt de l’économie, bref pouvoir produire, importer et exporter.
La nouvelle constitution fédérale (Cst du 18 décembre 1998) reflète bien cette politique car la
disposition concernant l’approvisionnement économique du pays (AEP) s’y trouve à la section
7 du chapitre 2, intitulée « économie ». Notons que cela ne remonte pas seulement à la
révision de la constitution, puisque le droit constitutionnel antérieur avait déjà créé ce lien.4
Et si l’approvisionnement économique du pays rejoint parfois la politique de sécurité, cela ne
change rien. D’abord cela s’explique par l’expérience historique de la Suisse, pays neutre
1 Rudolf Probst : Landesversorgungsrecht in der Berner Festgabe zum Schweizerischen Juristentag 1979, p. 530
2 Message du 9 septembre 1981 relatif à une loi fédérale sur l’approvisionnement économique du pays (FF 1981 III 381) ;
voir aussi Probst : ouvrage cité p. 530 et suivantes ainsi que le rapport du Conseil fédéral du 7 juin 1999 sur la politique de
sécurité de la Suisse (SIPOL B 2000), point 6.5.1 (FF 1999 6956)
3 Message du 9 septembre 1981 relatif à une loi fédérale sur l’approvisionnement économique du pays (FF 1981 III 382) ;
Rapport sur la sécurité SIPOL B 2000, point 6.5.2 (FF 1999 6956)
4 Jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution fédérale, le 1er janvier 2000, l’approvisionnement du pays était
régi dans le cadre des dispositions économiques (art. 31bis, al. 3, let. e de l’ancienne constitution).
– 11 –
ayant connu une large autarcie pendant la seconde guerre mondiale, ce qui a marqué l’esprit
du public jusqu’à peu, à travers des expressions comme « économie de guerre » ou « défense
nationale économique ». Mais l’association automatique à la politique de sécurité repose
aussi sur le fait que, jusqu’à la fin de la guerre froide, les graves perturbations de
l’approvisionnement dues à des menaces d’hégémonie ou de guerre étaient au coeur des préoccupations
justifiant l’application du droit de l’approvisionnement économique.5 Malgré cela,
le législateur a eu raison de ne pas incorporer l’AEP à la deuxième section de la constitution
intitulée « sécurité, défense nationale, protection civile ». Il s’agit en effet d’assurer
que la population et l’économie privée soient ravitaillées en biens et services d’importance
vitale6 et ce, quelle que soit l’origine de la perturbation du marché (risques hégémoniques ou
événements n’ayant rien à voir avec la politique : mauvaises récoltes, grèves, boycottage,
etc.).
Dans les années 70, on réalisa – la crise pétrolière de 1973 liée au conflit du Proche-Orient
servant alors de catalyseur – que l’approvisionnement du pays en biens et services vitaux
pouvait être menacé par des événements non liés à une guerre en Europe et qu’il fallait donc
concevoir une politique d’approvisionnement dans un cadre plus large.7 Cela fut fait lors de
la révision partielle de la constitution en 19808, dans la mesure où le mandat de l’AEP a été
étendu à d’autres situations, à savoir « une grave pénurie à laquelle l’économie n’est pas en
mesure de remédier par ses propres moyens ». On est ainsi sorti du cadre d’application traditionnel,
la politique de sécurité et de défense.9 Cette ouverture offre aujourd’hui à l’AEP une
grande souplesse pour remplir son mandat, ce qui lui permet de tenir suffisamment compte
d’un contexte politico-économique en pleine mutation. Le droit d’intervenir dans un cadre
plus large que celui des simples scénarios de défense, met encore plus en évidence la substance
sociale de l’AEP.10
5 Probst ouvrage cité, p. 538
6 Art. 102 CF : « 1 La Confédération assure l’approvisionnement du pays en biens et services de première nécessité afin
de pouvoir faire face à une menace de guerre, à une autre manifestation de force ou à une grave pénurie
à laquelle l’économie n’est pas en mesure de remédier par ses propres moyens. Elle prend des mesures
préventives.
2 Elle peut, au besoin, déroger au principe de la liberté économique. »
7 Message du 6 septembre 1978 à l’appui d’un arrêté fédéral concernant la nouvelle réglementation de l’approvisionnement
du pays (FF 1978 II 703 et suivantes) ; voir en particulier les divers problèmes d’approvisionnement mentionnés,
non liés à une menace de guerre.
8 AF du 22 juin 1979 (FF 1979 II 407, 1980 II 200)
9 Urs Kaufmann / Michael Eichmann, Die wirtschaftliche Landesversorgung im Rahmen der schweizerischen Sicherheitspolitik
in «Neues Handbuch der schweizerischen Aussenpolitik», Berne, 1992, p. 624
10 Message du 9 septembre 1981 relatif à une loi fédérale sur l’approvisionnement économique du pays (FF 1981 III
382)
– 12 –
Depuis la fin du bipolarisme géopolitique, la politique d’approvisionnement a recentré ses
priorités, renforcée par certaines évolutions économiques comme la mondialisation et la réduction
massive des réserves (flux tendus), due à la concurrence internationale accrue, accompagnée
d’un boom du secteur des services, et se concentre désormais sur le scénario de
graves pénuries. Les mesures de la défense économique du pays ont ainsi été reléguées à
l’arrière-plan. Certes, on les exclut pas, mais on considère comme peu probable que l’AEP
doive y recourir.11
1.1.2 Concrétisation du mandat constitutionnel par la loi sur l’approvisionnement du pays
Le législateur a concrétisé le mandat constitutionnel dans la loi fédérale du 8 octobre 1982
sur l’approvisionnement économique du pays (LAP)12. Dans la logique du début des années
1980 en matière de politique de sécurité, cette loi prévoit d’une part des mesures de « défense
nationale économique » – qui émanent soit de « l’état de préparation permanent » soit d’une
« aggravation de la menace» – et d’autre part des « mesures contre les graves pénuries dues
à des perturbations des marchés ».
Les mesures relevant de « l’état de préparation permanent » consistent exclusivement à planifier
et préparer.13 Elles constituent le fondement des mesures de réglementation (restrictions)
en cas de menace accrue comme lors de graves pénuries.14 Les deux types de mesures
de réglementation sont largement identiques quant à leur contenu et ne se distinguent que par
leur étendue et leur intensité. Alors que les perturbations de l’approvisionnement dues à des
menaces hégémoniques présentent un plus large spectre, comme l’expérience le montre, ce
qui exige des compétences accrues (art. 23 à 25 LAP), celles dues à une grave pénurie se caractérisent
plutôt par des problèmes sectoriels, que l’on peut résoudre en recourant à une panoplie
plus réduite (art. 26 à 28 LAP).
Etant donné la coopération internationale accrue pour assurer l’approvisionnement, le législateur
a récemment octroyé au Conseil fédéral une compétence supplémentaire, celle de
prendre des mesures de réglementation en vertu des articles 23 et 24, voire 26 à 28 LAP,
même si les conditions légales d’une pénurie ne sont pas encore remplies en Suisse, dès lors
que notre pays est tenu, par des accords internationaux, de réduire sa consommation ou libé-
11 Rapport sur la sécurité SIPOL B 2000, point 6.5.1 (FF 1999 6956)
12 RS 531
13 Cela comprend en particulier l’élaboration de plan de réglementation, la gestion des réserves obligatoires ou la mise à
disposition de navires de haute mer.
14 Message du 4 octobre 1999 relatif à la loi fédérale sur l’abrogation de la loi sur le blé et à la modification de la loi sur
l’approvisionnement du pays; FF 1999 8624
– 13 –
rer des réserves (art. 52a LAP).15 Cette extension s’explique par les engagements pris par la
Suisse en tant que membre de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).16 Comme la coopération
internationale ne cesse de se développer, cette compétence n’est pas limitée aux engagements
envers l’AIE. Elle pourrait entrer en jeu, le cas échéant, en vertu d’autres accords internationaux.
1.1.3 Limites du mandat constitutionnel et légal
La constitution et la législation fixent, explicitement et implicitement, des limites étroites à
l’AEP quant à son droit de prendre des mesures lors d’une crise. La constitution permet certes
de déroger, au besoin, au principe de la liberté économique.17 Cela suppose toutefois – ce
qui est souligné par l’expression « au besoin » – qu’on ne peut arriver par d’autres moyens à
assurer l’approvisionnement, et qu’on est, de ce fait, en présence d’une pénurie.
L’AEP ne peut intervenir que s’il règne une pénurie de biens et services d’importance vitale.
Mais comme l’approvisionnement du marché relève de l’économie privée, la constitution
pose une seconde condition : il faut que les acteurs du marché ne soient pas en mesure de remédier
à cette pénurie par leurs propres moyens. Cela signifie que l’intervention de l’Etat,
dans le secteur de l’AEP, est soumise au principe de subsidiarité18, en d’autres termes, toute
intervention dans le mécanisme du marché n’est autorisée qu’à titre subsidiaire, selon les
principes généraux de la proportionnalité et de l’opportunité.
Les inventions de l’Etat ne sont, en outre, autorisées qu’en cas de pénurie grave. Ce concept
étant vague sur le plan juridique, il faut l’interpréter : selon la volonté du législateur, le
Conseil fédéral se réserve le droit de fixer le seuil d’intervention, selon les principes généraux
du droit.19 Mais ce seuil ne peut être fixé arbitrairement, il faut que l’approvisionnement
soit fortement perturbé. Ce seuil sera atteint, par exemple, dès lors qu’un problème
d’approvisionnement ne se fera pas seulement sentir dans certaines entreprises et que les acteurs
du marché ne pourront plus compenser un déséquilibre régional. De nos jours, le seuil
d’intervention est toutefois nettement inférieur – vu le bas niveau des stocks – à celui qui
15 Message du 4 octobre 1999 relatif à la loi fédérale sur l’abrogation de la loi sur le blé et à la modification de la loi sur
l’approvisionnement du pays ; FF 1999 8625
16 Accord du 18 novembre 1974 relatif à un programme international de l’énergie (RS 0.730.1) AF du 12 mars 1975 (RO
1976 621)
17 Art. 102, al. 2 Cst. La liberté économique recouvre ce qu’on appelait « liberté du commerce et de l’industrie ».
18 Fritz Gygi, Wirtschaftsverfassungsrecht, Berne 1981, p. 122 ; Probst ouvrage cité p. 544
19 art. 52, al. 1 LAP ; voir aussi le point 3.5.3
– 14 –
prévalait à l’époque de la guerre froide, où tout prélèvement dans les réserves obligatoires
était considéré comme une mesure de dernier recours.
Notons qu’une grave pénurie dans notre pays pourrait ne plus être la seule condition requise
pour une intervention : vu ses engagements internationaux, notre pays pourrait agir suite à la
décision d’une organisation supranationale.20 Ainsi, la Suisse pourrait être tenue, sur décision
de l’AIE et au nom de la solidarité envers d’autres pays membres, de prendre des mesures de
réglementation pour approvisionner en pétrole les pays touchés.21
Il en ressort que les interventions de l’Etat doivent toujours être limitées dans le temps et ne
peuvent durer que tant que la pénurie sévit ou que l’économie privée ne peut y remédier par
elle-même.
La principale question est, en fin de compte, celle de l’étendue de l’intervention. La portée
d’une mesure de réglementation découle surtout de la gravité de la crise, ce qui ne signifie
pas automatiquement que le mandat constitutionnel obligerait la Confédération à combler à
100 % toute insuffisance de l’offre. Il serait absurde d’exiger cela de l’Etat. La Confédération
serait dépassée car les crises d’approvisionnement ont le plus souvent des dimensions internationales,
auxquelles la Suisse pourrait difficilement échapper en faisant cavalier seul. Mais
surtout, cela entraînerait des préparatifs disproportionnés, et en particulier une politique de
stockage surdimensionnée qui, tout en coûtant une fortune, resterait aléatoire face à des exigences
exagérées. Enfin, on risquerait, ce faisant, de mener une politique structurelle par le
biais de l’AEP, ce qui n’est aucunement couvert par le mandat constitutionnel.22
L’objectif de la politique d’AEP doit donc être d’assurer les besoins fondamentaux de la population
et, en outre, de maintenir la vie économique lors d’une crise en garantissant des
biens et services vitaux à un coût supportable. Dans son rapport 2000 sur la politique de sécurité,
le Conseil fédéral a fixé comme suit le cadre de la politique d’approvisionnement :
« Au moyen d’interventions ciblées, il (l’Etat) crée les conditions de base qui permettront à
l’économie d’assurer un approvisionnement réduit aussi équilibré que possible. Il s’agit
d’éviter les déséquilibres économiques et les tensions sociales. » 23
20 art. 52a LAP ; voir aussi les explications des points 1.2.5 et 3.2.6
21 Le plan d’urgence de l’AIE peut être activé, en tout temps, par son directeur exécutif. Il prévoit que les Etats membres
empêchent autant que possible ou tout du moins réduisent, par une action collective et solidaire, les incidences négatives
d’une perturbation de l’approvisionnement. Chaque membre s’engage à agir, mais il est libre de choisir la forme de sa
contribution. Voir aussi la note n° 66 du point 3.6.2.1.
22 Message du 9 septembre 1981 relatif à une loi fédérale sur l’approvisionnement économique du pays (FF 1981 III
382)
23 Rapport sur la politique de sécurité SIPOL B 2000, point 6.5.2 (FF 1999 6956)
– 15 –
1.2 Principes régissant l’approvisionnement économique du pays
Le mandat constitutionnel, le mandat légal et les limites qu’ils définissent font ressortir les
principes qui déterminent l’action de l’AEP : ils sont soit généraux (légalité, proportionnalité
et opportunité), soit plus spécifiques.
1.2.1 Primauté de l’économie privée
L’AEP est une institution qui se caractérise par un système unique en son genre, où secteurs
privé et public collaborent. En l’occurrence, le législateur accorde à l’économie une responsabilité
primaire en matière d’approvisionnement du pays en biens et services d’importance
vitale. Elle assume cette responsabilité non seulement en temps normal, mais aussi en cas de
crise.24
1.2.2 Subsidiarité de l’action étatique
Conséquence du principe de la primauté de l’économie, l’Etat n’a qu’un rôle subsidiaire à
jouer : tant que le secteur privé peut assurer lui-même l’approvisionnement, l’Etat n’a pas à
agir. Même lorsqu’il doit intervenir dans le mécanisme économique, il n’assume cette responsabilité
que dans la mesure où il le faut pour rétablir un approvisionnement si possible
équilibré, à un niveau réduit. Le principe de subsidiarité signifie enfin que l’Etat, en intervenant,
ne se substitue pas à l’économie privée, mais crée seulement les conditions nécessaires
pour qu’elle continue de remplir son mandat d’approvisionnement.25
1.2.3 Efficacité et rentabilité
En choisissant les moyens de remplir le mandat constitutionnel, il faut toujours se poser – et
cela découle du principe de subsidiarité – la question de l’efficacité, qui doit être axée sur
l’objectif fixé par la constitution et par la loi. Il doit y avoir une adéquation optimale entre le
but visé et les moyens choisis. Cela vaut aussi pour la rentabilité qui doit permettre de quantifier
le principe d’efficacité. Il doit y avoir une adéquation optimale entre les ressources investies
et les avantages tirés, entre les coûts et les résultats obtenus.26
1.2.4 Système de milice
Le mode particulier de coopération entre l’économie et l’Etat dans le secteur de
l’approvisionnement du pays se reflète, sur le plan organisationnel, dans le système de mi-
24 Message du 9 septembre 1981 relatif à une loi fédérale sur l’approvisionnement économique du pays (FF 1981 III
381) ; rapport sur la sécurité SIPOL B 2000, point 6.5.1 (FF 1999 6956)
25 Message du 6 septembre 1978 à l’appui d’un arrêté fédéral concernant la nouvelle réglementation de l’approvisionnement
du pays (FF 1978 II 714 et suivante)
26 Rudolf Probst ouvrage cité, p. 543
– 16 –
lice. C’est aussi une conséquence directe du principe de subsidiarité selon lequel l’Etat attribue
en premier lieu à l’économie et à ses représentants la responsabilité de maîtriser les crises
d’approvisionnement. Pour exécuter cette tâche, il met simplement les structures organisationnelles
à disposition et accorde aux organes directeurs des compétences relevant de la
puissance publique. A la tête de cette organisation se trouve le délégué à l’approvisionnement
économique du pays, une personnalité issue de l’économie privée qui assume cette fonction à
temps partiel.27 Il dirige toute l’organisation de l’AEP, sous la responsabilité politique du
Conseil fédéral et du département fédéral de l’économie.28
1.2.5 Coopération avec l’étranger
Les moyens d’action dont dispose l’AEP sont conçus pour déployer leurs effets à l’intérieur
du pays. Il exécute donc une tâche nationale classique, mais où les paramètres à prendre en
considération se situent presque tous hors de Suisse.29 En tant que pays enclavé, sans base
alimentaire suffisante, sans matières premières et sans ressources énergétiques – hormis
l’électricité et le bois de chauffage – mais avec un puissant secteur industriel et un secteur
des services forcement axé sur l’international, la Suisse est très dépendante de l’étranger pour
son approvisionnement. Suite à la concurrence internationale accrue, due à la mondialisation
des marchés, cette tendance s’est encore nettement renforcée ces dernières années. Si la coopération
internationale au niveau de l’approvisionnement en pétrole s’est concrétisée dès les
années 70 dans le cadre de l’AIE30, le législateur a créé, en édictant l’article 52a LAP, une
base légale ouvrant de nouvelles possibilités de coopérer pour assurer l’approvisionnement.
Depuis, la Suisse participe au Conseil de partenariat euratlantique (partenariat pour la paix) :
ce forum intéressant permet de coopérer en matière d’approvisionnement, ne serait-ce qu’en
échangeant des informations.31
27 Leo Schürmann, Wirtschaftsverwaltungsrecht, 3. Aufl. 1994, p. 260
28 Message du 4 octobre 1999 relatif à la loi fédérale sur l’abrogation de la loi sur le blé et à la modification de la loi sur
l’approvisionnement du pays quant à la nouvelle formulation de l’art. 53, al. 1, LAP ; FF 1999 8626
29 Kaufmann / Eichmann, ouvrage cité, p.626
30 Accord du 18 novembre 1974 relatif à un programme international de l’énergie (RS 0.730.1), AF du 12 mars 1975
(RO 1976 621)
31 Voir à cet effet le chiffre 22 du message du 4 octobre 1999 relatif à la loi fédérale sur l’abrogation de la loi sur le blé
et à la modification de la loi sur l’approvisionnement du pays (FF 1999 8620)
– 17 –
2 Evaluation des risques
Depuis que le Conseil fédéral et le Parlement ont adopté le rapport 2000 sur la politique de
sécurité32, les faits montrent clairement que ce dernier n’a rien perdu de son actualité.
L’approvisionnement économique du pays (AEP) s’en tient donc à cette évaluation générale
et consacre son analyse aux risques et dangers auxquels il est particulièrement exposé. Tout
ce que le rapport 2000 retient sur les menaces et dangers peut être intégralement repris dans
l’évaluation des risques faite par l’AEP. L’éventail a trois caractéristiques « dynamique,
complexité et importance réduite de l’espace géographique ».33
2.1 Risques et dangers politiques compromettant la sécurité de l’approvisionnement
économique
2.1.1 Sécurité en Europe
Depuis la fin de la guerre froide, la situation s’est stabilisée, malgré quelques revers, au point
qu’on a relégué à l’arrière-plan, et pour plusieurs années, l’éventualité d’une menace militaire
directe en Europe et donc pour la Suisse. Le mérite en revient essentiellement à la volonté
d’intégration de l’UE et de l’OTAN ainsi que de l’OSCE. De ce fait, les pays d’Europe
de l’Est avancent sur la voie d’une communauté de valeurs démocratiques, censée garantir la
paix en Europe. Certes, après la disparition des régimes autoritaires dans les pays de l’Est,
des tensions remontent régulièrement à la surface, constituant, vu le manque de traditions
démocratiques, un obstacle sur la voie menant à une communauté d’Etats vraiment pacifiques.
Bien que ce processus ne soit pas encore terminé, aucune menace militaire pour
l’Europe n’émane de ces Etats. Les dangers qui couvent proviennent plutôt de la politique intérieure
ou économique pratiquée par ces pays qui n’ont pas encore trouvé un équilibre politique,
handicapés qu’ils sont par un héritage encombrant. Ils constituent donc encore un certain
facteur d’instabilité. L’immigration illégale vers l’Europe de l’Ouest et la criminalité
organisée en sont les conséquences.
Cette situation n’est pas dépourvue de risques car elle fragilise l’approvisionnement en Europe
dans les années à venir, pour 3 raisons : premièrement les fournitures vitales d’énergie
et de matières premières provenant de l’Europe de l’Est peuvent être interrompues, deuxièmement
le transit par ces pays peut être stoppé, troisièmement ces pays pourraient décrocher,
alors qu’ils sont devenus des sites de production grâce à leur bas niveau salarial et qu’ils ont
32 Rapport sur la sécurité SIPOL B 2000, chapitre 3 (FF 1999 6911)
33 Rapport sur la sécurité SIPOL B 2000, point 3.1 (FF 1999 6911)
– 18 –
pu, de ce fait, être solidement intégrés dans la chaîne de production des entreprises situées
dans d’autres pays, dont la Suisse.
2.1.2 Sécurité hors d’Europe
Hors d’Europe, au Moyen et en Extrême Orient, sur le sous-continent indien, en Amérique
du Sud et en Afrique, des tensions ethniques, religieuses ou sociales entraînent des risques et
des menaces (guerres civiles et conflits régionaux) qui n’excluent pas le recours à des armes
de destruction massive. Cela entraîne une forte instabilité dans les régions concernées et, souvent,
non seulement cela entrave la prospérité économique mais implique de gros risques
pour les échanges internationaux de marchandises et plus concrètement l’approvisionnement
en matières premières, énergie et denrées alimentaires. Si la situation s’aggrave, l’économie
mondiale réagit le plus souvent très mal : cela se traduit immédiatement par des effondrements
en Bourse, une raréfaction de certains biens et services – en particulier dans les transports
– et d’énormes hausses de prix.
2.1.3 Terrorisme à l’échelle mondiale et extrémisme violent
Le terrorisme et l’extrémisme violent, souvent nourris par le fondamentalisme et le fanatisme
religieux, constituent un danger particulier qui se propage de nos jours à l’échelle mondiale.
Les réseaux terroristes opèrent sur la scène internationale, profitent des techniques modernes
et abusent d’une liberté économique et d’une liberté de mouvement quasi illimitées dans les
sociétés libérales. Ainsi ces réseaux sont difficiles à appréhender et réussissent, par des coups
ciblés et spectaculaires, non seulement à ébranler les fondements politiques des démocraties
occidentales mais encore et surtout à désorienter les milieux économiques et à causer de graves
dégâts aux infrastructures névralgiques que sont les installations de circulation, de communication
et de gestion ou à d’autres centres vitaux de l’économie.
2.1.4 Restrictions à la liberté des échanges et pressions économiques
Les pressions économiques exercées pour atteindre des objectifs économiques, politiques ou
militaires font partie de la panoplie standard dans le domaine politique.34 Tous les efforts de
libéralisation entrepris dans le cadre de l’OMC (organisation mondiale du commerce) ou de
l’OCDE, n’ont guère changé la donne, bien que l’objectif de ces organisations internationales
soit justement de supprimer les barrières commerciales. La palette de ces mesures est large :
interdictions d’importer et d’exporter, restrictions et discriminations au niveau de la libre circulation
des personnes, des marchandises et des services, boycottage de certains secteurs
34 Rapport sur la sécurité SIPOL B 2000, point 3.1.4 (FF 1999 6913)
– 19 –
économiques, etc. Ces mesures sont prises par des Etats, à titre individuel ou collectif. Si des
pays tentent, pour des raisons de politique intérieure, de sauvegarder unilatéralement leur
économie par des mesures protectionnistes, cela peut entraîner des problèmes au niveau de
l’approvisionnement et du développement économique. Récemment les Etats-Unis et l’Union
européenne ont pris plusieurs fois des mesures de ce genre. Mais l’ONU aussi recourt régulièrement
à des sanctions économiques pour imposer une politique de paix et le droit international.
L’histoire montre que les sanctions économiques sont une arme à double tranchant :
elles suscitent régulièrement des mesures de rétorsion et ne font trop souvent qu’aggraver la
situation, avec toutes les incidences qu’une surenchère implique pour l’économie.
Ces incidences peuvent être graves et affecter fortement l’économie d’un pays, dans certains
secteurs ou dans sa globalité. En outre, elles peuvent toucher indirectement des pays tiers, ce
qui n’est évidemment pas l’objectif déclaré de ces mesures.
2.2 Risques structurels généraux
Si la menace militaire s’est largement atténuée alors que, pendant des années, elle constituait
le principal danger (et le plus probable), cela ne veut pas dire que les risques ont disparu pour
notre approvisionnement. D’autres causes, qui existaient de façon latente, mais étaient occultées
par le danger militaire, deviennent de plus en plus visibles dans un contexte politicoéconomique
radicalement nouveau et montrent clairement à quel point nos structures
d’approvisionnement sont vulnérables.
La mondialisation des marchés, qui a pris une dimension inégalée après l’ouverture du bloc
de l’Est, entraîne un réaménagement des structures économiques, l’économie nationale perdant,
à vue d’oeil, de son autonomie. Aucun pays (et pratiquement aucune entreprise) ne peut
se soustraire à ce processus car il risquerait de perdre en compétitivité, avec toutes les incidences
fatales que cela implique pour l’économie nationale.
L’intensification de la concurrence internationale renforce la pression sur les coûts dans les
entreprises. Pour sauvegarder leur compétitivité, elles prennent toutes les mesures imaginables,
dont la pratique des flux tendus au niveau des stocks, devenus trop onéreux. Ainsi, la
baisse des coûts de fabrication a entraîné une division internationale du travail selon laquelle
les diverses étapes d’élaboration d’un produit ont lieu dans des sites dispersés sur toute la
planète, à savoir là où les coûts globaux sont les plus bas. Il est alors capital que les diverses
étapes de production puissent s’enchaîner sans heurt. Mais cet effort de compétitivité a un
corollaire : on évite aujourd’hui, dans la mesure du possible, tout stockage dans la plupart des
– 20 –
secteurs. Les réserves immobilisent en effet beaucoup de capitaux et renchérissent la production,
ce qui entraîne une baisse de compétitivité.
La mondialisation a une autre facette, à savoir le processus de concentration qui s’accentue
dans certaines branches, où ne subsistent que quelques grands groupes industriels. En regroupant
les ressources (recherche, production, commercialisation et utilisation des capitaux),
on aspire à accroître l’efficacité et la compétitivité, gages de réussite économique.
Mais les tendances monopolistiques ne font pas que renforcer le risque d’éliminer toute
concurrence, elles accroissent les risques pour l’approvisionnement. Si un gros fournisseur de
biens vitaux fait défaut, cela peut perturber fortement l’offre sur le marché car la concurrence
(ou ce qu’il en reste) ne parviendra pas forcément à combler cette niche en temps utile.
La mondialisation des marchés et la stratégie visant à préserver la compétitivité exigent en
outre, plus que jamais, un secteur des services hautement efficace, en particulier au niveau de
la logistique, des transports, de la communication, des banques et des assurances. Sans ces
services et structures, impossible d’affronter la concurrence dans une économie mondialisée
et d’assurer ainsi une prospérité à large échelle.
L’interaction de toutes les forces économiques est, dans la concurrence mondiale, une réalisation
très complexe et donc fragile. Un tel système ne s’accommode ni de l’erreur, ni de perturbations
du genre crises, catastrophes, guerres ou ingérences politiques. De nos jours, toute
entorse à des processus économiques bien rodés entraînera, bien plus vite qu’avant, des crises
économiques, des pénuries et une perte de compétitivité. Cela concerne tout particulièrement
la Suisse, pays sans façade maritime, qui manque largement de matières premières et partiellement
de base alimentaire et ne peut combler ce déficit qu’en offrant d’excellents services et
en exportant des produits industriels à haute valeur ajoutée. Toute perturbation des importations
et des voies d’acheminement affecte un pays en bout de chaîne d’approvisionnement
bien plus vite et plus durement que les Etats n’ayant pas à pâtir de ces inconvénients.
2.3 Risques démographiques, climatiques, écologiques et épuisement de ressources
2.3.1 Surpopulation
La population mondiale continue de croître, malgré un net recul du taux de fécondité. On
s’attend à ce qu’en 2025, la terre comptera 8 milliards d’habitants.35 Une surpopulation
croissante, surtout dans les pays du tiers monde, entraîne une hausse du chômage, de
l’analphabétisme, de la paupérisation et de la famine, une multiplication des bidonvilles et
35 Rapport sur la sécurité SIPOL B 2000, point 3.1.9 (FF 1999 6919)
– 21 –
des destructions de l’environnement. Pour fournir aux humains et aux animaux les aliments
et l’énergie – le bois étant souvent la seule source disponible – dont ils ont besoin, on exploite
la nature sans ménagement, de sorte que les terres agricoles et les zones vertes naturelles
sont érodées, cédant rapidement le pas à la désertification. Cela entraîne simultanément
une perte d’eau potable, si précieuse. Si l’on en trouve encore, elle est souvent contaminée ou
polluée à cause des bidonvilles ou des destructions de l’environnement. Cette évolution entraîne
de plus en plus un combat pour la survie, lorsqu’il s’agit de trouver aliments, fourrage
et eau véritablement potable. Dans diverses régions du globe, ces bases vitales ne se trouvent
plus, et depuis longtemps, en quantité suffisante. Cela nourrit l’instabilité politique, économique
et sociale, augmentant la pression migratoire sur les Etats industrialisés (surtout dans
l’hémisphère Nord), qui n’arrivent pas à endiguer cet afflux. Cette évolution fatale aura, à
long terme, une incidence sur l’approvisionnement de pays jouissant actuellement d’une
abondance de biens : on assistera alors à une lutte pour les répartir. A court et moyen termes,
ce sont surtout leur approvisionnement et les échanges internationaux de marchandises qui
peuvent être entravés par des guerres civiles, des troubles sociaux et des conflits régionaux.
2.3.2 Changements climatiques
Par ailleurs, le changement du climat à l’échelle mondiale jouera un plus grand rôle sur
l’approvisionnement en denrées alimentaires, fourrages et en eau potable. Le réchauffement
de l’atmosphère fait fondre la calotte polaire et les glaciers, ce qui rehausse le niveau des
mers. Les conséquences sont d’une part, une fréquence et une violence accrues des tempêtes
et inondations, causant des dommages fatals à l’habitat et aux cultures et d’autre part, une
propagation de la sécheresse due à une érosion accrue des sols et une avancée inexorable des
déserts. Ainsi, alors que la population mondiale continuera d’augmenter, les mauvaises récoltes
seront plus fréquentes, les surfaces de production vont disparaître et les réserves d’eau
potable fortement diminuer, entraînant une dégradation croissante des conditions
d’approvisionnement pour toute la population de notre planète. A court et à moyen termes,
cette évolution augmentera le risque de tensions politiques dans les régions concernées. Mais
on ne peut exclure, d’ores et déjà, des raréfactions passagères sur les marchés.
2.3.3 Catastrophes anthropiques
Les catastrophes anthropiques ont une incidence importante sur l’approvisionnement car on
ne peut plus les maîtriser avec des structures et moyens standard. Des irradiations à grande
échelle ainsi que des pollutions biologiques ou chimiques peuvent compromettre durablement
les bases vitales de régions entières. Ces dangers proviennent notamment de centrales
– 22 –
nucléaires en piteux état ou de l’arsenal nucléaire des anciennes républiques soviétiques.
Mais on ne peut jamais exclure totalement des accidents lourds de conséquences dans les
pays hautement technicisés du globe. En cas de fuite radioactive surtout, les sites industriels
ne sont, souvent, pas les seuls à être directement touchés, mais toutes les régions environnantes,
comme l’a montré la catastrophe survenue à la centrale nucléaire de Tchernobyl.
Une pollution ou une contamination des sols et des eaux, hors du périmètre immédiat, apparaît
le plus souvent de façon inopinée et entraîne, dans les régions concernées, une perte des
surfaces cultivées et de l’eau potable, parfois sur une longue période, suivant l’intensité de
l’évènement. En outre, les infrastructures peuvent être touchées par les conséquences
d’évènements de ce genre. L’offre de denrées alimentaires, et parfois, d’autres biens et services
peut alors se raréfier immédiatement et la production alimentaire de la zone concernée
est alors paralysée pour longtemps.
2.3.4 Epuisement de ressources
Dans certaines régions, l’exploitation forcenée des matières premières et du pétrole entraîne
un épuisement des ressources. Dans le cas du charbon, du fer, des métaux ou d’autres substances
chimiques, la situation n’est pas alarmante dans la mesure où, vu la présence de gisements
de substitution, l’approvisionnement semble assuré dans les années à venir. Mais, à
court et moyen termes, on ne peut exclure des pénuries provisoires de tel ou tel produit, si
l’exploitation a lieu dans des régions politiquement instables ou si l’on ne trouve pas immédiatement
un gisement adéquat pour remplacer le filon épuisé.
En revanche, les gisements de pétrole touchent à leur fin dans certaines régions, par exemple
aux Etats-Unis. Certes, la demande peut actuellement être satisfaite grâce à de nouveaux forages,
mais la production sera techniquement de plus en plus ardue, ce qui augmentera fortement
le prix du brut. Les pronostics divergent quant aux réserves mondiales de pétrole, les
chiffres étant régulièrement corrigés vers le haut. Cependant les experts s’accordent à pronostiquer
l’épuisement graduel de ces réserves. Mais on n’a pas trouvé, pour l’instant, de véritable
substitut à cette importante source d’énergie, alors que sa demande augmentera, vu
l’industrialisation et le relèvement du niveau de vie dans les pays en développement et les
pays émergents. Il faut donc prévoir, à long terme, une raréfaction du pétrole sur le marché.
Les années à venir promettent de rudes batailles, chaque pays étant soucieux d’assurer son
approvisionnement en or noir.
– 23 –
2.4 Risques pour la santé
La forte densité de la population et sa mobilité croissante accentuent nettement le risque
d’épidémies grippales ou autres, comme tout récemment le SRAS. Les viraux grippaux ont la
propriété de modifier périodiquement leur information génétique. Ils réapparaissent régulièrement
sous forme de nouvelle variante, rendant inefficace l’immunité préalablement acquise
grâce à un vaccin ou à la suite d’une maladie. Les nouveaux sous-types de virus grippaux A,
en provenance d’Extrême-Orient, sont particulièrement dangereux36. Vu l’imprévisibilité de
leur apparition et la virulence des nouveaux types de virus grippaux, l’Organisation mondiale
de la santé (OMS) a incité ses membres à une vigilance accrue. Lors d’une forte épidémie
grippale, on s’attend, en Suisse, à voir jusqu’à 2 millions de personnes touchées, dont 6 %
(soit 120 000 individus) souffrant de pneumonie bactérienne. Toutefois, les réserves de médicaments
spécifiques disponibles37 ne suffiraient dans aucun pays à endiguer une épidémie
foudroyante. Par ailleurs, lorsque cette vague se précise, on ne peut s’attendre à ce que les
vaccins soient rapidement disponibles, vu que la fabrication d’un vaccin spécifique en quantité
requise requiert 6 à 8 mois.
Récemment, on a plusieurs fois évoqué le risque que des terroristes recourent à des agents
pathogènes (bacilles de la maladie du charbon, virus de la variole ou bacille de la peste) en
tant qu’armes biologiques. Dans un tel cas, il faut s’attendre à une propagation épidémique
des maladies, alors que les médicaments aptes à les combattre n’existent, actuellement, pas
en quantité suffisante à l’échelle mondiale.
Ce qui vient d’être énoncé au niveau des humains peut être transposé à la médecine vétérinaire.
Les animaux domestiques sont autant exposés aux épizooties foudroyantes que les humains
aux ravages des épidémies. Il faut, là aussi, utiliser d’énormes quantités de médicaments,
notamment des antibiotiques, et dans ce cas aussi, les stocks de produits thérapeutiques
disponibles ne suffiraient pas à combattre des épizooties à large échelle.
Dans la branche pharmaceutique, pour diverses raisons (coûts, etc.), on a assisté à une
concentration inégalée de la production : une poignée de fabricants détient l’essentiel du
marché. Nous dépendons donc fortement de ces fabricants, ce qui accroît les risques pour
l’approvisionnement dans ce secteur. Si, pour des raisons de rentabilité, une société cesse de
36 Rappelons l’épidémie grippale survenue à Hongkong en 1997 et provenant des marchés à la volaille : pour éviter sa
propagation,
il a fallu abattre 1,5 million de volatiles. Le danger de ce virus est
prouvé par le fait que sur 20 patients touchés,
six en sont morts.
37 Les inhibiteurs par dissociation ou de neuraminidase constituent actuellement la seule thérapie.
– 24 –
fabriquer un produit ou si sa production est fortement perturbée, il y aura des problèmes difficiles
à résoudre pour l’approvisionnement en produits thérapeutiques.
2.5 Risques affectant les infrastructures de l’information et de la communication
2.5.1 Technologie de l’information et de la communication
Les technologies modernes de l’information et de la communication ont, depuis des années,
envahi peu à peu tous les secteurs de la vie. Outre l’économie privée (industrie, commerce et
services), le secteur public (gouvernement, administration et armée) recourt aussi à l’électronique.
De nos jours, les particuliers sont de plus en plus nombreux à jouir des avantages de
ces technologies.38 Ce processus irréversible accroît la dépendance – déjà forte – des systèmes
informatiques et des infrastructures de l’information et de la communication39, ce qui rend
extrêmement vulnérables le secteur public comme le secteur privé. Les dangers liés à cette
évolution restent encore largement sous-évalués car les utilisateurs ne les considèrent pas
comme menaçants. Ces infrastructures tombent en panne, le plus souvent, de façon inopinée
et les utilisateurs sont alors pris de court. En outre, il arrive fréquemment qu’ils ne découvrent
pas ou que trop tard ce qui leur est arrivé. L’origine des pannes ou des dommages se
trouve à divers niveaux. Panne ou disparition de matériel, coupure de courant, défaut de logiciels,
piratage ou destruction de données et de programmes. En temps normal, le matériel
peut être assez vite remplacé. Mais comme la production de microprocesseurs est concentrée
en quelques lieux seulement, situés surtout en Extrême-Orient, la panne d’un seul site de
production peut entraîner de gros problèmes de livraison.
Cependant, les attaques ciblées d’installations d’information et de communication sont bien
plus dangereuses. Elles peuvent provenir de n’importe quel endroit de notre planète, pour obtenir
illégalement des informations, détruire ou manipuler des données et des programmes.
Les pirates, travaillant ou non pour un Etat, peuvent recourir facilement à ces moyens peu
coûteux pour espionner ou saboter des installations. On peut ainsi, de manière relativement
simple, influencer ou empêcher certaines décisions étatiques ou économiques, prendre des
avantages sur la concurrence, porter des préjudices politique, économique ou financier sans
que les coupables ne soient identifiés ni amenés à répondre de leurs actes.
Sont particulièrement menacés les secteurs critiques de l’administration publique, de
l’industrie, du commerce, des banques et assurances, des oeuvres sociales, des systèmes
d’approvisionnement et de distribution (électricité, gaz, pétrole et eau), de la gestion de la
38 En Suisse plus de 60 % des habitants ont accès à un ordinateur.
39 Rapport sur la sécurité SIPOL B 2000, point 3.1.7 (FF 1999 6916)
– 25 –
circulation et des transports (route, rail, eau et air), de la police, des services de sécurité et de
sauvetage, des services d’information et de communication, des médias et du commandement
militaire. Le Conseil fédéral considère donc les attaques électroniques dans ces secteurs vitaux
de l’infrastructure comme une menace pour la sécurité nationale.40
Des perturbations et des attaques portant sur les infrastructures d’information et de communication
et entraînant pannes, piratage et destruction de systèmes peuvent très vite causer
d’immenses dommages à l’Etat et à l’économie privée, voire paralyser les structures de décision
économiques et militaires. Si la panne dure plusieurs jours ou semaines, les incidences
peuvent être catastrophiques pour l’approvisionnement du pays, selon les secteurs touchés.
Plus un système est centralisé et vulnérable, plus les conséquences risquent d’être graves.
2.5.2 Télécommunications
Pour que l’économie suisse soit interconnectée à l’échelle mondiale, il est indispensable, entre
autres, que les télécommunications fonctionnent de façon fiable. De nos jours, l’offre de
communication fixe, mobile ou par satellite se caractérise par une grande disponibilité et de
hauts standards techniques. Le réseau de téléphone fixe est, en général, exploité par de nombreux
prestataires nationaux et bénéficie de plusieurs réseaux de câblage. Ces deux éléments
réduisent nettement la vulnérabilité des installations téléphoniques. On peut ainsi remédier
plus facilement aux pannes passagères. En revanche, la communication par satellite se trouve
dans les mains de quelques prestataires aux Etats-Unis, ce qui fait que, dans ce secteur, on
peut pratiquement parler de monopole. Comme on l’a vu dans le passé, des intérêts nationaux,
politiques ou commerciaux peuvent amener à interdire l’accès de tiers à la communication
par satellite. Ce sont surtout les utilisateurs mobiles41 qui sont touchés, car ils ne peuvent
passer au réseau fixe. En outre, il suffit d’assez peu de moyens techniques pour perturber
profondément les liaisons par satellite. Ces deux éléments rendent ce mode de communication
insuffisamment fiable, surtout en temps de crise ou de guerre. En revanche, les traditionnelles
liaisons par ondes courtes sont, en comparaison, très sûres, car les possibilités de
perturbation sont très faibles et les liaisons peuvent être établies en tout point du globe, grâce
à la propagation favorable des ondes. En outre, la plupart des pays dispose d’installations appropriées,
la Suisse utilisant, par exemple, l’installation ondes courtes
BERNRADIO/BERNARADIO. Mais, ces derniers temps, la communication par satellite a
marginalisé la radio à ondes courtes, pénalisée par ses contraintes techniques d’utilisation,
pour en faire un produit de niche, servant à communiquer en cas d’extrême urgence, par
40 Rapport sur la sécurité SIPOL B 2000, point 3.1.7 (FF 1999 6917)
41 La radio maritime et celle pour l’aviation sont au premier plan.
– 26 –
exemple. Si, par manque de compétitivité, ils devaient renoncer à leurs installations à ondes
courtes, les pays comme la Suisse perdraient la possibilité de communiquer, à tout moment,
en temps de crise ou de guerre, avec des interlocuteurs mobiles importants à l’étranger. Cela
pourrait entraîner, le cas échéant, de sérieux inconvénients politiques et économiques.
2.6 Structures d’approvisionnement en Suisse
2.6.1 Situation initiale
La situation géographique et la structure topographique de notre pays n’ont guère facilité, à
travers les siècles, son évolution économique. Située au coeur de l’Europe, la Suisse se trouve
à la fois à la croisée et à l’extrémité des lignes d’approvisionnement internationales. En tant
que pays enclavé, elle n’a pas d’accès direct à la mer et elle est donc contrainte de demander
des droits de passage à d’autres Etats. La Suisse est le château d’eau d’Europe centrale et
dispose de très grandes quantités d’eau douce qu’elle utilise surtout pour obtenir de
l’électricité mais qui lui permettent aussi d’assurer un approvisionnement abondant en eau
potable. A part la force hydraulique et le bois, il n’y a pas, en Suisse, de sources énergétiques
notables. En outre, notre pays se caractérise par l’absence de matières premières industrielles.
Ces conditions défavorables ont très tôt amené la Suisse à compenser les faiblesses naturelles
du pays en s’industrialisant (notamment dans les secteurs machines, chimie et textile),
en exportant et, plus tard, en développant son secteur des services (transports, banques et assurances).
Ces domaines demeurent, avec le tourisme, les piliers de l’économie suisse.
2.6.2 Approvisionnement en denrées alimentaires et politique agricole
De larges pans de notre territoire national ne peuvent être cultivés à cause du relief alpin et
les surfaces agricoles utiles sont modestes par rapport au nombre d’habitants. Souvent, les
surfaces de production ne se prêtent, en outre, pas vraiment aux cultures, vu leur topographie.
Cela explique pourquoi l’agriculture suisse s’est axée sur l’élevage du bétail et la production
laitière. Une politique agricole ciblée a été lancée, visant à accroître le degré d’autarcie de
notre pays en profitant des progrès de la mécanisation, de la technique culturale et de
l’agronomie. Les résultats sont là : depuis la seconde guerre mondiale, malgré une baisse notable
des surfaces de production42, le rendement agricole a fait un grand bond, cela au prix
d’un fort accroissement des dépenses. De nos jours, l’agriculture suisse couvre, en moyenne,
60 à 65 % des besoins alimentaires. Vu la multitude de règlements protégeant la production
suisse et les fortes subventions accordées aux paysans, la politique agricole de notre pays
s’est retrouvée, ces dernières années, dans le collimateur des partisans d’une libéralisation in-
42 Ces 12 dernières années, la surface agricole utile a baissé de 3 % sur les meilleures terres du plateau.
– 27 –
ternationale, subissant des pressions accrues du GATT, puis de l’OMC.43 La Suisse va probablement
devoir, elle aussi, lâcher du lest, en réduisant son protectionnisme agricole afin
d’éviter de sérieux inconvénients dans d’autres secteurs de l’économie. Ainsi, l’agriculture,
avec ses coûts de production élevés, sera de plus en plus soumise à la concurrence internationale
et ne pourra survivre que si elle opère un profond changement structurel.44 Il n’est pas
sûr que, dans ces conditions, l’on pourra maintenir la production intérieure à un taux relativement
élevé.
La production de denrées alimentaires est liée aux périodes de végétation et aux cycles de
développement du bétail. En outre, elle est constamment soumise aux caprices du temps et du
climat. Les denrées ne peuvent, en majorité, pas ou guère être stockées car elles sont périssables
et arrivent sur le marché en tant que produits frais. Vue sous cet angle, la production de
denrées alimentaires est vulnérable, les récoltes ne sont pas assurées à l’avance et notre
pays, dans ces circonstances, devra toujours importer un pourcentage plus ou moins élevé
d’aliments et fourrages dont il a besoin.
2.6.3 Production industrielle et approvisionnement en produits finis
Dans un pays comme la Suisse où les salaires sont élevés, on ne vise pas, en général, à une
produire en masse mais à fabriquer des produits de qualité, largement destinés à l’exportation.
Ces biens de haute valeur sont produits – surtout dans le secteur des machines et de la
chimie – par des petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que des groupes industriels.
Pour assurer cette production, les entreprises doivent importer toutes les matières premières
et l’essentiel des produits semi-finis. Pour réduire les coûts, les industriels ont dû, ces dernières
années, réduire leurs stocks au strict minimum (flux tendus). Par ailleurs, le fait est que,
de nos jours, un produit n’est plus fabriqué exclusivement chez nous, mais franchit diverses
étapes de production, en partie en Suisse, en partie à l’étranger. Pour que la production ne
soit pas perturbée et que l’industrie suisse reste concurrentielle, il est indispensable
d’assurer, pour nos entreprises, un flux continu de matières premières et de produits semi-finis
en provenance de l’étranger.
Les produits industriels de masse servant à nos besoins quotidiens sont aujourd’hui le plus
souvent importés par des sociétés suisses qui, pour réduire leurs coûts, font même fabriquer à
l’étranger, dans des pays à bas salaire, les produits destinés au marché indigène. Il existe là
une très forte dépendance de l’étranger.
43 Dans le cadre de l’Uruguay round du GATT, la Suisse a dû s’engager, en 1995, à abolir graduellement ses droits de
douanes sur les produits agricoles.
44 Chaque année, 2,5 % des exploitations agricoles suisses disparaissent.
– 28 –
2.6.4 Approvisionnement en énergie
L’approvisionnement de la Suisse en énergie est couvert à au moins 60 % par le pétrole, à
22 % par l’électricité, à 11 % par le gaz naturel et à 7 % par d’autres énergies comme le bois
Dans ce domaine, il faut retenir que la Suisse couvre jusqu’à 80 % de ses besoins énergétiques
par des importations et que dans ce secteur clé, elle est donc fortement tributaire de
l’étranger. Pour le pétrole et le gaz naturel, cette dépendance s’élève à 100 %. Pour l’énergie
clé qu’est l’électricité, la Suisse parvient, de nos jours encore, à assurer elle-même son approvisionnement.
Comme la consommation d’électricité augmente de 2 % par an, qu’on ne
peut développer à volonté le parc de centrales nucléaires45 ou hydrauliques et que, dans un
avenir proche, on ne disposera pas d’énergie de remplacement en quantité suffisante, la
Suisse devra accroître ses importations.
Acheminée par conduite, l’électricité n’est, pour des raisons physiques, disponible que tant
qu’elle est produite, aussi son approvisionnement est-il considéré comme très critique.
L’infrastructure de production et de transport d’électricité est coûteuse, ce qui n’arrange pas
les choses, mais si l’on considère que c’est la seule énergie produite en Suisse (environ 60 %
d’origine hydraulique, 38 % d’origine nucléaire), cela rééquilibre la balance au niveau de la
sécurité d’approvisionnement.
Il ne faut toutefois pas oublier que même l’électricité produite en Suisse est passablement tributaire
de l’étranger, à deux titres : d’une part, nos centrales dépendent totalement de
l’étranger pour ce qui est de l’approvisionnement en combustible nucléaire (le fait qu’on
puisse le stocker ne change guère la donne, vu qu’on ne peut l’utiliser sans traitement préalable)
; d’autre part, l’approvisionnement de notre pays est au coeur du réseau européen
d’interconnexion électrique : il y a en permanence un échange de courant au sein du réseau
européen, la Suisse fonctionnant alors comme plaque tournante. Pour les pics de consommation
– en particulier dans la saison froide et au printemps, lorsque les lacs de retenue sont vides
– notre pays doit s’approvisionner en prélevant sur ce réseau de grandes quantités
d’électricité afin d’éviter un effondrement du réseau intérieur. De ce fait, la Suisse se retrouve,
à intervalles réguliers, importateur temporaire de courant.
Fortement tributaire de l’étranger pour son approvisionnement énergétique, elle risque
même de le devenir dans le secteur de l’électricité. Elle est donc très vulnérable dans un domaine
clé de l’approvisionnement.
45 Les compagnies d’énergie suisses ont donc acquis des participations dans des centrales nucléaires françaises.
– 29 –
2.6.5 Services
2.6.5.1 L’importance des services pour l’économie suisse
Manquant de ressources naturelles, la Suisse s’est muée, au fil des générations, en un site
classique du secteur des services. Les prestataires internationaux de services financiers, notamment
les banquiers, assureurs et fiduciaires, s’offrent non seulement au public suisse mais
à une clientèle mondiale. D’autres secteurs de services, à savoir les entreprises de transport,
les transitaires ou le tourisme, opèrent eux aussi à l’échelle internationale. Outre une stabilité
politique, une main-d’oeuvre qualifiée et un fisc peu gourmand, il leur faut surtout une infrastructure
bien développée, avec un réseau de circulation et de communication optimal pour
compenser les inconvénients naturels du pays. Cette infrastructure fiable constitue une condition
sine qua non pour tous les autres secteurs économiques (industrie, commerce, import/
export, tourisme, bâtiment et agriculture) et donc pour l’approvisionnement du pays. Les
transports et les infrastructures d’information et de communication ont une importance capitale
non seulement pour l’importation des biens vitaux mais aussi pour le trafic de perfectionnement
et les exportations ainsi que pour la circulation des personnes, donc, en définitive,
pour toute l’économie. Ces deux secteurs sont donc considérés comme vitaux en soi et
pas seulement pour l’approvisionnement du pays en biens de première nécessité.
2.6.5.2 Transports
Dans le cadre de l’approvisionnement économique du pays, la logistique des transports joue
un rôle important. La route et le rail, les voies aérienne, fluviale (Rhin) et maritime ainsi que
les oléoducs et gazoducs se répartissent la tâche, sur le territoire suisse comme à l’étranger.
Ces systèmes sont complémentaires et parfois concurrents, comme le montre la navigation
rhénane et le trafic des marchandises par la route et le rail. Cette concurrence permet, en
temps normal, une grande souplesse en offrant des palliatifs et des alternatives lorsqu’un
moyen de transport s’avère impraticable, ce qui réduit nettement le risque de pannes et perturbations.
Un seul secteur est pratiquement sans concurrence par rapport aux autres moyens de transport
et n’offre donc pas cette souplesse, c’est la navigation de haute mer, qui a une importance
particulière pour l’approvisionnement économique suisse.46 En tant que pays enclavé,
la Suisse n’a aucune influence directe sur ce maillon important de la chaîne logistique, ce qui
accroît le risque de perturbations du flux de marchandises. Lors d’une crise, les importateurs
46 Pour plus de détails, voir le message du 7 novembre 2001 accompagnant l’arrêté fédéral renouvelant l’ouverture d’un
crédit-cadre pour cautionnement visant à garantir un nombre suffisant de navires de haute mer battant pavillon suisse (FF
2002 884)
– 30 –
suisses ne peuvent avoir la certitude que les capacités nécessaires leur seront accordées en
tout temps par d’autres pays sans que la Suisse n’ait, en contrepartie, à faire des concessions
politiques.
Dans les transports aériens, la situation est fort différente : notre pays a ses propres capacités,
bien suffisantes et les marchandises arrivent directement dans les aéroports suisses. Si
l’on ne retient que le volume du fret, les transports aériens ne jouent qu’un rôle mineur.47 Ils
sont importants pour acheminer des personnes ainsi que des biens de haute valeur ou des
marchandises devant atteindre rapidement leur destination.
Une méthode prédominante dans le commerce et l’industrie, à savoir les flux tendus, impliquant
de faibles réserves d’exploitation et une forte division internationale du travail, exige à
tout moment une chaîne logistique irréprochable ainsi que des moyens de transport adéquats.
Pour la Suisse, pays exportateur qui gagne un franc sur deux à l’étranger, cette exigence ne
s’applique pas seulement aux importations mais aux exportations et aux échanges de marchandises.
Cependant l’influence que peut exercer la Suisse sur les voies et les moyens de
transports ainsi que sur les centres de transbordement à l’étranger est extrêmement limitée.
Pour les transports internationaux, l’offre de moyens d’acheminement est largement suffisante
; en outre, il existe certaines possibilités (limitées) de substitution entre les divers
moyens de transports. Toujours est-il qu’il y a un dénominateur commun : les voies de transport
et les centres de transbordement sont à la merci de divers événements (grèves, crises politiques,
pressions économiques, etc.) qui peuvent fortement les perturber.
Cela fragilise fortement nos systèmes logistiques et constitue donc un risque important pour
notre économie et notre approvisionnement.
2.6.5.3 Infrastructure de l’information et de la communication (ICT)
La Suisse se classe parmi les premiers pays du monde par sa densité de matériel informatique
et de télécommunication. Cela permet à l’économie suisse de compenser partiellement certains
inconvénients (coûts de production et coûts salariaux élevés) et lui confère certains
avantages sur les marchés. Les infrastructures ICT sont indispensables non seulement à
l’économie suisse, mais aussi aux administrations publiques et aux gouvernements (à tous les
niveaux), devenant des instruments vitaux. Les dangers auxquels sont exposées les infrastructures
ICT en Suisse sont décrits de façon générale au point 2.5. La forte densité
d’informations et de communications qui caractérise la Suisse ne fait qu’accroître ces risques,
déjà grands pour tous les pays et les systèmes économiques. Pour ce qui est des liaisons
47 Le fret aérien ne représente que 1 % du fret global suisse, au niveau des quantités.
– 31 –
avec des interlocuteurs mobiles à l’étranger ainsi qu’avec des navires, des avions et autres, la
Suisse, dépourvue de satellites et de stations au sol, a un net inconvénient ; en cas de perturbations
et de coupures de la communication par satellite, elle ne peut le pallier, dans ce segment
étroit, qu’en recourant à la BERNRADIO/BERNARADIO, sa radio à ondes courtes, en
assurant des liaisons de secours.48
2.7 Résumé de l’évaluation des risques
Les dangers menaçant l’approvisionnement de notre pays ne viennent plus aujourd’hui,
comme nous l’avons vu, d’une guerre en Europe. Ce sont plutôt diverses catastrophes (naturelles
ou anthropiques), des risques liés à une politique étrangère, économique ou hégémonique
qui, vu le faible niveau des réserves d’exploitation et l’importance accrue de voies de
transport et de communication vraiment opérationnelles, constituent un danger pour notre
approvisionnement. Boycottages, chantages politiques, grèves qui perdurent, mauvaises récoltes,
épidémies et épizooties, guerre et dangers hégémoniques hors d’Europe, irradiations
nucléaires et autres catastrophes, toutes ces menaces demeurent d’actualité pour notre approvisionnement.
Bien qu’on ne puisse pas exclure totalement les risques ayant des conséquences
à long terme (contamination radiologique, guerre en Europe centrale), les risques de
courte à moyenne durée, ne touchant pas tous les secteurs, restent au centre de nos préoccupations.
On s’attend à des pénuries circonscrites à certains domaines et de durée limitée qui,
vu les changements structurels, devraient cependant survenir bien plus vite qu’autrefois.
48 voir les détails exposés au point 2.5.2
– 32 –
3 Stratégie
3.1 Remarque préliminaire
Le mandat défini de façon large par la constitution et par la législation, à savoir assurer
l’approvisionnement du pays en biens et services d’importance vitale, donne à la Confédération
la marge de manoeuvre requise pour adapter sa stratégie d’approvisionnement aux réalités
économiques et à la politique de sécurité en vigueur. Dans ce cadre, elle axe prioritairement
sa stratégie sur les risques résultant de la donne politico-économique, à l’intérieur
comme à l’extérieur de la Suisse, ainsi que de la situation de notre pays et de son approvisionnement.
Les attentes de la société quant à son niveau de vie ainsi que les moyens dont
dispose l’Etat sur le plan politico-économique sont deux facteurs déterminants pour définir le
niveau auquel on entend assurer l’approvisionnement. Ces deux critères étant donnés, il
s’agit de trouver une stratégie équilibrée, tenant compte des diverses exigences. L’étendue et
le degré des efforts que l’Etat et l’économie privée sont prêts et aptes à fournir délimitent
l’approvisionnement à assurer et – par conséquent – les divers moyens par lesquels la
Confédération interviendra dans le mécanisme du marché. Mais le seuil d’intervention demeure
une variable politique qui ne peut être fixée dans l’absolu.
3.2 Stratégie générale en matière d’approvisionnement
La stratégie de l’AEP est fixée par son objectif, à savoir assurer l’approvisionnement de tout
le pays en biens et services d’importance vitale.49 Elle détermine donc comment cet objectif
doit être atteint. La stratégie de base tout comme les stratégies partielles découlent donc de
cet objectif suprême. Vu les bases légales et risques déjà énoncés ainsi que des conditions politico-
économiques, la stratégie d’approvisionnement est la suivante :50
3.2.1 Assurer l’approvisionnement à court et moyen termes
La donne en matière de sécurité a entièrement changé par rapport à l’époque de la guerre
froide : pour les années à venir, on n’a plus à se préoccuper de l’approvisionnement à long
terme, mais on doit consacrer son attention sur les moyens de réagir au plus vite à un déficit
temporaire de l’approvisionnement. Dans cette logique, la stratégie de l’AEP vise à maîtriser
les perturbations à court et moyens termes.
49 Probst, ouvrage cité, p. 551 point 4.4
50 Avec sa modification du 29 mai 2002 concernant la révision de l’ordonnance du 6 juillet 1983 sur l’organisation de
l’approvisionnement du pays (RS 531.11), le Conseil fédéral a entrepris une restructuration de l’approvisionnement
économique du pays (RO 2002 1514).
– 33 –
3.2.2 Recours rapide aux moyens d’action disponibles grâce à un haut niveau de préparation
La réduction massive des stocks voire l’absence totale de réserves dans certaines unités de
production et exploitations commerciales, en Suisse et à l’étranger, ainsi que la forte vulnérabilité
de la logistique des transports et des systèmes de communication exigent aujourd’hui
un potentiel de réaction bien plus élevé qu’autrefois. Suite au bouleversement des structures
économiques, les consommateurs et producteurs ressentent bien plus vite qu’il y a 10-20 ans,
les effets d’une rupture de stocks. Pour éviter une détérioration de la situation qui entraînerait
de graves conséquences politico-économiques et sociales, il faut pouvoir rapidement mettre
en oeuvre les moyens d’action à notre disposition. C’est là qu’entre en jeu, par exemple, la libération
de réserves obligatoires51, immédiatement disponibles, dont l’efficacité est immédiate.
Cela étant, il ne faut retenir que des mesures simples et faciles à mettre à oeuvre, gages
d’une réussite. La stratégie du Conseil fédéral met donc l’accent, pour les mesures à prendre
dans une première phase, sur le haut niveau de préparation qui doit être atteint.
3.2.3 Assurer l’approvisionnement de façon sectorielle
Vu le bouleversement de la donne en matière de sécurité, il ne s’agit plus, de nos jours,
d’assurer à tout prix l’approvisionnement d’une Suisse politiquement et économiquement
isolée comme lors de la dernière guerre – l’objectif étant une large autarcie – mais de le garantir
de façon sectorielle, là où sévit la pénurie. Cela n’exclut pas toutefois que, vu
l’interconnexion, l’on doive parfois prendre des mesures dans plusieurs secteurs, soit parce
qu’un sous-approvisionnement affecte simultanément divers produits, soit parce que la crise
d’approvisionnement entraîne ailleurs des difficultés, par des effets de substitution.
3.2.4 Assurer l’approvisionnement en fonction de priorités
Vu la nouvelle politique de sécurité et la raréfaction des ressources financières, l’AEP doit
être prêt à garantir les besoins de la population en biens et services vitaux selon des priorités.
Pour assurer les besoins élémentaires (aliments, éclairage, chauffage et médicaments), le
Conseil fédéral a fixé des priorités : la stratégie se concentre sur les domaines de
l’approvisionnement de base (alimentation, énergie et produits thérapeutiques).52
Vu la forte division du travail à l’échelle internationale, de nombreux autres biens et services
vitaux sont exposés à autant de risques que ces domaines : des pénuries, notamment dans les
services, peuvent vite perturber l’approvisionnement. Face à d’éventuelles crises, certains
51 voir le point 4.1.3
52 Art. 11 et 12a de l’ordonnance du 6 juillet 1983 sur l’organisation de l’approvisionnement du pays (RS 531.11), dans
sa version révisée du 29 mai 2002
– 34 –
domaines méritent une attention particulière car ils sont très vulnérables et peuvent gravement
affecter l’économie. En restructurant l’AEP, le Conseil fédéral a donc inclus, dans son
plan d’approvisionnement, les domaines de services que sont les transports (logistique comprise),
la technologie de l’information et de la communication (ICT), la main-d’oeuvre et
l’industrie (chargée de la production industrielle) en les appelant domaines infrastructure.53
Vu les priorités en jeu, il ne s’agit pas d’assurer, dans ces domaines, un approvisionnement à
large échelle mais simplement de garantir certains biens et services d’importance vitale. On
les considère comme critiques et donc incontournables s’ils sont indispensables pour assurer
l’approvisionnement de base (notons que ce qu’on jugeait autrefois indispensable ne l’est
plus forcément aujourd’hui). Tout ne sera pas forcément garanti dans ces domaines, hormis
ce qui est strictement nécessaire vu la vulnérabilité particulière : on interviendra en fonction
des possibilités. L’Etat laisse donc largement la responsabilité de l’approvisionnement à
l’économie privée, même lors d’une crise.
3.2.5 Assurer l’approvisionnement à un niveau réduit
Lorsque l’Etat doit endosser la responsabilité de l’approvisionnement à titre subsidiaire, il ne
saurait l’assurer à 100 %, comme en période de surabondance de biens. Il ne pourrait satisfaire
cette exigence, d’abord pour des raisons financières, mais surtout parce qu’en cas de
crise, l’offre serait insuffisante sur les marchés internationaux. Dans son rapport 2000 aux
chambres fédérales, le Conseil fédéral a donc précisé cette mission de l’Etat : « Au moyen
d’interventions ciblées, il crée les conditions de base qui permettront à l’économie d’assurer
un approvisionnement réduit aussi équilibré que possible. Il s’agit d’éviter les déséquilibres
économiques et les tensions sociales. »54 L’étendue des prestations est finalement dictée par
les capacités financières du pays. Il s’agit donc de garantir, à un niveau réduit, un approvisionnement
en biens et services vitaux à la fois équilibré et financièrement supportable.
3.2.6 Concertation à l’échelon international
En Suisse, les structures de l’approvisionnement sont étroitement liées à celles des marchés
internationaux. Mais cette imbrication le rend largement tributaire de l’évolution de l’offre et
de la demande à l’étranger, ce qui constitue un sérieux handicap en cas de crise. Il est de plus
en plus difficile de faire cavalier seul pour assurer son approvisionnement national, c’est
pourquoi il faut se concerter bien davantage avec l’étranger. En agissant seule, la Suisse se
53 Art. 13 à 15 de l’ordonnance du 6 juillet 1983 sur l’organisation de l’approvisionnement du pays (RS 531.11), dans sa
version révisée du 29 mai 2002
54 Rapport sur la politique de sécurité SIPOL B 2000, point 6.5.2 (FF 1999 6956)
– 35 –
démarquerait encore plus de ses voisins, ce qui aurait deux incidences possibles : soit elle serait
encore plus désavantagée au niveau des importations, soit elle attirerait les acheteurs
étrangers (trafic frontalier accru). La Suisse est donc tenue de se concerter avec ses voisins,
lorsqu’elle veut prendre des mesures. Si l’occasion se présente, elle doit participer aux systèmes
d’approvisionnement internationaux, au niveau multilatéral surtout.55
3.3 Stratégie générale en matière d’approvisionnement
La Confédération fait face, avec des moyens adéquats et la retenue qui s’impose, aux perturbations
de l’approvisionnement que les acteurs du marché ne peuvent plus surmonter de leurs
propres moyens. Mais si une crise plus grave se profile à l’horizon, elle doit créer, en temps
voulu et avec détermination, les conditions permettant à l’approvisionnement de fonctionner
normalement. Si la Confédération n’intervient pas à temps ou hésite à le faire, la crise peut
s’aggraver, au détriment des citoyens et de toute l’économie, alors que ce n’était pas inéluctable.
Aujourd’hui, vu les temps de réaction prévus dans les scénarios à court et moyen termes,
les mesures de réglementation doivent avoir un impact très rapide. Les moyens
d’actions prévus doivent donc être faciles à mettre en oeuvre et déployer un maximum
d’effets dans un minimum de temps. Nous les passerons en revue au chapitre 4. Ils sont les
éléments de la stratégie suivante :
3.3.1 Première phase : couvrir la demande de biens vitaux, à 100 % si possible
Avant de prendre des mesures pour limiter l’offre et la demande, il faut d’abord s’efforcer
d’assurer autant que possible un approvisionnement à 100 % par rapport à une période de référence,
en libérant des réserves obligatoires56 et en stimulant les importations. On fait ainsi
d’une pierre deux coups : on évite d’étrangler la conjoncture, avec des incidences négatives
sur notre économie et on gagne du temps pour préparer des mesures plus incisives. Pour atteindre
cet objectif, on peut aussi prendre des mesures visant à diriger la production.
3.3.2 Si la pénurie perdure ou s’accroît : préparer des plans pour intervenir plus fortement
dans le mécanisme du marché
Si la situation ne se normalise pas, voire s’aggrave et qu’on ne peut plus augmenter l’offre,
on adaptera peu à peu le degré d’approvisionnement en réduisant la demande, afin d’assurer
un approvisionnement équilibré à un niveau réduit.
55 Ainsi la Suisse est, depuis 1975, membre de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dont le siège est à Paris ; voir
aussi la note n° 66.
56 voir le point 4.2.1.1
– 36 –
3.3.3 Maîtriser les crises d’approvisionnement en recourant, avec souplesse, à toutes les options
prévues
Pour faire face à une crise, il ne suffirait pas de recourir à une ou quelques options, tant les
causes peuvent être multiples et plus encore les conséquences. Les mesures destinées à assurer
l’approvisionnement impliquent constamment, dans la mesure du possible, plusieurs options
dont aucune n’est à rejeter d’emblée. En combinant avec souplesse toutes les options
– par ex. canaliser la demande, importer, stimuler la production suisse, recourir aux réserves
et substituer les produits par d’autres –, on a bien plus de chances de juguler une crise.
3.3.4 Les mesures de réglementation créent les conditions requises pour que l’économie privée
puisse continuer de remplir sa mission d’approvisionnement
Des raisons politiques et économiques interdisent à l’Etat de mettre sur pied une économie
parallèle pour assurer l’approvisionnement. Ses moyens d’action visent plutôt à appuyer les
structures mises en place à cet effet par le secteur privé. L’économie privée doit pouvoir
poursuivre sa mission en temps de crise, dans un cadre fixé par l’Etat, afin de ravitailler suffisamment
les consommateurs. Mais ces derniers devront s’attendre à devoir, un jour ou
l’autre, renoncer en tout ou en partie à leur confort habituel.
3.3.5 Les mesures de réglementation sont préparées dans le cadre de « l’état de préparation
permanent »
Pour faire face, en temps voulu, à une pénurie, il faut atteindre un haut niveau de préparation,
notamment pour les mesures à prendre pendant la première phase d’intervention. Outre
les préparatifs requis sur le plan matériel comme organisationnel, il faut, selon les plans élaborés,
préparer les actes législatifs nécessaires et former comme il se doit les organes compétents.
3.3.6 Les moyens matériels de faire face à une crise d’approvisionnement sont préparés dans
le cadre de « l’état de préparation permanent »
Pour assurer un approvisionnement efficace lors d’une crise, l’Etat doit disposer de moyens
d’action appropriés dès qu’une pénurie se fait sentir. Des plans d’approvisionnement sortis
des tiroirs ne suffisent pas, vu qu’ils ne permettent pas de ravitailler le marché en temps utile.
Pouvoir disposer de réserves adéquates, notamment des stocks obligatoires, est donc une
condition décisive pour satisfaire rapidement la demande de biens vitaux. Ce sont les moyens
d’action clés dans la première phase. Dans certains domaines plus critiques, il faut toutefois
préparer d’autres mesures concrètes à savoir s’assurer un tonnage suffisant de navires de
– 37 –
haute mer ou une autonomie minimale en matière de télécommunication. L’essentiel est de
pouvoir, le cas échéant, mettre rapidement en oeuvre ces moyens d’action clés.
3.4 Exigences qualitatives concernant les mesures de réglementation
3.4.1 Les mesures de réglementation doivent être simples et très efficaces
Le citoyen peine à comprendre les solutions compliquées et circonstanciées. En cas de crise,
il ne les accepterait tout bonnement pas, car il n’en percevrait que les inconvénients. D’où un
manque de civisme, les consignes n’étant que peu observées, avec des conséquences catastrophiques
pour l’économie, la société et l’Etat de droit. Seules des mesures simples, que le
citoyen considère comme équitables et qui ne lui demandent que peu d’efforts ont une chance
de porter leurs fruits. Tout d’abord, il ne faut agir que là où l’on peut s’attendre à un succès
rapide, c’est-à-dire au niveau de l’offre. Pour la rétablir à son niveau antérieur, il suffit, avec
un effort administratif minime, d’impliquer dans la réglementation un cercle restreint de personnes
(propriétaires de réserves obligatoires, importateurs, producteurs ou distributeurs).
Si cela ne suffit pas à assurer un approvisionnement équilibré à un niveau réduit, il faut prendre
d’autres mesures qui affectent aussi la demande. Chaque citoyen est alors concerné, ce
qui compliquera nettement la tâche et suscitera de fortes réticences dans la population. Du
coup, les frais administratifs risquent d’exploser. Si, dès le départ, on n’arrive pas à prendre
des mesures simples, claires et convaincantes, le résultat ne peut être qu’aléatoire. On ne
prendra donc, autant que possible, que des mesures « linéaires », ayant le même impact sur
chacun. On renoncera, en principe, aux mesures individualisées comme des attributions spéciales,
car elles impliquent des frais administratifs disproportionnés, vu la nécessité de fixer
les droits de chaque citoyen et de vérifier le bien-fondé des requêtes dans chaque cas : il est
clair que notre Etat de droit serait finalement mis à mal. On ne pourra déroger à ce principe
qu’à titre exceptionnel et en cas d’urgence.
3.4.2 Les mesures de réglementation doivent déployer leurs effets dans les temps requis
Une mesure de réglementation n’a de sens que si elle est prise au bon moment et qu’elle a un
impact quasi-immédiat. Dès les premiers signes d’une crise, chacun va essayer de se débrouiller
à sa façon. Si les consommateurs se ruent sur certains produits ou si une économie
parallèle se développe (accaparement), on risque un dangereux dérapage de notre approvisionnement
et de sérieux troubles sociaux. Il faut donc que le gouvernement décrète des mesures
de réglementation et que les administrations (aux niveaux fédéral, cantonal et commu-
38 –
nal) les mettent immédiatement en oeuvre ; c’est là le seul moyen d’obtenir la confiance des
citoyens et de contribuer à stabiliser la situation.
3.4.3 Faibles coûts administratifs (personnel, finances et matériel)
Une gestion économe s’impose tout particulièrement lors d’une crise, car à ces moments-là
les ressources financières disponibles sont, le plus souvent, réduites à la portion congrue. En
outre, les solutions impliquant de nombreuses personnes et beaucoup de matériel s’avèrent le
plus souvent compliquées et peu efficaces. Inversement, une administration réduite, qui laisse
autant que possible – respectant ainsi les principes qui régissent notre politique – l’économie
privée se charger de l’approvisionnement, même en temps de crise, a bien plus de chances de
maîtriser les problèmes.
3.5 Les objectifs stratégiques en matière d’approvisionnement
3.5.1 Perspective générale d’approvisionnement
La durée et l’ampleur prévisibles des crises ainsi que la performance économique des secteurs
public et privé définissent l’objectif stratégique en matière d’approvisionnement. Pour
l’atteindre, il faut préparer les moyens d’action requis et pouvoir en disposer. Comme nous
avons retenu des scénarios de crise à court et moyen termes, les objectifs doivent être définis
par rapport à une perspective générale d’approvisionnement. Le court terme équivaut à 6
mois environ, le moyen terme à quelque 18 mois. Si la situation devait nettement se détériorer
de façon générale, sur le plan politique comme économique, cette perspective
d’approvisionnement serait adaptée aux nouvelles réalités.
3.5.2 Approvisionnement réduit en fonction de priorités
Ces perspectives ne signifient cependant pas que l’on doit, par exemple, faire des réserves
censées couvrir un besoin allant jusqu’à 1 an et ½. L’objectif en matière
d’approvisionnement doit plutôt être atteint en combinant avec souplesse plusieurs options.57
L’objectif n’est pas non plus d’assurer, durant ce laps de temps, un approvisionnement à
100 %, au niveau de l’offre globale de biens et services, ni même dans les domaines de
l’approvisionnement de base. Comme le Conseil fédéral l’a retenu dans son rapport 2000 sur
la sécurité, il s’agit d’un approvisionnement équilibré à un niveau réduit.58 Cela signifie
d’une part que, si la situation l’exige, l’approvisionnement du marché doit être graduellement
abaissé à un niveau inférieur à 100 % de la consommation normale (voir le point 3.5.4) et
57 voir le point 3.3.3
58 Rapport sur la sécurité SIPOL B 2000, point 6.5.2 (FF 1999 6956), voir aussi le point 3.2.1 du présent document
– 39 –
que, d’autre part, il faut définir des priorités parmi les biens et services, en fonction de leur
caractère vital. Sur la liste des biens prioritaires viennent en tête les denrées alimentaires59 et
l’eau potable, l’énergie60 ainsi que les produits thérapeutiques, alors que pour les services,
les transports et en partie les infrastructures de l’information et de la communication arrivent
en premier lieu, vu leur importance globale pour l’approvisionnement.
3.5.3 Point d’intervention
D’un point de vue quantitatif, il convient de se demander quand l’intervention de l’Etat est
indiquée pour faire face à des perturbations du marché. Sous réserve d’engagements internationaux61,
cette question dépend surtout du caractère vital d’un bien ou d’un service, vu que
c’est la condition sine qua non d’une intervention. En fin de compte, ce sont l’étendue et la
durée prévisible d’un sous-approvisionnement qui détermineront si et dans quelle mesure
l’Etat va intervenir. Mais on ne peut définir à l’avance le point d’intervention car les perturbations
de l’approvisionnement constituent un champ bien trop vaste et varié. Il revient donc
aux instances politiques compétentes de trancher, après une analyse approfondie de la situation.
Divers critères entrent en jeu, les aspects sociaux sont déterminants, au même titre que
la marge de manoeuvre politico-économique de l’Etat. Aucune intervention ne s’impose, si
l’offre est suffisante, lorsque les prix grimpent.62 Une intervention requiert un déséquilibre
profond entre l’offre et la demande.63 N’oublions pas que des prix en hausse indiquent clairement,
le plus souvent, que l’offre se fait rare. Tant que les fluctuations de prix restent dans
des limites supportables, l’Etat doit renoncer à intervenir. Mais si, après des hausses de prix
dues à une réduction de l’offre, une grande partie de la population ne peut plus se permettre
d’acquérir ces biens ou services, on ne peut plus parler de simples fluctuations. Dans ce cas,
on fait face à une vraie « pénurie »64 qui requiert une intervention.
3.5.4 Objectif stratégique primordial : approvisionner à 100 % le marché en biens vitaux,
pendant au moins 6 mois
Face au risque d’une détérioration dans un contexte économique délicat, il faut éviter que
l’approvisionnement du marché en biens vitaux ne s’écroule – avant même que l’on ait pu
s’adapter peu à peu à la situation – et ne déclenche de sérieuses perturbations dans notre éco-
59 Kaufmann/Eichmann, ouvrage cité, p. 628
60 Kaufmann/Eichmann, ouvrage cité, p. 628
61 voir les points 1.2.5 et 3.2.6
62 voir « interdiction des mesures visant à compenser la fluctuation », art. 30 LAP (RS 531).
63 Probst, ouvrage cité, p. 539
64 voir les conditions d’une pénurie requises par la constitution (art. 102 Cst) et concrétisées par l’art. 30 LAP (RS 531).
– 40 –
nomie. Ce serait politiquement irresponsable. L’objectif stratégique primordial de l’AEP est
donc d’intervenir sur le marché pour maintenir à un niveau de 100 % l’offre de biens vitaux,
au moins sur le court terme (soit jusqu’à 6 mois), notamment en libérant des réserves obligatoires,
stimulant les importations et en dirigeant la production indigène. Les 100 % du niveau
de l’offre ne doivent cependant pas correspondre forcément à la demande lors de la pénurie,
mais découler de l’offre établie sur une période de référence antérieure et adéquate.
Pour les énergies acheminées par conduites (gaz et électricité), cet objectif ambitieux ne peut
toutefois guère être atteint, vu l’impossibilité de les stocker.
3.5.5 Objectif stratégique secondaire : approvisionner le marché à un niveau réduit
Si, au bout de 6 mois, la situation ne s’est pas rétablie d’elle-même et si les circonstances le
permettent, on s’efforcera, certes, de maintenir le taux d’approvisionnement du marché à
100 %, autant que possible. Mais on ne peut plus le garantir, dans tous les cas, au bout de 6
mois. Si les mesures agissant sur l’offre ne suffisent plus à assurer l’approvisionnement du
marché à 100 %, il faut peu à peu le réduire. Cela signifie qu’il faut alors intervenir avec des
mesures plus restrictives, surtout du côté de la demande.
3.6 Objectifs partiels : perspectives d’approvisionnement dans les divers domaines
Les spécificités des différents domaines ne permettent pas de les mettre tous à la même enseigne
lorsqu’on fixe des objectifs. Il faut donc fixer des objectifs domaine par domaine. Ils
viennent cependant toujours s’insérer dans les perspectives fixées de façon générale pour
l’approvisionnement.
3.6.1 Alimentation
Vu son importance existentielle pour les humains, l’alimentation joue un rôle prioritaire dans
l’approvisionnement de base. On ne saurait dès lors s’accommoder de ruptures de stocks,
même temporaires, sauf s’il est possible de remplacer certains aliments ou moyens de production
agricole par des autres. Toutefois les possibilités de substitution concrètes sont limitées.
L’objectif est donc d’assurer, dans les jours qui suivent une pénurie, une offre alimentaire
suffisant du point de vue énergétique, selon des critères nutritionnistes. Les préparatifs
menés en vue d’assurer un approvisionnement pendant six mois doivent permettre de maîtriser
des perturbations de l’approvisionnement tant sur le court que le moyen terme. Les premières
mesures d’urgence doivent donc déployer leurs effets au plus tard quelques jours
après qu’elles ont été décidées. Cela implique donc un haut niveau de préparation. Si la
perspective d’approvisionnement se situe à moyen terme, il faut prévoir diverses mesures
pour agir sur la production.
– 41 –
Au-delà de cette perspective, les mesures ne peuvent être préparées qu’à titre préventif et
conceptuel. Pour leur préparation concrète et leur mise en oeuvre, on disposerait, le cas
échéant, de suffisamment de temps, à moyen terme.
3.6.2 Energie
Vu que les réserves mondiales de pétrole et de gaz naturel vont se raréfier, que les possibilités
d’augmenter la production d’électricité en Suisse sont limitées et que les importations
d’énergie sont très exposées, l’approvisionnement énergétique est un élément capital dans
notre pays hautement industrialisé et doté d’un secteur des services très développé.65 Cette
forte dépendance énergétique exige, dans ce domaine aussi, un niveau de préparation très élevé,
mais qui varie selon les sources d’énergie considérées.
3.6.2.1 Pétrole
Les produits pétroliers représentent presque 60 % de l’énergie consommée en Suisse, tout en
étant importés à 100 % ; ils ont donc une importance stratégique. Comme ils sont utilisés de
façon différente (marché des combustibles et marché des carburants), il faut les considérer
séparément dans la stratégie d’approvisionnement. Pour le mazout, stocké le plus souvent
chez les consommateurs, on a une marge de manoeuvre de plusieurs semaines si
l’approvisionnement est perturbé. Mais dans le cas du carburant, cette marge n’est que de
quelques jours (contenu du réservoir d’un véhicule). Une pénurie de carburant paralyserait
très vite la circulation routière et le trafic aérien, donc toute l’économie. Cette dernière serait
d’autant plus touchée que les réserves, chez les négociants en essence, diesel et kérosène, ne
couvrent, en général, que la consommation d’une à deux semaines.
Mesures décidées par l’AIE
La Suisse, membre de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) est partie prenante dans un
système de solidarité internationale pour les cas d’urgence. Cela représente pour notre pays
enclavé, dépourvu de gisement pétrolier et situé au bout de la chaîne d’approvisionnement,
une mesure préventive capitale en cas de crise. L’AEP participe donc activement à
l’élaboration de plans d’urgence de l’AIE66 et, grâce à son savoir-faire en matière de régle-
65 Kaufmann/Eichmann, ouvrage cité, p. 628
66 Le système d’urgence de l’AIE comporte actuellement trois éléments :
– un système de répartition, reposant sur l’accord du 18 novembre 1974, relatif à un programme international de
l’énergie (RS 0.730.1) et fonctionnant selon le principe d’un partage équitable. Ce système prévoit, si l’approvisionnement
diminue de 7 à 12 %, de réduire la demande, libérer des réserves et répartir les quantités dégagées entre
les membres de l’AIE ;
– 42 –
mentation, profite de son influence dans les comités compétents pour défendre, de façon appropriée,
ses intérêts en matière d’approvisionnement. En tant que membre de l’AIE, la
Suisse est tenue d’avoir des réserves de pétrole couvrant sa consommation pendant au moins
90 jours (on se base sur ses importations nettes), d’élaborer un programme d’urgence et de
communiquer régulièrement des statistiques.
a) Carburants
Vu son énorme impact sur toute l’économie, il faut, dès que l’offre est déficitaire, assurer
l’approvisionnement en injectant sans tarder de l’essence, du diesel et du kérosène, en quantité
appropriée sur le marché. Pour atteindre cet objectif, les préparatifs doivent permettre de
maîtriser une perturbation de l’approvisionnement à court et moyen termes et d’éviter un effondrement
de la vie économique. Les premières mesures d’urgence doivent donc être prises
au plus tard cinq jours après le point d’intervention et déployer leurs effets juste après leur
mise en vigueur. Cela explique pourquoi une priorité absolue est accordée à un haut niveau
de préparation.
b) Combustibles
Le marché des combustibles est, en général, moins sensible aux déficits d’approvisionnement
que celui des carburants. Certes, les réserves d’exploitation se situent entre une à trois semaines
pour le mazout léger. Mais les consommateurs disposent de capacités de stockage, ce qui
accroît fortement la souplesse de l’approvisionnement. En outre, la demande varie selon les
saisons : en hiver, l’élasticité est moindre chez les consommateurs, en fonction du niveau des
citernes. Cela signifie que le point d’intervention peut, le cas échéant, être atteint plus vite
qu’en été. En outre, cette souplesse peut être réduite si l’approvisionnement en gaz vient à
être perturbé simultanément (plus de substitution possible).
Comme il est indispensable de pouvoir intervenir à tout moment de l’année, les préparatifs
doivent être faits en fonction du scénario le plus défavorable, à savoir une crise pendant la
saison froide. L’objectif est donc d’assurer un approvisionnement équilibré en mazout. Il
faut préparer les mesures de réglementation de sorte qu’elles puissent entrer en vigueur, au
– des mesures concertées de réaction d’urgence (abrégées CERM en anglais), décidées après la crise des années 80.
Ce système permet d’agir avant que le seuil d’intervention de 7 % n’ait été atteint. Ainsi les pays membres peuvent
anticiper en fournissant leurs contributions pour éviter un éventuel déficit d’approvisionnement et contrer efficacement
une pénurie, selon le principe du partage des charges (burden sharing).
– le plan d’action d’urgence anticipée, récemment instauré par l’AIE en tant que troisième élément de la maîtrise des
crises en amont : ce plan prévoit, via une mesure concrète (« plan dans le tiroir ») que les pays membres de l’AIE
apportent, à titre préventif, une contribution dont l’ampleur est fixée à l’avance, en vue d’une éventuelle pénurie.
Cette mesure doit être mise en oeuvre, par chaque pays membre, au plus tard 15 jours après son entrée en vigueur.
– 43 –
plus tard, dans le mois qui suit l’arrivée de la pénurie et déployer leurs effets dans ce laps de
temps. Le niveau de préparation est donc élevé.
3.6.2.2 Electricité
En matière d’approvisionnement, l’électricité est considérée comme une énergie clé. De nos
jours, aucun ménage, aucune entreprise ne peut y renoncer et même la consommation de mazout
et de gaz naturel n’est plus possible sans apport de courant.
Afin d’éviter de graves conséquences sur les exploitations indispensables à notre sécurité et à
l’économie en général, l’approvisionnement en électricité doit être assuré en tout temps. Il
faut avant tout éviter des effondrements incontrôlés du réseau.
L’extrême vulnérabilité de ce secteur exige donc un haut niveau de préparation. Il faut pouvoir
mettre en oeuvre les premières mesures dans les 24 heures qui suivent le point d’intervention,
et faire des délestages dans les 5 jours. Pour les autres mesures visant à réduire la
consommation, les délais sont de 2 à 3 semaines au maximum.
3.6.2.3 Gaz naturel
Le gaz naturel gagne en importance pour l’approvisionnement, représentant aujourd’hui
11,4 % de la consommation énergétique. Sur le marché thermique, ce chiffre dépasse même
les 20 %. Vu qu’elle importe le gaz à 100 % et ne peut le stocker sur son territoire, pour des
raisons géologiques, la Suisse doit considérer comme élevé, à court et moyen termes, le risque
d’une coupure de gaz, partielle ou totale. Il est cependant un peu atténué, du fait que
l’approvisionnement de notre pays en gaz est bien intégré dans le réseau européen interconnecté,
avec divers points de prélèvement. La marge de manoeuvre requise pour approvisionner
le marché à 100 % ne devrait pas dépasser quelques jours. Vu cette souplesse modeste, il
faut d’une part réduire la consommation et d’autre part, combler le déficit par des substitutions,
en recourant à d’autres énergies que le gaz (les installations mixtes peuvent, par exemple,
fonctionner au gaz et à « l’huile de chauffage », c’est pourquoi des réserves d’huile de
chauffage ont été constituées spécialement pour elles). Il est impératif d’avoir un niveau élevé
de préparation pour les mesures à court terme. Les substitutions doivent se faire au plus
tard 5 jours après qu’on a établi le point d’intervention et les mesures visant à restreindre la
consommation doivent déployer leurs effets dans la semaine qui suit.
3.6.2.4 Autres sources d’énergie
Les autres sources comme le charbon, le bois, l’énergie solaire ou éolienne, voir le biogaz
jouent un rôle mineur dans l’approvisionnement du pays. Elles ont une certaine importance
– 44 –
en tant qu’énergies de substitution mais, vu leur faible impact (sauf pour le bois qui représente
près de 5 % du marché thermique), on peut renoncer à réglementer ces types d’énergie.
3.6.2.5 Eau potable
L’eau potable fait logiquement partie de l’approvisionnement en denrées alimentaires. Mais,
pour des considérations pratiques, nous l’avons intégrée au domaine énergie : en Suisse, les
services techniques des communes, chargés de l’approvisionnement en électricité et en gaz
naturel, sont souvent responsables aussi de l’eau potable. Ce liquide précieux, absolument vital,
existe à profusion sur le territoire suisse. Mais si des régions sont touchées par une contamination
ou par une coupure d’eau prolongée, il faut assurer leur approvisionnement en eau
potable, aussi la Confédération se charge-t-elle de coordonner les préparatifs et la mise en
oeuvre de mesures d’urgence.67 Il s’agit d’une tâche de longue haleine.
3.6.3 Produits thérapeutiques
De nos jours, l’approvisionnement de la population en produits thérapeutiques repose sur des
structures comparables à celles d’autres produits fabriqués de façon industrielle. Cela
s’applique aussi aux produits utilisés en médecine vétérinaire. Bien que notre pays ait sa propre
industrie pharmaceutique, dont les performances ne sont plus à démontrer, la fabrication
des substances actives contenues dans les médicaments utilisés en Suisse a lieu essentiellement
à l’étranger. Contrairement aux autres biens dont la demande, en cas de crise, tend à
rester stable, celle de produits thérapeutiques spécifiques a tendance, en cas de pénurie, à
s’accroître fortement par rapport à la normale, et le plus souvent à une vitesse éclair. Cela arrive
notamment en cas de pandémies et d’épizooties qui deviennent de plus en plus complexes,
mais aussi en cas d’attentats terroristes avec du matériel biologique, qui peuvent
constituer un danger existentiel pour une grande partie de la population. Pour parer rapidement
à ces risques, le domaine produits thérapeutiques assure, avec l’Office fédéral de la santé
publique et l’industrie pharmaceutique, un approvisionnement suffisant en médicaments
spécifiques, dispositifs médicaux et articles d’hygiène (notamment pour hôpitaux) et prépare
des mesures pour garantir une distribution rapide de ces produits. Le niveau de préparation
est donc très élevé, à la hauteur du danger que représente la propagation de pandémies et
d’épizooties, d’attaques bioterroristes ainsi que l’arrêt de la production de médicaments clés.
Les mesures préparées doivent être mises en oeuvre et déployer leurs effets quelques jours
seulement après qu’on a fixé le point d’intervention. En médecine vétérinaire, les mesures
67 Voir « ordonnance du 20 novembre 1991 sur la garantie de l’approvisionnement en eau potable en temps de crise »
(OAEC; RS 531.32)
– 45 –
équivalentes sont préparées avec l’Office vétérinaire, elles impliquent un niveau de préparation
identique.
3.6.4 Logistique, notamment les transports
3.6.4.1 Transports
L’évaluation des risques conduit à aborder différemment les transports selon qu’ils ont lieu
dans notre pays ou à l’étranger. En Suisse, les perturbations de la circulation peuvent être, en
tout temps, maîtrisées par les acteurs du marché et, en cas de catastrophes naturelles, les autorités
compétentes les aident sur le terrain. Une intervention de l’approvisionnement économique
du pays ne serait imaginable que si la Suisse devait faire face à une menace militaire
– plutôt invraisemblable actuellement – ou à une catastrophe touchant plus d’une région.
Pour garantir les transports intérieurs, les préparatifs sont donc essentiellement axés
sur la coordination. En outre, on observe de très près les évolutions en matière de circulation,
de sécurité et de technique.
En revanche, sous l’angle de notre politique d’approvisionnement, les transports internationaux
doivent être taxés de très critiques pour le site économique suisse. Le domaine transports
garantit donc qu’en cas de crise, les échanges de marchandises nécessaires à la Suisse
pourront avoir lieu, via les importations et exportations de biens vitaux. Il faut, par des mesures
adéquates, mettre à disposition suffisamment de moyens de transport et garantir par des
accords internationaux les itinéraires de transport et les centres de transbordement requis. En
cas de crise, le domaine assume la coordination des transports de et vers l’étranger. Vu
l’importance des transports pour l’économie du pays, le niveau de préparation est très élevé.
Les navires de haute mer doivent être alors disponibles dans les 2 à 4 semaines et les autres
moyens de transports dans les 1 à 2 semaines.
3.6.4.2 Assurance des transports contre les risques de guerre
Les transports ne sont imaginables, en temps de crise, que si les moyens d’acheminement, le
personnel ainsi que les biens et valeurs transportés sont suffisamment couverts par une police
d’assurance. En temps de crise, les assureurs privés majorent régulièrement leurs primes en
faisant valoir le fameux risque de guerre68 voire annulent tout bonnement la couverture en
fonction des dangers. Si une guerre nucléaire devait se déclencher, la couverture d’assurance
risques de guerre pourrait même être annulée rétroactivement (événement « choc »). Pour garantir
les moyens de transport nécessaires et transporter les biens vitaux dans l’intérêt de
68 On entend par risques de guerre non seulement ceux au sens propre mais aussi les risques dus au terrorisme, troubles
politiques, sabotage, détournement d’avions, etc.
– 46 –
l’AEP, le domaine transports doit proposer aux transporteurs une couverture appropriée en
cas de guerre69 si leur assureur privé leur majore les primes outre mesure ou annule leur couverture.
Vu le haut potentiel de réaction du marché, le niveau de préparation doit être très
élevé. La couverture automatique intérimaire70 doit être proposée à tout moment aux navires
de haute mer et aux avions gros porteurs. La couverture générale contre le risque de
guerre71 ainsi que la couverture automatique intérimaire pour les autres véhicules doivent
être préparées pour être proposées sous les 5 jours.
3.6.5 Industrie
La production industrielle occupe taille sans conteste une place de choix dans l’économie
suisse. Mais comme la situation géopolitique n’exige plus d’approvisionnement complet du
pays dans le sens d’une économie de guerre, on ne peut, en principe, plus attendre de l’Etat
qu’il fasse des préparatifs en faveur de l’industrie et assume à sa place la responsabilité de
l’approvisionnement. Vu les perspectives retenues pour l’approvisionnement (court et moyen
termes), et le fait qu’il se concentre sur quelques domaines de base, l’AEP considère que
l’industrie est appelée à jouer un rôle ponctuel et exceptionnel, qui se limite aux cas où sa
production est indispensable aux domaines de base que sont l’alimentation, l’énergie et les
produits thérapeutiques pour remplir leur mandat d’approvisionnement.
En collaboration avec eux, le domaine industrie détermine les matières premières et les matériaux
de base requis par l’industrie des machines, des appareils électr(on)iques et la
métallurgie ainsi que pour les produits chimiques, pharmaceutiques et les emballages. Il
dresse des plans précisant comment garantir les produits requis, surtout en exploitant les
réseaux d’achats et en concluant des accords avec les branches concernées, et, le cas
échéant, en constituant des réserves obligatoires complémentaires ou en prenant d’autres
mesures adéquates. Le niveau de préparation est moyen. Les éventuelles mesures à prendre
doivent pouvoir être mises en vigueur sous les 1 à 2 mois.
3.6.6 Infrastructures de la communication et de l’information
La société actuelle – et donc l’économie privée et l’administration – recourt de plus en plus
spontanément à la technologie de l’information et de la communication, ce qui la rend extrêmement
dépendante à plus d’un titre. Mais le fonctionnement impeccable des infrastructures
69 L’ordonnance du 7 mai 1986 sur l’assurance des transports contre les risques de guerre (OARG ; RS 531.711) sert de
base à l’assurance des transports dans ce cas de figure.
70 voir art. 9 à 15 OARG (RS 531.711)
71 voir art. 2 à 8 OARG (RS 531.711)
– 47 –
de l’information et de la communication est indispensable à l’économie, à la science et aux
administrations publiques de sorte que, dans ce domaine, l’Etat doit assumer une certaine
responsabilité.72 Les problèmes sont cependant tellement nombreux et complexes que l’on ne
peut, par souci de réalisme, retenir qu’un certain nombre de mesures, visant surtout à accorder
un soutien.
L’objectif de ces mesures est double : accroître la sécurité et la disponibilité des infrastructures
d’information et de communication et, en cas de situation extraordinaire, assurer la redondance
des systèmes de transmission pour des liaisons indépendantes avec l’étranger.73
Le niveau de préparation est élevé et les mesures déploient un effet permanent.
3.6.7 Travail
La problématique de la main-d’oeuvre a perdu de son acuité au sein de l’AEP et ce pour trois
raisons : d’abord, les changements survenus dans les rapports de force, ensuite les effectifs
nettement réduits et rajeunis, tant à l’armée qu’à la protection de la population et enfin la situation
à moyen terme sur le marché du travail. Dans ces conditions, on ne s’attend pas à ce
marché soit asséché, à court et moyen termes. Le domaine travail se limite donc à évaluer
chaque année la situation.
72 voir les compétences légales à l’art. 22, al. 1 LAP (RS 531)
73 Avec sa station-radio côtière BERNRADIO/BERNARADIO, la Suisse dispose du seul dispositif public à ondes courtes
totalement indépendant de l’étranger et répondant aux exigences de sécurité.
– 48 –
4 Moyens d’action de l’approvisionnement économique du pays
4.1 Préparatifs dans le cadre de « l’état de préparation permanent »
Comme nous l’avons vu, les crises d’approvisionnement apparaissent bien plus vite qu’il y a
dix ou vingt ans, vu le bouleversement structurel qu’a connu une économie entraînée dans la
mondialisation. La large suppression des réserves d’exploitation et les progrès technologiques
fulgurants ont contribué à optimiser les coûts et la production, tout en accroissant massivement
l’exposition de l’économie aux crises et en réduisant nettement le temps de réaction
imparti pour les maîtriser. On peut certes compter, dans une certaine mesure, sur les capacités
de réaction des intervenants sur le marché, tout au moins tant que la situation politicoéconomique
le permet. Mais le point d’intervention de l’Etat devrait être vite atteint, dans
certaines branches. On ne peut cependant pas, dans un premier temps, réagir à une interruption
soudaine de l’approvisionnement en biens vitaux en limitant la consommation par des
mesures compliquées ou en prenant des mesures pour agir sur la production. Bien au
contraire, il faut, tant que c’est possible, augmenter immédiatement l’offre. Mais cela suppose
que l’on ait, en temps normal, stocké suffisamment de biens vitaux, sous forme de réserves
obligatoires, et qu’on puisse les mettre très vite sur le marché.
Au niveau des services, vu la nécessité de réagir très vite, il faut préparer des moyens
d’action dans les domaines particulièrement critiques comme la flotte de haute mer et les installations
de communication.
Lorsqu’une crise survient, on n’aura pas le temps d’élaborer des mesures de réglementation
ad hoc ; il faut donc s’efforcer de les préparer en temps normal, du moins sur les plans
conceptuel, organisationnel et législatif. On gagnera ainsi du temps car seules quelques retouches
seront nécessaires (pour les adapter à une situation concrète) avant que le Conseil fédéral
ou le Département ne les mette en vigueur.
Il en va de même pour les mesures visant à garantir l’approvisionnement au niveau international.
Les contacts nécessaires à cet effet doivent déjà être pris en temps normal et il faut,
autant que possible, trouver dès aujourd’hui un consensus sur les mesures à prendre en commun
ou par exemple sur certaines autorisations d’utilisation, de transit ou sur des droits portuaires.
En temps de crise, il serait bien plus difficile voire impossible d’obtenir des concessions
d’autres pays.
– 49 –
Par son « ordonnance du 2 juillet 2003 sur les préparatifs de l’approvisionnement économique
du pays »74, le Conseil fédéral a chargé l’AEP de mener de vastes préparatifs, qui
s’ajoutent à ceux (réserves obligatoires et autres) qui ont été déjà concrétisés dans des ordonnances
spéciales.
4.1.1 Analyser la situation
Toute intervention dans la politique d’approvisionnement doit être précédée d’une solide
analyse de la situation. Les autorités compétentes ne peuvent s’en servir pour établir leur
stratégie que si cette analyse repose réellement sur un suivi précis des marchés, de la technique
et de la situation politique. Il faut donc les observer et les analyser en permanence, en
collaborant avec l’économie privée, les instituts scientifiques, les autorités et les organismes
internationaux. Il incombe en premier lieu aux divers domaines de faire cette analyse dans le
cadre de leur compétence matérielle75, l’OFAE devant coordonner ces activités.76 Les principaux
résultats de ces analyses périodiques se traduisent tout d’abord par des préparatifs à
prendre en temps normal, en particulier via une politique de stockage ou des plans concernant
les mesures de réglementation. Dans le cas d’une crise d’approvisionnement, l’analyse
de la situation indique si le point d’intervention est atteint pour certaines mesures à prendre
et – le cas échéant – quelle doit être l’ampleur d’une intervention.
4.1.2 Préparer des mesures de réglementation
Les mesures visant à combattre les crises d’approvisionnement doivent être soigneusement
préparées pour pouvoir être prises au bon moment et déployer leurs effets sans trop
d’anicroches. Plus une mesure va dans les détails, plus ses préparatifs seront compliqués.
Chaque mesure de réglementation repose sur un plan clair, couché par écrit, qui doit être approuvé
par le délégué à l’approvisionnement économique du pays. Une fois ce plan approuvé,
on s’attellera aux préparatifs concrets requis pour mettre éventuellement en oeuvre les
mesures de réglementation (réserves, moyens de transport et de communications, programmes
informatiques et ébauches de bases légales ou d’instructions destinées à la formation
des organes chargés de la mise en oeuvre). L’intensité de ces préparatifs dépend tant du
degré d’urgence (dans l’optique d’une éventuelle entrée en vigueur de ces mesures) que de
leur ampleur. Les plans et les préparatifs concrets n’ont jamais un caractère définitif, ils doi-
74 RS 531.12
75 art. 10, al. 1, let. d de l’ordonnance du 6 juillet 1983 sur l’organisation de l’approvisionnement du pays (RS 531.11)
76 art. 9, al. 1, let. f de l’ordonnance du 6 juillet 1983 sur l’organisation de l’approvisionnement du pays (RS 531.11)
– 50 –
vent être évolutifs. En d’autres termes, il faut régulièrement vérifier leur actualité et, si nécessaire,
les adapter aux nouvelles réalités économiques, politiques et juridiques.
4.1.3 Constituer des stocks (réserves obligatoires)
Les réserves obligatoires sont la charnière de toute intervention en cas de crise, car elles peuvent
servir tant d’instrument d’intervention précoce que de moyen d’étoffer une offre lacunaire
de marchandises. A partir d’analyses périodiques de la situation et des plans de réglementation
à disposition, le Conseil fédéral détermine les produits à stocker et le DFE les volumes
des réserves obligatoires. Ce faisant, il tient compte des coûts qui en résulte pour
l’économie suisse et des moyens nécessaires pour financer ces réserves. Pour atténuer la
charge des propriétaires de stocks obligatoires, la Confédération endosse partiellement la garantie
de leur financement, leur octroie en sus de nets allégements fiscaux et assume la couverture
des risques non assurables. Cette nécessité de constituer des réserves obligatoires est
reconnue à l’échelle internationale et ne constitue pas une barrière commerciale.77
En principe, on ne stocke que des produits susceptibles d’être immédiatement commercialisés.
78 Dans la logique du système, ces réserves obligatoires viennent s’ajouter à celles
d’exploitation et ne sont pas désignées spécialement. Ainsi, les entreprises peuvent procéder
régulièrement à des rotations de stocks si bien qu’en cas de libération des réserves, on dispose
toujours de marchandises conformes au marché. L’OFAE contrôle tant les quantités, la
qualité et les prix des produits ainsi stockés car ces réserves servent aussi de sûreté à la
Confédération pour son engagement financier. La possibilité d’avoir, en tout temps, recours
aux réserves obligatoires est ainsi garantie.
4.1.4 Garantir les capacités de transport requises
De nos jours, les moyens de transport (de surface, aérien et fluvial) dont la Suisse dispose,
suffisent, en principe, à couvrir la demande en cas de crise. Le cas échéant, il peut s’avérer
nécessaire de coordonner l’affectation des véhicules en fonction des priorités.
77 Le protocole n°5 de l’accord de libre échange conclu en 1972 entre la Suisse et la Communauté économique européenne
(RS 0.632.401) constitue la base de reconnaissance, par notre principal partenaire commercial, du stockage obligatoire
en Suisse. L’accord fixe la réglementation sur les importations des produits industriels finis qui sont soumis à ce
stockage. En notifiant toute modification des listes de produits concernés dans le cadre de la commission mixte issue de
l’accord de libre-échange de 1972 (SR 0.632.401.5), la Suisse a joué la transparence vis-à-vis de la CEE et fait de même,
aujourd’hui, avec l’UE.
78 A l’heure actuelle, le Conseil fédéral a soumis les produits suivants au stockage obligatoire : sucre, riz, corps gras
comestibles, café, céréales, certains engrais, antibiotiques, combustibles et carburants liquides, lubrifiants ainsi que le
gaz naturel (toutefois c’est du mazout qu’on stocke à titre supplétif). Par contre, on a liquidé les réserves obligatoires de
thé, cacao, céréales fourragères et spéciales, semences et vesces de semences, savons et détergents, charbon. On prévoit
de liquider les réserves obligatoires de lubrifiants ainsi que les réserves obligatoires « librement convenues » dans divers
secteurs (acier, textiles et tabac).
– 51 –
La seule exception, ce sont les transports maritimes : sans le soutien de la Confédération, la
Suisse, pays enclavé, n’aurait guère de chance d’avoir ses propres navires de haute mer car
les handicaps économiques des armateurs suisses seraient trop lourds face aux avantages dont
jouissent les armateurs des nations maritimes. Pour conserver ses propres capacités, même
limitées, en matière de tonnage et en faire profiter l’AEP79, la Confédération encourage depuis
plus de 50 ans, en le cautionnant, l’achat de navires arborant pavillon suisse.80 Le choix
des navires auxquels un cautionnement sera octroyé dépend des besoins de l’AEP.81 Il s’agit
essentiellement de cargos pour marchandises sèches, de porte-conteneurs ainsi que de quelques
chimiquiers.82 Ce sont surtout l’évolution sur le marché de l’or noir et la politique de
l’AIE qui montreront s’il y a lieu, à l’avenir, de cautionner également des pétroliers. Vu
qu’ils doivent être inscrits au registre suisse des navires – première condition à l’octroi d’un
cautionnement –, la Confédération peut, en cas de besoin, disposer en tout temps de ces bâtiments,
s’il le faut en les réquisitionnant ou en les expropriant.83 La disponibilité de la flotte
suisse de haute mer est assurée de diverses façons : en contrôlant techniquement l’état des
navires, en entreposant à bord du matériel ABC, en donnant des directives aux capitaines en
cas de crise ou de guerre, en offrant une assurance spéciale couvrant les transports en cas de
guerre (voir le point 4.1.5), en assurant les liaisons via BERNRADIO, station côtière (voir
point 4.1.6) ainsi qu’en négociant avec des pays tiers le droit d’utiliser les ports, de transiter
et de se ravitailler en cas de crise ou de guerre (voir point 4.1.7).
4.1.5 Assurer les transports contre les risques de guerre
L’assurance contre les risques de guerre compte parmi les préparatifs à faire en temps normal
dans le domaine des transports. Pour protéger les moyens de transport exposés et pour garantir
que l’AEP bénéficiera de ces moyens d’acheminement même s’il y a un risque de
guerre au sens assurantiel (que les assureurs privés ne couvrent pas ou alors à des prix prohibitifs),
on prépare une assurance supplémentaire de la Confédération.84 Pour protéger les navires
suisses de haute mer et les avions gros porteurs d’une soudaine guerre, atomique ou gé-
79 voir le point 3.6.4 concernant la nécessité d’une flotte suisse
80 voir le message du 7 novembre 2001 relatif à l’arrêté fédéral renouvelant l’ouverture d’un crédit-cadre pour cautionnement
visant à garantir un nombre suffisant de navires de haute mer battant pavillon suisse (FF 2002 884) et AF du 5 juin
2002 renouvelant l’ouverture d’un crédit-cadre pour cautionnement visant à garantir un nombre suffisant de navires de
haute mer battant pavillon suisse (FF 2002 4905)
81 ordonnance du 14 juin 2002 sur le cautionnement de prêts pour financer des navires suisses de haute mer (RS 531.44)
82 Directives du délégué à l’approvisionnement économique du pays relatives à l’octroi d’un crédit-cadre pour financer
les navires de haute mer battant pavillon suisse (25 juin 2002)
83 art. 23, al. 1, let. i, art. 25, al. 4, art. 28, al. 2 LAP (RS 531) et art. 6 LNM (RS 747.30)
84 ordonnance du 7 mai 1986 sur l’assurance des transports contre les risques de guerre (OARG)
– 52 –
néralisée, impliquant des risques pour lesquels les assureurs peuvent même annuler rétroactivement
la couverture (risques liés à un événement « choc »), la Confédération propose, à titre
préventif, une assurance spéciale, dite couverture automatique intérimaire.85 Cette couverture
permettrait aux armateurs et aux compagnies aériennes suisses de faire parvenir en zone
sûre leurs navires ou avions se trouvant dans des régions menacées. La Confédération encaisse
alors une prime conforme au risque, qui servira de réserve pour couvrir d’éventuels
dommages. Seule une évaluation ultérieure de la situation permettra de décider si cette couverture
automatique intérimaire pourra être étendue à d’autres moyens de transport, voire à
d’autres biens et valeurs.
Pour élaborer la couverture générale, on prend en compte les données requises, à savoir les
conditions générales d’assurance (CGA) et les directives d’acceptation pour assurer les biens
importés ou exportés, les valeurs et les moyens de transport dans l’intérêt de l’AEP, afin que
le Conseil fédéral puisse, le cas échéant, mettre immédiatement en vigueur cette assurance.
Parallèlement, le domaine transport et les assureurs privés, dans le cadre des activités de milice,
font les préparatifs requis, sur le plan organisationnel, pour l’octroi d’une assurance et le
règlement des sinistres.
4.1.6 Garantir les infrastructures de communication et d’information
Le plus souvent, les infrastructures de communication et d’information fonctionnent en permanence.
Mais les risques auxquels elles sont exposées ne se matérialisent fréquemment qu’à
l’état latent, sans que l’on ne décèle clairement de crise. Il est donc clair que les mesures visant
à accroître leur sécurité et leur disponibilité constituent une tâche permanente, déjà en
temps normal. Voici les détails de ces mesures :
– sensibiliser tous les utilisateurs aux risques affectant cette technologie ainsi que les informer
des moyens de prévenir les dégâts ou d’y remédier ;
– élaborer des solutions pour la sécurité et la disponibilité grâce à des experts issus des
milieux économiques, scientifiques et administratifs (réseau) ;
– faire des analyses de risques et dresser des plans d’urgence concernant les principaux
bénéficiaires de ces prestations dans les divers domaines de l’AEP ;
– détecter le plus tôt possible les perturbations, alarmer et remédier à ces pannes grâce
aux mesures préparées ;
– garantir une redondance des systèmes de transmission pour les liaisons avec l’étranger
lors de situations extraordinaires.
85 chapitre II des directives d’acceptation de l’OFAE (13 mai 1986) à l’attention des prestataires d’assurance concernés
par l’assurance des transports contre les risques de guerre.
– 53 –
Dans le cadre dans cette dernière mesure, la Confédération veille, dans l’intérêt du pays, à
maintenir les installations et l’exploitation du seul moyen de transmission indépendant qu’est
l’émetteur ondes courtes BERNRADIO/BERNARADIO, selon un modèle spécial86. En effet,
la Confédération met les installations relevant autrefois de Swisscom à la disposition d’une
société privée. Cette société assume, en gestionnaire avisé, un service radio à ondes courtes
pour la navigation maritime et aérienne. Le cas échéant, les besoins de la Confédération en
matière de transmission auront une stricte priorité, en particulier pour les liaisons entre les
organes de l’AEP et les navires de haute mer ou les avions suisses.
4.1.7 Coopération internationale
L’imbrication accrue des marchés à l’échelle internationale exige une coopération renforcée
avec des pays tiers et des organisations internationales. C’est pourquoi la Suisse entretient, en
temps normal déjà, diverses relations bilatérales et multilatérales en vue d’assurer son approvisionnement.
Elles créent des liens de confiance mutuelle, atout crucial lors d’une crise. Il
faut donc saisir chaque occasion qui se présente pour nouer et entretenir des contacts servant
les intérêts de l’AEP.
Ainsi, la Suisse s’associe, dans le cadre de l’AIE, aux mesures internationales prises pour assurer
l’approvisionnement en pétrole. Elle approfondit cette affiliation en participant activement.
Vu sa compétence technique en gestion des stocks et pour les restrictions, elle essaie
d’avoir une influence sur la politique de l’agence, dans l’intérêt de son propre approvisionnement
en énergie.
Membre du Conseil de partenariat euratlantique, notre pays agit aussi au sein de divers comités
civils de planification des crises chargés, entre autres, de maîtriser des problèmes
d’approvisionnement. L’AEP échange surtout des informations avec les pays membres et
noue de précieux contacts, surtout pour l’avenir. L’objectif final est d’utiliser, en cas de crise,
ces organismes comme plate-forme pour coordonner des mesures de réglementation.
Outre ces contacts multilatéraux, la Suisse entretient avec de nombreux Etats des relations
bilatérales, surtout pour garantir aux transporteurs suisses le droit d’utiliser les ports, de
transiter et de se ravitailler en cas de crise. Ces dernières années, des accords techniques ont
été conclus avec divers pays. Il faut régulièrement vérifier leur actualité et les compléter, s’il
le faut. On s’efforcera de conclure d’autres accords de ce genre pour accroître notre souplesse
d’approvisionnement.
86 cf. réponse du Conseil fédéral à l’interpellation de M. Merz, conseiller d’Etat, le 20 septembre 2001 (Ip 01.3466; Bulletin
officiel E, session d’hiver 2001)
– 54 –
4.1.8 Organisations chargées de la mise en oeuvre
Dans les domaines critiques, les mesures de réglementation requièrent un niveau élevé de
préparation, ce qui touche aussi l’organisation appelée à les mettre en oeuvre. Pour chaque
mesure à prendre, il faut faire certains préparatifs, dont l’intensité varie cependant. Ils sont
particulièrement lourds chaque fois qu’un très grand nombre de consommateurs sera directement
touché par une mesure et que la mise en oeuvre devra être très rapide : en effet, lorsqu’une
mesure est décidée, il est trop tard pour mettre sur pied une telle organisation.
Si la Confédération ne peut confier la mise en oeuvre de ces mesures à ses propres organes ou
à ceux de milice, elle en charge les cantons ou certaines organisations de l’économie privée.87
Pour une partie des mesures concernant l’énergie et les denrées alimentaires, il est prévu que
les cantons et la principauté du Liechtenstein88 assument, avec leurs communes89, la responsabilité
de la mise en oeuvre. Il est vrai qu’elles ont un contact plus direct avec les habitants et
disposent des données requises sur la population. Vu la diversité découlant du fédéralisme, la
collaboration des cantons et des communes implique un sérieux coup de collier en matière
d’organisation et de formation, et cela, dès le temps normal.90
Selon le principe de subsidiarité en vertu duquel la Confédération doit laisser, autant que
possible, l’économie privée se charger de l’approvisionnement, elle fait appel aux organisations
de l’économie là où les structures en place le permettent. Ainsi, elle a chargé l’Union
des centrales suisses d’électricité de mettre en oeuvre les mesures visant à réglementer
l’électricité et de faire les préparatifs en découlant.91 Des organisations émanant d’autres
branches, comme le gaz par exemple, pourraient, à l’avenir, endosser de telles tâches.
87 cf. art. 52, al. 2 LAP (RS 531) ainsi que les points 5.3.2. et 5.4.1
88 Dans le cadre du traité du 29 mars 1923 entre la Suisse et le Liechtenstein concernant la réunion de la principauté du
Liechtenstein au territoire douanier suisse (RS 0.631.112.514; annexe I), la principauté du Liechtenstein dépendait, au
début de la seconde guerre mondiale, de l’approvisionnement du pays suisse. A quelques exceptions près, le droit suisse
sur l’approvisionnement du pays peut être appliqué, aujourd’hui encore, au Liechtenstein par les autorités suisses. La
principauté est traitée comme un canton, en tenant compte de sa souveraineté.
89 La commune allemande de Büsingen am Hochrhein relève du droit suisse sur l’approvisionnement du pays, en vertu
de l’art. 2, al. 1, let. e du traité du 23 novembre 1964 passé entre la Confédération helvétique et la République fédérale
d’Allemagne sur l’inclusion de la commune de Büsingen am Hochrhein dans le territoire douanier suisse (RS
0.631.112.136). Büsingen est traitée comme une commune du canton de Schaffhouse. En vertu du droit coutumier,
l’enclave italienne Campione d’Italia est approvisionnée par la Suisse, comme une commune tessinoise.
90 Selon l’art. 54 LAP (RS 531) en liaison avec l’art. 17 de l’ordonnance d’organisation de l’approvisionnement du pays
(RS 531.11), les cantons ne sont pas seulement tenus de mettre en oeuvre les tâches confiées par la Confédération, mais
de faire aussi les préparatifs requis. Le DFE est autorisé à édicter des instructions en ce sens à l’adresse des cantons. Le 4
décembre 2001, il s’est ainsi adressé « aux organismes gouvernementaux compétents dans les cantons et dans la principauté
du Liechtenstein (en vue) de préparer des mesures de l’approvisionnement économique du pays ».
91 ordonnance du 17 février 1993 sur l’organisation d’exécution de l’approvisionnement économique du pays dans le
domaine de l’industrie électrique (OEIE; RS 531.35).
– 55 –
Dans les domaines où une réglementation est prévue avec un niveau d’urgence élevé voire
très élevé, la préparation de la mise en oeuvre a exactement la même priorité.
4.1.9 Information
Transmettre la bonne information, par les bons canaux, est un service crucial lors d’une crise.
Seul un citoyen bien informé fera preuve de la discipline voulue. Les citoyens non ou insuffisamment
informés constituent, par contre, un risque sérieux pour l’approvisionnement car
leur comportement est imprévisible : ils cèdent à la panique, contraignant les autorités à instaurer
des mesures que la situation n’imposait pas. Chaque fois que l’on prépare une mesure
de réglementation, il faut donc impérativement l’accompagner d’un plan d’information qui
doit être préparé, lui aussi, en temps normal. En outre, l’AEP informe régulièrement
l’opinion publique, même hors de toute crise, du niveau général des préparatifs et recommande
aux particuliers de faire des provisions de ménage sans se ruer sur les marchandises.92
4.2 Réglementation
Par des mesures de réglementation de l’AEP, la Confédération intervient dans l’économie de
marché pour éviter une crise d’approvisionnement – ou tout du moins en adoucir les effets –
dans l’intérêt général du pays. Ces mesures peuvent certes être partiellement préparées en
temps normal, mais elles doivent correspondre à la situation si elles sont prises lors d’une
crise. Les autorités politiques compétentes doivent donc se réserver en permanence une
marge de manoeuvre permettant de réagir alors de façon appropriée. Un automatisme trop
schématique ne ferait pas que réduire la souplesse requise, il pourrait entraîner des dérapages
économiques nuisibles à l’approvisionnement. Les mesures de la première heure, qui permettent
de combattre rapidement une crise, offrent par définition peu de souplesse car elles
doivent être prises sans tarder et déployer rapidement leurs effets. Les autorités n’ont qu’une
petite marge de manoeuvre puisqu’elles se limitent à fixer le volume et les délais
d’intervention, cette marge pouvant s’accroître si des mesures d’accompagnement sont édictées.
Pour réglementer conformément aux exigences de la situation, il faut intervenir graduellement
dans le mécanisme du marché, avec des mesures bien dosées, selon un principe
modulaire, mais les modérer ou stopper très vite dès que la situation le permet, afin de rendre
le terrain économique aux acteurs du marché.
En axant l’approvisionnement du pays sur le court et le moyen termes, on se concentre sur
des mesures quasiment toutes prêtes, pouvant être appliquées de façon ciblée et sur d’autres
92 cf. art. 4, al. 4 LAP (RS 531)
– 56 –
mesures pouvant être mises en oeuvre en quelques semaines ou mois sans exiger de grands
moyens administratifs. En revanche, on ne prépare pas, en principe, de façon concrète des interventions
complexes, destinées au long terme. Si toutefois, la donne devait radicalement
changer en politique de sécurité, montrant qu’une crise peut perdurer au-delà du moyen
terme, il faudrait envisager des mesures plus incisives, toujours selon un principe modulaire.
On classe les mesures de réglementation dans les catégories suivantes :
– mesures visant à stimuler l’offre sur le marché,
– mesures visant à réduire la demande,
– mesures visant à garantir des services,
– mesures visant à protéger les consommateurs et l’économie.
On ne devrait recourir qu’à titre exceptionnel à une mesure de réglementation isolée. Pour atteindre
un effet optimal, chaque mesure principale est, en règle générale, assortie d’une ou
plusieurs mesures d’accompagnement : ce sont des mesures sans importance intrinsèque,
auxquelles on ne recourt qu’accessoirement, pour mieux atteindre l’objectif poursuivi.
4.2.1 Mesures visant à stimuler l’offre sur le marché
4.2.1.1 Libération de réserves obligatoires
En libérant des réserves obligatoires, on alimente le marché en biens vitaux. Cette mesure de
la première heure permet d’éviter des ruptures de l’approvisionnement (avec leurs graves
conséquences pour l’économie) et, à moyen terme, – toujours conjuguée à d’autres mesures –
d’élargir l’offre sur le marché. Le DFE est compétent pour cette libération.93 Si ce dernier
prend la décision de principe, l’OFAE doit, de son côté, décider, au cas par cas, si un propriétaire
de réserve obligatoire peut ou non disposer des marchandises libérées, et dans
l’affirmative, dans quelle mesure et à quelles conditions (remboursement du prêt pour réserves
obligatoires et des engagements financiers vis-à-vis du fonds de garantie).
4.2.1.2 Obligation de livrer
L’obligation de livrer est une mesure d’accompagnement permettant d’éviter des phénomènes
d’accaparement et une flambée des prix nuisant à l’économie. Elle impose aux propriétaires
de réserves obligatoires (principalement visés) de ravitailler le marché, d’abord avec leurs
réserves d’exploitation, puis avec les marchandises libérées de leurs réserves obligatoires.
Toute libération de réserves obligatoires est donc flanquée d’une obligation de livrer. Toute-
93 art. 28, al. 4 LAP (RS 531) et art. 12 de l’ordonnance sur la constitution de réserves (RS 531.211)
– 57 –
fois, même les exploitations commerciales et les centres de production qui n’ont pas de réserves
obligatoires peuvent, selon les circonstances, être tenus de ravitailler le marché.
4.2.1.3 Stimuler les importations
Pour relancer les importations, le Conseil fédéral peut encourager voire obliger le secteur
privé à importer des marchandises en favorisant à cette fin des regroupements entre importateurs
(formation de pools ou de plate-formes). On peut aussi stimuler les importations par des
initiatives diplomatiques, des offres d’échanges ou des contacts dans le cadre d’organismes
internationaux (AIE, Conseil de partenariat euratlantique). Mais on peut aussi stimuler les
importations de façon indirecte, en renonçant à libérer, dans certains cas, telle ou telle réserve
obligatoire. Le cas échéant, on peut aussi offrir des incitations financières.94
4.2.1.4 Restreindre les exportations
Pour ménager nos propres réserves, on peut restreindre les exportations de certains produits.
Cela s’impose dès lors qu’un important écart de prix apparaît, suite à des disparités
d’approvisionnement entre la Suisse et d’autres pays ou lorsque des consommateurs viennent
de l’étranger – surtout des pays limitrophes – pour acheter des biens sur le marché suisse si
celui-ci est mieux approvisionné ou offre des prix plus intéressants. Cette mesure implique
une lourde surcharge administrative aux frontières et doit être mise en oeuvre au bon moment.
En outre, il faut tenir compte des accords internationaux.
4.2.1.5 Stimuler la constitution de réserves supplémentaires
Pour garantir, pendant un certain temps, un approvisionnement à peu près équilibré en cas de
pénurie, il faut si possible constituer des réserves supplémentaires en soustrayant au marché
une partie des produits importés pour la conserver à titre de réserve obligatoire, de stock de la
Confédération (art. 18 LAP) ou de stock minimal (art. 5 LAP).95 Il faut alors combler le déficit
de l’offre, soit en réduisant la demande, soit en élargissant la palette de marchandises sur
le marché. Ces réserves supplémentaires seront utilisées si les importations devaient continuer
à baisser, pour éviter un effondrement de l’approvisionnement.
4.2.1.6 Interdire l’accaparement
Une offre insuffisante sur le marché entraîne fatalement une hausse des prix. De ce fait, les
vendeurs sont tentés de ne pas écouler, pendant un certain temps, des marchandises achetées
94 En vertu de l’art. 26 LAP (RS 531), le Conseil fédéral peut, pour éviter ou résorber de graves pénuries, stimuler l’achat
de marchandises (à l’étranger) et, le cas échéant, accorder l’aide financière nécessaire.
95 En vertu de l’art. 26 LAP (RS 531), le Conseil fédéral peut, pour éviter ou résorber de graves pénuries, promouvoir la
constitution de réserves, voire, si cela ne suffit pas, allouer une aide financière.
– 58 –
à bon compte. Si cette spéculation existe à large échelle, cela aura des conséquences nettement
inflationnistes et nuira fortement à l’économie, surtout à la production. En interdisant
l’accaparement, on ne disposera pas de marchandises supplémentaires, mais on empêchera au
moins que les marchandises disponibles soient soustraites au marché, stimulant par ailleurs
une inflation dont on se passerait très bien. Interdire l’accaparement constitue aussi un pendant
à l’obligation de livrer.
4.2.1.7 Reconvertir la production indigène
Une reconversion de la production indigène requiert, en règle générale, une longue période,
ce qui rend cette mesure peu compatible avec les perspectives retenues pour
l’approvisionnement (court et moyen termes). Une vaste reconversion de la production, notamment
dans le secteur agricole (programme d’extension des cultures ou abattage partiel du
cheptel), ne peut être envisagée que sur une période assez longue. Les coûts administratifs et
financiers seraient immenses et des programmes de cette envergure peu réalisables dans les
délais impartis. Aussi prévoit-on des mesures « douces » (décaler les récoltes, faire de nouvelles
semailles), promettant un effet optimal avec de légers correctifs. Au demeurant, le
moment où survient le dommage a une incidence importante sur le choix et la portée de ces
mesures. Il faut toujours intervenir « en douceur », si possible, et réduire au minimum les
pertes de revenu des agriculteurs.
Si, pour accroître la production, il faut revoir tout un processus de fabrication, surtout dans le
secteur industriel, cette mesure peut, parfois, être vraiment judicieuse. Quant à savoir si elle
est rentable, c’est là une autre question : il faut voir le rapport coûts/avantages, le temps
écoulé (prévisible) entre l’entrée en vigueur de la mesure et l’impact positif de cette conversion.
Il ne faut pas oublier qu’après avoir remanié un processus de production, on devra un
jour revenir à la normale, ce qui impliquera à nouveau des coûts non négligeables. Les mesures
visant à accroître la production ne doivent donc être prévues qu’à titre exceptionnel et
pour un nombre limité de produits.
4.2.1.8 Substituer
Dans les domaines où c’est techniquement possible, on peut accroître partiellement l’offre en
procédant à des substitutions. Cette mesure s’avère judicieuse si les consommateurs peuvent
remplacer un produit par un autre : si un produit devient rare, ils seront obligés de se rabattre
sur un autre. Concrètement, une substitution est prévue si l’approvisionnement en gaz naturel
était totalement ou partiellement interrompu. Les consommateurs dotés d’installations mixtes
– 59 –
peuvent être contraints d’utiliser du mazout96 ou une autre source d’énergie à la place du gaz.
Cette mesure présuppose des installations mixtes mais elle est facile à mettre en oeuvre dès
lors qu’on dispose d’énergie de substitution en quantité suffisante.
4.2.2 Mesures visant à réduire la demande
Si un approvisionnement déficitaire ne peut être compensé, en tout ou en partie, par un accroissement
de l’offre, il faut réduire la demande. On dispose alors de divers moyens d’action
qui, de façon modulaire, peuvent être employés seuls ou en mode panaché, pour soutenir une
mesure principale. Certains peuvent servir à réduire la consommation de tous les biens de
consommation, d’autres ne conviennent qu’à une catégorie de produits.
4.2.2.1 Contingenter
Par le biais du contingentement, on réduit artificiellement l’offre du fait que les prestataires
(négociants, importateurs et producteurs) ne peuvent plus écouler un produit à leur guise sur
le marché, mais seulement en quantité limitée. Cette limite est fixée à partir des quantités débitées
par chaque prestataire pendant une période de référence, définie par le Conseil fédéral,
auxquelles on applique un taux de contingentement97, également fixé par ce dernier. Cette
mesure ne limite qu’indirectement la consommation, par une réduction de l’offre. Comme les
acteurs du marché demeurent libres de distribuer les marchandises, le contingentement ne
permet qu’une réduction relativement modeste. Si son taux est trop bas, cela peut entraîner
une répartition très hétérogène entre consommateurs et donc des tensions au sein de la population.
On peut réduire ce risque en prenant des mesures d’accompagnement ou en instaurant
un contingentement contrôlé. Le prestataire est alors tenu de ne vendre des marchandises que
dans le cadre du contingentement. Comme les autorités chargées de la réglementation ne doivent
se préoccuper que d’un nombre limité d’acteurs du marché, la surcharge administrative
n’est pas énorme, mais il ne faut pas la sous-estimer en cas de contingentement contrôlé. Le
contingentement est prévu pour les agents énergétiques et les denrées alimentaires.
4.2.2.2 Rationner
Si le déficit de l’offre avoisine 15 à 20 %, voire plus, de la consommation normale, on ne
pourra plus le combler par des mesures d’accompagnement limitant la consommation ni par
un contingentement. Dans ce cas, les restrictions doivent toucher directement les consom-
96 Pour les exploitations fonctionnant avec deux types d’énergie, notamment les cimenteries, on détient déjà des réserves
obligatoires de mazout équivalant, en bilan énergétique, au gaz naturel qu’on ne peut stocker en Suisse.
97 Le taux de contingentement est un pourcentage réduit du taux de référence. La différence entre le taux de référence
et le taux de contingentement est le taux de restriction.
– 60 –
mateurs. C’est alors qu’on doit recourir au rationnement. Lors d’un rationnement, chaque
consommateur se voit attribuer, pendant un certain temps – période de rationnement98 –, une
ration identique99 d’une marchandise donnée. L’ampleur d’une ration, fixée de façon linéaire,
peut varier selon la catégorie de consommateurs vu que leurs droits peuvent être différents.
Celui qui répond aux critères légaux a droit à une ration qu’il peut retirer chez un prestataire,
à condition toutefois de présenter un titre de rationnement.100 Les titres de rationnement sont,
en règle générale, envoyés directement aux consommateurs par les autorités compétentes.101
Des programmes de rationnement sont prévus pour les denrées alimentaires ainsi que les carburants
et combustibles liquides. Les coûts administratifs d’un rationnement sont très élevés
et sa mise en oeuvre exige une préparation considérable.
4.2.2.3 Délester
L’approvisionnement en électricité, vu les particularités physiques de cette énergie, est étroitement
lié au réseau et au fait que l’on n’en dispose qu’au moment où elle est produite : il est
pratiquement impossible de la stocker.102 Si l’écart se creuse entre l’offre et la demande,
l’approvisionnement en électricité s’effondre, ce qui entraîne de graves problèmes écono-miques
voire un danger de mort. Dès qu’on prévoit des pics extrêmes de consommation qu’on
ne pourra vraisemblablement pas maîtriser, il faut réduire la demande en procédant à des délestages
contrôlés d’une partie du réseau. Cette mesure implique, techniquement parlant, un
énorme travail de préparation de la part des entreprises électriques ; elle peut être mise en vigueur
sous les 24 heures, moyennant 5 jours de préparation à compter du point
d’intervention. Il est prévu de procéder aux délestages de façon alternée, selon des plans précis,
de sorte que toutes les régions approvisionnées seraient touchées les unes après les autres,
selon un horaire établi. On prévoit des exceptions pour les établissements et exploitations
d’importance vitale (hôpitaux, services de police et de sauvetage, transports, etc.).
98 Une période de rationnement dure 1 à 2 mois, si elle tombe sur un mois calendaire ou alors 1 ou 2 x 30 voire 28
jours, si elle ne tombe pas exactement sur un mois.
99 La ration est une quantité fixe, au niveau du poids, du volume ou du nombre.
100 Les titres de rationnement sont des cartes ou des coupons soit personnels soit anonymes, auquel cas ils sont transférables.
On peut aussi imaginer des documents électroniques.
101 En cas de rationnement alimentaire, la distribution des titres sera assurée par les communes (données du contrôle de
l’habitant), alors que, pour les carburants, ce sera l’affaire des cantons (données du contrôle des véhicules).
102 Parmi les moyens de production, on peut seulement stocker, et en quantité limitée, de l’eau et des barres de combustible
nucléaire.
– 61 –
4.2.2.4 Restreindre voire interdire l’utilisation
Pour limiter la consommation, on peut aussi imposer des restrictions d’utilisation voire des
interdictions, mais en règle générale, elles ne concernent que des secteurs non vitaux de la
consommation, assimilables aux produits de luxe auxquels on peut raisonnablement envisager
de renoncer temporairement. En tant que mesures d’accompagnement, elles appuient les
mesures principales visant à accroître ou à réduire l’offre sur le marché. On ne peut guère
imaginer les prendre de façon isolée.
Les restrictions d’utilisation et les interdictions les plus connues sont, dans le domaine énergétique,
l’interdiction de remplir des bidons et de circuler le dimanche, la baisse des limites
de vitesse, l’interdiction de rouler dans des véhicules dont les plaques d’immatriculation se
terminent par un chiffre pair ou impair (selon le jour), l’interdiction d’utiliser certains appareils
électriques (pour chauffage, bronzage artificiel, etc.). Mais on peut aussi limiter les utilisations
dans le secteur agricole ou industriel.
Ces mesures ponctuelles n’ont souvent qu’un effet limité, mais leur impact psychologique est
beaucoup plus important que les économies réalisées. Souvent, ces mesures sont prises très
tôt et constituent une première étape avant de passer, le cas échéant, à des interventions plus
incisives. Les coûts administratifs et financiers sont limités voire minimes pour l’interdiction
de circuler le dimanche, vu que le contrôle « social » rend superflu tout système de surveillance.
4.2.3 Mesures visant à garantir des prestations de service
4.2.3.1 Garantir les moyens de transports
Pour garantir aux importateurs et exportateurs une offre suffisante de moyens de transport, le
Conseil fédéral peut obliger les transitaires, armateurs et autres transporteurs suisses à acheminer
des marchandises dans l’intérêt de l’approvisionnement économique du pays.
A cet effet, il peut conclure, sur une base volontaire, des contrats d’affrètement pour son propre
compte ou pour des tiers, affréter103 par coercition (et moyennant un dédommagement)
voire réquisitionner104 des moyens de transport, notamment des navires de haute mer ou constituer
des pools de transport (chargements conjoints). Il peut aussi adopter des mesures pour
103 L’affrètement consiste à louer des capacités de transport pour une certaine période ou une certaine destination. Le
propriétaire du navire reste responsable des opérations et répond aussi de l’équipage.
104 La réquisition d’un moyen de transport implique que la Confédération est habilitée à en disposer et qu’elle assume la
responsabilité des opérations tant que durera la réquisition. Le propriétaire initial demeure, aussi est-il dédommagé pour
cette « expropriation temporaire ». Dans la pratique, toutefois, la Confédération confiera les opérations soit à l’exploitant
usuel soit à un exploitant qualifié.
– 62 –
protéger les moyens de transport suisses et leur équipage à l’étranger ainsi que prendre certaines
précautions techniques ou liées à sa politique de neutralité105 ou procéder à des évacuations
et gérer des agences de transport106 à l’étranger.
4.2.3.2 Garantir les voies d’acheminement
Pour autant qu’on ait déjà, en temps normal, passé des accords avec des pays tiers sur
l’utilisation des voies d’acheminement, des ports maritimes et des centres de transbordement,
ainsi que sur les droits de ravitailler les moyens de transport suisses et le personnel impliqué,
les Etats signataires doivent honorer ces conventions. Si besoin est, il faut passer d’autres accords
en coopérant avec le Département des affaires étrangères.
4.2.3.3 Octroyer une couverture contre les risques de guerre pour certains transports
Pour protéger les propriétaires de véhicules et les biens transportés contre les risques financiers
de dommages ou pertes subis à l’étranger, le Conseil fédéral propose une assurance
contre les risques de guerre au cas où les transports effectués dans l’intérêt du pays ne seraient
plus couverts (ou plus à des conditions acceptables) par les assureurs privés.
Par le biais de cette assurance générale contre les risques de guerre107 particulière, on veut
éviter que des transports vitaux pour l’approvisionnement économique du pays soient bloqués,
qu’il devienne impossible de procéder à des évacuations dans des régions menacées ou
qu’on ne puisse plus réparer ni remplacer des véhicules endommagés ou perdus.
4.2.3.4 Maintenir des infrastructures de communication et d’information
Si la communication avec l’étranger est perturbée, le Conseil fédéral peut proposer aux interlocuteurs
mobiles importants pour l’approvisionnement du pays et se trouvant à l’étranger,
d’utiliser BERNRADIO, émetteur à ondes courtes, voire les obliger à utiliser cette installation.
Parmi les interlocuteurs mobiles présentant un intérêt pour le pays, citons notamment
les navires de haute mer et les avions suisses, mais aussi des entreprises ou agences suisses
qui opèrent sur mandat de l’approvisionnement économique du pays.
Pour le cas où la communication serait perturbée en Suisse, on prépare, avec les exploitants
des télécommunications et l’Office fédéral de la communication, des mesures pour garantir
l’infrastructure ICT dans les domaines de l’approvisionnement de base et pour les entreprises
105 Diverses mesures sont prévues pour protéger les navires de haute mer : matériel de protection ABC (qui doit être à
bord de tous les navires suisses) pour l’équipage, instructions et documents permettant de sauvegarder la neutralité du
pavillon suisse, maintien des liaisons par ondes courtes avec la Suisse.
106 Des agences de transport existent déjà, dans les ports européens capitaux pour la Suisse, sous forme d’agences portuaires
(maritimes). Il est prévu de leur donner un statut consulaire.
107 La « couverture automatique intérimaire » est déjà proposée en temps normal, au cas où les assureurs devraient soudain
annuler leur couverture (cf. point 4.1.5).
– 63 –
de services et les institutions d’importance vitale (banques, assurances, médias, logistique,
services de sécurité et de sauvetage, etc.). Concrètement, cela se traduit par la mise sur pied
de cellules de crise, la mise à disposition d’un service d’itinérance d’urgence ou de stations
de base pour le réseau mobile ainsi que par des accords interprofessionnels.
4.2.3.5 Garantir le trafic des paiements avec l’étranger
Si les relations économiques avec l’étranger sont perturbées, le Conseil fédéral peut prendre
des dispositions particulières pour assurer les paiements liés à l’achat de marchandises ou les
transports et moyens de transports à l’étranger. Il profite alors des relations entretenues par la
Banque nationale suisse, les grandes banques et les services diplomatiques et consulaires.
4.2.4 Mesures visant à protéger les consommateurs
4.2.4.1 en matière de prix
Toute réduction de l’offre de biens et de services entraîne forcément une hausse des prix et
donc un danger inflationniste. Le Conseil fédéral ne peut alors se croiser les bras face à une
situation qui se détériore : dans l’intérêt de l’économie, il doit observer de près la hausse des
prix et stopper, le cas échéant, tout dérapage incontrôlé. Il va tout d’abord instaurer une surveillance
des prix dans les branches critiques et, si besoin est, décréter des prix maximaux. 108
On ne prévoit pas de bloquer des prix car cela n’aurait que des incidences négatives sur les
importations et les transactions commerciales et, en fin de compte sur l’approvisionnement,
mais de déterminer quelles marges commerciales maximales sont admises. On peut ainsi empêcher
les profits abusifs en temps de crise.
4.2.4.2 en matière d’information
Dès les premiers signes d’une crise d’approvisionnement, le Conseil fédéral contribuera, par
une politique d’information équilibrée, à calmer les consommateurs et exercer par là une influence
sur leur comportement. Il contribuera ainsi à détendre la situation en matière
d’approvisionnement et à promouvoir la paix sociale.
108 Les dispositions des art. 24 et 28, al. 3 LAP (RS 531) constituent des bases légales décisives.
– 64 –
5 Organisation de l’approvisionnement économique du pays
L’organisation de l’approvisionnement économique du pays se caractérise par une interaction
de forces diverses qui est unique en son genre. La structure administrative d’Etat représente à
la fois le noyau et le ciment de cette organisation, alors que la milice constitue le pilier du
système. En outre, quelques tâches sont déléguées à l’économie privée. Au demeurant, certaines
branches, dans le secteur des réserves obligatoires, ont créé en leur sein des organisations
d’entraide et contribuent ainsi indirectement à l’approvisionnement. Le panachage du
savoir-faire administratif (secteur public) et économique (secteur privé) est le gage d’une
souplesse accrue et l’assurance de remplir de façon optimale le mandat d’approvisionnement.
Aussi faut-il, en principe, conserver ce système à l’avenir.
5.1 Approvisionnement de base et tâches liées aux infrastructures
Pour remplir ce vaste mandat, il faut clairement structurer les tâches, ce qui doit se répercuter,
vu les bouleversements politico-économiques, sur l’organisation même de
l’approvisionnement économique du pays. C’est seulement en s’adaptant régulièrement aux
réalités politico-économiques en pleine mutation qu’on pourra assumer ce mandat de façon
optimale. Après un net recentrage des priorités en matière d’approvisionnement amorcé dans
les années 90, il a fallu, en été 2002, adapter ses tâches et son organisation à la nouvelle
donne.109 Vu ce recentrage, il faut désormais distinguer les domaines de l’approvisionnement
de base et ceux assurant l’infrastructure :
L’approvisionnement de base garantit, qu’en cas de crise, la population sera ravitaillée en
biens vitaux de consommation courante dans les domaines alimentation, énergie et produits
thérapeutiques.
Les domaines infrastructure (transports, industrie, travail et technologie de l’information et
de la communication ou ICT) ont un double mandat : tout d’abord, ils épaulent en priorité les
domaines de l’approvisionnement de base afin que ces derniers puissent remplir leur mission.
En outre, ils peuvent, par des mesures ciblées, soutenir l’économie privée dans des domaines
ne relevant pas de l’approvisionnement de base en l’aidant à fabriquer et à distribuer des
biens vitaux et en fournissant des services.
109 Révision de l’ordonnance du 29 mai 2002 sur l’organisation de l’approvisionnement du pays (RS 531.11), en vigueur
depuis le 1er juillet 2002 (RO 2002 1514)
– 65 –
5.2 Le système de milice, pilier de l’approvisionnement économique du pays
Le système de milice est un corollaire important de la primauté de l’économie privée dans
l’approvisionnement du pays. D’éminents spécialistes, issus du secteur privé, assument des
responsabilités non seulement dans leur entreprise mais aussi dans un cadre étatique, celui de
l’approvisionnement du pays, et ce, en prévision et lors d’une crise que l’économie privée
n’arriverait plus à surmonter d’elle-même. Avec des organes fédéraux, cantonaux et communaux,
ils prennent des dispositions pour garantir alors l’approvisionnement. Pour ce faire, ils
mobilisent leurs compétences, leur savoir spécifique ainsi que leurs relations d’affaires pour
en faire bénéficier toute la Suisse. Ils apportent donc une contribution capitale à
l’approvisionnement du pays.
5.3 Organisation fédérale pour la mise en oeuvre
5.3.1 Confédération
L’approvisionnement économique du pays est l’affaire de la Confédération. Selon la volonté
du législateur, le Conseil fédéral est chargé, politiquement parlant, de garantir cet approvisionnement.
110 Il édicte donc les prescriptions matériellement nécessaires tant pour les préparatifs
que pour les mesures de réglementation. Il exécute les dispositions législatives ou les
fait exécuter sous sa surveillance. Font partie de son organisation de mise en oeuvre l’Office
fédéral pour l’approvisionnement économique du pays (OFAE), inclus dans l’administration
fédérale au sens strict, et l’organisation de milice avec ses domaines. Elle n’est pas organisée
de façon autonome mais fait partie intégrante de l’administration fédérale, dans laquelle
l’OFAE et les domaines constituent une unité. L’économie privée et le secteur public y assument
en commun la responsabilité de ravitailler le pays en cas de crise. Cette coopération
fructueuse se traduit par le fait que l’organisation est dirigée par le délégué à
l’approvisionnement économique du pays, qui selon la volonté expresse du législateur, doit
toujours être un représentant du secteur privé.111
3.2.5 Cantons
Le Conseil fédéral fait appel aux cantons pour collaborer (art. 52, al. 2 LAP). Cela signifie
que les cantons n’ont, sur le plan législatif, aucune compétence d’édicter des mesures matérielles.
Si on leur confie des tâches dans les domaines de l’approvisionnement économique
du pays, il s’agit seulement d’exécuter des tâches relevant de la Confédération. Ils font les
110 art. 52, al. 1 LAP (RS 531)
111 cf. art. 53, al. 1 et 2 LAP (RS 531)
– 66 –
préparatifs requis pour imposer la mise en oeuvre de ces mesures sur leur territoire. A cet effet,
ils créent, en temps normal déjà, des structures administratives et judiciaires adaptées,
qu’ils pourront utiliser et étoffer le moment venu. De plus, ils désignent les organes requis,
notamment les cadres. Les cantons peuvent, en principe, aménager comme ils l’entendent
leur appareil d’exécution. Ils appliquent le droit fédéral matériel dans le cadre de leurs prescriptions
cantonales de procédure et d’organisation.112
Les cantons et leurs communes sont appelés à collaborer chaque fois qu’une mesure de réglementation
affecte tout le territoire, chaque habitant étant directement touché par une
restriction de la consommation. Cela s’explique par le fait que seules ces collectivités publiques
disposent de listes fiables de tous les consommateurs. Les domaines classiques dans
lesquels les cantons sont appelés à oeuvrer pour l’approvisionnement du pays sont le rationnement
alimentaire et celui des carburants. Alors qu’un rationnement alimentaire touche
automatiquement chaque habitant, celui des carburants ne concerne que les détenteurs de
véhicules à moteur. Dans le premier cas, c’est aux communes qu’incombe l’essentiel de la
mise en oeuvre, vu les bases de données qu’a le contrôle de l’habitant et dans le second cas,
c’est aux cantons, vu que le contrôle cantonal des véhicules détient les listings.
5.4 Organisations de l’économie privée appelées à prêter leur concours et organisations
d’entraide
5.4.1 Exécution de tâches relevant de la puissance publique
Selon l’art. 52, al. 2 LAP, le Conseil fédéral fait « appel à la collaboration » non seulement
des cantons, mais aussi d’organisations de l’économie privée. Ces organisations de
l’économie privée appelées à prêter leur concours sont surtout des groupes d’intérêts ou des
organisations similaires de droit privé et parfois aussi des corporations de droit public.113 Si
le Conseil fédéral fait appel à l’une de ces organisations, il ne lui confie que des tâches
d’exécution, pour lesquelles il donne des directives (art. 55 LAP). Le Conseil fédéral n’a, à
l’heure actuelle, fait usage de cette compétence que pour la mise en oeuvre de mesures de réglementation
dans le secteur de l’approvisionnement électrique. Il a en effet chargé l’Union
des centrales suisses d’électricité (UCS) de faire les « préparatifs nécessaires pour exécuter
des mesures de l’approvisionnement économique du pays dans le domaine de la production,
du transport, de la distribution et de la consommation d’électricité ».114 Pour mener à bien
112 cf. art. 40, 50 et 54 LAP
113 L’ex « société coopérative suisse de céréales et matières fourragères » (CCF) était une organisation de droit public.
114 art. 1 de l’ordonnance du 17 février 1993 sur l’organisation d’exécution de l’approvisionnement économique du pays
dans le domaine de l’industrie électrique (OEIE ; RS 531.35)
– 67 –
cette tâche, l’UCS relève du délégué et du domaine énergie qui représente le délégué lors de
la préparation des mesures (art. 2 OEIE). Cette tâche confiée à l’UCS n’implique aucun pouvoir
législatif mais se limite à l’exécution. La compétence législative revient au domaine
compétent, en l’occurrence le domaine énergie, sous la responsabilité politique du Conseil
fédéral, du DFE et du délégué. En tant qu’autorité de milice de la Confédération, ce domaine
est habilité à donner des instructions à l’UCS.
Ces organisations de l’économie privée ne font pas partie de l’organisation de milice de la
Confédération (art. 53, al. 2 à 4 LAP), c’est pourquoi, contrairement aux domaines, elles ne
sont pas intégrées dans les structures fédérales, mais sont appelées à collaborer seulement
pour des tâches limitées ; elles sont alors dotées des pouvoirs requis pour l’exécution. Si l’on
demande à l’une de ces organisations de collaborer, c’est qu’elle détient une position clé dans
sa branche et qu’elle représente une branche entière de l’économie. Si elle n’est pas vraiment
représentative, si elle ne rassemble que des groupes ayant des intérêts divergents ou si, par sa
structure, elle sert largement ses propres intérêts, elle ne sera pas retenue car elle ne remplira
pas les conditions requises pour assumer ces tâches de façon autonome.115
5.4.2 Organisations d’entraide de l’économie dans le secteur du stockage obligatoire
Dans le secteur des réserves obligatoires, diverses branches ont créé un fonds de garantie, ce
qui leur permet de couvrir les frais de stockage et de se protéger contre les risques de baisses
de prix. Il s’agit donc de mesures d’entraide. A cet effet, les membres d’une branche se sont
regroupés pour créer une corporation de droit privé et confier la gestion de ces fonds aux secrétariats
de leurs associations ou coopératives. Pour éviter des distorsions dues à la concurrence,
il est crucial que toutes les personnes astreintes au stockage obligatoire participent au
fonds de garantie créé par leur branche et versent leur contribution en fonction des produits
importés ou mis en circulation. Ces contributions permettent de couvrir les frais de stockage
et les risques de baisses de prix. Dérogeant aux principes du droit civil, la Confédération
veille, de son côté, à ce que chaque personne astreinte au stockage obligatoire – à part quelques
cas sans importance –, participe au fonds de garantie.116 Elle agit de façon indirecte,
grâce à trois mesures contraignantes : permis d’importer, première mise en circulation ainsi
que l’affiliation obligatoire à telle ou telle corporation, ce qui constitue une forte restriction
des droits fondamentaux que sont la liberté d’association (art. 23, al. 3 Cst) et la liberté éco-
115 Heinrich Schmucki, Die rechtliche Organisation der kriegswirtschaftlichen Syndikate in Zürcher Beiträge zur
Rechtswissenschaft, cahier 116, 1945, p. 19 ; voir aussi Kurt Paul Weber, Die Pflichtlagerhaltung und ihre Finanzierung
in der Schweiz, 1956, p. 63 et suivantes.
116 Message du 4 octobre 1999 relatif à la loi fédérale sur l’abrogation de la loi sur le blé et à la modification de la loi sur
l’approvisionnement du pays (FF 1999 8615)
– 68 –
nomique (art. 27 Cst). En vertu de l’article 36 de la constitution fédérale, cette restriction doit
être légalement fondée et répondre à un intérêt public. La loi sur l’approvisionnement du
pays, à l’article 10, est la base légale adéquate pour le fonds de garantie. Les moyens accumulés
sont des fonds privés, alimentés en fin de compte par le consommateur à titre de prime
de risque, en quelque sorte.117 L’affiliation obligatoire tout comme l’encaissement et
l’utilisation des fonds doivent cependant être soumis à l’approbation de la Confédération
voire être surveillés de près par cette dernière (art. 10, al. 3 LAP).118
Les organisations chargées des réserves obligatoires sont des organisations d’entraide privées
qui, dans le cadre du stockage obligatoire, poursuivent en priorité des objectifs privés.
Elles ne font pas partie de l’organisation de milice, vu qu’elles ne sont pas intégrées dans
l’organisation administrative élargie, et qu’elles ne sont pas non plus considérées comme des
organisations de l’économie privée appelées à prêter leur concours, du fait qu’elles gèrent le
fonds de garantie : elles constituent plutôt un casus sui generis, prévu par l’article 10 LAP.
Selon leurs statuts, elles défendent surtout leurs propres intérêts ; on ne peut donc leur confier
que des tâches limitées et bien circonscrites, en tant qu’organisations de l’économie privée.
Le législateur a tenu compte de cet état de fait en ne leur confiant, jusqu’ici, que deux tâches,
à savoir délivrer des permis d’importation119 et contrôler les réserves obligatoires, mais, dans
ces deux cas, elles n’agissent que sur mandat de l’Office fédéral, donc simplement en vertu
d’une compétence déléguée, et non de façon autonome.
117 Message du 9 septembre 1981 à l’appui d’une loi fédérale sur l’approvisionnement économique du pays (FF 1981 III
397 et suivante)
118 Markus Redli, Der Pflichtlagervertrag, 1955, p. 86
119 cf. art. 57, al. 1 LAP et art. 1, al. 2 de l’ordonnance du 6 juillet 1983 sur la constitution de réserves obligatoires de
sucre (RS 531.215.11), servant de modèle à toutes les autres ordonnances sur la constitution de réserves obligatoires.
– 69 –
Annexe
Glossaire de l’approvisionnement économique du pays
Agence internationale de
l’énergie (AIE)
Organisation rattachée à l’OCDE et comptant actuellement
26 membres ; son objectif est de maîtriser les conséquences
d’une crise pétrolière grâce à un programme d’urgence et
d’assurer l’approvisionnement en pétrole grâce à des mesures
sur le long terme.
aggravation de la menace Condition légale requise pour permettre au Conseil fédéral, en
cas de menace de guerre ou d’hégémonie, de prendre des mesures
de réglementation dans le cadre de l’approvisionnement
économique du pays, en vertu des articles 23 à 25
LAP.
analyse de situation Tâche permanente de l’AEP permettant d’évaluer la situation
en matière d’approvisionnement à partir des développements
économiques, politiques, scientifiques et techniques. L’analyse
de situation sert de base à l’AEP pour faire des préparatifs
et élaborer des mesures de réglementation.
approvisionnement
de base
Il comprend l’approvisionnement en denrées alimentaires (y
compris l’eau potable) et en moyens de production agricoles,
en énergie ainsi qu’en médicaments, dispositifs médicaux et
articles d’hygiène (destinés aux humains et aux animaux) dès
lors qu’ils sont d’importance vitale (cf. art. 11 et 12a de
l’ordonnance d’organisation ; RS 531.11).
approvisionnement économique
du pays (AEP)
Organisation de la Confédération pour garantir le ravitaillement
du pays en biens et services d’importance vitale. A sa
tête se trouvent un délégué issu de l’économie privée et
l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du
pays. L’approvisionnement est assuré grâce au concours de
l’organisation de milice (domaines), de certaines organisations
de l’économie privée, des organisations chargées des
réserves obligatoires ainsi que des cantons et des communes.
assurance des transports
contre les risques de guerre
Assurance spéciale de la Confédération contre les risques de
guerre au sens assurantiel. Elle couvre les moyens de transport
vitaux, les biens, les valeurs et le personnel chargé du
transport dès lors que les assureurs privés ne proposent plus
de couverture ou plus à un coût supportable.
biens et services d’importance
vitale
Biens et services qui sont capitaux pour l’approvisionnement
du pays. Le Conseil fédéral détermine, sur la base d’une évaluation
économique régulière, ce qui est d’importance vitale.
canaliser la demande Réduire la consommation de biens, notamment par un rationnement
ou une restriction des ventes, via un contingentement
ou des mesures similaires.
constitution de réserves
Il peut s’agir de réserves d’exploitation, de réserves obligatoires
ou de stocks de la Confédération.
contingentement Un contingentement permet de réduire l’offre car les prestataires
ne peuvent écouler sur le marché qu’un volume limité
d’une marchandise donnée. Lors d’un contingentement simple,
on ne prescrit rien sur la façon de distribuer aux
– 70 –
consommateurs. Lors d’un contingentement contrôlé, le prestataire
est tenu de ravitailler sa clientèle dans le cadre de son
contingent. Contrairement à ce qui se passe lors du rationnement,
le consommateur n’a aucun droit systématique à un
certain contingent.
couverture automatique
intérimaire
Assurance spéciale proposée par la Confédération pour couvrir
les transports contre les risques de guerre : en cas de défaut
soudain de couverture dû à une guerre nucléaire, à
l’usage d’armes nucléaires ou d’une guerre généralisée, les
moyens de transports et les biens seront ainsi automatiquement
couverts.
défense nationale économique Approvisionnement du pays en cas de menace de guerre ou
d’hégémonie.
délégué à l’approvisionnement
économique du pays (DAE)
Le DAE dirige, à temps partiel, tout l’approvisionnement
économique du pays. Nommé par le Conseil fédéral, il doit
être issu de l’économie privée. Il relève du DFE.
délester (procéder à
des délestages)
Interrompre la distribution d’électricité selon un plan préétabli
afin d’éviter un effondrement du réseau qui aurait un impact
négatif sur les exploitations cruciales pour la sécurité et
sur l’économie en général.
diriger (ou agir sur) l’offre Mettre à disposition davantage de biens et services (devenus
rares sur le marché), notamment en libérant des réserves
obligatoires, stimulant les importations, en procédant à des
substitutions ou en dirigeant la production.
domaine Unité de l’organisation de milice de l’AEP, dirigée par un
chef de domaine et subdivisée en états-majors et services
ainsi qu’en divisions, sections et groupes. Les domaines alimentation,
énergie et produits thérapeutiques relèvent de
l’approvisionnement de base. Les domaines transports, industrie,
ICT et travail font partie de l’infrastructure. Les domaines
ont leur propre secrétariat, composé de collaborateurs
(à plein temps) de l’OFAE.
état de préparation
permanent
Stade des préparatifs de l’approvisionnement économique du
pays, dans le cadre de la défense nationale économique. Mais
les mesures préparées peuvent aussi être mises en oeuvre lors
d’une grave pénurie. En français courant, on parlera plutôt de
« préparatifs à faire en temps normal ».
exécution Mise en oeuvre de prescriptions édictées par le parlement, le
Conseil fédéral ou le DFE ou d’un ordre émanant d’une autorité,
dans un cas précis.
fonds de garantie pour
les réserves obligatoires
Fonds destiné à couvrir les coûts de stockage, les coûts financiers
et le risque de baisses de prix des réserves obligatoires.
Il est alimenté par les contributions perçues de façon
générale sur les marchandises importées ou mises en circulation,
dont le Conseil fédéral a fixé la liste. Tout propriétaire
de réserve obligatoire (proprement dite) dans la branche
concernée a droit à une indemnisation.
infrastructure ICT La Confédération assure, dans des secteurs critiques de
l’économie privée et de l’administration sous l’appellation
anglaise ICT (Information and Communication Technology),
l’approvisionnement du pays en infrastructures informatiques
– production, transfert, sécurité et disponibilité des données –
– 71 –
(art. 14 de l’ordonnance d’organisation ; RS 531.11).
interdire / restreindre
l’utilisation
Interdire ou restreindre l’utilisation de certains produits fait
partie des mesures accompagnant une réglementation. En
règle générale, elles ne sont pas prises de façon autonome,
mais le plus souvent combinées avec des mesures principales,
dont elles augmentent l’impact.
interdire / restreindre les exportations
Interdire ou restreindre l’exportation de biens vitaux pour
sauvegarder les ressources nationales.
interdire l’accaparement Interdire lors d’une réglementation, d’accaparer des marchandises
notamment celles qui sont issues de réserves obligatoires
libérées, et de les soustraire du marché à des fins
spéculatives. L’accaparement est considéré comme une infraction
(art. 47 et 48 LAP).
libération de réserves
obligatoires
Le DFE peut, en cas de pénurie grave, libérer des marchandises
des réserves obligatoires pour alimenter un marché sousapprovisionné.
mesure de réglementation Intervention sur le marché pour éviter ou résorber une pénurie
frappant un bien ou un service d’importance vitale ou
adoucir l’impact négatif de cette pénurie.
mesures administratives Mesures qui sont prises via une décision formelle touchant un
sujet de droit pour assurer un certain état de droit ou pour
remédier à une dérive illégale de la situation. Les mesures
administratives de l’AEP sont énumérées de façon exhaustive
aux articles 31 à 33 LAP.
mesures
d’accompagnement
Mesures visant à compléter ou à appuyer une mesure principale.
Ces mesures ne sont, en général, pas prises de façon
autonome mais accompagnent des mesures principales.
mesures en matière de
prix
Pour éviter des hausses dangereuses en cas de crise d’approvisionnement,
le Conseil fédéral peut prendre des mesures en
matière de prix. Il prévoit de surveiller les prix et, si besoin
est, de fixer des maxima pour les marges bénéficiaires.
obligation de livrer Obligation qu’a un négociant ou un producteur d’écouler sur
le marché un certain produit ou une certaine marchandise.
L’obligation de livrer est toujours liée à la libération de réserves
obligatoires. Mais elle peut aussi être imposée à des
exploitations n’ayant pas de réserves obligatoires.
office cantonal Autorité cantonale suprême de mise en oeuvre dans le domaine
de l’approvisionnement économique du pays.
Office fédéral pour l’approvisionnement
économique du
pays (OFAE)
L’OFAE est l’organisation chapeautant l’AEP avec ses organes
à plein temps. Il est dirigé par le délégué à l’approvisionnement
économique du pays (pour les tâches, voir art. 9
de l’ordonnance d’organisation ; RS 531.11).
organisation de milice
de l’AEP
L’organisation de l’AEP repose sur le système de milice. Des
spécialistes issus de l’économie privée et de l’administration
contribuent de leur plein gré à l’approvisionnement du pays
en biens et services d’importance vitale.
organisations chargées des
réserves obligatoires
Organisations qui gèrent un fonds de garantie créé par une
branche afin de couvrir le risque de baisses des prix et les
coûts de stockage.
– 72 –
organisations de l’économie
privée appelées à apporter leur
concours
Le Conseil fédéral peut confier des tâches spécifiques de
l’approvisionnement du pays à certaines organisations de
l’économie privée. Ne sont toutefois appelées à apporter leur
concours que les organisations qui jouent un rôle prédominant
dans la branche concernée et représentent toute une
branche économique.
pénurie grave Au même titre que les mesures « en cas d’aggravation de la
menace », une pénurie grave – que l’économie privée ne peut
plus maîtriser à elle seule – constitue une condition d’intervention
de la Confédération. Pour maîtriser une telle pénurie,
le Conseil fédéral peut prendre des mesures décrites aux articles
26 à 29 de la loi sur l’approvisionnement du pays.
période de contingentement Laps de temps pendant lequel le prestataire ne peut écouler
son produit que dans le volume prescrit.
période de rationnement Période pendant laquelle un consommateur a le droit de recevoir
sa ration, sur présentation d’un titre de rationnement.
perspective
d’approvisionnement
Cadre temporel prévisible dans lequel l’AEP doit garantir
l’approvisionnement par des mesures de réglementation.
perspective de réglementation Durée maximale estimée pour une réglementation.
point d’intervention Moment où l’autorité compétente prend une mesure de réglementation.
provisions de ménage Réserves individuelles (notamment aliments, eau potable,
médicaments, produits d’hygiène corporelle et détergents)
constituées par les particuliers.
rationnement Mesure permettant de canaliser la demande en cas de forte
perturbation de l’approvisionnement. En distribuant des rations
standard à chaque consommateur, on assure un approvisionnement
homogène. Le rationnement est prévu pour les
denrées alimentaires et les carburants.
reconvertir la production
indigène
Pour optimiser les ressources indigènes, les exploitations
peuvent être contraintes de reconvertir leur production afin de
fabriquer d’autres biens. En reconvertissant la production, on
vise le plus souvent à accroître la production.
réglementation Intervention étatique sur le marché pour éviter ou maîtriser
une pénurie de biens et services d’importance vitale ou pour
adoucir les incidences négatives de cette pénurie grâce à des
mesures agissant sur l’offre ou sur la demande.
réquisition(ner) Confiscation par l’Etat de biens, véhicules, terrains, etc.
contre dédommagement afin d’exécuter une tâche de droit
public. Les biens réquisitionnés doivent être rendus à leur
propriétaire légal, une fois la tâche exécutée, à moins qu’il ne
s’agisse de biens consommables.
réserves d’exploitation Stocks constitués par un entrepreneur de son propre chef
(pour faire tourner son exploitation et ravitailler ses clients)
qui ne sont soumis à aucun règlement contractuel. Le cas
échéant, leur utilisation doit répondre aux prescriptions de
l’AEP sur la réglementation (cf. art. 1 ordonnance sur la
constitution de réserves ; RS 531. 211).
réserves obligatoires Stocks de biens vitaux qu’une exploitation doit constituer sur
la base d’un contrat passé avec la Confédération. Si le
Conseil fédéral a prescrit la constitution de réserves obliga-
73 –
toires pour certains biens, il s’agira de réserves obligatoires
proprement dites. Pour d’autres biens, on passe des contrats
dits de stockage obligatoire librement convenu. Comme cette
dernière expression est peu logique, on préfère parler de réserves
complémentaires. Pour faciliter leur financement, la
Confédération peut accorder une garantie bancaire ; elle octroie
en outre aux propriétaires de réserves obligatoires des
allégements fiscaux et assume certains risques non assurables.
Pour les réserves obligatoires proprement dites, il existe
des fonds de garantie volontaires permettant de couvrir le
risque de baisses des prix ainsi que les coûts de stockage.
services de la Confédération Unités organisationnelles de l’administration fédérale auxquelles
le Conseil fédéral a confié en sus des tâches de
l’AEP. Elles ont le même statut légal que les domaines de
milice (cf. art. 16 ordonnance d’organisation ; RS 531.11).
stimuler les importations En cas de pénurie de biens vitaux, la Confédération peut encourager
leur importation par des avantages financiers, des
pools, etc. (art. 23, al. 1, let. b et art. 26 LAP).
stocks de la Confédération Réserves constituées par la Confédération pour ses propres
besoins, pour l’armée ou pour compléter les réserves obligatoires,
si l’économie privée n’est pas en mesure de constituer
elle-même des réserves suffisantes (art. 18 LAP).
stocks minimaux Les entreprises qui concourent à l’approvisionnement en
biens d’importance vitale peuvent, en vertu de l’article 5
LAP, être contraintes de constituer des stocks minimaux en
fonction de leur capacité.
subsidiarité Principe important dans l’approvisionnement économique du
pays et signifiant que l’Etat ne peut intervenir dans le mécanisme
du marché que si les acteurs du marché ne sont plus à
même de le faire. Mais, même dans ce cas, l’Etat ne se substituera
pas à l’économie privée : il créera simplement les
conditions requises pour qu’elle puisse de nouveau assumer
ses tâches d’approvisionnement.
substituer Remplacer totalement ou partiellement un bien devenu rare
par un autre, largement disponible sur le marché.
tâches liées aux infrastructures
Les tâches de l’AEP en matière d’infrastructure sont les suivantes
: transports, assurance des transports contre les risques
de guerre, ICT, travail et production industrielle.
tâches relevant de la
puissance publique
Tâches accomplies par une autorité ou par des tiers qu’elle a
chargés d’exécuter un mandat légal. Ce sont des tâches législatives
ou d’application du droit dans des cas d’espèce (via
des décisions ou des contrats). Si une autorité légifère ou
rend une décision, elle se trouve toujours dans une position
supérieure par rapport aux sujets de droit.
taux de contingentement Pourcentage de réduction appliqué à une période de référence,
en fonction duquel un certain bien peut être écoulé.
titre de rationnement Titre donnant droit à une ration fixée, pendant une période de
rationnement.

Publications

Vous pouvez commander gratuitement à l’OFAE les publications suivantes :
« Rapport sur le stockage stratégique »Rapport
sur le stockage stratégique, contenant des informations sur la
composition de ces stocks, les besoins à couvrir, quantités et
évolutions. 
56 pages, format A4
« INFO AEP – L’approvisionnement économique de la Suisse : un aperçu historique de 1848 à nos jours »
Numéro spécial du bulletin INFO AEP
20 pages, format A4 

« Ma petite entreprise / Connaît pas la crise…  »Pour ne pas être prises au dépourvu, les PME ont désormais un guide BCM.
24 pages, format A5
« Guide pour les urgences » La Suisse est bien équipée pour affronter les urgences. Et vous ?
28 pages, format A5
« L’approvisionnement économique du pays »
Un précis pour découvrir l’AEP.
12 pages, format A5
« Stratégie de l’approvisionnement économique du pays, en bref »résumé de la stratégie de l’approvisionnement économique du pays ; axiomes et bref descriptif des principaux chapitres.
12 pages, format A5
Brochure « Pour que ce ne soit pas tous les jours dimanche »Cette
publication contient un grand nombre d’informations sur les tâches et
les objectifs de l’approvisionnement économique du pays (AEP) ainsi que
sur son organisation et ses moyens d’action. Le lecteur devrait être
séduit par les photos grand format, accompagnées d’une accroche et d’un
petit texte insolite. Libre à lui de s’arrêter sur les pages plus
classiques, pour approfondir les divers thèmes de l’AEP.
28 pages, format A4

Dépliant sur les provisions domestiques
Grâce
au dépliant « Des provisions… providentielles », vous en saurez plus
sur les provisions domestiques, notamment quels aliments, boissons et
articles vous devriez stocker.
4 pages, format A5
« INFO AEP – du nouveau à l’approvisionnement économique du pays »Cette
publication semestrielle vous informe sur les activités en cours et les
thèmes brûlants de l’approvisionnement économique du pays. L’abonnement
est gratuit.
8 pages, format A4 

« Stratégie de l’approvisionnement économique du pays »rapport
du département fédéral de l’économie sur la stratégie de
l’approvisionnement économique du pays, avalisé par le Conseil fédéral
le 15 octobre 2003.
80 pages, format A4


13.11.2012 | 1341 kb | PDF
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19.03.2012 | 1108 kb | PDF
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09.01.2012 | 443 kb | PDF
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16.12.2011 | 2127 kb | PDF
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01.12.2011 | 2077 kb | PDF
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07.09.2010 | 2939 kb | PDF
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12.11.2009 | 134 kb | PDF
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31.05.2006 | 559 kb | PDF
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10.12.2008 | 648 kb | PDF
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07.07.2010 | 224 kb | PDF

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