Une maman admirable, encore une, bravo à toutes les mamans et surtout à Lucie Rosalie qui  nous a tout DONNé gratuitement, avec un amour gigantesque,
infini, incompréhensible, surhumain, admirable, merveilleux,
attendrissant, câlinant, éduquant, ferme mais doux, spirituel,
humoristique, positif, éternel, miséricordieux, subtil, absolu,
permanent et incroyable…etc… etc.. les mots nous manquent devant cette
immensité mystérieuse et incompréhensible… Les mamans sont le futur
de toute l’humanité et elles doivent recevoir un revenu de base
inconditionnel généreux pour les aider dans leurs tâches 24h/24 et
365j/365 :-)) Que les robots et l’automation distribuée viennent à leur
secours…



« Il y a dans le sentiment maternel je ne sais quelle
immensité qui permet de ne rien enlever aux autres affections. » Honoré
de Balzac, Mémoire de deux jeunes mariées…
Lucie Rosalie


La vie de Jean et Lucie de Siebenthal
Conversion


Au début


Jean est né le 26 juin 1917 à Lausanne, soit 13 jours après la seconde apparition de la Vierge à Fatima, par simple coïncidence évidemment, et cela dans une famille protestante, issue d’une lignée, catholique jusqu’au début du seizième siècle.


Mon père, menuisier très travailleur, dirigeait un petit atelier dans lequel il fabriquait des malles-auto et des ruches ; ma mère, couturière, tenait à la perfection son ménage, tout en élevant quatre enfants : mon frère William, devenu maître menuisier et soutien de famille, ma soeur Clarice, institutrice et peintre remarquable, mon frère Michel handicapé, et moi-même, troisième dans l’ordre des naissances. Mon père aurait voulu devenir géomètre : c’est de lui que j’ai eu quelque goût pour cette science.


Mon père et ma mère observaient correctement les préceptes de la Bible, et me firent suivre l’école du dimanche à la Cathédrale . Plus tard, le pasteur Robert Payot, au temple de Saint Laurent, marqua ma mémoire de prédications vigoureuses, empreintes de poésie, dans une ambiance assez nettement calviniste: …incapables par nous-mêmes de faire le bien, et qui transgressons chaque jour et de plusieurs manières tes saints commandements, ce qui fait que nous attirons sur nous par ton juste jugement la ruine et la perdition…(je cite de mémoire).


Il est certain que l’amour des Écritures me rendit ultérieurement de grands services. Vers 17 ans, un jour de quasi-désespoir, je me rendis du 5e étage de la rue du Mont-Blanc 1 à la Pontaise jusqu’à la cave où se trouvait une bible (traduite sur la Vulgate par Lemaistre de Saci), ce qui m’aiguilla sur la récitation par coeur du Psaume 1, entre autres, et sur des lignes de Saint Paul ou de Saint Jean.


Ce séjour à la Pontaise fut également déterminant pour mon éducation physique, m’habituant à courir souvent quelques kilomètres le matin, et à suivre des séances de culture physique prodiguées aux jeunes paroissiens par le champion mondial dejiu-jitsu Armand Cherpillod.


A mon avis, le redressement de la société ne peut commencer que par le redressement préalable de la mémoire, structurée par la Parole. A Zurich, à l’église française, en 1945, le pasteur Perret évoquait non sans regrets l’heureux temps où chaque culte comportait nécessairement l’énoncé du Décalogue, cette digue contre les turpitudes qui inondent le monde aujourd’hui.


Comment le jeune homme gardera-t-il pur son sentier?


En restant fidèle à ta parole,


De tout cœur je te cherche,


Ne permets pas que je m’écarte de tes commandements.


Dans mon cœur je conserve ton oracle, De façon à ne pas pécher contre toi.


Béni sois-tu, Seigneur, Enseigne-moi tes principes.


De mes lèvres je récite toutes les ordonnances tombées de ta bouche.


Sur la route tracée par tes paroles, je suis heureux, Comme au comble des richesses.


Tes préceptes, je veux les ruminer Et contempler tes voies.


Tes principes font mes délices, Je n’oublierai pas tes paroles.


Sois bon pour ton serviteur, Que je vive et garde ta parole.


Ouvre-moi les yeux, Que je découvre les splendeurs de ta loi.


Je ne fais que passer sur la terre, Ne me laisse pas ignorer tes commandements.


Mon âme est consumée de ferveur Pour tes ordonnances, en tout temps.


La menace plane sur les orgueilleux, Misérables qui errent foin de tes commandements.


Garde-moi de la honte de et la confusion, Car j’observe ta parole.


Les grands ont beau tenir conseil et parler contre moi, Ton serviteur ruminera tes statuts.


Oui, ma joie, c’est ta parole, Elle me tient lieu de conseiller.


(Extrait du psaume 118)


Premiers contacts


Dans l’appartement au dessous du nôtre à l’avenue Vuillemin à Lausanne habitait une famille catholique nommée Fornallaz; première surprise, mais n’impliquant aucune réflexion particulière. Cependant, plus tard à la Pontaise, je me liais avec un nommé Joseph Kraüter, également catholique, à qui je demandai un jour : Pourquoi aller à la messe ? Parce que je m’y trouve bien, réponse alors sans conséquence .


Cet ami contribua notablement à mon éducation culturelle en me faisant écouter à plusieurs reprises un enregistrement admirable de la symphonie ”Haffner” de Mozart. Il devint plus tard pianiste dans un orchestre de jazz. Par curiosité, à l’école de sous-officiers, je me rendis à l’église en compagnie des camarades de cette religion, sans éprouver aucune impression déterminante. Je restais sûr que là, on ignorait totalement la bible, et que la Réforme avait fait passer des ténèbres à la lumière.


A la bibliothèque municipale


A la rue des Terreaux à Lausanne s’était ouverte dans les années 1930 une bibliothèque d’accès facile, qui me permettait de nourrir ma mère de romans traduits de l’anglais, langue qu’elle avait apprise lors d’un séjour en Grande-Bretagne. En explorant les rayons, je fus intrigué par une mention : Edification catholique. L’un des titres : L’Imitation, suscita mon intérêt, et une lecture assidue. Bizarre, les citations de la bible étaient nombreuses, et rien ne pouvait choquer un protestant. L’une d’elles se grava dans ma mémoire (à propos du fidèle): Il se réjouit plus d’être méprisé des hommes et humilié par eux que d’en être honoré.


Un autre titre : La vie intellectuelle, ses conditions, ses méthodes,du R.P. Sertillanges (p.44) tombait ”à pic” au stade culturel où je me trouvais.


La science est une connaissance par les causes, disons-nous sans cesse. Les détails ne sont rien; les faits ne sont rien; ce qui importe, ce sont les dépendances, les communications d’influence, les liaisons, les échanges qui constituent la vie de la nature. Or, ‘en arrière de toutes les dépendances, il y a la dépendance première; au nœud de toutes les liaisons, le suprême Lien; au sommet des communications, la Source; sous les échanges, le Don; sous la systole et la diastole du monde, le Cœur, l’immense Cœur de l’Etre. Ne faut-il pas que l’esprit s’y réfère incessamment et ne perde pas une minute le contact de ce qui est ainsi le tout de toutes choses et par conséquent de toute science?


L’intelligence n’est pleinement dans son rôle qu’en exerçant une fonction religieuse, c’est-à-dire en rendant un culte au suprême vrai à travers le vrai réduit et dispersé.


Chaque vérité est un fragment qui exhibe de toutes parts ses attaches; la Vérité en elle-même est une, et la Vérité est Dieu.






Cher R.P. Sertillanges, quelle nourriture ne m’avez vous pas donnée alors, complétée par la merveilleuse série d’aphorismes rassemblés dans Spiritualité..


On n’est pour soi-même une personne que par ses liens spirituels avec ses semblables. Sans cela on n’est qu’un moi privé de ses attaches naturelles, et on tend à n’être qu’un specimen du groupe hommien, un exemplaire de l’espèce homme, un individu.


Je ne puis penser qu’en évoquant une idée; je ne puis vouloir qu’en visant un objet; je ne puis aimer qu’en m’attachant à un être. Or que serais-je sans pensée, sans volonté, sans amour? Et à quoi m’abaisserais-je, si je ne consacrais à mes semblables le meilleur de mes pensées, de mes volontés et de mes amours? Le prochain est donc une exigence de ma propre vie, comme mon pain, comme mes rêves.


C’est en toute rigueur parce que je m’aime que je dois aimer le prochain; car je ne puis m’aimer que là où je suis, en Dieu, où sont aussi les autres. Solidaire de Dieu, ne suis-je point par là même solidaire de tout ce qu’il anime et de tout ce qu’il contient?






Que dire encore de l’Introduction à la vie dévote de St François de Sales, et du Traité de l’amour divin. C’est ainsi que mes méditations prirent une orientation assez différente, sans m’empêcher de suivre les cultes habituels.


Ecole normale


Mes parents n’ayant pas les moyens de me payer des études secondaires, je me trouvais aiguillé vers les classes primaires supérieures, et vers la classe dite ”en allemand”.


Un texte rédigé pendant de telles heures m’est resté en mémoire:


Sankt Petrus wollte eimal die Welt besser regieren als Gott. Zum beginnen musste er eine Ziege hüten. Es gelang ihm aber mit so grosser Mühe dass er endlich besser fand die ihm gegebene Macht seinem Besitzer wieder zu geben.


Pour accéder néanmoins à une culture étoffée, je pus entrer à l’École normale pour y préparer un brevet d’instituteur (1934-1938), où des maîtres valables enseignaient, sans que je réussisse à obtenir le niveau secondaire, par déficience de l’anglais par exemple. La réussite de l’examen d’entrée me permit ainsi de passer quatre années a l’école normale, formatrice des futurs instituteurs vaudois, avec d’excellents maîtres et des amis sympathiques. Le directeur, M. Chevallaz, menait l’école avec sévérité et gentillesse; notre classe ayant organisé avec la classe parallèle des filles une rencontre ma foi sérieuse, notre directeur fit parvenir aux parents des lettres comminatoires leur annonçant les pires mesures en cas de récidive. Lors de son allocution à la rentrée, il s’écria : non, non, l’école normale n’est pas une école mixte ! Quelques années plus tard. voyant arriver garçons et filles bras dessus bras dessous dans la cour de l’école, il ne pouvait que hocher la tête mélancoliquement.


C’est que la mixité était en marche irrésistiblement. Aujourd’hui, il est avéré que cette mixité constitue une catastrophe pour les garçons, qui ont un impérieux besoin d’une formation masculine pendant l’adolescence, sous peine de devenir des sortes de mollusques perméables aux aberrations; drogue, suicide, etc.


Ces quatre années 1934 1938 laissaient considérer l’instituteur parfois (rarement) comme un “roille gosses” et l’excellent maître J-H Addor (plus tard colonel puis syndic de Lausanne) racontait comment dans son village il avait corrigé un garçon qui était allé se plaindre au pasteur. A la séance suivante, notre lascar recommence ses fanfaronnades, le maître alors le rosse derechef en disant va montrer ton derrière au pasteur… Aujourd’hui, la pédagogie de l’enfant roi le transforme en roille maître, en tue maître même comme aux USA ou en France. Un des bienfaits du style de classe, où nous vivions était la permanence d’une équipe soudée. qui subsiste encore aujourd’hui, contrairement au style en usage par exemple au collège Rousseau à Genève, où chaque leçon est une constellation d’élèves variable d’heure en heure, chacun ayant un horaire selon un choix annuel” ? “


A noter : les heures de musique, violon (M. Henri Gerber), solfège et chant (Charles Mayor) m’ont rendu par la suite de grands services dans des chorales, sous les directions de Carlo Boller (le Psaume 150 de César Frank), de Pierre Colombo (le Gloria de Vivaldi), de Emile Henchoz (le Magnificat de J.S. Bach) et de Michel Rossier, ce dernier : un grégorianiste, de grande culture.


Nous étions dans notre classe deux élèves désireux d’emblée de dépasser le niveau d’instituteur, ce qu’avait remarqué le maître de pédagogie, pour lequel nous étions des ”officiers étrangers” ; l’un d’eux n’était autre que Julien-François Zbinden, devenu plus tard musicien compositeur de renommée internationale. Quant à moi, je consacrais avec acharnement mon temps disponible aux mathématiques, à la géométrie et aussi aux problèmes d’échecs. MM René Stucky et Jules-Henri Addor ont marqué en moi une façon de penser des plus utiles. L’ambiance de la classe, stimulante, m’a laissé un excellent souvenir.


Université (1938-1942)


La Faculté des Sciences de l’Université de Lausanne admettait des ”régents”, moyennant un examen d’admission pour lequel nombre d’heures de préparation diurnes et nocturnes furent nécessaires. Obtenir une licence en quatre ans, compte tenu des semaines de mobilisation relève d’une prouesse pour laquelle je remercie la sympathie de MM. Gustave Dumas, Jules Marchand, Albert Perrier, Georges de Rham et de Georges Tiercy, et de nombre d’amis trouvés à la société Valdesia. “O alte Burschen Herrlichkeit, wohin bist du verschwunden. Nie kehrst du wieder goldne Zeit…”


Je n’oublie pas mon cher ami le Capitaine Émile Zahnd, qui m’autorisa aimablement à préparer un certificat de mécanique céleste sur les hauteurs voisines des Rochers de Naye…


A Zurich (1944-1946)


Assistant chez le Prof. Perrier, étudiant par exemple la polarisation rotatoire à l’aide d’un volumineux électro-aimant, tout en initiant des étudiants au fonctionnement d’un appareil à rayons X des plus dangereux, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec M. Dominique Rivier, futur recteur, sur des thèmes passionnants, le caractère philosophique de telle tonalité musicale, celle de ré mineur par exemple. Je me retrouve ensuite assistant de mathématiques appliquées chez le Prof. Charles Blanc. Quel honneur de travailler avec ce savant, promoteur d’une activité qui allait prendre à l’École Polytechnique à Lausanne une ampleur si remarquable. De là, je me vois propulsé à Zurich, pour étudier, à l’aide d’une bourse microscopique, à la prestigieuse section IX, notant les cours des grands professeurs Hopf, Eckmann, Plancherel, Gonseth et d’autres. Par chance, en 1945-1946, me voilà assistant de mathématiques, et lancé sur une thèse relative aux algèbres de Lie. Là, je fais la connaissance d’Armand Borel, et collabore avec lui à la rédaction d’un mémoire paru en 1949 sur les sous-algèbres de rang maximal ; il devint rapidement un des plus puissants mathématiciens issus de Suisse, professeur à l’Institut de Princeton aux USA.


Mariage


On peut bien penser que je représentais aux yeux des personnes nubiles un parti à étudier, et que j’ai pu décevoir certaines visées. A Zurich se présenta Lucie, celle que j’allais épouser, sans apparence universitaire, mais qui allait déterminer une orientation surprenante, dans le sens de la famille et aussi de la propriété, me donnant six enfants, suivis de vingt petits enfants, et une maison, voulue et équipée avec amour.


Au Cours de mathématiques spéciales


De 1946 à 1954, j’enseigne les mathématiques aux personnes désireuses d’entrer à l’École Polytechnique à Lausanne sans titre suffisant. L’horaire comprenait 22 heures de mathématiques par semaine, me laissant pratiquement chaque après-midi libre pour la recherche personnelle. Années bénies pendant lesquelles je pus rédiger ma thèse soutenue à Zurich en 1951, et préparer divers mémoires sur les algèbres de Lie toujours, l’un d’eux lié aux groupes de Lie compacts non connexes. Par ailleurs, enseigner à des jeunes toujours très motivés, me remplissais de joie, surtout lorsque certains d’entre eux faisaient des études les amenant au professorat universitaire, MM Mocafico et Del Pedro par exemple. L’environnement au niveau du secrétariat, très réduit, n’en était que plus efficace et sympathique.


Naquirent Jean-Luc (1947-2000), Bruno (1949), Hugues (1951), Claude-Emmanuelle (1954-1954), François (1955) et Marie-Luce (1959).


De 1952 à 1954, je donne à la Faculté des Sciences un cours d’algèbre et de théorie des groupes à titre de privat-docent, tout en poursuivant une évolution religieuse qui commence à se préciser.


Le ciel me tombe sur la tête


Intrigué par la réputation du théologien anglais Newman, je me décidai à rechercher son livre : Itinéraires, introuvable dans mon champ de recherches. Seule solution : aller voir dans la librairie catholique, sise à la rue Chaucrau; démarche insolite, troublant ma conscience, à un point qu’on ne saurait imaginer, telle une trahison vis-à-vis des pasteurs estimables de mon environnement, comme si le Ciel allait me tomber sur la tête. J’en ressortis néanmoins, le livre sous le bras.


Bien pire, un jour de 1954, je participe en soirée à une cérémonie annoncée à l’Église Notre-Dame, sans rien connaître de sa nature. Je faillis m’avancer vers la Communion, mais mon ange gardien freina le mouvement. C’était la grandiose vigile pascale


Déménagement


Quittant le chemin des Vosges à Pully (en 1952), ma famille s’installe à Chailly, par hasard humainement, à 50 mètres d’une pauvre chapelle en bois desservie par un prêtre exceptionnel, l’abbé Jean Schmukli. Ma chère Lucie, connaissant mes penchants, un jour, me poussa de force dans la chapelle. Vas-y !


Cela illustre le poids psychologique qui empêche nombre de protestants de ”faire le pas”. Merci, chérie ! Le catéchisme de conversion commença aussitôt, avec une formation basée sur les écrits des Pères de l’Église, une participation aux rites, la bénédiction du Saint Sacrement me plongeant notamment dans le mystère de la Sainte Présence réelle.


Très reconnaissant au Pasteur Grobéty pour tout le sérieux de l’ambiance protestante où j’avais vécu, j’eus une entrevue avec lui, basée sur le contenu du livre du P. Bouyer, Du protestantisme à l’Église, dont la thèse explique que toutes les grandeurs du protestantisme se trouvent sans altération dans l’Église, mais que certains éléments n’y ont vraiment pas leur place.


Le 29 mars 1956 eut lieu l’entrée de toute la famille dans l’Église. Par ailleurs, je fus nommé professeur à l’Université en 1954. Ces deux événements eurent lieu d’une manière totalement indépendante, sans aucune intention de liaison.


Professeur à l’Université (1954-1969)


A noter que je succédais au professeur Jules Marchand, ancien recteur, homme d’une culture et d’une gentillesse remarquables, dans le bureau duquel à l’avenue de Cour je trouvai une pile de prédications de l’église réformée vaudoise, qui contribuèrent notablement à mon instruction religieuse, un texte du pasteur Goumaz sur la Transfiguration par exemple.


Entrer dans l’Église en 1956 , c’est entrer dans l’Église sous Pie XII, en principe réglée par le rite tridentin, strictement respecté par l’abbé Schmukli, dans le ravissement du chant grégorien. Quelle chance imméritée, alors que dans certaines autres paroisses…Le comble de l’horreur pour les modernistes, ce fut de me voir suivre de multiples retraites de 5 jours animées par les pères de Chabeuil, avec les méditations prescrites par St Ignace de Loyola, qui osait réfléchir sur l’enfer, non sans faire frémir les fidèles sur les merveilles de la vie éternelle. De plus, le curé Schmukli exerçait un petit groupe sur la vie catholique en acte suivant le manuel de la Légion de Marie, dont voici la prière finale :






PRIONS


Accordez-nous, Seigneur, à nous qui servons sous l’étendard de Marie, cette Plénitude de foi en vous et de confiance en elle, qui sont assurées de vaincre le monde. Donnez-nous une foi vive et animée par la charité, qui nous rende capables d’accomplir toutes nos actions par un motif de pur amour pour vous, et de toujours vous voir et servir dans notre prochain; une foi ferme et inébranlable comme un rocher, par laquelle nous demeurerons calmes et constants au milieu des croi x, des labeurs et des déceptions de la vie; une foi courageuse, qui nous inspire d’entreprendre et d’accomplir sans hésitation de grandes choses pour Dieu et pour le salut des âmes; une foi qui soit la Colonne de Feu de notre Légion, pour nous conduire unis dans notre marche en avant, pour allumer partout les feux de l’amour divin, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort, pour enflammer les tièdes, pour rappeler à la vie ceux qui sont ensevelis dans la mort du péché; une foi qui guide nos pas dans le chemin de la paix, afin qu’après les luttes de cette vie, et sans déplorer la perte d’un seul membre, notre Légion puisse se rassembler dans le royaume de votre amour et de votre gloire. Ainsi soit-il.


Que les âmes de nos Légionnaires décédés et les âmes de tous les fidèles trépassés reposent en paix, par la miséricorde de Dieu. Ainsi soit-il.






Par suite d’un déménagement, je dus changer de paroisse, et me trouvai brusquement plongé en plein modernisme, la liturgie anticipant en 1959 sur le rite avalisé en 1969, une mutation incroyable, avec suppression du chant grégorien, de la bénédiction du Saint Sacrement, l’interdiction pratique de toute conversion. Bref, ma conversion toute récente, ancrée dans la Tradition, prenait figure d’anachronisme. Un certain esprit conciliaire avait passé par là.






Sur la réception d’un converti


En 1820, Charles-Louis de Haller, professeur à l’Université de Berne, se convertit, et se trouve éjecté de sa chaire. Je n’oserais me comparer à cet éminent savant, car un mathématicien se trouve doctrinalement dans une position de tout repos face au pouvoir politique. Je rends grâce à la gentillesse des collègues de Lausanne et de l’EPUL de m’avoir accueilli sans problème. On a simplement ignoré ma nouvelle position religieuse. Un catholique peut parfaitement être nommé professeur, mais pour un professeur protestant, devenir catholique, représente une situation normalement passée sous silence. Dans les milieux catholiques, par contre, on appréhende le risque du” fanatisme des convertis”, d’où un accueil facilement suspecté. Le converti peut avoir le sentiment d’être devenu un étranger dans chaque communauté. Mais Dieu merci, beaucoup de personnes ont corrigé cette impression.


Je crus bien faire de placer mes enfants dans des écoles catholiques, qui présentaient à mes yeux des avantages, bien réels souvent. En fait, tous ont réussi à y obtenir la maturité fédérale, au Collège Champittet à Pully. Mais un examen attentif pouvait y déceler une pénétration de l’esprit moderniste, visible par exemple chez ce professeur, réalisateur d’un film à la gloire de la Révolution, projeté lors d’une cérémonie de fin d’année, personne ou presque n’ayant remarqué quelque incohérence.


Tout cela ne diminua guère mon activité scientifique, sur laquelle je reviendrai ci-dessous.




Congrès


Cette partie donne un panorama des congrès présentés en Suisse romande, de 1965 à 2000, à Lausanne spécialement. Certains ont donné naissance à des Actes, avec les titres des exposés seulement, sans les textes. On a donné certains passages des autres, jugés caractéristiques. Le site www.finality.ch , ou la revue Finalités peuvent compléter.


Les Congrès de Beaulieu


Le chrétien habituellement désire vivre en chrétienté, écouter de bons exposés, plongés dans une ambiance liturgique orientée vers la vie éternelle. Or, des amis français, de 1965 à 1977, organisaient en principe chaque année un congrès axé sur le droit naturel et chrétien, le plus souvent au Palais de Beaulieu à Lausanne, pendant trois jours, rassemblant des conférenciers tels que Jean Ousset le promoteur, Gustave Thibon, Jean Madiran, Marcel de Corte, Louis Salleron, Marcel Clément, les frères Charlier et d’autres, les exposés étant présidés par diverses personnalités issues de pays et continents variés. Quel régal intellectuel, philosophique et culturel ! De plus, un encadrement par des cérémonies dans la pure tradition grégorienne, par des repas chaleureux, faisait de ces journées des bains de chrétienté émouvants et stimulants, dans l’amitié, groupant jusqu’à des milliers de participants. Les Actes de ces journées en témoignent.


Marcel de Corte,


en avril 1970, énonce:


……. la démocratie moderne n’est pas un régime dont on puisse changer. Elle n’est même pas un régime. Elle est une mystification, une illusion analogue au plan collectif à celle que procure l’usage des stupéfiants à l’individu. Les hommes croient se gouverner eux-mêmes. En réalité, à la faveur de cette croyance sans objet, d’autres hommes les gouvernent qui continuent à les gouverner en leur procurant leur ration quotidienne de drogue. Toutes les techniques modernes d’information sont utilisées à cette fin. « Il est constant, disait le Cardinal de Retz, que les hommes veulent être trompés ». Ils préfèrent le rêve à la réalité. D’innombrables êtres humains, morts depuis deux siècles ou prêts à mourir pour « la dérnocratie », le montrent à suffisance. On a beau leur montrer que « la démocratie » a pour essence de n’en avoir pas et de n’exister pas plus qu’un rond-carré, ils sont persuadés qu’elle existe ou qu’elle existera. La fiction démocratique pénètre et imprègne à ce point leur mentalité déracinée du réel par l’individualisme et par le subjectivisme, que rextirper par la force ou par la lumière radio-active de la vérité équivaudrait à tuer le malade. Du reste, l’expérience de deux siècles prouvera que toutes les tentatives de détruire « la démocratie » ont contribué à la renforcer en doublant ou triplant la dose de narcotique nécessaire à ce dessein. Tout l’art des mystificateurs démocrates est d’offrir aux hommes exilés de leurs communautés naturelles une société imaginaire et de les persuader que l’Etat moderne est capable de la réaliser pourvu qu’ils leur confient, à eux les généreux philanthropes, le pouvoir de gouverner la Machine. Les plus vulgaires volontés de puissance peuvent ainsi manœuvrer l’animal politique que son avulsion hors des sociétés naturelles a transformé en pantin.


N’espérons pas davantage un secours quelconque de la part de l’Eglise telle qu’elle est en train d’entrer en « mutation » sous nos yeux. Le type de l’évêque « defensor civitatis » est disparu. La volonté de puissance cléricale, qui jaillit toujours lorsque le prêtre substitue à la verticale du surnaturel l’horizontale du « service de l’homme », veut prendre le relais des volontés de puissance politique défaillantes et les dépasser. Elle n’en est déjà plus au mirage démocratique, elle est au-delà même du communisme, cette « logique vivante de la démocratie ». comme l’écrit Balzac. Elle tente d’instaurer le Royaume de Dieu sur la terre et succombe au Tentateur par excellence qui lui en promet la possession.


La seule attitude à prendre est celle du réalisme intégral.


Lors du Congrès des 5,6.7 avril 1969,






Etienne Malnoux


décrit l’ambiance dans certains auditoires en mai 1968:


Les gens qui ont visité la Sorbonne à l’apogée de l’euphorie révolutionnaire n’ont pas manqué d’être frappés par la crasse qui, en quelques jours, transforma la cour, les couloirs et les amphithéâtres en poubelles, par la prolifération des graffitis et affiches individuelles à la chinoise, enfin par les déluges de paroles qui se sont déversés pendant des semaines aux micros de centaines de salles et d’amphithéâtres.


A toute heure du jour ou de la nuit, aux moments des repas, l’observateur était sûr de trouver un groupe quelconque en train de discuter. Parfois un petit groupe, d’autres fois et plus rarement des assemblées de plusieurs centaines de personnes, ou même dépassant le millier, par exemple au grand amphithéâtre de la Sorbonne. Mais toujours quelques traits communs: les ordures, la crasse, le débraillé. Un «orateur» mâle ou femelle au micro, des gens en train de manger ou de boire, des bouteilles vides, des papiers gras. Un groupe d’une dizaine d’individus installé à la tribune, les pieds sur le bureau ex-professoral, pose éminemment et symboliquement révolutionnaire et contestataire. Des garçons et des filles exténués et avachis, somnolant sur des bancs ou vautrés par terre.


Que faisaient-ils là ? Ils parlaient; des étudiants, des jeunes, bien sûr, mais aussi des professeurs, des assistants, des gens plus âgés venus d’un peu partout, beaucoup en spectateurs et en curieux.


En avril 1965,


Gustave Thibon


traitait de: L’information contre la culture dont voici quelques ligne :


La culture apparaît ainsi comme une création continue tandis que l’instruction n’est qu’un inventaire superficiel. Et, pour souligner cette différence, nous reprendrons la distinction, désormais classique, de Gabriel Marcel, entre le problème et le mystère. L’instruction consiste à résoudre des problèmes qui se posent du dehors, la culture à participer intérieurement à un mystère. Nous ajouterons que l’instruction porte sur l’avoir tandis que la culture s’attache à l’être.


J’ai appliqué à l’instruction le mot de «bagage » : on pourrait appliquer à la culture le mot de «nourriture ». Le bagage concerne uniquement l’avoir : notre corps ne varie pas selon le nombre et la dimension de nos valises, mais il se transforme suivant la qualité de notre nourriture. De même, la vraie culture fait corps avec l’homme qui la possède : c’est de 1″‘avoir” assimilé, digéré et qui, par là, se transforme en “être”.


C’est toute la différence que faisait Montaigne entre « la tête bien pleine et la tête bien faite ». On n’assimile rien par bourrage ou par gavage, mais par appétit.


La culture n’est donc pas seulement une rallonge extérieure, c’est un aliment qui développe et perfectionne le sujet qui l’assimile – et, par là, elle se distingue si bien de l’instruction qu’elle peut survivre à celle-ci, suivant le mot célèbre d’Edouard Herriot : « la culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié ». Ce qui reste, lorsque les éléments extérieurs de l’instruction (faits, dates, formules, citations, etc.) se sont effacés de notre esprit, c’est précisément cet approfondissement de l’être intérieur, cette capacité de réflexion et de critique, cet appétit qui nous permet de recevoir et de digérer de nouveaux aliments. Mais, pour beaucoup d’hommes instruits, on peut retourner la formule de l’ancien maire de Lyon et dire que la culture, c’est ce qui manque quand on a tout appris. C’est l’exemple que nous donnent tant d’érudits qui savent tout et qui ne comprennent rien.


Le type humain qui correspond à ce qu’on appelait au xviiie siècle «l’honnête homme», ou « l’humaniste » d’aujourd’hui, c’est précisément l’homme cultivé au sens que nous venons de définir. L’homme en qui le savoir, intégré dans une expérience vécue, est l’expression et le prolongement de l’être. Et c’est au nombre et à l’influence de tels hommes qu’on reconnaît la vraie civilisation : celle qui consiste, non seulement dans la domination des choses par la technique, mais dans l’épanouissement des esprits et des âmes par la sagesse.


Hélas, l’ébranlement conciliaire fut fatal à cette sagesse profonde, le culte de l’homme allant supplanter celui de Dieu, les moeurs allant s’écrouler: divorce, contraception, avortement, homosexualité, pédophilie, dans un vertige diabolique, rendant même les religions ”égales”.


Le dernier Congrès de Lausanne eut lieu en 1977, nos amis français continuant leurs efforts, visibles notamment dans la revue Permanences, L’homme nouveau, Itinéraires, et beaucoup d’autres publications. Celles conduites notamment par Jean Auguy, dans les éditions de Chiré : Lectures françaises, Lectures et tradition, et par la maison Téqui.


Le Centre de documentation civique


Quelques Suisses, enthousiasmés par les Congrès de Beaulieu, se réunirent chaque mois dès 1970 pour essayer de lancer en Suisse romande un mouvement semblable. On vit ainsi apparaître l’Office suisse de formation civique et d’action culturelle, désireux de faire état des thèses du droit naturel et chrétien, héritier d’une bonne partie de la bibliothèque du curé Henri Simon, et homme remarquable, notamment orateur à l’un des Congrès de Beaulieu. C’est ainsi que des Congrès bien modestes eurent lieu chaque année dans le cadre de Beaulieu à Lausanne, avec le concours administratif du soussigné :


Simultanément se mit en action le Centre de documentation civique (CDC), association dotée d’un compte de chèques postaux, et d’un local logeant la bibliothèque et les réunions : un ” pignon sur rue”, sis d’abord à la rue de l’Avant poste, puis à l’avenue Dapples dès 1976. Cela permit l’édition de notre modeste revue ”Finalités”, sortant 10 numéros de 20-30 pages chacun chaque année. Le site www.finality.ch donne la liste des numéros parus, avec les titres publiés, avec plusieurs textes, et le catalogue de la bibliothèque (environ 2000 livres).


Le CDC a organisé divers Congrès:


En 1971 au Collège Champittet à Pully/Lausanne : Christianisme et politique : avec Jean de Siebenthal:


Forces subversives


dont voici un extrait :


Les tortures physiques, mentales et morales atteignent un degré inimaginable ; sans la présence infernale, on ne pourrait guère s’expliquer la méchanceté glacée avec laquelle est abattue la famille, l’habileté effrayante qui pourrit les consciences, pervertit les actions humaines ; elle seule éclaire le chef-d’œuvre par excellence que produit la rééducation communiste la sensation de liberté dans les chaînes. Et cette mystification réussit : en Chine, à l’heure actuelle, des millions d’esclaves se croient maîtres de leur destin !


Mais l’Église clandestine vit, sa beauté est indescriptible ; la sainteté y fleurit, radieuse, comme aux premiers siècles. En Russie et en Chine, il n’y a plus de chrétiens purement nominaux, tièdes et somnolents ; le prix à payer y est beaucoup trop élevé. Il faut se rappeler que les persécutions ont toujours produit des chrétiens meilleurs, des chrétiens qui n’ont pas peur de témoigner, des conquérants d’âmes, qui sortent de la fournaise purifiés et trempés.


Ce qui vient d’être dit n’est qu’une approche d’un problème gigantesque. Les considérations politiques et économiques entre pays divers ne doivent jamais perdre de vue quelle sorte d’interlocuteur se tient en face. Il est certain que dans un pays sous régime marxiste-léniniste, la nature humaine tend petit à petit à reprendre ses droits, et les violences à s’atténuer en apparence. Mais tant que l’athéisme fondamental n’est pas explicitement et pratiquement récusé, le régime reste intrinsèquement pervers. Ce sera encore longtemps le cas, à vues humaines.


…Un exemple assez connu, qui empoisonne toute la pédagogie, est celui de Rousseau, qui déclare : “L’homme est bon”. Les pédagogues modernes font alors de l’enfant un petit roi supérieur à ses maîtres, capable d’autonomie dès le plus jeune âge ; le résultat ? déboussolement de l’adolescence, délinquance et déliquescence juvéniles, en pleine croissance. Jean Cau a des paroles terribles contre Rousseau : “C’est un schizophrène, un paranoïaque, c’est un malade mental”.


…Chaque fois que les rouges se sont trouvés face à des chrétiens vrais, donnés à Dieu et aux hommes pour l’amour de Dieu, l’effet a été constant : les communistes se sentent faibles, impuissants, en état d’infériorité. A juste titre. Ils voient trop bien l’extraordinaire mentalité de vainqueurs qui anime tant de catholiques, l’énorme sérénité et joie qui est leur en pleine tempête. Certes, ces chrétiens tremblent, ils ont peur. Mais cette peur porte uniquement sur leur faiblesse, ils craignent d’être infidèles à la grâce. Et c’est pour cela qu’ils implorent la prière de l’Église libre. Mais ils savent que fermes dans leur don total à Dieu ils seront vainqueurs ; ils savent qu’ils ont déjà vaincu. P. Dufay, Etoile contre la Croix, p. 200-201.


En 1972 au même endroit :


Autorité et participation


Marie-Dominique Philippe :Autorité et participation


…Lorsqu’il s’agit de Dieu, il n’y a pas de possibilité de conflit. Il y a le grand artiste : Dieu créateur qui communique à toutes les réalités ses idées, quelque chose de lui. Et puis, Dieu est père c’est-à-dire qu’il nous communique la vie ; et si vous regardez l’Écriture, chaque fois que Dieu communique la vie, il fait en même temps que cette vie soit source de vie. Autorité-participation !


Regardez le début de la Genèse qu’il faut souvent se rappeler. Il donne un commandement aux animaux : “Multipliez-vous ». C’est Dieu qui dit “Multipliez-vous”. Et donc en communiquant la vie, il communique la source de la vie. En communiquant à l’homme la lumière, il veut que l’homme soit source de lumière. En communiquant à l’homme la possibilité d’aimer, il veut que l’homme soit source d’amour. Comme c’est curieux la différence du Dieu artiste et du Dieu père ! Encore une fois ça ne fait qu’un ! Mais encore une fois, nous ne pouvons pas avoir un regard direct sur Dieu. Nous sommes toujours obligés dès que nous faisons de la théologie sur le mystère de Dieu d’essayer de comprendre et de nous rapprocher de Dieu sous des aspects différents. Et alors nous voyons ces deux grands aspects : le Dieu créateur qui demande l’adoration et le Dieu père, source de vie qui participe pleinement. Nous comprenons, je crois là, tout le mystère des deux grands aspects de l’autorité de Dieu qui sont quand même très importants à bien distinguer. Le mystère de la royauté absolue de Dieu comme Seigneur et Créateur. Quelque chose qui demeure, qui est présent et que nous devons reconnaître. Toute autorité fondamentalement, pour le chrétien, repose sur cette autorité du Créateur. Si vous ne respectez plus cette autorité première, toutes les autres autorités ne reposeront plus que sur du sable. Fondamentalement, ça repose sur le Dieu créateur., et c’est une autorité qui n’est pas participée et qui ne peut pas être participée : c’est une autorité absolue. C’est pourquoi, nous avons tellement de peine à la reconnaître. Aujourd’hui, nous sommes tellement pris par la participation. Des quantités de gens n’acceptent l’autorité que dans la mesure où il y a participation. Alors si vous appliquez des principes à Dieu, vous voyez ce que ça fait ! “Puisque je ne peux pas être Créateur, Dieu n’existe pas” c’est la parole de Nietzsche. Comment accepter le Créateur puisque si Dieu est le créateur, ça ne peut être qu’en dépendant de lui. C’est impossible ; donc Dieu n’existe pas. Alors on rêve !






Chanoine Léon Barbey : Autorité et participation dans la famille


….- Retenons encore la nécessité de demander encore et toujours, la grâce de Dieu, pour nous soutenir dans l’action. “Les gens d’Armes batailleront, et Dieu donnera la victoire” disait volontiers Jeanne d’Arc. Pensons à accepter, à recevoir, les grâces d’État offertes par le Seigneur dans le sacrement de mariage, ciment de l’indispensable unité des époux, fondement de la famille! Pensons-nous plus généralement que nous sommes les instruments de la Providence et que la prière est une force invincible.


Nous en avons la preuve dans les pays où la révolution a provisoirement triomphé – sans église hiérarchique, parfois contre elle, les fidèles maintiennent, développent et répandent irrésistiblement la Foi. Ils minent le monde marxiste, saisi par le doute devant ses échecs, en attendant de le convertir. Dans cette lutte farouche et souvent héroïque des chrétiens en pays écrasés par la dictature marxiste, la Famille joue un rôle décisif. Il faut lire la presse officielle (il n’y en a pas d’autre) de ces pays : elle stigmatise l’action des grands-mères qui, en gardant leurs petits-enfants leur enseignent le catéchisme; elle publie les condamnations sévères encourues par les parents coupables de transmettre le christianisme, à leurs enfants… et cela, après 55 ans d’une dictature sanglante. C’est clair, la nature reprend toujours ses droits, la vérité est invincible. Nos pays d’Occident trahissent peu à peu leur christianisme et se trouvent en conséquence, gravement menacés. La révolution les attaque sur tous les fronts, elle mine toutes les institutions , mais tout se passe comme si la Famille représentait pour elle la difficulté principale.


Si nous le voulons vraiment la Famille peut livrer la bataille d’arrêt, prélude à la contre-offensive victorieuse : elle demeurera le môle indèstructible de l’ordre naturel et chrétien contre lequel se brisera la révolution.


En 1975 au Rond-Point à Beaulieu/Lausanne :


Egalité et inégalités


Alain Tornay, Egalité, inégalité et participation ,


Jean de Siebenthal . L’égalité désordre et les inégalités de l’ordre.


…Tous les hommes sont égaux devant les permanences de la loi naturelle; tous sont soumis aux préceptes, dont l’inobservation nuit à l’individu comme à l’espèce. Tous reçoivent les mêmes biens: le soleil luit pour les justes comme pour les injustes. Les hommes sont égaux face à la Vérité, et c’est elle qui cause l’égalité fondamentale. En résumé, disons que l’égalité fondamentale des hommes repose sur le fait que tous disposent du même potentiel initial; elle inspire les lois dans une juste mesure.


Or les hommes sont différents ! Et les différences ont des causes multiples: naissance à tel endroit, à telle date, dans telle famille. Un même plant de vigne donne des vins bien différents suivant le parchet, le vigneron ou l’année… . Le même potentiel humain placé dans des conditions très variables provoque des résultats dissemblables, mais ce qui cause essentiellement les inégalités, c’est la réponse donnée librement par chacun aux dons reçus au départ. Chacun se crée lui-même dans une certaine mesure par son travail. Ce que j’ai conquis: aptitudes, facultés particulières, bien matériels, contribue à me rendre différent des autres, et crée par là au plan quantitatif des inégalités. Les hommes deviennent ainsi profondément différents et inégaux, sur le socle de leur égalité fondamentale, et ces différences multiplient les possibilités d’échanges, de communication, multiplie la vie même. Si tous avaient la même voix dans le même registre, avec le même timbre, les chœurs polyphoniques seraient impossibles, et on n’aurait pas de soliste ni même de concert ou d’auditions. Là encore l’inégalité, en tant que différence, est source de vie, de complémentarité, d’harmonie. Si tous les hommes et femmes étaient vraiment égaux, donc identiques, nous serions tous homosexuels, et il n’y aurait plus d’enfants.


Revenons sur les différences entre hommes causées par ce qu’ils possèdent, par leur propriété, foncière, ou autre. Plus l’homme possède, en vue de son bien propre, et en vue du bien commun, non pas égoïstement bien entendu, et plus il est libre. La propriété au sens large, est l’une des conditions de la liberté. Un locataire dans son appartement vit moins librement qu’un propriétaire dans sa maison. Un paysan sur son domaine dépend moins des conditions économiques pour assurer sa nourriture qu’un fonctionnaire dans un appartement. Si la propriété est source de liberté, c’est bien entendu dans la mesure où elle remplit aussi sa fonction sociale légitime, en vue du bien commun. Observons que le propriétaire n’a rien ici du capitaliste; ce dernier ne dispose que des signes de la propriété, et il ne peut guère communiquer avec les inconnus qui travaillent pour lui. Un ordre social équitable reconnaît donc à la fois l’égalité de base, dans l’ordre substantiel, les différences initiales dans l’ordre accidentel, et les différences acquises ou conquises par chacun, seul ou en groupe, dans la perspective du bien commun. Il en tire un ordre, précisément, où les inégalités conditionnent le fonctionnement même de la société. Les élites y jouent un rôle capital, fonctionnel, car sans elles rien ne saurait se suffire. Imaginez un orchestre sans chef, ou une pièce de théâtre sans auteur et sans metteur en scène. Les personnalités les plus développées sont en effet celles qui sont le plus capables de rayonner leurs biens, au profit de tous, et ces diverses capacités de rayonnement ou autorités établissent un ordre dans la société. Les différences inégalités causent donc un ordre, dont elles sont inséparables.


En résumé, les hommes sont des personnes fondamentalement égales qui développent des personnalités différentes, pour accroître l’intensité des échanges, et favoriser une harmonie, un ordre, axés sur le bien commun. Précisons encore ceci: l’inégalité entre les hommes vient de ce que chaque homme est un existant unique, une personne aimée de Dieu d’une manière unique, secrète même. Nous montons ainsi d’un degré encore.


Égalité et inégalité au plan surnaturel.


Passons de l’ordre humain à l’ordre divin, pour y trouver confirmation des thèses précédentes. La parabole des talents prouve que divers sont les dons, divers les réponses et les salaires.


La parabole des ouvriers de la vigne présente des salaires égaux accordés à des prestations différentes: à travail inégal, salaire égal. La parabole du semeur établit qu’un même grain produit des récoltes de types variés, accordés à la réponse du terrain. Et surtout, dans le royaume des Cieux, c’est la même béatitude: voir Dieu, mais avec des différences, car il y aura des grands et des petits: une sublime inégalité dans le même bonheur fondamental. L’enfer même enferme ses adeptes dans le même malheur fondamental: la privation de Dieu, avec des différences aussi.


Michel de Penfentenyo : La formation des élites


En 1976 au même endroit :


La gauche, la droite et le retour au réel


Me Marcel Regamey : La gauche et la droite (Finalités no 23);


Extrait…Le mythe de la page blanche


Faut-il ajouter encore que, pour le révolutionnaire, le mal, qui ne peut être nié, c’est toujours les autres. C’est toujours un ennemi qu’il faut combattre et qu’il faut détruire. C’est la raison au service du moi absolu, c’est aussi le, mythe de la page blanche, et ce mythe est extrêmement important parce qu’il séduit les jeunes générations. Le révolutionnaire croit qu’il est possible d’élaborer une constitution politique simplement sur la base d’un idéal. Il lui semble qu’on peut établir des lois sans tenir compte de la charge d’un passé, et qu’il s’agit toujours de déblayer ce qui est ancien pour, s’étant trouvé devant une page réellement blanche, pouvoir construire ce qui est bon et ce qui est bien. Or nous ne sommes pas des pages blanches et même dans les premières années de notre existence nous ne sommes une page blanche à aucun point de vue. Ni au point de vue des qualités et des défauts hérités de nos ancêtres, ni au point de vue de notre propre comportement. Nous avons un fardeau et ce fardeau l’homme de gauche ne le supporte pas. Il veut une page blanche. Il veut partir à nouveau, ayant déblayé le passé : “Du passé chassons l’importun souvenir” dit l’hymne vaudois.


Vous voyez alors l’homme de gauche qui oscille constamment entre l’aspect rationaliste de sa tendance qui l’amène à un état totalitaire où tout est prévu d’avance par les autorités, par l’organisation sociale comme en Russie, et entre l’anarchie, le refus de toute autorité, comme un certain nombre de contestataires. Il est frappant de constater que ces anarchistes d’une part, et les communistes d’autre part, proviennent du même état d’esprit. Ce ne sont pas deux états d’esprit contraires, c’est le môme état d’esprit mais où la composante n’est pas exactement la même : l’élément rationnel ou rationaliste prévaut chez le communiste, et l’élément libérateur, refus des charges de l’être et du réel, chez l’anarchiste.


Or cette base, un certain nombre d’idées, qui en elles-mêmes ne sont des idées nocives, sont faussées. C’est le cas de l’égalité : il y a une certaine égalité en ce sens que chaque homme est une personne et doit être traité comme une personne ; il y a aussi l’égalité du chrétien devant Dieu, c’est l’abîme entre l’être créé et le créateur ; il y a aussi l’égalité dans le péché. Donc la notion d’égalité n’est pas en elle-même fausse, mais lorsque précisément on a exclu toutes les données du passé, à ce moment l’égalité devient l’égalité absolue de chaque citoyen, et comme il faut créer quand même une cité, alors c’est l’égalité absolue du nombre, c’est le pouvoir du nombre et il n’y a pas d’autre légitimité que le nombre.


La liberté n’est pas une notion fausse par elle-même, loin de là, mais à la liberté qui est une conquête, une véritable maîtrise du réel, on oppose la liberté de principe, la liberté de base, donc la page blanche. Il en est de même de la fraternité qui est une des plus belles idées, mais lorsqu’on dit la fraternité ou la mort, cela devient tout autre chose. Voilà l’homme de gauche en général. Bien entendu, il y a peu d’hommes de gauche qui soient entièrement conformes à ce type, mais chez chacun il y a quand même cet élément sentimental, individualiste, et d’autre part un procédé purement rationnel d’une raison raisonnante dans la réalisation des buts.


La droite, une gauche d’hier


Et la droite ? Et bien la droite existe très peu. On peut se demander même si elle existe. Pourquoi ? Parce que la plupart du temps, elle n’existe que sous forme d’un frein à l’égard de la révolution, et ce sont d’anciens révolutionnaires qui sont devenus des freins.






M. Frament ; Méthodes d’action subversives.(Finalités no 22) Me Roger Lovey :


Le retour au réel


(Finalités no 25)…”La loi naturelle, disait Pie XII le 23.10.49, voilà le fondement sur lequel repose toute la doctrine sociale de l’Église” et plus tard, un mois plus tard ou à peine, le 13 novembre 1949 : “Si l’on enlève au droit sa base constituée par la loi divine, naturelle et positive et par cela même immuable, il ne reste plus qu’à le fonder sur la loi de l’État comme sa norme suprême, erre qui est à la base de l’absolutisme d’État et qui équivaut à une déification de l’État lui-même. « Ce droit légal, au sens ou il vient d’être exposé, a bouleversé l’ordre établi par le Créateur, il a appelé le désordre ordre, la tyrannie : autorité, l’esclavage : liberté et le crime vertu patriotique. C’est donc à une étude attentive de tout ce qu’implique l’ordre naturel que nous devons dès lors nous appliquer et je le dirais dans l’esprit de la béatitude – “beati pauperes spiritu » que l’on interprète généralement d’une façon trop restrictive dans la mesure ou l’on ne veut en tirer qu’un détachement des biens de ce monde ; or, cette béatitude implique précisément que cette pauvreté d’esprit signifie en même temps humilité et disponibilité à accueillir tout ce qui est le réel en refusant de faire passer en lieu et place du réel, des idées qui viendraient de la seule personne.


Il nous faut donc nous appliquer également à avoir une notion exacte de ce qu’est l’homme dans toute sa dimension, de ce qu’il possède une âme, qu’il ait un destin qui dépasse et transcende l’horizon terrestre, de ce que ses droits véritablement il les tient de sa nature et de son Créateur, droit à la vie, droit à la dignité ; il les tient de son Créateur et non pas d’une majorité, et non pas d’un gouvernement et non pas d’un État et ils sont par là intangibles. Nous devons apprendre à avoir une notion exacte de ce qu’est la société qui n’est pas un élément surajouté et comme facultatif, mais qui est nécessaire, nécessité vitale au développement harmonieux de tout l’homme ; la première des sociétés est la famille, et si celle-ci vient à faire défaut aucune autre ne peut la suppléer ; de la famille et des sociétés plus larges jusqu’à la patrie, nous devons apprendre également la notion de leur inter-relation, du principe de subsidiarité, et du principe essentiel selon lequel c’est la société qui est faite pour l’homme et non l’homme pour la société. il m’arrive certainement de choquer et d’étonner des gens de mon parti devant qui j’ai l’occasion de m’exprimer ; je dirais qu’a une importance énorme en politique également le fait de croire au péché originel car il interdit définitivement toute croyance à un progrès indéfini de l’homme et en la venue un jour d’un quelconque paradis sur terre.


Les structures sociales et je cite encore une dernière fois Pie XII “Comme le mariage et la famille, la communauté et les corporations professionnelles, l’union sociale dans la propriété personnelle, sont des cellules essentielles qui assurent la liberté de l’homme et par là son rôle dans l’histoire. Elles sont donc intangibles et leur substance ne peut être sujette à des ‘révisions arbitraires.”


Cette connaissance et cette rectitude ne nous sont pas infuses, elles s’acquièrent par l’étude et c’est l’objet précisément de tout le travail en cellule que veut favoriser l’Office suisse.






En outre eurent lieu en Suisse romande des


Conférences de GustaveThibon :


Lausane ; L’érotisme contre l’amour (Finalités no 29)


….Il y a encore autre chose peut-être, et cette autre chose c’est la déviation et la dégradation de l’instinct religieux, du sens du mystère et du sacré qui sont pratiquement disparus dans notre monde devenant de plus en plus utilitaire.


En effet, l’homme a besoin de transcendance qu’on le veuille ou non. Il a besoin de se donner à quelque chose qui le dépasse, à un mystère ou à un pseudo-mystère.


Or, la vraie sexualité, par rapport à l’individu, a quelque chose de transcendant soit du côté de l’espèce, soit du côté de l’esprit. D’où ces affinités entre l’amour humain et l’amour divin qui ont été largement exploitées par tous les écrivains mystiques. En effet, les êtres qui s’aiment, même les médiocres, surtout au début de leur amour, sentent dans cet attrait qui les pousse vers l’être étranger complémentaire, un mystère, c’est certain. Ils ont besoin d’unité, et leur amour est fait avant tout d’attente, de révélation, même si elle n’est pas explicite. Comme disait un mystique, Dieu nous confie son secret sans nous le dévoiler.


Dans l’amour il y a quelque chose de cela, et Dieu sait si l’amour a été inspirateur de grandes réalités. L’amour humain ne se sépare guère de l’amour du sacré. Tout amour tend vers l’amour divin, l’amour des belles choses en particulier l’amour de la nature.


Mais ceux qui sont capables de recevoir cette révélation par l’amour, la cherchent dans l’érotisme, c’est l’ersatz, la seule issue vers l’inconnu qui reste à tant de nos contemporains dont la vie conditionnée, incolore, se déroule sans aventure, sans imprévu sur la terre et sans espérance dans le ciel. Comme le dit le poéte espagnol Maciado, parlant de la solitude des hommes dans la civilisation mécanisée où nous sommes, solitude d’une barque sans étoile et sans naufrage.” C’est bien trouvé, bien sûr, on ne risque plus rien, mais on n’a plus rien.”


Alors l’érotisme donne aux gens l’illusion d’échapper à leur médiocrité et à leurs limites. Il y a encore une inconnue dans cette chair étrangère qu’on essaie d’explorer. Céline disait méchamment que l’érotisme est l’infini à la portée des caniches (des caniches humains bien sûr). Je crois qu’il est impossible sans cela de comprendre cette rage de l’érotisme et l’attrait qu’exercent tous ces faux mystères qu’on fait autour d’un vrai mystère oublié et profané. Prenez les fameuses révélations de l’érotisme concernant le corps humain, (beaucoup moins le corps masculin, les femmes sont peut-être moins bêtes que les hommes de ce côté-là) et les gestes normaux, et anormaux de l’amour charnel, comme s’il restait quelque chose encore à découvrir dans tout cela. L’anthologie grecque et les monuments de la vie privée des douze Césars épuisent déjà complètement la question. Il faut un quart d’heure pour tout savoir, et on y revient toujours, et c’est toujours la même chose.


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Sion : Dieu est-il mort ?;


Vevey : Education et liberté (Finalités no 48)


…Créativité


Evidemment je sais que je parle à contre-courant, et je sais aussi, je ne l’oublie pas, les excès des méthodes d’éducation trop coercitives des époques précédentes. Mais aujourd’hui, étant donné la vieille loi de l’égarement des contraires, j’ai l’impression que l’humanité vire vers l’excès inverse. Et on vire vers cet excès qui consiste à préconiser le minimum sinon l’absence de toute contrainte dans l’éducation. Cela équivaut à la négation de l’ascèse et l’ascèse étymologiquement cela signifie exercice. Or, la liberté a besoin d’être exercée. On repousse l’ascèse, l’exercice, nous dit-on, par respect de la spontanéité, de la créativité, ce qui équivaut à demander des fruits avant d’avoir arrosé et taillé la plante. Je me souviens d’une maison, C’est le caslimite mais enfin on y glisse, où un petit de trois ans a fait un caprice et s’est mis à casser de la vaisselle. La mère évidemment a tenté de le châtier, et un psychologue qui était là a dit : “Madame, laissez-le. Il ne faut pas le traumatiser, il ne faut pas le culpabiliser, il a exercé sa créativité !” C’est une drôle de créativité qui consiste à commencer par détruire ! Moi, je me sens tout à fait créateur dans ce domaine-là. C’est facile . . . Goethe rappelle qu’étant enfant, il avait neuf ans, ses parents l’avaient laissé seul avec un petit camarade, et à un certain moment, je ne sais par quel caprice, Goethe a jeté une assiette qui était sur la table par la fenêtre, et elle est tombée dans la rue en faisant beaucoup de bruit. Le petit camarade a été excité et s’est mis à dire : “Encore, encore”. Alors Goethe, heureux d’être considéré par son petit camarade a jeté une autre assiette, puis une autre assiette, et finalement il a jeté tout le contenu du buffet dans la rue, et le petit camarade de plus en plus enthousiaste lui criait : “Encore, encore”. Inutile de dire que quand les parents de Goethe sont arrivés, ils ont très peu admiré sa créativité.


Permissivité


Dans le même domaine, vous avez la permissivité, au nom de la liberté et au nom de l’amour, alors qu’une permissivité totale est contraire à l’une et à l’autre. Car voyez-vous quelle que soit la créativité et quel que soit l’amour dans les actions humaines, dans l’éducation, en toutes choses, il faut un code de la route. Le code de la route est bien ennuyeux, je suis le premier à le savoir, car j’ai le tempérament très anarchique comme tous les méridionaux. Mais enfin le code de la route rend tout de même la circulation plus libre. Que chacun conduise à sa guise et suivant son caprice, vous aurez les collisions et si vous n’avez pas les collisions, vous aurez les embouteillages. La permissivité totale est également contraire à l’amour. Un jeune homme m’a dit un jour : “Mais pourquoi n’êtes-vous pas partisan de la liberté sexuelle, puisque Saint Augustin a dit “Aime et fais ce que tu veux”. Je lui ai dit : “D’abord, il s’agit de déterminer la qualité de l’amour”. Quand on aime à un certain degré on peut faire ce qu’on veut parce qu’on ne fait rien de mal, mais dès qu’il s’agit du contexte sociologique de l’amour, de ses conséquences, il faut un code de la route. Oseriez-vous dire, quand vous circulez sur la route, même quand vous allez voir votre bien-aimée, oseriez-vous dire : aime et comprendrecomme tu veux. Vous verriez les catastrophes qui se produiraient.


Comprendre


D’autre part on dit beaucoup également qu’il ne faut rien faire que l’enfant ne puisse comprendre. J’ai entendu dire cela en Amérique en particulier. Certes, il est bien évident qu’il faut lui expliquer le plus possible, car ce n’est pas un petit animal ; il peut comprendre bien des choses, même jeune, mais tout de même s’il n’est pas en état de tout comprendre ou s’il ne veut pas comprendre, ce qui arrive, et bien il faut faire autre chose. Il est bon peut-être que les éducateurs dans certains cas, dans bien des cas, imitent la force des choses. La force des choses est une grande éducatrice et je le regrette, elle ne donne pas d’explications. On vous dit qu’un enfant sera complexé s’il ne comprend pas ce qu’on lui interdit ou s’il a une petite punition, mais enfin quand un enfant met la main dans le feu, et qu’il est brûlé, est-ce que le feu daigne lui expliquer pourquoi il brûle ? L’enfant retire sa main du feu, il n’est pas culpabilisé pour cela, il n’est pas traumatisé. C’est la force des choses tout simplement. On nous dira évidemment que les enfants d’aujourd’ hui sont plus mûrs qu’autrefois. Cela je n’en sais rigoureusement rien ! Mais il faudrait savoir de quelle maturité. On dit aujourd’hui qu’il n’y a plus d’enfants, c’est vrai quand on voit comment grâce aux mass media, les enfants ont desmots extrêmement curieux, ils savent une infinité de choses, mais s’il n’y a plus d’enfants il y a de plus en plus d’infantiles surtout parmi les adultes précisément à cause des facilités que nous offre le monde moderne.


Fribourg ; La femme dans le monde moderne; Genève : Les maladies de la bougeoisie.(Finalités no 39)


En 1977 au Rond-Point à Beaulieu/Lausanne:


Education et socialisme


Mme Marianne Thibaud- Jaccard : Instruction ou révolution.(Finalités no 37) M. Michel Creuzet: La stratégie éducationnelle mondiale : Elements d’appréciation.


Jean de Siebenthal : La formation des élites en Suisse. (Finalités no 32 et 33). Extrait:


L’élite d’une société se compose des hommes qui, particulièrement conscients de la finalité de celle-ci, connaissant suffisamment les caractéristiques de ses membres, sa structure et ses moyens, contribuent à la propulser vers le but chacun selon sa vocation et ses possibilités.


Landsgemeinde


L’ancienne démocratie d’Uri, Schwytz, Unterwald, Glaris, Zoug et Appenzell fournit une illustration remarquable de société répondant aux quatre causes, dotée d’élites agissant en pleine lumière dans la “Landsgemeinde”. Cette assemblée populaire, se tenait avec une solennité particulière, avec tout un apparat religieux: On commençait et on terminait par la prière, la cause finale latente dans le Pacte national unissant le destin terrestre de la patrie au destin éternel de ses membres. Les conceptions politiques se basaient sur la foi, et le pouvoir de l’assemblée se subordonnait au pouvoir de Dieu: qu’il s’agisse des lois, du droit de vie ou de mort, du droit de déclarer la guerre, de conclure la paix, de régler la politique extérieure. L’assemblée nommait les titulaires des fonctions et dignités les plus importantes, en gardienne de la cause formelle. Egaux devant Dieu, les membres de l’Assemblée devenaient égaux en droits et en devoirs, libres d’exprimer leur avis sur la marche de leur canton. Mais l’Assemblée déléguait la cause efficiente au Landamann, personne dotée d’une forte personnalité, placé à la tête de la république paysanne, élu chaque année. En fait, les réélections étaient fréquentes à tel point que les chefs les plus énergiques et capables furent continuellement confirmés dans leur charge, et qu’il se forma même de vraies familles de chefs, tant il est vrai que le sens de l’autorité se respire dans une famille où le père l’exerce avec art et plénitude. Cependant, l’accessibilité des plus humbles au plus hautes fonctions restait garantie. Par ailleurs, le landamann ou avoyer-chef était entouré d’un Conseil de 60 membres élus à vie par les corporations politiques ou religieuses du pays, chargé de remplacer l’Assemblée dans les affaires de moindre importance. Quel bel exemple de société élitaire, la participation de tous s’exerçant par des personnes choisies capables de déployer leurs qualités dans la stabilité.


Les élites et l’être


Essayons de pénétrer encore la nature de l’élite d’une société, d’une nation. Nous appartenons à cette élite si, selon nos aptitudes respectives, nous entrons profondément dans la nature et le but des choses, dans leur être. Connaissant d’une manière suffisamment profonde la nature de ces choses, j’agis selon les lois qu’elles portent; je m’accorde avec elles selon l’intention du Créateur et non selon les constructions de mon esprit isolé. Ainsi mon action pourra s’avérer bénéfique, parce qu’accordée à l’être. Fait partie de l’élite celui qui a l’habitus de l’être, celui qui par habitude agit selon la nature créée des choses et des personnes. L’être est infiniment riche et divers: multiples seront ainsi les façons d’appartenir à l’élite, et la capacité économique, la fortune liquide ne confèrent la qualité de membre de l’élite que si elles s’accompagnent d’un engagement suffisant de la personne dans le processus producteur finalisé vers le bien des consommateurs. Celui qui en ce sens fait partie d’une élite accroît la vie de ceux avec lesquels il est en contact; il acquiert la capacité de communiquer son habitus, et c’est cela l’autorité : le rayonnement d’une personne plongée dans l’être.


Autorité et pouvoir


Par ailleurs l’autorité s’extériorise en pouvoir, dont l’exercice consiste à décider en vue du bien commun. Engagé dans la nature du groupe ou de la société, je suis appelé à subir les conséquences des décisions que je prends ou auxquelles je contribue. Décider, c’est assumer les conséquences de la décision, personnellement et pour le prochain. Beaucoup ignorent ce que rappelle Bourdaloue dans son sermon sur l’ambition: les honneurs élitaires sont des charges, des servitudes, des engagements à servir; ce sont aussi des calices de souffrances, des sources d’amertume; de plus, ils ont en eux un caractère sacré et redoutable, en ce qu’ils participent à l’écoulement de l’autorité de Dieu, et ne constituent un profit pour personne. Pourquoi donc chez tant d’hommes cette soif du pouvoir et des honneurs, et cette envie surtout ? Selon la conception proposée ici, le membre de l’élite enraciné dans l’être exerce une autorité extériorisée en un pouvoir, doté de moyens adéquats: la propriété notamment, prise non dans le sens de la possession égoïste, mais dans celui de l’être qui rayonne, en vue d’une meilleure communication des biens. Tous membres de l’élite chacun selon son être; et donc : tous propriétaires diffuseurs…


D’où vient donc cette haine du caractère élitaire ou élitiste de la société, de l’école, sinon du rejet de l’être, de la haine de soi-même en fin de compte, de l’aveuglement portant sur le fait que tout homme peut appartenir à une élite, dans son état, s’il le veut ?


Vie trinitaire


Allons plus profond encore, en faisant appel à la vie trinitaire, combien préférable à la triade dialectique révolu-tionnaire: thèse, antithèse, synthèse. Regardons la vie interne de l’Etre lui même, Dieu, principe exprimé dans l’amour. Plonger dans l’être, c’est percevoir cette vie, s’en inspirer, et la faire passer dans sa vie concrète. Saint Augustin exprimait cela grâce au triple : mémoire, intelligence, volonté; plus près de nous, Soljenitsyne expliquait à la télévision les conditions de la création littéraire, nécessairement trinitaires’ Mémoire génératrice : rassembler et trier une vaste collection de faits, de témoignages, de notes, de documents, de références… Intelligence :méditer continûment jusqu’à ce que cette masse s’ordonne, se structure, et que jaillisse l’étincelle d’un regard Ce qui vient d’être dit n’est qu’une approche d’un problème gigantesque. Les considérations politiques et économiques entre pays divers ne doivent jamais perdre de vue quelle sorte d’interlocuteur se tient


Extrait:


Transition


L’homme dépasse l’individu. Si le Corps politique du Genevois peut à la rigueur satisfaire les besoins élémentaires, il le fait par mutilation, mettant l’âme sous l’éteignoir, car ce qui distingue l’homme de l’animal, c’est sa raison et bien plus son âme immortelle. Toute la construction du Contrat repose sur l’individu transitoire aliéné à la société permanente, alors que c’est l’inverse : l’homme, individu doté d’une âme, est une personne axée sur la vie éternelle au sein d’une société civile transitoire, dont la mission est de lui permettre de vivre selon ses be- soins en tant qu’individu, mais en respectant les exigences de la personne, appelée à traverser la vie terrestre pour s’assimiler à Dieu_


Finalité


Le but de la vie terrestre, en effet, c’est la vie éternelle. L’homme est créé pour connaître son Créateur, l’aimer et vivre de Sa vie, qui est trinitaire. Dieu, un et trine, est une communauté de Personnes éternelles qui nous invite à sa vie, et les choses qui sont sur la terre sont pour l’homme en tant qu’il se dirige vers son but ; les sociétés, les communautés, n’existent que dans cette perspective, et leur structure, leur fonctionnement, doivent porter la marque de cette destination.


Le Royaume de Dieu, c’est cela : la vie trinitaire, et le Royaume en nous, et sur terre, c’est la vie trinitaire commencée dans chaque âme, et dans chaque corps social, fût-il éphémère comme tel. De là naissent les communautés de personnes.


Les communautés véritables, selon nous, sont des moyens de parvenir à la vie éternelle, à la connaissance des Personnes divines, et des moyens aussi de connaissance réciproque des personnes humaines impliquées. Le Bon Pasteur connaît ses brebis, et ses brebis le connaissent, mais de plus, elles se connaissent entre elles. Chacun se donnant à Dieu, se donne à son prochain. L’individu roussien se donne à un Tout qui n’est pas une personne, et ne se donne à personne, au lieu que la brebis connue du Pasteur, connaît les autres brebis, les proches surtout. La vraie communauté est faite pour cela, moyen d’aimer le prochain par amour pour Dieu, moyen de communier en Dieu, par Lui et pour le prochain.


Orientée vers Dieu éternel présent, la communauté synthétise passé, présent et futur ; elle se rit de la dialectique du temps, le choix de l’en-avant ou de l’en-arrière prouvant une sorte d’athéisme ; Dieu intemporel, hors de l’espace-temps, reflète le passé, irradie le présent, et ouvre l’avenir.


Taille humaine


Cela engendre des Sociétés communautaires à taille humaine, si nombreuses qu’elles puissent être. La famille bénédictine par exemple ne présente aucune trace de gigantisme : harmonie des familles où l’on est connu de tous, de son Père abbé comme de Dieu et de ses frères en religion. Chaque communauté “personnelle” prend le “vecteur” homme dans toutes ses composantes : spirituelle, culturelle, politique, économique, et parce que la première composante a la première place, tout le reste vient par surcroît, sans omettre de faire les gestes nécessaires à ce surcroît.


De telles communautés constituent un fleuve large et paisible, non sans tourbillons épisodiques, qui se jette dans l’Océan d’amour au terme du voyage, après avoir fécondé les rives. Que dire des 742 communautés cisterciennes du Moyen-Age, complexes : spirituelles par leurs églises, culturelles par leurs bibliothèques, politiques par leur organisation de société, économiques par leurs productions agricoles, forestières, énergétiques, métallurgiques.


L’Europe, née de telles fondations, doit être imitée en cela.


Visage des organismes


”Quand on n’a pas d’idée, on fait de l’organisation” (dit Gonzague de Reynold). Cela arrive dans les sociétés à but mal défini. Dans une communauté de personnes, au contraire, les idées surabondent car Dieu inonde les esprits et les rend féconds. L’organisation jaillit, et point n’est besoin de savantes commissions pour élaborer des projets, ni d’innombrables consultations pour en juger, contradictoirement d’ailleurs. Prenons la Règle de St-Benoît, sortie tout entière des méditations de l’ermite, graine de sénevé, épanouie en larges frondaisons, qui défie l’agitation des siècles. La finalité perçue donne l’organisation par surcroît, fondée sur la responsabilité des personnes, celles-ci restant solidaires de leurs actes, sans rejeter les conséquences éventuellement fâcheuses sur un tout anonyme. Organisation donc fondée naturellement sur des personnes, dont l’autonomie reconnue conduit au principe de subsidiarité. Les relations de subordination normalement consistent en relations d’aide. Gouverner. c’est aider, dans l’ordre. Par suite, les communautés ont un visage : celui de leur chef, et elles peuvent être aimées à cause de ce visage, et à travers lui. Aimer le peuple est nécessaire, mais ardu ; aimer le roi, le landamann, est plus facile ; aimer la France à travers un Saint-Louis, ou un Henri IV a un sens, plus qu’à travers un président-vedette éphémère ou une assemblée parlementaire en conflit permanent. Certains éditeurs de journaux à sensation profitent largement de tels faits : faire aimer Caroline de Monaco est rentable!


Sans être une personne, une communauté constitue néanmoins un être source d’accroissement pour ses membres ; elle a besoin alors d’une juste autonomie pour sa vie propre, et elle compte fondamentalement sur elle-même (self-reliance), portant en elle le principe vital de son développement, sa cause efficiente, don du Créateur.


Enracinement


Une communauté encore, enracinée en Dieu, s’enracine le mieux du monde dans la Création. Elle tire du sol où elle est implantée les choses nécessaires à son existence : énergie, minerai, nourriture comme les fondations cisterciennes. Pa ailleurs, les incomplétudes éventuelles excluront l’autarcie et feront fonctionner les échanges entre les communautés. On frémit de penser à quel point la vie des hommes sur le globe serait métamorphosée, par simple application de tels principes, souvent mis en œuvre par ailleurs.


Répandre les fondations monacales partout, au lieu des kolkhoses et combinats sans âme. Sans flèche d’église montrant le ciel, les bâtiments répandent l’ennui et la laideur, les universités par exemple : usines à produits humains semi -finis et castrés spirituellement. L’enracinement des communautés entraîne leur stabilité, et les entreprises échappent aux manipulations financièrement téléguidées depuis des milliers de kilomètres. La stabilité à son tour crée la tradition, mémoire active sans cesse présente, sans cesse appliquée aux questions du présent, mar quant l’orientation du futur. La vie d’une communauté, c’est sa tradition actualisée, appliquée au présent. De même, en un sens plus large, la politique, science et art des interactions humaines, n’est autre que l’histoire appliquée au présent, mise en acte.


L’enracinement encore nécessite la propriété, prolongement de la personne, garante de sa liberté et de son autonomie dans la durée, par exemple dans le cadre de la première communauté : la famille. D’immense étendues cultivables restent désertes et la place ne manque pas sur le globe pour l’implantation de familles propriétaires dans le rayonnement des centres de spiritualité à fonder partout.


Enracinée dans la Création, centrée sur l’Etre source intarissable, une communauté produira la fécondité dans la diversité. L’Eglise aux innombrables saints, aux très nombreux ordres religieux, aux styles sacrés si variés engendra on le sait une civilisation décrite avec stupeur par un Will Durant par exemple. Les cathédrales gothiques et les églises romanes en restent les témoins irrécusables et le remplacement en notre siècle de la voûte ou de l’ogive par le cube constitue la preuve d’un chute. Et que dire du foisonnement des costumes, des meubles et des styles ? Objecter les ombres n’est pas de mise, car où passe l’homme pousse hélas l’ortie. L’œuvre belle jaillit de la communauté personnifiante, pour exprimer et communiquer l’être perçu, chacun prenant conscience de son degré d’être. Telle fut la Fête des Vignerons à Vevey en 1977. La beauté, témoin inépuisable de la vérité et du bien localisés dans une communauté.


L’homme hôte de lui-même


Dans la communauté des individus, l’homme s’aliène au tout : il sort de lui- même, sa vie devient purement extérieure, et toute vie intérieure lui est même refusée. Toute pensée autonome, même marxiste, n’a pas droit à l’existence en régime communiste. Dans la communauté des personnes, au contraire, l’homme rentre en lui-même. Saint Benoît quitte un monastère dépravé : “Alors il revint à sa chère solitude ; et seul sous le regard du suprême Témoin, il habita avec lui- même”. “Chaque fois que nous sommes tirés hors de nous-mêmes par le bouillonnement de nos préoccupations, nous sommes encore bien nous, mais nous ne sommes plus avec nous-mêmes, parce que nous nous perdons de vue, errant ailleurs”.


La conversion du prodigue arrive lorsque “Revenant à lui” ~Luc 15, 17) il se souvient de son père.


“Je dis que le saint homme habita avec lui-même, car toujours attentif à sa propre garde, se surveillant et s’examinant sans cesse devant les yeux de son Créateur, il se garda de prostituer au dehors l’œil de son esprit”… “il se garda à l’intérieur des barrières qu’il imposait au roulement de ses pensées”.


Merveilleuse efficacité d’une telle attitude! L’ordre qu’il établit en lui-même par la prière et la contemplation diffuse aussitôt dans des communautés données par surcroît, et, à plus longue échéance dans une civilisation.


L’autorité en découle : personnelle, personnifiée en l’abbé, qui ne doit rien enseigner, constituer ou ordonner en dehors des enseignements du Seigneur ; devant rendre compte et de sa doctrine, et de l’obéissance des disciples ; devant exposer par sa parole l’enseignement du Christ aux disciples capables, et aux autres, plus frustes, démontrer le plan divin par ses actes ; montrant à tous une égale charité, une même discipline, selon les mérites. Il doit montrer tantôt la sévérité d’un maître, tantôt l’affection d’un père, fauchant à la racine les vices dès qu’ils paraissent, servant à l’un les encouragements, à un autre des reproches, à un autre des conseils, selon les dispositions et l’intelligence de chacun.


Mais ce père n’a rien d’un despote, exerçant solitairement l’autorité. La participation est bel et bien prévue! “Chaque fois que des choses importantes doivent se traiter dans le monastère, l’abbé convoquera toute la communauté et dira lui même de quoi il s’agit. Puis il écoutera le conseil des frères, réfléchira par lui-même, et fera ce qu’il jugera le plus utile. Mais que les frères donnent leur avis avec toute la soumission de l’humilité, et ne se permettent pas de défendre âprement leur manière de voir. Mais si l’on doit traiter d’intérêts mineurs, on prendra seulement conseil des anciens.” Le tout dans une humilité dont douze degrés sont définis, rien n’étant préféré à l’Opus Dei, l’oeuvre de Dieu, la récitation de l’Office divin, les frères s’adonnant à heures fixes au travail manuel, à heures fixes à la lecture divine. Ici, la propriété personnelle est considérée comme un vice, et nul ne peut considérer comme lui appartenant en propre le moindre objet : mais qu’on se souvienne de l’environnement spirituel d’une telle communauté : Dieu rend au centuple ce dont on se prive pour Lui.


Heureux Saint Benoît, parmi tant d’autres! Rentré en lui-même il a vu sa personnalité s’épanouir dans la communauté qu’il a constituée, accordée aux requêtes fondamentales de sa nature et à celles d’innombrables frères. Cette aventure s’est reproduite de nombreuses fois, à l’imitation du Christ, combien présent à lui-même dans sa vie cachée, dans le désert, dans la solitude, constituant l’Eglise, son Corps dans lequel nous sommes appelés à nous insérer. Saint Nicolas de Flue, rentré en lui-même au Ranft, rétablit l’équilibre entre les cantons suisses divisés (en 1481). Mais une telle soumission à la vie intérieure n’est pas requise de tous ; chacun doit trouver une juste proportion entre la vie intérieure et la vie extérieure, faisant décroître celle-ci en esprit au profit de celle-là. L’équilibre est fourni par les grands commandements : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toutes tes forces” et puis : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”.


Aimer Dieu d’abord, s’aimer soi-même en Dieu pour apprendre à aimer le prochain par amour pour Dieu. Chacun se donnant à Dieu, rentre en soi-même, et se donne au prochain. Impossible de se donner à l’homme abstrait, de se vouer au culte de l’Homme, qui n’existe pas. “Chacun se donnant à l’Homme ne se donne à personne”. Le Christ n’est pas venu sauver l’homme, mais chaque homme. Cet acte de vie intérieure engendre ou vivifie une communauté, formée de proches, et réciproquement celle-ci aide à cela ; le prochain en chair, os, esprit, m’aide à rentrer en moi pour le mieux aider. Alors la communion de tous procède de la conviction de chacun. L’amour de Dieu qui isole (“quand tu pries…” Matth. 6,6) détermine, mais précède l’amour du prochain qui unit, ciment de la communauté (on relira Augustin Cochin).


A ce point de notre périple, nous percevons les traits de la communauté de personnes : un axe spirituel d’abord, un esprit, l’Esprit ; un visage humain par lequel les personnes se reconnaissent ; une taille humaine où l’organisation se dessine sans peine, suscitant un contexte matériel fécond. A l’image du Dieu esprit, créateur de l’univers, chaque personne, chaque communauté œuvre comme cause seconde à liberté optimale dans un enracinement lié à une tradition éprouvée, génératrice d’œuvre variées et personnifiantes. Une telle communauté postule chaque membre hôte de lui-même, d’où transparence, ordre, amitié, dans la perspective d’une finalité décrite par l’Apôtre : “Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons ardemment, comme Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ, qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire, avec cette force qu’il a de pouvoir même se soumettre tout l’univers” (Phil. 3,20).


La politique, dit-on, est l’art du possible, mieux, selon Georges Perrin, elle est l’art de rendre possible le nécessaire ; pourquoi ne serait-elle pas l’art de rendre possible des communautés au sens de ce chapitre ?


En 1979 au même endroit:


Les droits de l’homme


Me Henry Chavannes Droits de Dieu et devoirs de l’homme (Finalités no 56)


Extrait :


III La crise moderne de la relation entre Dieu et le monde


Nous ne vivons plus dans l’antiquité ou au Moyen Âge et nous avons quelque peine à nous représenter la manière dont les générations d’autrefois posaient et résolvaient les grands problèmes de la philosophie et de la théologie ; en particulier, nous n’avons que difficilement accès à leur conception de la relation entre Dieu et le monde en général, alors que cette conception, aujourd’hui comme autrefois, exerce une influence déterminante dans tout le domaine de la pensée religieuse.


Pour saint Thomas d’Aquin, qui recueille le fruit de plus de mille ans de réflexion chrétienne, Dieu et le monde ne forment pas un ensemble l’existence de l’univers n’ajoute rien à celle de Dieu et la fin de l’univers n’amoindrirait en rien la richesse et le bonheur de Dieu ; Dieu et le monde, en effet, ne sont pas au même niveau, Mais parce qu’il en est ainsi, précisément, la relation qui unit Dieu et le monde est d’une nature très particulière, sans équivalent dans notre univers. Au plan de la connaissance, le fait pour nous de connaître Dieu est déterminant pour toute notre vie, alors que le fait pour Dieu d’être connu de nous ne l’affecte en aucune manière. Au plan de l’action de la grâce divine dans le monde. la relation est de nouveau inégale l’action de la grâce divine en nous est totale et à son niveau, elle accomplit tout nous sommes en Dieu comme Dieu est en nous. Et au niveau de l’action humaine, nous sommes parfaitement libres et responsables. La grâce de Dieu et notre liberté n’entrent jamais en conflit, parce qu’elles se situent à des plans différents.


La synthèse qui permettait de concevoir une relation une entre Dieu et le monde qui sont pourtant séparés par un abîme infranchissable, est perdue depuis le 13e siècle. Elle n’a cessé de recevoir des attaques sous lesquelles elle a succombé. La première fut celle de Duns Scot, qui dissout l’unité substantielle pure et simple des choses individuelles : celles-ci se composent désormais d’éléments physiques séparables l’un de l’autre, si Dieu le voulait. Désormais, les composantes constitutives des choses, n’allant plus nécessairement ensemble, vont entrer en conflit les unes avec les autres. C’est ainsi qu’à la place de la synthèse et de l’unité nous aurons la dissociation et la lutte.


En vertu de l’analogie qui structure pour l’esprit humain tous les domaines du connaître et du faire, le phénomène va affecter aussi la manière chrétienne de concevoir les rapports entre Dieu et le monde. La relation unitive va céder la place à un rapport d’exclusivité et d’opposition : d’un côté Dieu, de l’autre l’homme ; d’un côté la grâce, de l’autre la nature, et ainsi de suite. Le retournement que nous avons signalé au passage (les droits de l’homme remplacés par le droit de Dieu) est caractéristique de la mentalité moderne.


Sans doute la rupture ne s’est pas faite d’un seul coup. Duns Scot n’a fait que créer une fêlure dans l’ancienne manière de voir. Il n’est pas allé plus loin dans cette voie. Celui qui a fait la brèche, c’est Guillaume d’Occam qui enseigne que le sujet volontaire est libre de toute détermination objective, formelle et finale et qu’il n’est pas ordonné par nature à son bien.


Guillaume d’Occam est ainsi celui qui a engagé la pensée occidentale sur le chemin qui conduit, entre autre, à une notion purement subjective des droits de l’homme.


Le professeur André de Muralt, dans le deuxième des Cahiers de la Revue de Théologie et de Philosophie 14) a raconté comment d’Occam à Rousseau les systèmes de philosophie se sont succédé sans jamais pouvoir réconcilier les éléments arbitrairement opposés par le nominalisme du Moyen Âge décadent. Nous ne referons pas ce chapitre d’histoire des idées. Il nous suffira d’énumérer les résultats de cette évolution.


Les philosophies d’aujourd’hui ne peuvent plus nous fournir l’outil conceptuel qui nous permettrait d’exprimer à nouveau synthétiquement la relation entre Dieu et le monde. Au contraire, les doctrines ambiantes opposent de façon irréconciliable des thèmes qui ne sont pas contradictoires. C’est ainsi que dans la pensée politique moderne, les droits de l’homme s’opposent les uns aux autres. Ils s’opposent à l’autorité de Dieu et à la souveraineté de l’État.


Dans l’action politique, ils dressent les hommes les uns contre les autres ; ils créent un sentiment d’insatisfaction au fond du cœur de chacun d’eux, l’individu étant considéré comme un absolu.


Dans ces conditions, il convient de renoncer à toute déclaration abstraite au sujet de ces droits si estimés aujourd’hui. Il est infiniment préférable d’œuvrer patiemment et humblement dans la famille, dans le métier, dans la nation, pour que se réalisent les conditions concrètes qui permettent l’exercice de droits véritables. Ces conditions sont essentiellement la sécurité et la paix.


Notre conclusion sera ainsi la suivante : nous ne nous laisserons pas subjuguer par le mythe des droits de l’homme et nous remplacerons la morale de la revendication et de l’égoïsme par la recherche du bien commun. Cela fait moins de bruit mais c’est beaucoup plus efficace.


Henry CHAVANNES pasteur Granges-près-Marnand


Conférence prononcée le 18 novembre 1979 au Congrès de l’Office suisse à Lausanne.


Gustave Thibon : Une cité pour les hommes


En 1980 au même endroit:


L’histoire, notre présent


Jean de Siebenthal : La trame de l’histoire (Finalités no 66 et 67). Extrait:


Dimension chrétienne de l’homme


L’homme spirituel en effet, passe infiniment l’homme charnel. Ce n’est que par le culte de Dieu que l’homme se hausse vers la finalité vraie.


L’homme, cet inconnu, disait Alexis Carrel: L’homme, ce continent! faut-il encore le découvrir ? Le Christophe Colomb de l’homme, c’est le Christ, qui révélant Dieu, a révélé l’homme à lui-même. Les religions axes des histoires des hommes ont d’abord garanti la stabilité des sociétés…


… “Rome faisait corps avec ses dieux: sa grandeur semblait liée à l’observance rigoureuse des pratiques de sa religion nationale… Les guerriers et les diplomates se guidaient d’après les Augures, et toute magistrature, civile ou militaire, tenait du sacerdoce… C’est ce culte qui durant des siècles soutint la République et l’Empire… Quand les règles furent violées. Rome vit pâlir sa gloire et son agonie commença… “


En outre, les religions ont toujours montré la direction de l’invisible, de façon brutale et erronée souvent, mais toujours avec ce besoin de transcendance, ce besoin incoercible d’un”Instituant métasocial”, d’un au-delà de justice, de bonté. Le peuple élu, Israël, dépositaire initial de la Volonté divine, fut le berceau de la Révélation, mais, aveuglé, il a rejeté l’Oint du Seigneur, le crucifiant, et deux mille ans montrent que l’essence juive ne peut admettre l’existence du Christ et des chrétiens, négateurs constitutifs de la pérennité juive en tant que terrestre et charnelle. Et l’intelligence de l’histoire est forcée de tenir compte de cet antagonisme fondamental. Les holocaustes imputables à des nations “chré tiennes” égalent-ils ceux accomplis par les descendants de Caïphe ? Si ces derniers se convertissaient, la plupart des problèmes mondiaux trouveraient solution. Sort pénible que celui des nations baptisées, en passe de retomber dans la carnalité&emdash;”France, fille aînée de l’Eglise, as-tu gardé l’alliance avec la sagesse éternelle” questionnait Jean-Paul II au Bourget le 1er juin 1980.


Le Christ, axe et centre de l’histoire, Péguy l’a chanté dans “Eve”:


Il allait hériter de ce monde charnel,


D’une création épaisse et condensée,


Il allait hériter du monde originel,


D’une création antique et entassée.






Il allait hériter du monde Occidental,


Des horizons perdus au loin des promontoires, Et des peuples perdus au large des histoires,


Et des ambiguïtés du monde Oriental.






Et les pas d’Alexandre avaient marché pour lui,


Du palais paternel aux rives de l’Euphrate,


Et le dernier soleil pour lui seul avait lui


Sur la mort d’Aristote et la mort de Socrate.






Il allait hériter de l’Ecole stoïque,


Il allait hériter de l’héritier romain,


Il allait hériter du laurier héroïque,


Il allait hériter de tout l’effort humain.






L’intelligence de l’histoire passe ainsi par la méditation de la vie du Christ, de sa doctrine, des évangiles. Le Christ préparé, le Christ venu, le Christ qui revient au soir du temps. Telle est l’histoire.


A notre mort personnelle, nos oeuvres nous suivent; nous voilà placés devant la trame de notre existence intégrale, avec ses lumières et ses ombres, sous l’éclairage de la Vérité, de Celui que nous aurons implicitement reconnu pour guide. Imaginez le film de votre vie projeté devant un cercle d’amis, de parents; quelques séquences ne vous feraient-elles pas rougir ?


Au soir de l’histoire, le Jour du Christ étalera devant tous les hommes ressuscités la trame entière dans sa dimension sociale, politique, culturelle, et cosmique.


Le droit naturel


Mais le royaume repose dans la nature créée, dans la marque de la loi divine apposée dans la Création, la loi naturelle. De même qu’il y a une métaphysique inhérente à la nature humaine, comme le constatait Henri Bergson non sans dépit, de même:”Tous les hommes sont des juristes nés en droit naturel” énonçait Bergbohm, lui qui s’était jureé d’expulser à jamais le droit naturel. C’est qu’en effet, l’observation de la trame le montre, l’homme n’est à l’aise intellectuellement que lorsqu’il admet que les choses existent hors de lui, hors de son esprit, qu’elles sont causes et mesure de notre connaissance, qu’elles entrent en nous à l’aide des sens, grâce à l’intellect qui saisit leur essence-forme, constitutive de la chose réelle dans son être. Et bien plus, cette essence est la cause finale de la chose. Tout être tend à la réalisation continue de son essence et le devenir nous est donné pour cela. L’être et le devoir, métaphysiquement, se confondent. L’essence d’une chose est la norme et la fin de son devenir (je cite Rommen: Le droit naturel). L’ordre de l’être ou ordre ontologique, devient ici un ordre moral. “Deviens ce que tu es” Bien vivre c’est tendre à réaliser son essence; agir selon la raison libre pour parachever son essence. Pour l’homme, partie cons tituante de l’ordre établi par Dieu et inscrit dans l’ordre des choses, la loi juridique et la loi morale ne font qu’un. Les lois ont une tâche morale et positive à remplir: rendre les hommes meilleurs et plus vertueux; la loi est une norme des actes libres d’une personne, afin de les ordonner au bien commun. Si l’autorité seule peut faire la loi, ce ne peut être qu’en conformité avec la vérité, qui appartient à l’essence de la loi. ”Veritas facit legem”


Pratiquement le droit naturel consiste en un petit nombre de principes dont l’application requiert une observation attentive des contingences historiques de temps, de lieu, de circonstances, ce qui permet un approfondissement constant des principes. Le Décalogue est à cet effet une charte impérissable et une constitution, des lois, qui l’ignorent, font périr la nation. Voyez le mépris de la vie en Occident et ses conséquences dans la dénatalité.


Ce n’est pas le moment de faire un exposé de droit naturel. Simplement, un regard sur la trame prouve que l’observation de ce droit assure la prospérité des nations, et que la non-observation cause leur ruine; Israël dans l’Ancien Testament par exemple.


Résumant ce deuxième point: s’il est nécessaire de renouveler sans cesse la connaissance des faits, il est également indispensable d’approfondir leur signification en évitant les pièges de la cité des nuées. Distinguer les permanences dans la mer des événements, complète mon être et affermit son extension temporelle.


Il reste encore une dimension capitale: la mise en oeuvre.


III Prolonger la trame


L’action historique


L’histoire se fait sous nos yeux: passifs, avalons-nous le flot des informations sans autre réaction que des mots de dépit, ou bien agissons-nous ? Renoncer à faire l’histoire selon les capacités, c’est subir la volonté de ceux qui la font, et l’astuce des industriels du mal surpasse souvent celle des artisans du bien. Nous ne sommes pas des passéistes, des nostalgiques.


Notre effort de connaissance du passé, par l’éclairage qu’il en donne suscite normalement le désir d’agir correctement dans le présent Ma personne n’a rien d’instantané, sa dimension temporelle enrichit l’organisme, donne aux capacités de réflexion des moyens puissants. Les violations des lois historiques que l’on tente d’effectuer me contrarient, me poussent à tenter de rétablir l’équilibre; les lumières perçues dans le passé peuvent aussi faire surgir en moi la volonté de réaliser une harmonie meilleure.


Seul l’individu qui ne sait rien de l’histoire, l’individu instantané, qui oublie aujourd’hui les nouvelles d’hier, seul un tel individu peut se laisser mener sans résistance, peut se laisser raconter les choses les plus invraisemblables, accomplir des actions absurdes.


Connaissant la trame, imprégné des exemples des prédécesseurs, informé par la loi naturelle, je peux réagir positivement et d’une manière constructive à ce qui se passe, c’est-à-dire vivre, tout simplement. Vivre l’histoire, la connais- sant et la faisant, sachant qu’elle ne présente pas deux fois les mêmes occasions d’agir, telle est la réalité.


La plupart des traités exposent des faits attestés; interprétés par l’idéologie parfois sous-jacente, colorés d’une certaine façon, ces traités tendent au prolongement de leur climat idéologique; certains glorifient le 14 juillet 1789 et la Révolution dite française; d’autres récusent cette Révolution et tendent à un retour au droit naturel. Certains livres ou textes, de Marx, Lénine, Hitler, tendent délibérément à faire l’histoire dans le sens de leur vision historique: lire l’histoire bien ou mal et la prolonger selon l’interprétation adoptée. Voyant partout la lutte des classes dans le passé, Marx la voit dans le présent et dans l’avenir. Schéma simpliste et meurtrier. De là Ziegler, reprenant des idées des disciples de Marx frémit à la conscience de classe advenue d’abord possible, puis en soi, et pour soi.


La conscience de classe pour soi enfin, est la conscience de classe&emdash;encore rarement présente sur notre planète&emdash;par laquelle une classe, celle des travailleurs, élimine de son sein toutes les appréciations conflictuelles latérales et oppose à la violence symbolique dominatrice une totalité alternative cohérente.


La conscience de classe pour soi marque une étape nouvelle&emdash;et non encore advenue&emdash;, sauf par quelques apparitions instantanées passagères&emdash;du développement de l’humanité: étape ou les dernières barrières entre les hommes tombent, où la nation et l’Etat sont vaincus et où la libre fédération des producteurs décide à chaque instant de l’investissement des forces sociales et du travail de chacun. Avec l’avènement de la conscience de classe pour soi, les relations de hiérarchie contre les hommes disparaîtront, des relations de pure réciprocité, de réversibilité constante les remplaceront L’homme se constituera librement à l’aide d’autres hommes&emdash;La subjectivité incomplète de chacun sera réconciliée, enfin, dans un projet humain partagé dont la satisfaction des besoins de chacun, l’épanouissement de tous et le bonheur de vivre seront des paramètres exclusifs. La conscience de classe pour soi appartient à l’utopie positive, au rêve éveillé de l’humanité.


Pour cela il faut “retourner les fusils” contre soi-même et contre sa famille, son pays, se suicider donc.


Faire son histoire personnelle


Dans les courants du présent, mon histoire personnelle compte plus que tout autre, et l’histoire bien ordonnée commence par la mienne. Le passé de mon pays, de ma famille, de ma profession me conditionne, fait de moi un héritier, largement responsable de sa trajectoire temporelle. Réussir l’histoire de ma vie personnelle, quel beau thème, sous le regard de mon Créateur, en usant des moyens qu’ll a voulu; la prière est la racine du développement de la personne.


De la Grâce, Seigneur, la terre est pleine.


Enseigne-moi Tes ordres.


Bien sûr, dans l’immense majorité des cas, aucune trace visible ne subsistera dans le sillage de l’humanité. Avoir son nom sur une plaque, cette vanité, est somme toute pour une infime minorité. Mais une vie obscure bien menée cependant, balisée par les vertus, déploie des bienfaits invisibles ici-bas, mais qui resplendiront aux siècles des siècles. Honorer père et mère, devenir père et mère, accomplir son devoir de citoyen, de membre d’une nation, de l’Eglise, telle est la meilleure façon de faire l’histoire. L’homme ne s’épanouit qu’en participant au développement du bien commun, et un temps comme le nôtre requiert fortement cette dimension, pour que l’histoire de nos descendants ne soit pas altérée gravement, voir irrémédiablement pour des siècles, pour dix mille ans même selon un Zinoviev. La civilisation n’aura-t-elle été qu’un mince îlot sur l’océan de l’anti-civilisation qui a englouti déjà un tiers de l’humanité ? La révolution, la gauche, c’est l’anticivilisation; c’est la mort, l’échec partout, des “Accidents de parcours” en réalité des catastrophes prévisibles et irrémédiables.


Agir dans la cité


Vouloir fortement une société axée sur le droit naturel, faire reconnaître l’antériorité sur l’Etat de la personne, de la famille, de la nation, de la profession, telle est la première pièce de notre action; ensuite que notre société politique (démocratique) reconnaisse officiellement que le droit se fonde sur la morale, que le législateur se laisse agir par les principes du Décalogue bien plus immortels que ceux de 89.


Que les assemblées politiques se placent sous la Croix fédérale en vérité, et non en parodie.


Sinon, nous allons nous trouver dans une situation analogue à celle du Liban. Par la carence et la léthargie des élites et de tous s’installent les Palestiniens qui font de leurs camps des bases d’assaut contre le pays; vient ensuite le Syrien, l’occupant.


Seule la foi soutient les chrétiens libanais, miracle quotidien. Faire l’histoire aujourd’hui consiste à soutenir le Liban chrétien qui ne doit être rayé de la carte. La Suisse le serait aussi, car le léninisme détruit les nations, les chrétiennes de préférence. Debout donc pour sa


Congrès 1981 /Lausanne


Le redressement intellectuel et moral


Jean Madiran : Le redressement politique de l’Occident.(Finalités no 79)


Extrait :


LE DÉCALOGUE


Notre nature humaine, notre ordre naturel, notre bien temporel, nous est donné sous la forme du Décalogue. Dans l’état actuel de l’humanité nous ne pouvons (nous ne sommes pas incapables de tout bien par nous-mêmes) mais nous ne pouvons pas remplir tout le temps et pleinement les préceptes du Décalogue sans la grâce de Dieu, sans la vie surnaturelle, sans l’entrée dans l’Église. Cela, l’Occident au temps de saint Louis par exemple, le vivait spontanément; il était infidèle parce que l’homme est pécheur, mais il le vivait sans même avoir besoin d’en disserter. Depuis, l’Occident a tourné le dos à lui-même.


Je viens de parier de l’entrée dans l’Église, c’est un autre regard sur le redressement politique nécessaire de l’Occident, car toute la société occidentale actuellement, – je crois pouvoir le dire sans être injuste à l’égard d’aucune des sociétés qui composent la société occidentale, – toute la société occidentale se trompe actuellement sur ce qu’est la société politique. Car plus ou moins, mais de plus en plus, la société occidentale se considère comme étant une société de personnes. Or la société temporelle n’est pas une société de personnes, la société temporelle est une société de familles. Bien sûr les familles font des personnes et sont faites avec des personnes, mais la société de personnes c’est l’Église. Pourquoi ? Parce qu’on ne naît pas dans l’Église, on y entre par foi personnelle, on y fait une entrée personnelle. Mais la société civile est une réunion de familles, et le propre de la société occidentale c’est de se défigurer elle-même, de s’autodétruire en ne sachant plus qu’elle est une société de familles et en ne donnant pas à ses composantes en tant que telles, ses composantes nécessaires, l’espace vital, la respiration et les moyens matériels qui lui sont nécessaires pour rester elles-mêmes.


Si vous voulez, ce n’est pas d’une rigueur métaphysique absolue, mais dans l’Église on nous appelle par notre non de baptême, et dans la société par notre nom de famille. La naissance est ce qui fait temporellement que nous sommes français ou suisses, italiens ou allemands, que nous parlons une langue plutôt qu’une autre, que nous avons un héritage, que nous sommes de la société occidentale plutôt que de la société hindoue. Le phénomène de la naissance et donc le phénomène de la famille nous indiquent bien que la société civile est une société de familles. Non pas, comme dit Jean-Jacques Rousseau, une société de personnes, comme si des personnes égales passaient entre elles un contrat social. Et je passe sur cette caractéristique de la nature de l’homme qui a besoin d’être élevé, d’être éduqué pendant très longtemps. C’est pour cette raison que le Décalogue est le secret de la prospérité temporelle, comme disent les docteurs et saint Thomas d’Aquin, pour autant qu’elle est possible sur cette terre à travers mille hasards et circonstances. Dans le Décalogue, la charte de la vie sociale c’est le premier commandement de la seconde table. La première table : les devoirs envers Dieu. La seconde table : les devoirs envers le prochain, dans la vie temporelle. Le premier de ces devoirs, c’est la piété filiale, qui peut être la chose la plus méconnue dans la société civile comme dans la société ecclésiastique du XXe siècle. La piété filiale est la clé de la vie en société temporelle.


Dans le redressement politique de l’Occident il y a beaucoup de choses qui concernent l’action des gouvernements, mais je ne vois pas tellement de chefs d’État en fonction dans voire assistance, je ne vois pas tellement de ministres en fonction, et je ne vais pas vous dire ou essayer de vous demander de réfléchir à ce que nous devrions faire si nous étions ministres de la Défense Nationale. Ce redressement politique de l’Occident qui commande la marche même de notre vie temporelle, notre espace vital, notre activité, ce que nous pouvons lui apporter en tout cas, où que nous soyons, c’est d’abord de conserver la mémoire de notre identité occidentale, de ce qu’a été l’Occident dont nous sommes, et d’apporter à cette mémoire la piété naturelle, la piété filiale.


Ceux qui viennent ici sans trop de préparation, et qui sont les bienvenus, ne connaissent pas ce mot de “piété”. Quand je parle de la piété du quatrième commandement, ce n’est pas la piété envers Dieu, c’est la piété naturelle ou filiale que nous devons porter à nos parents d’abord, à nos maîtres, à nos bienfaiteurs, à nos ancêtres, aux héros et aux saints qui ont fait la société dans laquelle nous vivons. C’est une vertu, c’est-à-dire une disposition habituelle à rendre à ceux à qui nous le devons ce devoir de justice. Mais de justice imparfaite. La société occidentale a su et elle ne sait plus aujourd’hui que sur cette terre nous sommes des débiteurs insolvables. Nous avons reçu beaucoup plus que nous ne pouvons rendre quel que soit notre rang. Les plus grands génies, les plus grands savants qui apportent au trésor commun de l’humanité leurs découvertes, leurs travaux, apportent eux-mêmes moins que ce qu’ils ont reçu : la vie d’abord, qu’ils ne doivent pas à eux-mêmes, le langage, l’éducation, l’outil intellectuel dont ils se sont servis. Notre condition naturelle (et dans l’ordre surnaturel c’est encore plus évident) est de savoir que nous sommes des débiteurs insolvables, et que nous ne pouvons rendre l’équivalent de ce que nous avons reçu. Nous le rendons imparfaitement par le sentiment de piété, ce sentiment de piété naturelle, de piété filiale qui fait que les “vraies valeurs de l’Occident”, nous les aurons cultivées de manière telle que nous puissions au moins le transmettre, nous ne savons pas à qui. Tout homme vaut qu’on lui dise la vérité pour son destin éternel, mais dans l’ordre politique également, qui est celui dont je vous parle. Vous ne savez pas si l’enfant, l’adolescent dont vous avez la charge ou que vous avez rencontré un jour ne sera pas demain Charlemagne. Nous ne savons pas ce que seront les circonstances, l’avenir politique n’est jamais celui que l’on prévoyait. Il n’y a rien de plus misérable que de prétendre dès aujourd’hui être présent à ce qui se fera demain, car nous ne savons pas ce qui se fera demain. Les nations qui sont entrées dans la guerre en 1939 ne pensaient pas qu’elle se terminerait comme elle s’est terminée. Nous sommes entrés en guerre (entre parenthèses, il faut le rappeler) pour l’indépendance de la Pologne. Parce qu’on était entré en guerre, on devait se battre jusqu’à ce que cette indépendance soit assurée. et cette guerre pour l’indépendance de la Pologne a fait passer la Pologne sous le joug du pire des esclavages. Les circonstances sont imprévisibles : c’est par là que nous pouvons, par en bas, par en dessous, toucher que Dieu est le maître de l’histoire. Il est le maître de l’histoire par ces circonstances imprévisibles. Mais ce qui nous importe avant ces circonstances imprévisibles, ce à quoi nous pouvons quelque chose, c’est notre préparation.


Les circonstances quelles qu’elles soient ne peuvent et ne doivent pas nous surprendre si nous avons la résolution avec la grâce de Dieu d’en tirer le meilleur pour le bien commun. Jean Madiran






Hugues Kéraly : Les médias dans la crise untellectuelle et morale.(Finalités no 75-76).


Pierre Dudan : Récital (Finalités no 79) auteur d’un poème dédié au soussigné :


HYMNE A SAINT NICOLAS DE FLUE


PAR PIERRE DUDAN


à Jean de Siebenthal






0 Frère bienheureux, pieux et vénérable, Notre seul protecteur en ces temps déplorables, Par la limpidité de votre âme admirable, Soyez dans notre nuit l’étoile secourable


0 Frère bienheureux, Saint Nicolas de Flüe, Daignez prendre en pitié les âmes dissolues, Séduites par le mal et dont la foi reflue …Que vole à leur secours, du ciel, votre âme élue


0 frère bienheureux, Saint Nicolas de Flüe, Vous qui représentez la sagesse absolue, Rappelez aux humains qui s’engluent dans l’immonde, Que seules les plaies du Christ guérissent les plaies du monde.


Protégez nos foyers, notre coeur vous en prie Veillez sur l’unité sacrée de la patrie ! Que les grâces du ciel s’unissent en sa faveur Intercédez auprès du Christ, notre Sauveur !


Nous vous devrons toujours le meilleur de nous-mêmes, Que notre cher pays ait la Croix pour emblème, Que l’on voit, liliale et pure, se détacher Sur le rouge du sang rachetant nos péchés.


Enseignez-nous l’Amour et l’oubli des remords, Les paroles de vie et non celles de mort. Désignez-nous la voie qui mène à l’essentiel. Vous êtes notre eau vive et notre pain du ciel


Père providentiel du pays où nom sommes, Où règne malgré tout la paix parmi les hommes, L’appel de l’infini et l’amour du fini …Protégez le sommeil des enfants dans leur nid


Vous qui savez si bien le pardon des blasphèmes, 0 Frère bienheureux, sauvez-nous de nous-mêmes Intercédez pour nous auprès du Fils de Dieu, Etincelant dAmour au Clair Pays des Cieux !






Roger Lovey : Histoire et état de la démocratie en Suisse.(Finalités no 72)


…On ne saurait dès lors parler d’une “démocratie suisse” à propos de l’ancienne Confédération. Parce qu’il n’existe que des cantons pleinement souverains et réglant leur vie politique chacun à sa manière. Et l’on peut parler non pas d’un régime suisse mais d’autant de régimes qu’il y a de cantons.


Les cantons montagnards et campagnards possédaient leurs assemblées de citoyens, les Landsgemeinde qui sont l’expression la plus immédiate de la vieille Suisse. Cette assemblée constitue l’autorité suprême de l’État. Parce que la Landsgemeinde était chose importante et digne, elle était entourée de cérémonie d’une solennité qui s’accordait à sa valeur. Chaque citoyen qui y prenait part – et c’était son devoir d’y assister – s’y montrait armé de l’épée de l’homme libre, du soldat. La Landsgemeinde s’ouvrait par une prière et était close par une prière. Par là se trouvait affirmée la conviction que non seulement l’individu dans sa vie privée, mais l’État dans sa vie publique dépend de l’aide et de la protection de Dieu. Par là se trouvait affirmée aussi la conception de l’ancienne Confédération selon laquelle, au-dessus du peuple libre réuni pour exercer des droits souverains, existait une autorité supérieure, l’autorité de Dieu qui était reconnue immédiatement avant et après l’assemblée en un acte officiel. L’ancienne démocratie suisse n’est pas fondée sur l’absolue souveraineté du peuple. Elle reconnaissait au-dessus de la puissance de l’État et de la souveraineté du peuple, la puissance et la souveraineté du divin Créateur.


Il faut souligner aussi que le nombre des citoyens qui possédaient des droits complets, qui avaient droit de vote et part au gouvernement était limité, même dans les Landsgemeinde. Seules en effet les familles enracinées depuis longtemps dans le pays pouvaient y participer et revêtir une charge. Ceux qui n’appartenaient pas à une vieille famille du pays en étaient exclus.


Relevons encore la stabilité et la force de l’autorité de l’Amman qui était désigné pour diriger les destins de la Communauté. Élu pour une année, il devait à la fin de son mandat rendre compte de son administration ; les listes d’amman montrent cependant que la réélection était de règle parce que le peuple choisissait des personnalités fortes ; dans la plupart des cantons se constituèrent des familles de chefs et ceci n’était pas jugé incompatible avec la démocratie. Parce que l’on avait, en sus de la conscience de ses droits et de ses devoirs, le sens de la valeur de la tradition.


Si dans les campagnes se déroulaient annuellement les Landsgemeinden, dans les villes ce furent les Conseils qui présidèrent aux destinées de la cité. Mais dans le même cadre religieux, dans la même conception de la soumission de l’autorité et des lois à Dieu. Sur ce point la Réforme n’a pas amené une division des Confédérés.


On ne saurait passer sous silence ce fait capital. Dans l’ancienne Confédération l’accent est mis sur la famille, sur la lignée, sur les corporations ; toute une série de Communautés (famille – corporations – communes, etc.) abritent l’individu, lui servent de protection et de cadre de vie et d’action.


Il ne s’agit pas d’idéaliser des situations ; à ces époques comme à tout âge de l’humanité se sont produits des troubles, des divisions, des conflits d’intérêts, des violences ; les moteurs en sont toujours les mêmes et quelqu’un le résumait en disant que partout où il y avait des hommes il y avait de l’hommerie. Mais il est certain qu’il y a encore beaucoup plus d’hommerie dans les cités des hommes quand n’y est pas reconnue publiquement l’autorité de Dieu et de ses commandements. L’exemple de cette vérité n’est pas à rechercher dans le Moyen âge mais dans notre monde moderne.


 Dom Gérard OSB : Les moines et la civilisation. (Finalités no 74).


Extrait :


La chrétienté, n’est pas une civilisation culturelle ou artistique saupoudrée d’un peu de christianisme, elle est le fruit d’une puissante vision inspiratrice qui transfigure le monde, le transforme et le rend à sa vocation. Et là nous touchons à ce que l’on peut bien appeler l’optimisme métaphysique du catholique. C’est bien le catholique qui a donné naissance à ces œuvres d’art, de civilisation, de bonté, et de poésie, 11 importe au plus haut point de ne pas abandonner l’art et la pensée à l’empire de Satan : ils ne lui appartiennent pas. Il ne faut pas lui laisser les éléments de beauté et de vérité naturelle éparses dans le monde. Erasme disait :


“Lorsque tu lis une vérité dans un livre, sache qu’elle appartient à Jésus-Christ”. Cela, c’est le bon humanisme.


Qu’a donc fait Saint Benoît au VIe siècle ? Il s’est trouvé, lui aussi, affronté à un choix : l’Italie était à feu et à sang. Byzance avait perdu sa puissance militaire et les Ostrogoths déferlaient sur la péninsule. Odoacre, leur chef, vient de se faire assassiner par Théodoric qui se couronne roi d’Italie, et qui est arien. Cela représente un danger pour les Chrétiens. Pourtant ce nouveau roi recourt volontiers à l’élite chrétienne, il a soin de s’entourer des plus sages, voire des plus vertueux. N’oublions pas qu’il a eu pour ministres Cassiodore et Boèce. Ce dernier payera cher sa collaboration avec le prince, puisqu’il aura la tête tranchée. Mais Cassiodore va pouvoir se bâtir un palais pour sa bibliothèque, des salles de réception ; il aura le consulat, la culture : tout cela n’est pas mauvais, c’est même très précieux. Cassiodore priait, menait une vie édifiante et avait réuni un certain nombre de disciples, autour de lui. Il a même écrit à propos de Saint Benoît des choses fort touchantes. Parlant du saint à la fin de sa vie, il disait que sa tunique exhalait un parfum plus pénétrant que tous les arômes de l’Orient. C’est là le témoignage d’un contemporain sur la sainteté hors pair du Patriarche des moines. Mais Cassiodore ne représente pas la voie monastique du renoncement total. Il s’inscrit simplement comme une étape dans la culture des valeurs littéraires et historiques à un moment donné. Celui qui va être le fondateur de l’Europe, l’inspirateur de cet Occident, dont nous voulons perpétuer les valeurs face à la nouvelle invasion barbare, c’est Saint Benoît, qui veut vivre pour le ciel, se retire et s’en va seul dans la grotte de Subiaco, – “sapienter indoctus”, sagement ignorant de ce qui n’est pas Dieu. Figurez-vous qu’il ignore même la date de Pâques. A un compagnon venu le trouver au bout d’un an et lui disant : “Ne sais-tu pas que c’est aujourd’hui Pâques” ? il répondra : “Puisque tu es là, c’est Pâques pour moi”. Admirable exemple de charité pour qui avait voulu fuir la compagnie des hommes. Puis s’avisant que c’est fête, il accueille son visiteur et partage avec lui son repas. Cette sorte de vie angélique lui vaudra d’être appelé par l’Église d’Orient l'”Isange”, (semblable aux anges). Saint Benoît aurait pu partager le sort de ces anachorètes dont on a oublié le nom et qui se sont consumés dans la prière, la pénitence et la contemplation, mais Dieu avait des vues sur lui : des disciples n’ont pas tardé à venir le rejoindre. Vous connaissez l’histoire de cette première fondation qui révèle le côté fragile de tous les groupements humains puisque ses premiers moines, effrayés par les exigences de sa doctrine, songèrent à l’empoisonner. Et c’est cela sans doute qui lui montrera, lors de la rédaction de sa fameuse règle, à quel point les hommes ont besoin d’être protégés contre leurs passions. Donc, voyant venir à lui ces compagnons, Saint Benoît accepte d’être leur père, de les grouper et de fonder d’abord Subiaco qui comprendra douze petits ermitages groupant chacun douze moines avec un ancien au milieu d’eux. Cette organisation est héritée de l’Orient ; c’est ainsi que les solitaires de la Thébaïde se groupaient. Or, il ne faut pas oublier que Saint Benoît est l’héritier de toute la sagesse orientale. Mais il réalise que ce n’est pas la solution idéale : il y manquait la forte structure familiale qui fera la force des Bénédictins. Alors, à l’occasion d’un événement tragique – on avait chargé quelqu’un de pervertir ses moines -, il s’en va, laissant tout, pour gagner le Mont Cassin, sorte de garnison romaine, ancienne forteresse située sur un plateau, oppidum majestueux entouré d’un cirque de montagnes. C’est là qu’il va enraciner sa communauté monastique en la groupant autour de lui selon ce mode de vie qui sera encore le nôtre après quatorze siècles. Nous vivons en effet exactement selon la Règle de Saint Benoît, à cela près que nous n’avons pas de tablettes de cire mais des feuilles de papier, et quelques détails du même ordre. On reste frappé par l’excellence de cette Règle, sa longévité et surtout son universalité. Les fondateurs du monastère en Extrême orient, en Afrique ou en Amérique latine ont tous observé ; que la Règle semble avoir été écrite pour les hommes de couleur, tant elle s’accorde parfaitement aux aspirations fondamentales du cœur humain.


Gustave Thibon : La réforme des principes en économie. (Finalités no 80).


Congrès 1984


Reconquête chrétienne


(Buffet de la Gare /Lausanne)


Jean de Siebenthal : Les conditions de la reconquête chrétienne (Finalités no 97). Edgardo Giovannini : La science et Dieu (Finalités no 98 et 99). Isal : Récital. Virgil Georghiu :. Conférence.


Congrès 1986


Au CHUV /Lausanne (avec la Société suisse de bioéthique)


L’embryon : un homme.


On trouve l’intégralité des exposés dans les Actes, disponibles au CDC


Déclaration fondamentale en quatre langues . Prof. Edgardo Giovannini : Ouverture du Congrès.(p. 15-20). Dr Adelheid Grüniger : La fertilisation in vitro (p. 23-26). Prof. Georges Cottier : Les bébés-éprouvettes : Problèmes éthiques (p.27-52).. Prof. Dominique Rivier : De la nécessité d’une formation éthique pour l’homme de science (p. 53-64)


Dr Joaquim Huarte : Concepts fondamentaux d’embryologie (p. 65-68). Prof. E. Giovannini : Le statut de l’embryon (p. 69-90). Prof. Jean de Siebenthal : L’animation selon Thomas d’Aquin (p. 91-98). Dr Antoine Suarez : Engendré, non pas fabriqué (p. 99-123). François de Siebenthal : La bioéthique : Une nouvelle chance : Vers une écologie de l’amour (p. 125-130). Prof. Gérard Lefranc : La vie, objet de laboratoire (p. 131-143). Dr Françoise Pinguet : Régulation naturelle des naissances par auto-observation des signes de fertilité (p. 145-156). Dr Anselm Zurfluh : La démographie, un problème d’avenir ? (p. 157-171). Prof. Jérôme Lejeune: Le début de l’être humain (p. 173-.185). Mme Marie-Laure Beck : Dignité de la femme et nouvelles techniques (p.187-188). Prof. Claude Tricot : Réflexions esthétiques sur la vie (p.189-192). M. Conrad Clément : Qu’est-ce que SOS Futures Mères ? (p.193-196). M. Raoul Pignat : SOS Futures Mères dans le Chablais (p. 197-198). Mme Chérina Henriksen : La vie n’est pas un calcul (p. 199-202). Pasteur Henri Coste : L’embryon, son avenir, mais aussi son passé (p. 203-206). M. Jean-Marc Berthoud : Défense de la famille chrétienne aujourd’hui (p. 207-212). M. Pierre Antonioli : Situation juridique (p. 213-220). Communion et libération : L’embryon : un homme ou l’audace d’un regard (p. 221-222). Dr Erwin Willa : Témoignage (p. 223-226). Prof. Jean de Siebenthal : Synthèse du Congrès (p. 227-229).


Congrès 1989


Europe : l’hiver démographique


(cf Actes au CDC)


Pierre Chaunu :Projections et prospectives


Alfred Sauvy : L’Europe oublie ses hommes


Michel Tricot Concepts fondamentaux de démographie


Edgardo Giovannini Démographie et culture


François de Siebenthal Liberté et famille


Congrès 1991 Buffet de la Gare/Lausanne


L’identité de la Suisse dans l’Europe


/Actes, Lausanne 1992)


Prof. Jean de Siebenthal : L’environnement technique en 1291 (pp. 9-26). M. Alain Voirol : Le pacte national et sa portée (pp . 27-41). Dr Antoine Suarez : L’embryon est une personne si l’adulte qui dort est une personne. (pp. 43-52). M. Pierre de Villemarest : La subversion menace-t-elle encore la Suisse ? (pp.53-60). M. Jean-Bernard Leroy : La Suisse, la France et l’Europe (pp. 61-69).M. Max Liniger : Oui à l’Europe, non à l’Euro-machin (pp. 71-82). :¨M. Dan Dumitrescu : Un Européen de l’Est scrute la Suisse. (pp. 83-132). M, le pasteur Georges Tartar : L’islam menace-t-il notre culture ? (pp. 133-147).M. Luc de Meuron : Sept cents ans d’indépendance, cela ne suffit pas (pp. 149-155).


Congrès 1994


Famille et environnement


(Actes chez Téqui)


1 René Pellabeuf : Rappel historique et définitions (pp. 8-11) 2 Jean de Siebenthal : La famille foyer (pp. 12-23) 3 Michel de Poncins Famille et désinformation (pp. 24-38) 4 Philippe Schepens:Famille et environnement médical (pp. 39-50) 5 Roberto de Mattei : La famille dans le chaos contemporain (pp. 51-64) -6 François Algoud : La famille et le sida (pp. 65- 77) 7 Michel Tricot: A proposde quelques faits démographiques mondiaux de base à l’horizon 2000 (pp. 81-105) 8 Daniel Raffard de Brienne : L’école contre la famille (pp. 106-113) 9 Marie-Laure Beck: Le rôle des mères dans la famille et dans le monde (pp. 114-117) 10 Emmanuel Tremblay: Partis écologistes, respect de la vie et famille (pp. 118-139). 11 Raymond de Chabot: Initiation esthétique en famille (pp. 140-146) 12 Claire Fontana: Sauvetage, la légitime défense de nos enfants (pp. 147-155) 13 Institut d’études monétaires : La famille et le crédit (pp. 156-179) 14 Michel Berger: Famille et politique (pp. 180-188) 15Jean-Bernard Leroy : Famille et civilisation (pp. 189-203).


Exposés des intervenants


16 Armand Kastner: Déclaration (pp. 205-206) 17 Claudine Prouteau : L’Arche de Marie (pp. 207-211) 18 Dominique Tassot: De Darwin à l’avortement (pp. 212-217) 19 Jean-Paul Vuilleumier: Famille et toxicomanie (pp. 218-222) 20 Huguette Esslinger : L’association pour la promotion et le développement de la connaissance psychologique de l’homme (VPM) et le groupement européen «Oui à l’éthique » (pp. 223-228) 21 Sida information suisse : Critique de la campagne officielle dans la lutte contre le sida (pp. 229-231) 22 Coda Nunziante :Famiglia Domani (pp. 232-233) 23 Roberte Falquet : Réagir.- une association qui lutte contre la pornographie et la drogue (pp. 234-237) 24 Pierre Lemaire: Mouvement des pères de famille consacrés au Sacré-Coeur (pp. 238-239) 25 AlainVoirol: Famille- éducation (pp. 240-245) 26 Emmanuel d’Hoop de Singhem : Cassettes video pour la famille (pp.246-248).


Congrès 1997 La Longeraie/Morges


Nécessité des élites.


Actes édités par le CDC)


1 Jean de Siebenthal. Introduction. Abbé Trauchesseec : Homélie. Daniel Raffard de Brienne : Familles et élites. Philippe Maxence. Elites et principe de subsidiarité.Etienne Couvert : La pénétration maçonnique dans la société chrétienne. Michel de Poncins : Les élites dans le domaine économique. Dr Philippe Schepens : La formation des élites médicales. Dr Emmanuel Tremblay : Les élites et le respect de la vie. Roberto de Mattei : Les élites traditionnelles en Europe, passé et avenir.Amiral Michel Berger : La formation morale des élites. François-Marie Algoud ; Les élites face à la perversion .Winfried Wuermeling : Bâtir des groupes d’élite en Europe. de Siebenthal : La bourse et la vie ; les élites en économie.Jean-Bernard Leroy : Les élites, la condition d’une renaissance. Jean de Siebenthal : Allocution finale et Déclaration. Christian Burgaud : La réforme financière du Crédit social. Etienne Couvert :Annexe au texte sur la Franc-Maçonnerie..Daniel Rivaud : Des élites de coeur et d’esprit


Cercle civique européen


Fondé en 1988, sur l’initiative de M. René Pellabeuf, il se caractérise par cet extrait des statuts :


Article 3.1 : L’objectif final du CCE est la promotion et la défense de la philosophie et de la morale chrétiennes ainsi que du civisme des citoyens. Il estime que le respect des commandements de Dieu et des valeurs morales qui ont fait la grandeur de l’Europe constituent une réelle garantie des authentiques droits de l’homme et de ses devoirs Correspondants.


Article 3.2 : Pour y parvenir, le CCE s’engage à faire bénéficier les associations membres de son activité, à favoriser les concertations entre elles, dans un esprit permanent d’entraide et de collaboration. Chacune d’elles, souscrivant aux mêmes grands principes moraux, conserve donc sa personnalité et les buts spécifiques du domaine civique et social qui lui est propre ; elle continue à mener son action dans son domaine et s’engage à offrir aux autres les fruits de son travail et le service de son infrastructure.


Les associations-membres participent à l’assemblée générale annuelle statutaire avec voix délibérative ; les associations, les familles ou les personnes qui le désirent peuvent concourir à l’action du CCE à titre de membres correspondants, avec une cotisation minime ; aux assemblées générales, elles ont voix consultative.


Le CCE a contribué à la mise en oeuvre de divers Congrés : en 1991, en 1994, en 1997, en 1999.


Présidents : M. Jean-Bernard Leroy(1988-1993), Jean de Siebenthal(1993-1999), Coda Nunziante (1999…). Le bulletin Finalités a servi en substance d’organe de liaison ; actuellement, c’est la Correspondance européenne, éditée notamment par M. Roberto de Mattei qui assume cette fonction.






Congrès 1999


La famille, clé de l’avenir


Discours de M. Coda Nunziante au Congrès de 1999


Mesdames et Messieurs,


avec une grande joie je m’associe au Pr. Jean de Siebenthal pour l’ouverture des travaux du Cercle Civique Européen sur le thème : Famille, clé de l’avenir.


L’importance des thèmes traités par ce congrès et la qualité des intervenants de toute l’Europe, confirment la nécessité du travail développé par le Cercle Civique Européen qui, au cours de ces dernières années, est devenu un point de repère de la meilleure culture européenne: non pas celle qui domine dans les médias, dans les universités, dans les maisons d’édition, mais celle qui avec grand courage défend les valeurs éternelles de l’ordre naturel et chrétien de l’agression qui les menace.


Les deux derniers congrès du Cercle Civique Européen, respectivement consacrés au thème de “Famille et environnement” et au thèmes des “Elites”, dont les actes ont été publiés ou vont l’être, constituent des points de repère sur ces sujets. Tout cela on le doit principalement au travail du Pr. Jean de Siebenthal et de son équipe qui ont su organiser, ici à Lausanne, un bureau sérieux et efficace qui, avec l’aide du Centre de Documentation Civique, a rendu possible même ce congrès.


Recueillir, comme président, cet héritage, n’est pas facile mais je suis tout de même rassuré du fait que le Pr. Siebenthal, bien qu’il ait laissé sa charge de président, néanmoins continue à combattre avec nous et continuera à nous aider par sa précieuse expérience et par son sûr jugement. Fort de cette aide ainsi que de celle de son fils François et de tous ses collaborateurs et de tous les chers amis qui font partie du Conseil d’Administration du Cercle Civique Européen, j’assure mon engagement à vouloir développer cette association et la rendre un instrument toujours plus efficace au service des principes de la civilisation chrétienne. Je serais très reconnaissant à tous les présents qui voudront bien nous aider avec leur engagement personnel et leurs conseils pour diffuser toujours plus nos activités.


Le Cercle Civique Européen ne veut pas, être une association qui s’ajoute à tant d’autres, mais un point de rencontre dliommes et d’associations déjà existantes. Nous ne voulons pas nous substituer à l’activité de chacun mais seulement collaborer en esprit de service, pour donner une dimension européenne aux activités qui sont développées.


Le Cercle Civique Européen, son nom l’indique déjà, n’est pas une association religieuse, mais civique et culturelle, qui s’inspire des principes de l’ordre naturel et chrétien. La dimension européenne est une de ses caractéristiques et une ville comme Lausanne, française pour la langue et la culture mais européenne et internationale pour sa position géographique et politique, exprime très bien cette vocation.


Le fait qu’un Italien ait été nommé président doit être considéré en cette recherche de vision européenne qui n’a rien à voir avec l’Europe de Maastricht et d’Amsterdam mais qui, au contraire, s’oppose à celle-ci comme la vraie Europe chrétienne s’oppose à la fausse Europe des technocrates socialistes.


Notre force se fonde sur la vérité des idées que nous servons. Nous sommes convaincus qu’en ces idées, et seulement en celles-ci, peut être le futur de lEurope. A la construction de ce futur nous voulons coopérer même avec l’organisation de ce congrès consacré à la Famille.


Je souhaite une bonne réussite aux travaux de ces deux journées.


Luigi Coda Nunziante
Cellules fondamentales


L’activité présentée ci-dessus devait être propulsée par une idée : agir en groupes stables soutenus par un but de nature transcendante. Or la Sainte Trinité est le modèle grandiose que l’on peut proposer. On se gargarise depuis les lumières avec la fameuse démocratie, où le nombre décide, et peut décider n’importe quoi, n’importe quelle aberration : le suicide de la nation par l’avortement par exemple. Il faut que les délibérations tiennent compte d’une vérité reconnue par la raison. D’où la conception des cellules trinitaires, présentées dans précisément dans le Manuel de la cellule trinitaire, paru en 1984, qui décrit la technique de fonctionnement, et surtout l’esprit qui les anime, dont voici quelques passages :


INTRODUCTION


La Cité catholique, puis l’Office international des oeuvres de formation civique ont préconisé la formation de cellules, groupes d’amis se réunissant chaque semaine pour étudier, discuter et mettre en oeuvre les idées contenues dans des documents axés sur le droit naturel et chrétien: «Pour qu’Il règne», «Les Fondements de la Cité», et bien d’autres. Dans son livre: «L’ Action», Jean Ousset expose les avantages de ces organismes. Le Centre suisse de diffusion du droit naturel et chrétien s’inspire de cette méthode. Il semble cependant qu’un «manuel de la cellule» conçu comme tel n’ait jamais vu le jour, analogue par exemple au manuel de la Légion de Marie. De plus, l’enracinement spirituel de ce travail reste insuffisamment précisé: promouvoir le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ représente certes un idéal respectable, mais axer la réfIexion et l’action sur le plus haut mystère pouvait à mon sens illuminer et vivifier tous ces efforts. Comment agir dans la société si ce n’est par analogie avec la Société du Dieu unique en trois Personnes? L’homme créé à l’image du Dieu trine porte en lui cette origine, et les actes sociaux fondamentaux également. Il m’a paru utile de développer ces considérations et de mettre à la disposition des membres des cellules un corps d’idées et de méthodes directement adaptées à leurs besoins.


La première partie de ce manuel expose les fondements: la nature de la cellule, le déroulement de la séance, un bref exposé du mystère et de ses incidences dans la famille, dans l’éducation, dans la vie professionnelle, dans l’art, dans la vie civique. Au sein de la cellule et autour d’elle, les fonctions se différencient assez naturellement, ce qu’on a réuni sous le titre: «L’ordre civique trinitaire». On obtient une structure minimale, que rien n’empêche d’étoffer par la suite.


La deuxième partie présente: «La vie intime de la cellule» et aborde toutes sortes de problèmes qui surgissent fréquemment. Chaque page ici résulte de situations concrètes auxquelles il a fallu répondre. En même temps, certains points de doctrine peuvent être précisés. Périodiquement, au cours d’une réunion, on pourra revenir sur l’une de ces réflexions.


La troisième partie n’a pas la prétention de remplacer une Bible, un Missel, ou tel livre de piété. Elle contient pour commencer ceux des textes de l’Écriture qui semble adaptés aux nécessités spirituelles ou pratiques. Les Psaumes ont des connotations civi- ques dont il serait dommage de se priver; puissions-nous vibrer de la ferveur et de l’ardeur combative de David! De plus, les textes sapientiaux sont tellement riches en conseils, et l’homme change si peu en sa nature. De même, on peut extraire des Évangiles et des Épîtres des passages capables de réchauffer la vigueur de la cellule. Quelques textes liturgiques chers aux coeurs des chrétiens pourront alimenter les méditations personnelles, et pourquoi pas la réunion de temps à autre. Les oraisons données ici sont telle- ment belles! Quelques textes patristiques rappelleront la résonance du mystère au cours des siècles. De plus, le dogme trinitaire suscite la prose profonde et admirable de Bossuet; deux poésies de saint Jean de la Croix achèvent ce court florilège. La quatrième partie est destinée à faciliter aux membres le choix de l’étude et des lectures. La littérature relative au droit naturel et chrétien est rarement rassemblée en bibliothèques spécialisées et accessibles: c’ est l’un des rôles du Centre de documentation civique à Lausanne. Les titres eux-mêmes peuvent subir une répartition adaptée aux besoins de la cellule.


Comment l’ordre civique trinitaire peut-il s’articuler aux grou- pements religieux? En principe, toute personne qui admet la loi naturelle et divine peut entrer en sympathie avec notre travail. Comme la foi en la Sainte Trinité est requise, on ne voit guère que les chrétiens qui puissent adhérer vraiment à nos buts, et essentiel- lement ceux qui aiment Dieu d’abord, et le prochain pour l’amour de Dieu, c’est-à-dire ceux qui récusent le culte de l’homme. Toute communauté qui demande et produit la sanctification personnelle de ses membres peut nous les confier sans crainte en vue de donner à cette sanctification une efficacité sociale organique.


L’ordre civique trinitaire est un mouvement de laïcs appuyé sur des conseillers ecclésiastiques, sur la vie de l’Église: l’importance donnée aux actes du Magistère le prouve assez; cependant, ce mouvement est autonome, selon le principe de subsidiarité. L’ordre temporel ne peut être abandonné aux forces athées, et il s’agit de témoigner de la Vérité dans la politique d’aujourd’hui, serait-ce comme Jésus-Christ devant Pilate. Le risque de retomber dans une barbarie pire que celle des temps antiques n’est pas nul on le sait, et l’on forgera dans les cellules la volonté de reconquête. L’ordre civique trinitaire désire joindre ses efforts à ceux des mouvements d’intention semblable qui sont déjà à l’oeuvre.


Le 29 avril 1983


Fête de saint Louis-Marie Grignion de Montfort


5. La cellule et la mémoire


La mémoire permet le rappel permanent des données de la réalité, présente ou passée. L’univers lui-même apparaît comme une immense mémoire, et chaque chose déroule son être dans le temps, tel le tronc coupé qui avoue son âge. La mémoire rend l’histoire présente, et la fidélité est sa vertu première; sans mémoire précise, pas d’intelligence, ni de volonté réelles.


La cellule cultivera donc cette faculté par l’observation patiente de l’histoire du pays, de l’Europe, du globe, par l’examen attentif des traces du passé dans la vie du jour. Elle adoptera une collection de textes historiques de valeur et s’y référera souvent dans les discussion: histoire de l’Eglise, de la Suisse médiévale, de la Pologne, de la Russie, de l’Espagne, et de divers pays en divers continents, en s’aidant de synthèses: de Gonzague de Reynold par. exemple,


Dans la cellule, on acquerra le goût des citations précises, des arguments solidements étayés: rien ne dissipe mieux les idéologies que les faits attestés et datés. Le membre de la cellule fourbira pour lui-même, pour la séance, et pour les discussions en divers milieux, les pièces d’un arsenal d’arguments reposant sur la connaissance de certains faits essentiels de l’histoire.


Nul besoin de se transformer en historien: aux pseudo-faits «massues» des adversaires, opposer des faits le plus souvent inconnus, et bien réels: La Michelade de Nîmes, le martyre collec- tif du peuple irlandais, etc.


Mais surtout la cellule cultivera la mémoire des grands textes d’où rayonne le droit naturel et chrétien: les encycliques ou messa- ges pontificaux, certains traités de droit naturel; on ne craindra pas d’ouvrir la Somme théologique de saint Thomas, dont beau- coup de passages se lisent presque sans préparation.


La piété envers les faits implique la connaissance des Ecritures: savoir trouver dans la Bible tel passage; connaître les textes fonda- mentaux directement utiles aux combats d’idées: Psaumes, Pro- verbes, Ecclésiaste, Sagesse, Evangiles, Epîtres. Le droit naturel et chrétien y repose: à la cellule de s’en servir, sans oublier d’acquérir la mémoire du comportement du Christ dans son contexte historique, Un minimum d’informations réalistes sur les grandes religions rendra aussi service. Un conseil du Docteur angélique:


«Ne regarde pas à celui qui te parle, mais tout ce que tu entends de bon, confie-le à ta mémoire».


6. La cellule exercice d’intelligence


Lire l’universel à même le particulier, telle est une activité de l’intelligence. Des faits, des choses étant présentés à l’esprit par la mémoire, il s’agit d’en tirer une essence, une structure, une loi, une règle; de constater la portée d’un fait qui se retrouve en plusieurs situations: lntus legere.


De même, connaissant l’énoncé d’un principe, voir lentement ou soudainement, qu’il s’incarne en telle circonstance, positive- ment ou négativement: lorsque quelque supérieur ne respecte pas la zone d’autonomie d’un subordonné par exemple. Plus générale- ment, il convient dans les remous de la vie de constater la présence continue des étoiles directrices, des finalités, de discerner non sans stupeur parfois qu’un texte de l’Ecriture s’incarne bien concrète- ment.


La cellule joue ici son rôle essentiel: rassemblés pour scruter telle vérité, les membres découvriront ensemble sa portée, son adéquation à telle situation, à tel événement fugace. Dans la discussion, ils fourniront un faisceau de faits convergents, capables d’éclairer et d’illustrer le principe, et aussi un ensemble de faits constituant autant d’ombres par violation du principe. La vérité exposée se trouvera portée à un haut degré d’incandescence par la convergence des amitiés. Les relations avec d’autres principes apparaîtront, et le fourmillement des faits adjacents sera perçu ou cerné, et cela d’autant plus que la mémoire, cette étoffe de l’intelligence, aura été travaillée.


Plus la douleur aussi des distorsions présentes de la vérité sera aiguë, et l’ampleur du mal qui ronge les personnes et les sociétés pénétrera les esprits. Le Christ en croix, l’intelligence même crucifiée, saisissant en son tréfonds lc mal qui afflige la Création, fera la lumière sur les faits, et suscitera la volonté de réparer.


L’intelligence enfin ne se conquiert pas dans les fracas du monde; elle s’obtient par la méditation patiente et humble des vérités, et là encore, saint Thomas nous guide: «Ce que tu lis et entends, fais en sorte de le comprendre». «Fréquente avec amour la cellule, si tu veux être introduit dans le cellier à vin».


7. La cellule école de volonté


A chaque instant la vie nous presse d’agir, de poser des actes. Rien de plus facile que de se laisser emporter par le courant qui passe, d’obéir aux sollicitations momentanées. C’est irréversible déclare-t-on; la décadence s’accélère-t-elle? Soyez sans crainte nous dit-on: de soi le mouvement de pendule rétablira l’équilibre; car les lois immanentes ramènent sans autre les hommes à de justes actions: le bateau coule-t-il? Les trous dans la coque se boucheront d’eux-mêmes, et l’eau s’en ira d’elle-même. Prophètes de malheur, taisez-vous.


Certes la Providence veille, et rien n’arrive sans la permission divine. Nos ennemis sont des galériens qui rament avec ardeur pour nous conduire au port de l’éternité bienheureuse. Cependant, la simple conservation de notre identité exige de nous des actes souvent distincts de ceux que voudraient nous imposer les cir- constances. Bien plus, l’histoire est faite par des hommes, par un Christophe Colomb, un saint Nicolas de Flue et beaucoup d’autres. Vivre consiste à créer l’histoire dans son rayon, si petit soit-il, à poser des actes volontaires réglés par la loi divine et naturelle grâce à notre mémoire étoffée, à notre intelligence exercée, selon nos dons, selon les talents que nous avons reçus, fidèlement jour après jour. Se tenir aux aguets dans le moment, armé de pensées exercées, habitué à produire des actes réfléchis, tel est l’homme qui ne se laisse pas emporter par n’importe quel vent d’opinion.


La cellule facilite l’exercice d’une telle volonté. Elle ne se con- tentera pas de «ronronner saint Thomas»: il serait tellement tentant de s’isoler dans la contemplation des textes. Mais au fait, il y en a tant qui «ronronnent Marx, Freud ou Sartre», bien que la société se détruise en partie au moins sous leur influence. Si l’on essayait d’agir en mettant en pratique la loi naturelle et divine?


Grâce à la cellule, rien de plus facile: cerner les valeurs positives que détient l’ordre actuel et les porter à un haut degré d’incandes- cence, ce qui «renouvellera la face de la terre» sous la motion de Celui qui est la Volonté même. Au besoin, on énoncera avec force les principes du droit naturel et chrétien, on témoignera de la vérité devant ceux qui l’ignorent ou la violent sciemment, afin que germe une société qui favorise l’ascension spirituelle.


La cellule, par sa constitution même, est l’instrument d’un tel exercice de volonté, si elle se règle sur les vertus de prudence, de force et de piété. Les instants de prière éclaireront les décisions prises, et les soumettront à Celui qui règle l’ordre des sociétés.


10. La cellule et la dynamique de groupe


Les événements de mai 1968 ont fait apparaître dans certaines hautes écoles en Suisse comme en France des rassemblements typiques de la démocratie pure révolutionnaire, selon l’esprit du Contrat social. Une telle société prend le nom de groupe dans la suite de ce texte.


Le groupe ne reconnaît ni doctrine, ni docteur; tout est livré à la discussion libre. La volonté actuelle de la collectivité, à tout instant, fait loi, exprimable par un vote. Le groupe est en état de discussion, de socialisation permanente, A chaque instant se forme une opinion qui crée l’être, indépendamment de toute tradition, famille, communauté naturelle, entreprise ou nation. Les membres du groupe, automatiquement, apparaissent dans une sorte de bonté originelle, et s’expriment librement, dans une égalité tenue pour absolue, et s’imaginent participer à la recréation du monde. La pensée, privée du support des expériences traditionnelles, éla- bore une cité des nuées qui n’est rien d’autre que l’extension du mode de fonctionnement du groupe. Les résolutions s’accrochent à des mots, vagues, mais chargés de potentiel affectif, et privés de signification précise: liberté, égalité, droits de l’homme, etc. C’est le ,règne de l’idée-mot, qui remue les passions sans passer par la raIson.


La dynamique de groupe représente assez bien un tel mode de fonctionnement, avec à la base, une escroquerie. Jamais un tel groupe ne se constitue sans un «animateur» qui se sert de l’état larvaire où il plonge le groupe pour y infuser les thèses qu’il a reçues par ailleurs, dans un autre groupe, lui-même «animé». Le groupe n’est qu’un réceptacle d’idées destructrices forgées ailleurs, et sa liberté n’est qu’une illusion. L’habitude d’un tel fonctionne- ment peut faire de plus qu’il s’auto-entretienne.


Les ravages opérés par de tels groupes ne se comptent plus; on a voulu introduire ces soviets dans les écoles, dans les églises, dans les familles, dans les entreprises, et le résultat a été constant: la destruction du tissu social vivant, l’instauration de l’anticivilisa- tion. Aveugles qui conduisent des aveugles, sous la férule de celui qui les conduit en un lieu sans espérance.


Le groupe, c’est l’anticellule. Constituons donc des cellules, précisément, où des personnes adhèrent à la vérité, et conjuguent leurs efforts pour instaurer non un ancien régime périmé, mais une chrétienté vigoureuse, tendue vers la royauté sociale de Jésus- Christ.


Le présent chapitre comporte 28 tels thèmes, et les citations liturgiques réchauffent les coeurs, comme elles l’ont fait au cours des âges, et comme les insipides rengaines qui sévissent aujourd’hui un peu partout ne sauraient le faire.


Sur le Saint Nom de Jésus


0 Jésus de douce mémoire,


Qui nous mets au coeur la vraie joie,


Plus que le miel et plus que tout,


Que ta présence est chose douce!






Rien à chanter de plus aimable,


Qu’entendre de plus agréable,


A quoi penser qui soit plus doux


Que ton nom, Jésus, Fils de Dieu!






Jésus, espoir du repenti,


Que tu es tendre à qui te prie!


Que tu es bon pour qui te cherche!


Mais que diront ceux qui te trouvent!






Nulle parole ne peut dire,


Aucun mot ne saurait traduire,


Seul comprendra qui l’a vécu,


Ce que veut dire: « Aimer Jésus ».






Sois, Jésus, notre unique joie;


Tu sera notre récompense.


Que notre gloire soit en toi


Dans tous les siècles, à jamais! Amen!






Oui, la civilisation ne peut se rétablir que si des cellules constituées par des groupes d’amis s’attachent chaque semaine à méditer quelque vérité éprouvée et à la mettre en action. Le Manuel précise les conditions.


Il donne en plus un rassemblement de trésors qui peuvent nous dégager de la matière et nous ouvrir le monde de l’esprit. Louisa Jacques (1901-1942), Soeur Marie de la Trinité, Clarisse de Jérusalem a donné dans un livre paru à Malines en 1948, un recueil de paroles dictées par le Seigneur en personne, dont voici quelques -unes :






« Pour entendre ma voix il faut faire taire toutes les autres voix dans votre âme. Au contraire des puissances humaines qui s’im- posent, je ne m’impose jamais; c’est délicatement que j’offre mon Esprit. Si l’on m’accueille, je me donne davantage. Je n’entre pas en lutte, en concurrence avec les sources de joies humaines qui vous soIlicitent; je vous offre seulement le choix : moi ou les autres. C’est quand toutes les autres voix se sont tues, que vous pouvez entendre la mienne. Mais il est certains appels intérieurs que vous ne pouvez pas faire taire; 11 n’y a que Dieu qui puisse leur imposer silence. Pour m’entendre, il faut écouter il faut aussi le demander à Dieu. »


223. « Vous vous dites beaucoup de paroles car elles ont peu de poids : elles résonnent une minute; le vent les emporte… J’ai dit peu de paroles parce qu’elles recouvrent toute une réalité; elles demeurent. C’est pourquoi je ne parle avec abandon qu’aux âmes qui recueillent mes paroles avec Foi, Espérance et Amour, et qui les gardent. Un acte de pur amour, c’est quelque chose de très grand. Oh! si vous le compreniez, vous ne voudriez rien apprendre d’autre. Une âme qui n’a rien fait de beau, mais qui a beaucoup aimé Dieu et le prochain, qui a accueilli en restant dans l’amour tout ce que je lui ai envoyé, cette âme m’a rendu un grand honneur. Sa vie aura été importante pour l’éternité; eIle a contribué à l’avancement de mon Règne. »






Note sur l’existence de cellules


Des cellules ont effectivement fonctionné dès 1971, avec des effectifs variables ; sans leur ténacité le CDCn’existerait plus depuis longtemps. Je remercie vivement plusieurs artisans, parmi lesquels Michel Pigois, Christian Bless, Dominique Faure, Adrien Englert, Denis Jacoby, Georges Toutounji et surtout François de Siebenthal avec Jacques Laithier. Certains participants occasionnels ont également joué un rôle très utile, MM. Gilbert Bornarel, Zannini par exemple.




Revue Finalités


Dès l’année 1971, le Centre de documentation civique se met à éditer des feuilles d’information, rassemblées dès 1975 en une revue format A5 paraissant 10 fois par année, à raison de 24 pages ou plus chaque fois. Le site www.finality.ch donne la liste des quelque 300 articles parus


Exemple : numéro 261 de Finalités (janvier 2001)


Restaurer l’autorité


La paix, c’est la tranquillité de l’ordre, selon Saint Augustin; mais l’ordre postule la présence d’une autorité, et toute défaillance de celle-ci peut entraîner le désordre, comme on l’a vu dans l’article consacré au règne de Louis XVI. Le ou les détenteurs de l’autorité agissent en vertu d’un mandat qu’ils ont reçu, pour exprimer des vérités, pour se faire obéir, pour exercer un pouvoir sur une collectivité ou sur des choses, afin de promouvoir le bien commun, afin de faire vivre les gens au minimum dans un climat d’amitié. L’appropriation trinitaire autorité, obéissance, amour traduit bien cette exigence.


On peut observer que les considérations de doctrine sociale connues ne mettent guère semble-t-il la vie trinitaire intérieure et extérieure comme fondement de toute la vie sociale. On pourra se reporter au Manuel de la cellule trinitaire (Lausanne 1984) du soussigné, où se trouvent développés certains aspects. Remarquons que Louis Salleron (Le fondement du pouvoir dans l’entreprise, Paris 1965) , donne une caractéristique remarquable de l’autorité : dans ce mot dit-il se trouve la notion d’auteur, personne dont l’action apporte un bien, enrichit celui en faveur duquel elle s’exerce. Commander alors, c’est vouloir élever, hausser une personne, une collectivité.


Un autre texte du soussigné fait appel à cette exigence dans l’éducation : enseigner, c’est communiquer ce qu’on aime à ceux qu’on aime (Ecole globale intégrée et école selon la nature humaine, Lausanne 1973, p. 12). Ce qu’on aime : la vérité, un savoir vrai, un savoir-faire.


Ceux qu’on aime : les élèves, les subordonnés. Communiquer : les enrichir de ce qu’on sait, que l’on connaît, que l’on possède. Dieu Lui-même nous a communiqué et ne cesse de le faire par ses commandements, sa vérité, sa Vérité, pour nous surélever à sa Vie, …par Jésus-Christ réconcilier tous les êtres pour lui, en faisant la paix par le sang de sa croix (Col. 1.20). … pour pénétrer le mystère de Dieu dans lequel se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance (Col. 2, 2-3).


Et aussi : Maîtres, accordez à vos subordonnés le juste et l’équitable, sachant que vous aussi, vous avez un maître au ciel (Col. 4.1). Au sujet des autorités en charge : Fais le bien, et tu en recevras des éloges. Mais crains si tu fais le mal, car ce n’est pas pour rien qu’elle porte le glaive : elle est un instrument de Dieu pour faire justice et châtier qui fait le mal (Rom. 13, 1-7). Ainsi, la justice de l’État peut user même de la peine de mort, sachant ceci par ailleurs, selon le psalmiste : Quand tu parles, Seigneur, c’est pour l’éternité; Ta parole a la stabilité du ciel… Tout subsiste de par tes lois à travers le temps…(Ps. 118, 12) –


Le meurtre du Père


Malgré cela, certains s’en prennent à l’autorité comme telle, pour s’y opposer, en y substituant consciemment ou non celle de l’adversaire par excellence, Satan. Ils visent le Père, en fait. L’amour fait place alors à la haine. La source de l’autorité, ici, c’est le “peuple”, déifié. Il reçoit tout pouvoir, est la source de toute autorité, contre la loi divine même, contre le Décalogue. On vote, on se compte, non sans aléas, non sans truquage même. La démocratie correcte, où chacun peut contribuer au règne du bien commun, devient celle des prétendues “lumières”, règne des oppositions continuelles, des manifestations sans fin contre les décisions des pouvoirs ; pas de décision judiciaire sans recours. Plus de maître qui enseigne, c’est l’est l’élève qui se forme luimême: … Herr Lehrer hat das Wort, peut-on entendre. Toute tradition est abolie, tout héritage récusé. Irait-on jusqu’à vomir nos ancêtres, pourtant indiciblement présents dans le stock chromosomique? Certains théologiens ne sont pas en reste. Dieu tout-puissant ? Allons donc…Ne savez-vous pas que Dieu s’est dépossédé de toute son autorité ; à genoux, il lave sans fin les pieds des fidèles. Au jugement dernier sans doute, il lavera les pieds des damnés et des vierges folles (Math. 25), ainsi que ceux du mauvais riche (Luc 16, 19-31), pure et simple négation de l’enfer… La théologie ainsi conçue fait perdre tout son sel à la révélation, en perdant le sens de l’éternité. La vie chrétienne, aucun risque. Tout le monde, il est beau, il est gentil. Jean Raspail, dans “Le camp des saints”, romance l’invasion de notre Occident inconscient par la puanteur de millions de faméliques. Hommes et femmes politiques, continuez à promulguer des lois abortives, contre l’autorité divine : Tu ne tueras pas . Chose abominable, des femmes. logiquement sources de la vie, exigent l’avortement libre : pauvres enragées du sexe, poussées d’ailleurs par des luxurieux non moins coupables. Quand Saint-Paul demande la soumission aux pouvoirs établis, il sous-entend que ceux-ci respectent la loi naturelle dans son essence. Aujourd’hui, par le jeu de la démocratie dépravée, le Décalogue est sciemment et systématiquement violé, notamment: -père et mère sont bafoués, et des couples contre natures’imposent ; le divorce généralisé rend le quatrième commandement difficile; -l’avortement devient obligatoire : viol du cinquième; -l’homosexualité s’étale et l’impureté se propage; -le prêt à intérêt usuraire pratique le vol ; -le mensonge se répand par dissimulation experte de la vérité, etc… Faut-il obéir intérieurement à un régime qui viole ainsi la loi divine? NON. Réagir ! Affirmer fermement : je crois en Dieu, le Père tout puissant. Je demande aux autorités légitimes d’agir selon la loi naturelle, de reconnaître la primauté de Jésus-Christ dans l’histoire et dans la société. De tenir pour vrai un témoignage irrécusable tel que le linceul de Turin: … il faut prendre conscience de l’unicité absolue du linceul de Turin dans toute l’histoire de l’humanité : un seul a conservé l’image- empreinte d’un crucifié, représentation fidèle du châtiment de Jésus de Nazareth décrit dans les Évangiles, négatif parfait d’un corps, représentation non reproductible, donc infalsifiable, témoignant d’un mécanisme de transfert d’image et de séparation du corps avec le linge (impression-retrait sans contact) inexplicable. ” Ce que les croyants appellent de façon familière ” le flash de la Résurrection “.Complots autour du Saint Suaire, par Frédéric Pons (Valeurs Actuelles du 24/01/98). Ajoutons que dans les églises, il conviendrait de restaurer le sens de la présence de Dieu, et de se tourner vers le Seigneur ; on peut citer le P. Louis Bouyer, de l’Oratoire : « La messe dite “face au peuple” n’est qu’un total contresens, ou plutôt un pur non-sens ! Le prêtre n’est pas une espèce de sorcier ou de prestidigitateur produisant ses tours devant une assistance de gobeurs: c’est le guide d’une action commune, nous entraînant dans la participation à ce qu’a fait, une fois pour toutes, Celui qu’il représente simplement, et devant la personnalité duquel la sienne propre doit totalement s’effacer! ». Postface à Tournés vers le Seigneur. La vie trinitaire au centre de la vie sociale ; en particulier révérer l’autorité des pères, des pères de famille, dans l’esprit des Béatitudes. Quel beau millénaire ne nous attend-il pas !


Jean de Siebenthal


L’Europe sur le chemin de la dictature ? …


Ce que nous avons aujourd’hui sous la forme de l’Union européenne n’est que la moitié du plan. Mais cette moitié est déjà suffisamment horrible. En gros elle est édifiée selon les principes directeurs de l’Union soviétique. Je peux vous dire exactement ce qui va arriver, parce que, d’une certaine manière, j’ai déjà vécu dans votre avenir. Par exemple, je peux vous prédire que les résultats de l’expérience seront exactement le contraire de ce qu’ils proclament. Exactement ce que nous avons eu en Union Soviétique. Aujourd’hui on nous dit que nous aurions besoin de l’Union européenne pour éviter la guerre et garantir la paix, alors qu’actuellement en Europe personne ne menace la paix de quelque façon que ce soit. Je peux vous prédire qu’en quelques années la plupart des États européens divergeront. Les désaccords sont trop grands et les conflits ne sont pas loin. On nous promet aujourd’hui que grâce à l’Union européenne les peuples dépasseront leurs différences nationales et enterreront pour toujours les oppositions raciales, ethniques et nationales. C’est exactement le contraire qui va arrive. En Union Soviétique, nous étions supposés être une heureuse famille de nations et après 73 ans il y a eu plus de conflits ethniques que nulle part ailleurs sur la terre. On nous dit en ce moment que nos économies vont prospérer, que l’union renforcera économiquement les pays d’Europe et qu’ils feront ainsi concurrence à l’Amérique. Donc, que l’Europe unie serait bonne pour nos intérêts économiques. Exactement le contraire va arriver. Non seulement nous deviendrons pauvres, incapables et hyperréglementés mais encore plus dépendants de l’Amérique. Je connais bien ces stratèges, je sais tellement bien ce qui va se passer que je pourrais devenir très riche, si je trouvais quelqu’un pour faire un pari avec moi. Mais personne ne veut parier avec moi. Il y a peu, j’ai proposé un pari à un ami anglais. Je lui ai parié une grosse somme que dans quelques années nous aurions un impôt européen, un impôt spécial pour payer toutes ces structures dispendieuses. Il n’a pas voulu me suivre. S’il m’avait cru, je serais riche sous peu. D’autres amis anglais n’aiment pas ma comparaison. Ils disent que l’Union soviétique est impensable sans goulags et qu’en Europe il n’y en avait pas et qu’il n’y en aura pas. Mais là aussi je dois les contredire. Nous avons déjà le début d’un goulag. Nous avons déjà le goulag intellectuel. Il y a déjà des gens qui sont méprisés, qui perdent leur emploi, qui ne peuvent plus s’exprimer publiquement, simplement parce qu’ils ne suivent pas la ligne officielle sur certains points comme la race, la femme, la sexualité ou n’importe quoi d’autre, oui, même la fumée ; je suis fumeur et je sais que je suis déjà dans un goulag. Mais ce n’est pas fini. Il y aura un goulag. J’ai lu le projet du traité de Nice qui sera signé en décembre ; si vous ne l’avez pas encore lu, faites-le vite. On veut fonder une police européenne. Une police européenne ! On veut donc instituer un nouveau KGB. Et cette police aura des compétences incroyables ! Des compétences qu’aucune police d’aucun pays européen ne possède pour l’instant. Tout d’abord elle aura l’immunité. Que c’est bien une police-diplomate! Elle peut venir chez moi et me tabasser et je ne peux pas la traîner devant les tribunaux. C’est merveilleux. Même le KGB n’avait pas autant de compétences Aucune procédure n’est fixée et tu pourrais être arrêté dans ton pays et ensuite être transféré dans un autre. Et aucune possibilité d’audition avant l’extradition. Donc si ces gens disent que tu es un criminel, aucun droit local ne te protégera plus. Assez de mauvaises nouvelles, Venons-en aux bonnes. Il s’agit d’une structure que je connais bien et donc je peux prévoir avec certitude qu’elle va s’effondrer. Cet effondrement provoquera des difficultés économiques. L’Union européenne laissera un héritage de discordances et d’hostilités. Les temps qui suivront son effondrement ne seront pas particulièrement agréables. Mais l’Union européenne s’effondrera. Une autre bonne nouvelle est qu’elle est plus facile à combattre que l’ancienne Union Soviétique. Ces gens sont faibles. Ils ne sont pas forts. Ils ne sont pas autant dénués de scrupules que les dirigeants soviétiques. Ils ont moins d’expérience qu’eux. La plupart ne sont que des intellectuels qui aiment tant parler de leur grand amour pour l’humanité. Je peux même vous dire comment mener le combat. Il s’agit de ce que nous avons fait avec succès en Union Soviétique. Il faut voir clairement que nous parlons d’élites corrompues. Nous ne parlons pas de tel ou tel parti ou de telle ou telle partie de la société. Non, nous parlons de la corruption des élites européennes. La seule réponse adéquate est un mouvement de masse de la base. Allez dans les universités et essayez de constituer de petites cellules dans chaque université, dans chaque école, semestre après semestre. La jeunesse doit émerger, nous avons besoin de mouvements de masses. Alors, ceux de Bruxelles seront faibles et ne répondront rien. Ils ne peuvent même pas entreprendre quelque chose contre la petite Autriche ; ils n’ont bricolé que des sanctions stupides qu’ils ont dû annuler moins de six mois plus tard. Cela montre que ces gens sont faibles, stupides et incapables. La plupart sont des bureaucrates qui s’effondreront vite si nous avons un vrai mouvement populaire pour combattre en première ligne. Quand nous avons commencé au milieu des années soixante, notre mouvement contre l’union soviétique et contre le communisme, aucun d’entre nous ne croyait qu’il ne vivrait assez longtemps pour assister à la fin du système Nous avions un ennemi très puissant : le KGB sans scrupules qui à tout moment pouvait tuer chacun de nous. Cependant maintenant le score est en notre faveur ! Ils sont morts et nous vivons. Je suis convaincu que vous avez de bien meilleures chances de combattre ces restants de soviétisme en Europe que nous en avions eu, il y a quarante ans quand nous combattions l’Union soviétique.


Wladimir Bukowsky


(extrait de Zeitfragen, nov. 2000, traduction Denis Helfer)






Au sujet de la « vache folle »


LECTURES FRANÇAISES, n’ 524, décembre 2000


L’état de santé de notre collaborateur et ami Jean-Clair Davesnes ne lui permet malheureusement plus de nous donner les pertinents articles que nous avons publiés pendant de longues années (depuis 1981) dans une chronique qui recueillit auprès de nos lecteurs et abonnés un très grand succès. Avec sa documentation, son expérience et sa science des questions agricoles, nul doute qu’il aurait trouvé les preuves et les arguments pour river leur clou à cette armada de journalistes et politiciens incompétents en la matière qui ont raconté tout et le contraire de tout au sujet de cette « crise » qui a occupé la une des media pendant plusieurs jours le mois dernier, participant de cette façon à une vaste entreprise de désinformation qui a caché et occulté la réalité des faits au grand public qui, une fois encore, s’est laissé berner par les faussaires et les orfèvres de la manipulation des foules. Car il s’agit bien de cela : le public a été complètement désinformé et entraîné, par voie de conséquence, dans un mouvement de « psychose » aussi ridicule qu’inepte. Avant qu’un de nos proches collaborateurs revienne sur ce sujet capital dans un prochain numéro en le présentant avec le recul et la réflexion nécessaires, lorsque les passions se seront apaisées, nous tenons à rappeler sans attendre quelques observations judicieuses que Jean-Clair Davesnes avait exposées ici même en 1996 au moment de la précédente crise de la « vache folle » et qui sont toujours et plus que jamais d’actualité. Il y a une vérité de base à ne jamais oublier : cette épidémie que l’on présente terrifiante pour l’Europe n’est que la conséquence inéluctable de la transformation de l’élevage en une activité industrielle(1). Et comment se manifeste cette activité industrielle ? Chaque année, nous disait Jean-Clair Davesnes, « dans la communauté Européenne, on ramasse plus de 9 millions de tonnes de cadavres d’animaux ? Qu’en fait-on ? On en fabrique des farines : plus de deux millions de tonnes pour la CEE. Et que fait-on de ces farines ? On les donne comme nourriture aux bovins dans les élevages industriels. Ces farines proviennent de cadavres de toutes espèces d’animaux, notamment de moutons morts de la tremblante, maladie endémique connue depuis longtemps et provoquée par une protéine infectieuse. (1) Il est indispensable de lire (ou relire) à ce propos l’implacable démonstration exposée par Jean-Clair Davesnes dans son remarquable livre L’agriculture assassinée publiée en 1989, qui en est actuellement à sa troisième édition augmentée (1992, Éd. de Chiré). Le volume dresse le bilan d’une politique agricole désastreuse qui a conduit au marasme contemporain. Il instruit le procès de la toute puissance des groupes multinationaux de l’agro-alimentaire qui ont imposé les nuisances des engrais chimiques, de l’alimentation « artificielle » du bétail et du machinisme outrancier au détriment de l’agriculture traditionnelle. (Prix : 160 F + port à SA D.P.F.). Autrement dit, en quelques mots très clairs et compréhensibles pour tous, ce ne sont pas les vaches qui sont folles mais les technocrates à l’esprit tordu qui transforment un paisible herbivore en un carnivore. Et encore !.. pas un carnivore normal qui se nourrit de la viande saine d’une proie fraîchement tuée, mais une pauvre bête enfermée dans un élevage concentrationnaire à laquelle on donne une farine empoisonnée ». Ainsi, après que la France eût importé, en 1989, « 43 840 tonnes de farine”, les vaches françaises (Holstein essentiellement) ont ingéré des farines contaminées, l’incubation de la maladie pouvant aller de 3 à 30 ans, l’encéphalopathie spongiforme, agent de la « vache folle », va faire son apparition dans le cheptel français. C’est pourquoi on peut affirmer que la Holstein, machine à lait qui a remplacé le troupeau laitier français traditionnel, est le principal vecteur de l’épizootie de la vache folle ( … ). Il apparaît donc que la catastrophe de la vache folle ne la folie de l’élevage industriel. Revenons tout simplement à la nature : un herbivore mange de l’herbe et la France est le pays des meilleurs herbages d’Europe et, peut-être, du monde ». Pour illustrer ce propos, Jean-Clair Davesnes reproduisait ce qu’avait écrit, en 1923, un philosophe autrichien nommé Rudolf Steiner(2). : (2) Ce texte a été précédemment publié dans la revue Triades (été 1991). « Quelle est l’origine de la chair du bœuf ? De pures matières végétales avec lesquelles le bœuf produit lui-même sa chair. Le corps animal est donc capable de transformer des végétaux en chair. Vous pouvez faire cuire un chou aussi longtemps que vous le voulez, vous n’en tirerez pas de viande. Il n’y a pas de technique pour cela mais ce que ne peut faire la technique se fait dans le corps de l’animal. Cela signifie que le bœuf possède en lui des forces qui lui permettent de transformer les plantes en chair. Que se produirait-il si, au lieu de végétaux, le bœuf se mettait à manger de la viande ? Toutes les forces qui en lui produisent de la chair se trouveraient désœuvrées et le bœuf qui déborde de cette force transforme la viande en toutes sortes de déchets. Le bœuf se remplira donc de toutes matières nuisibles s’il se mettait soudain à être carnivore. Il se remplirait notamment d’acide urique et d’urate. Si le bœuf mangeait directement de la viande, il en résulterait une énorme quantité d’urate, l’urate irait au cerveau et le bœuf deviendrait fou ». Mais évidemment les mercantis qui ont transformé des résidus d’équarrissage en farine ignorent l’existence du philosophe autrichien (1861-1925) dont l’œuvre contribua à la naissance de l’agriculture biologique. Propos impressionnants n’est-ce pas ? Mais qui vous en a parlé ? Qui a eu le courage de remonter aux sources et de dénoncer les responsables de cette affaire ? Il y a donc bien là une volonté délibérée de désinformation, de cacher la vérité. Dans quel but ? Tout simplement parce que celui qui tire les ficelles à son profit dans les coulisses n’est autre que l’impérialisme alimentaire américain ! « Il faut savoir que ce sont des laboratoires sous contrôle financier américain qui ont annoncé que la vache folle pouvait provoquer chez l’homme la maladie de Creutzfeldt-Jakob mais en fait, on n’en sait rien. Les décès provoqués par cette maladie sont relativement faibles et, parmi eux, il y aurait celui d’un végétarien ! Donc la preuve est loin d’être faite. ‘« Mais la psychose de la vache folle est soigneusement entretenue dans le public. Pourquoi ? Pour permettre aux Américains de vendre leur viande en Europe. Il faut savoir que le bétail américain reçoit des hormones de croissance alors que cela est interdit en Europe. Or, une commission d’arbitrage a décidé que dorénavant les Américains sont fondés d’exporter leur viande « hormonée » en Europe. Et cela au moment même où les troupeaux anglais et français, c’est-à-dire ceux des deux pays qui ont les meilleures races à viande du monde, sont décimés. On voit le lien entre les deux affaires ». Après que Lionel Jospin eut officiellement et péremptoirement annoncé, le 14 novembre, que les farines animales sont (provisoirement ! interdites en France pour l’alimentation du bétail, par quoi les éleveurs vont-ils les remplacer ? En raison du système aberrant de l’industrialisation de l’agriculture intensive dans lequel se trouvent aujourd’hui englués plus de 90 % de paysans, il n’y a plus d’herbe, il n’y a plus de prés, il n’y a plus de production végétale suffisante pour nourrir le bétail. Alors, que reste-t-il à lui faire manger ? des farines de soja, dont le principal producteur et fournisseur se trouvent être… les États-Unis ! Ainsi la boucle est bouclée. Et la question que l’on peut se poser est toute simple : et si toute cette campagne de manipulation, de désinformation et de psychose n’avait été artificiellement montée qu’au seul profit des Américains ? La réponse s’impose d’elle-même lorsqu’on sait que le but délibéré des États-Unis, depuis de longues années, est de priver l’Europe de l’arme alimentaire ! Que conclure de tout cela ? Ceux qui jouent aujourd’hui aux veuves éplorées sont des hypocrites ou des amnésiques. Nous avons vu où se trouvent 1 1 origine et la cause de cette épidémie de vaches folles. Il faut donc ne pas hésiter à accuser et fustiger les responsables : les politiciens, avec la complicité du syndicalisme agricole (en particulier la FNSEA) qui, en un demi-siècle, ont anéanti 12 millions de paysans en Europe, pollué les rivières, désertifié les campagnes et saccagé les paysages façonnés par plusieurs millénaires de civilisation agraire. Ils font vivre l’enfer aux animaux, torturés aux hormones, gavés aux farines et enchaînés en batteries. Ils renvoient à la friche les champs, empoisonnent doucement les gens avec de mauvais aliments et acculent à la disparition le peuple des paysans. Ils sont « responsables et coupables » de ce qui se produit. Ils doivent être châtiés pour cela.


Jean-Clair Davesnes






Complots autour du Saint Suaire


L. F. 6 LECTURES FRANÇAISES, n’ 524, décembre 2000


A notre époque, le culte des reliques a quasiment disparu. On ne se préoccupe guère de savoir si les autels en contiennent ou non ; une table n’en a pas besoin !


Par chance, c’est en ce moment que s’impose une relique colossale, le Saint Suaire, ce drap qui a enveloppé le corps de Notre Seigneur en personne, on n’en peut plus douter, témoin irrécusable du Sacrifice. Ci dessous figurent des extraits d’un article écrit par Frédéric Pons (Valeurs Actuelles du 24/01/98), mentionné déjà dans le premier article. Les coïncidences sont nombreuses et troublantes dans l’existence mouvementée du linceul de Turin, cette pièce archéologique unique, réputée avoir enveloppé le corps du Christ après sa descente de croix.Apparu – ou réapparu – en 1357 en Champagne, conservé à Turin, le linceul révéla dans ses fibres, il y a un siècle, le 28 mai 1898, le négatif photographique parfait d’un homme crucifié comme le racontent les Evangiles.


Ce drap de lin taché de sang était ombré de mystérieuses traces, invisibles à l’œil nu, et révélées en 1898. Les analyses de plus en plus fouillées confirmèrent des données physiologiques justes, inscrites dans les fibres, et des informations scientifiques inconnues au Moyen Age, qui ne commenceront à être connues que cinq a six siècles plus tard.Le centenaire de la découverte faite par le photographe italien Secundo Pia sera célébré dans quelques semaines avec l’ostension exceptionnelle du linceul, à la demande de Jean-Paul II.


Le linceul est aujourd’hui gardé dans un lieu tenu secret. On craint sa destruction. Il a déjà échappé à plusieurs reprises à la disparition: le vol, l’incendie accidentel ou criminel. Le dernier, le 11 avril 1997, faillit faire disparaître le linceul dans les flammes. Il fut sauvé ” par miracle “.C’est un autre complot, celui de la négation scientifique, du doute agnostique, du relativisme religieux, réunissant des scientifiques et des hommes d’Eglise, qui faillit aussi, à plusieurs reprises, lui ôter toute raison d’être, gommer le message inscrit dans ses fibres, l’enlever à la vénération des fidèles. Foi aveugle contre rationalisme Aux yeux de la plupart des chrétiens, le linceul de Turin est bien le Saint Suaire, témoin de la Passion, de la mort et même de la résurrection du Christ. Il est, depuis le Moyen Age, l’une des plus insignes reliques de la chrétienté, à laquelle les fidèles vouent un culte fervent.


Aux yeux de certains hommes d’Eglise pourtant, et dès l’origine, l’authenticité du linceul a toujours suscité une forte réticence, jusqu’à la négation. Ce refus d’attribuer au linceul la qualité de ” relique ” (pièce sainte, digne d’adoration, à la différence de l’ icône “, simple reproduction d’artiste) s’est nourri, au fil des siècles, des travaux menés par les historiens et les scientifiques. Longtemps, les questions non résolues sur l’origine du tissu et la chronologie de son histoire alimentèrent les rumeurs sur l’existence d’un génial faussaire.C’était, front contre front, la foi aveugle des uns contre la raison scientifique des autres. De nombreux indices vinrent pourtant s’accumuler, entre 1898 et le début des années soixante-dix. Il fallut attendre 1988 pour espérer pénétrer le secret du linceul de Turin.


Ce fut la tentative de datation au radiocarbone 14, organisée par trois laboratoires indépendants, sous la tutelle du British Museum.La datation obtenue confirma d’abord ce que beaucoup pensaient déjà : une fabrication du tissu entre 1260 et 1390, ” avec 95 % de fiabilité “, annonçait le 13 octobre 1988 le cardinal Ballestrero, custode pontifical du Saint Suaire, presque soulagé. Le Dr Michael Tite, coordonnateur de ces travaux déclarait: ” Je crois que nous ne nous occuperons plus du linceul. Nous n’avons plus rien à dire à son sujet. “


Hélas! Les limites propres à la méthode du carbone 14 avaient été oubliées . Puis on eut très vite des doutes sur le respect des procédures scientifiques. Au terme d’une enquête policière de deux ans, frère Bruno Bonnet-Eymard,un religieux français membre d’une communauté traditionaliste installée à Saint-Parres-lès-Vaudes (Aube), révéla l’incroyable tentative de “forgerie ” : ” Il y a eu manipulations, malversations, introduction subreptice d’un échantillon imprévu.


“Le dossier n’était pas clos. Arnaud- Aaron Upinsky, jeune mathématicien, épistémologue, expert en systèmes logiques et historien des sciences, décidait de tout reprendre à zéro, passant toutes les pièces au crible de la méthode scientifique la plus rigoureuse, pour tenter de déchiffrer ” ce mystérieux encryptage qui protège les informations du linceul depuis vingt siècles “. Le flash de la Résurrection En juin 1993, à Rome, il révélait le résultat de ses travaux. Sans aucune réfutation scientifique sérieuse.


A la veille du centenaire de la photo de 1898, voici qu’il raconte dans l’Enigme du linceul (Fayard) cette enquête de neuf ans. Un document fouillé, implacable de méthode et de logique, jusqu’à une étonnante conclusion, d’esprit presque apocalyptique : ” Le décodage du linceul donne un sens particulier à l’an 2000. ” De ce livre événement, nous reproduisons en exclusivité quelques bonnes feuilles. Ces extraits livrent les données scientifiques sûres qui militent en faveur de l’authenticité du linceul de Turin. Ils dévoilent la logique cachée du Saint Suaire. Ils racontent toutes ces ” mesures de retardement ” que l’auteur aurait subies, de façon paradoxale, de la part de ” religieux éloignés du message “.Selon Upinsky, ” pour accéder à la certitude, il faut prendre conscience de l’unicité absolue du linceul de Turin dans toute l’histoire de l’humanité : un seul a conservé l’image-empreinte d’un crucifié, représentation fidèle du surchâtiment de Jésus de Nazareth décrit dans les Evangiles, négatif parfait d’un corps, représentation non reproductible, donc infalsifiable, témoignant d’un mécanisme de transfert d’image et de séparation du corps avec le linge (impression-retrait sans contact) inexplicable. ” Ce que les croyants appellent de façon familière ” le flash de la Résurrection “. Voyez dans les pages qui suivent les éléments de ce dossier, les certitudes acquises depuis dix ans, mais aussi la part de mystère encore non élucidée que recèle cette pauvre pièce de lin jauni de 1,10 sur 4,36 mètres. Le résultat de 10 années d’enquête : Voici quelques unes des données scientifiques contenues dans le livre événement d’Upinsky. Des Evangiles au linceul -Deux points pour le temps, la crucifixion romaine (abrogée par l’empereur Constantin au IVe siècle) et le mode de tissage de type archaïque. -Trois points pour le lieu, la sépulture juive (le corps enveloppé par un linge), le type sémitique archaïque de l’homme du Linceul; la localisation par les pollens trouvés sur le linceul (sur cinquante-huit pollens identifiés sur le linceul, quarante-quatre provenaient de Jérusalem et de ses environs).


-Douze points pour l’action, un homme au visage majestueux, âgé de trente à trente-cinq ans; un couronnement d’épines; une flagellation romaine : le portement de la croix; une crucifixion; un coup au cœur par lancea-post-mortem, du sang et de l’eau; les os des jambes non brisés ; un linceul blanc (de prix); un corps resté moins de trois jours (non-putréfaction) dans le linceul et le corps de l’homme du Linceul non lavé. Sans oublier le caractère tout à fait singulier de l’action rapportée par le film du linceul. Notamment la multiplication des supplices, en crescendo, que la loi interdisait et qui traduit bien les hésitations de Pilate relatées par les évangélistes ; le coup au cœur post- mortem au lieu des jambes brisées ; le fait que le corps ne fut pas lavé, ce qui traduit l’urgence du sabbat. La disparition du corps


Le linceul de Turin est la pièce archéologique à receler un signe de contradiction scientifique non explicable par la science la puissante de tous les temps, celle de l’impression- retrait- sans contact (IRSC) du cadavre de l’homme du Linceul. Le corps a laissé son image sans contact et ayant interrompu son contact avec le linge et son sang, sans la moindre altération des décalques, sans le moindre arrachement brilles du lin et des fibrines du sang ! Il n’y a que deux sorties possibles pour un cadavre : -la putréfaction : mais ici le processus de putréfaction aurait détruit l’image, et les expertises auraient trouvé des cristaux de putréfaction. -l’enlèvement ; mais dans ce cas l’arrachement du corps aurait laissé des traces sur le tissu. Tout se passe comme si le corps s’était dématérialisé avant que la putréfaction n’intervienne.De la thèse de l’enlèvement du corps par les disciples ou de la thèse de la disparition du corps ” sui generis ” quelle est celle qui est conforme à la réalité scientifique ? A cette question, la science du XXe siècle répond que l’impression retrait-sans-contact du linceul prouve que ni les disciples, ni les autorités religieuses, ni les Romains n’ont pu enlever le corps du linge pour simuler la prédiction relatée par les Evangiles.Que, par conséquent les Evangélistes n’ont pas menti sur ce point essentiel. L’homme du Suaire Le visage de l’homme du Linceul – exprimé par l’image – est empreint de majesté. L’ homme était âgé de trente à trente-cinq ans. Il était de type yéménite archaïque. Sa taille était de 1,78 à 1,81 mètre et il pesait entre 77 et 80 kg.


Concernant les enseignements de l’empreinte sanguine, c’est John Heller qui en a donné le tableau le plus vivant. “Médicalement, les empreintes sont celles d’un supplicié, flagellé avec un instrument du genre du flagrum (cent vingt coups environ – par-devant et par-derrière par deux bourreaux, d’un homme qui porta un fardeau lourd et rugueux qui a meurtri ses épaules; d’un homme sur la tête duquel on plaça quelque chose blessant le cuir chevelu et le front; d’un homme au genou éraflé et au nez brisé, comme après une chute; d’un homme frappé au visage; d’un homme cloué à la croix par les poignets; d’un homme crucifié dont le sang coula le long de ses bras, suivant la pesanteur, faisant des angles corrects. 65 et 45° ,avec la position des bras sur la croix; d’un crucifié dont les jambes ne semblaient pas avoir été brisées et dont le flanc avait été transpercé&endash; post-mortem, avec un objet ayant les dimensions d’une lancea romaine , laissant s’écouler, sur le linge après la mort – par asphyxie -, des globules et du sérum jusqu’au creux des reins; d’un homme dont le corps flagellé présentait des blessures profondes et sanglantes suintant d’albumine sérique; d’un homme crucifié – à la romaine – dont les pieds ensanglantés et terreux avaient été transpercés d’un gros clou.


” Avis divergents L’authenticité du linceul de Turin n’étant pas un article de foi, plusieurs cardinaux et papes ont émis à son sujet des avis divergents. Pour Pie XI, ce linceul n’était ” certainement pas fait de main d’homme “. Jean-Paul Il confirme: ” C’est assurément une relique. ” Pour le cardinal Ballestrero, qui était en 1988 archevêque de Turin et custode du linceul,c’est une ” icône du Christ ” datant du Moyen Age .Mgr Ballestrero, d’abord nommé custode à vie, a été dessaisi de cette fonction par Jean-Paul II en 1989 au profit Mgr Saldarini. L’actuel archevêque de Turin, le cardinal Saldarini, est un bibliste.Il juge “possible ” l’authenticité du linceul. Mgr Saldarini, ne voulant pas démentir son prédécesseur, a déclaré: ” Il ne suffit pas d’affirmer que le drap est une pièce médiévale.Le problème est de comprendre comment il est né. ” La balle est dans le camp des sceptiques. La plaie au cœur Cette plaie est particulièrement riche d’enseignements.


Le Dr Pierre Barbet a découvert que les dimensions de la plaie sont bien celles d’une lancea romaine (48 mm sur 15 mm). Le fait que le coup avait été porté à droite s’explique par l’habitude de l’escrime romaine qui entraînait les soldats à frapper de gauche à droite au ” côté ouvert ” latus apertum), non défendu par le bouclier de l’adversaire. De ce fait, la lancea avait glissé sur la sixième côte et perforé le cinquième espace intercostal. Sur le trajet, reconstitué par Pierre Barbet, la lance avait rencontré le péricarde, plein de sérosité, et l’oreillette droite, toujours pleine de sang. D’où la phrase étonnante de l’Evangile : ” Il sortit du sang et de l’eau ” (Jn 19, 33-34). Notons que le coup porté à droite du corps appareil à gauche sur le linceul du fait du décalque qui inverse la droite et la gauche.


Ce qui veut dire que si un génial faussaire au Moyen-Age avait voulu simuler le coup au cœur – faisant couler le sang et l’eau -, en plus de l’inversion de l’image, il aurait dû aussi penser à l’inversion des côtés. Et le réaliser. Ce qui, nous le savons désormais, est techniquement impossible, même avec un authentique cadavre. Impossible à fabriquer… Que lisait Pierre Barbet sur le linceul ? Une représentation parfaite, au regard de son expérience de chirurgien, de la physiologie des plaies. L’étude du linceul lui avait même appris beaucoup sur elles. Notamment le fameux espace de Destot inhérent à la crucifixion. L’espace de Destot, ce point seul capable de soutenir un corps, se situe dans le poignet et non dans la paume de la main. Il avait déclaré n’avoir jamais vu, dans toutes les œuvres d’art européennes, de la Renaissance à l’art moderne, un tableau rendant avec plus d’exactitude et de justesse les blessures ou l’apparence du sang sur les vêtements, d’un réalisme étonnant. L’œil du médecin professionnel ne voyait pas l’image comme une peinture. Observations confirmées par tous les médecins. Et ultérieurement par le British Museum. les vêtements, d’un réalisme étonnant. L’œil du médecin professionnel ne voyait pas l’image comme une peinture. Observations confirmées par tous les médecins. Et ultérieurement par le British Museum. …






Les dernières statistiques de l’Église catholique- un leurre ?


Dans nos dernières nouvelles (RU 51/2000) figuraient les chiffres de la terrifiante diminution de la chrétienté au Proche Orient. Cette fois-ci parlons du catholicisme et des prêtres catholiques dans le monde. L’agence de presse FIDES de Rome donne triomphalement, dans les grandes statistiques du Jubilé sous la date du 20 octobre 2000, les chiffres suivants : Nombre de catholiques dans le monde fin 1997 : 1,005 milliards ; fin 1998 : 1,018 milliards (+0,3%). Jamais l’Église catholique n’a été aussi importante. Le nombre des fidèles a augmenté presque partout (Afrique + 3,4 %, Amérique + 1,8%, Asie + 0,4 %, Océanie + 0,3 %, Europe – 1%). Le nombre des évêques catholiques était en 1997 : 4420, en 1998 : 4439 (+0,4 %). Le nombre des prêtres (malheureusement sans indication de l’âge moyen) en 1997: 404.208, en 1998 : 404.626 (+ 0,1 %). Les séminaristes en 1997 : 108.017, en 1998 : 109.171 (+ 1,1 %). Les élèves d’instituts d’enseignement catholiques, en 1997 : 5.112.570, en 1998 : 5.221.037 (+ 2,1 %), Le nombre des œuvres de charité, en 1997 : 5188, en 1998 : 5215 (+ 5,2 %). Donc, circulez, tout va bien !


Derrière cette façade se cache en réalité un tableau d’une Église en pleine décomposition, “autodestruction” s’écria Paul VI. Tous peuvent le constater autour d’eux-mêmes, s’ils osent ouvrir les yeux. Il y a peut-être beaucoup de des supérieurs majeurs : “Les congrégations perdent chaque année 4% de religieux et de religieuses. Beaucoup vont vers l’extinction.” Mais devant ce véritable désastre, personne n’ose mettre en doute le Concile Vatican II dont nous n’avons pas fini de récolter les fruits amers. Pire est la situation, et plus on glorifie ce Concile. “Aujourd’hui, Dieu seul peut encore sauver Son Église”, a dit avec un grand soupir le Cardinal Ratzinger qui ne se laisse apparemment plus tromper par la mascarade des statistiques. – (ru ; cf. FID. 20.10., LbdAN 17.12.) 2 VATICAN : Ce siècle se termine avec une scission lamentable à l’intérieur même de l’Église catholique, devenue de ce fait non reconnaissable (On vous reconnaîtra à ce signe, que vous vous aimez les uns les autres”). Dans un dernier effort, sous forme d’un cri humainement désespéré, mais animé de l’espérance chrétienne,






Appel au cardinal Ratzinger en faveur de la liturgie latine.


l’UNEC (Union des Nations de l’Europe chrétienne), dont le siège se trouve à Paris, a envoyé le 25 décembre ce message urgent au cardinal Ratzinger :


“ÉMINENCE, irrémédiablement vous arriverez bientôt devant le Juge Éternel. Celui-ci vous dira sans doute : ‘Joseph, pourquoi n’as-tu pas guéri la blessure béante dans mon Corps ?’, en parlant du rejet de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X de Mgr. Lefèbvre par Rome. En fait, tout le dialogue œcuménique se révèle comme une pure Oeuvre d’hommes, affectée de mépris, d’orgueil, voire de haine, si ce dialogue n’arrive même pas à un accord avec les plus proches, la Fraternité St. Pie X. N’est-ce pas précisément la manière comment l’Eglise traite ces catholiques, mais ils avortent comme les autres, et la preuve c’est qu’ils votent en majorité pour des politiciens prônant l’IVG ; il y a peut-être beaucoup de prêtres, mais il se cachent, rasent les murs et enlèvent le dernier symbole catholique de leur pull-over, la petite croix ; il y a peutêtre beaucoup d’évêques, mais ils n’osent plus prendre les saintes colères de N.S.J.C., en s’accommodant à merveille du contexte païen, sinon barbare dans lequel la Providence les a placés pour annoncer Sa parole, au point de céder des églises aux musulmans ; il y a peut-être beaucoup d’écoles catholiques, mais dans leurs classes de catéchisme on apprend davantage par coeur les noms des frères de Mahomet que ceux des apôtres ; il y a peut-être beaucoup d’œuvres de charité catholiques, mais on n’ose plus y baptiser. Sommes-nous trop pessimistes ?


Plutôt RÉALISTES ! Prenons un seul exemple concret : les vocations dans les grands ordres religieux. Voici quelques citations des plus hautes autorités : Nous avons un très grand nombre de frères âgés, puis un grand vide parmi les frères qui ont soixante ans aujourd’hui, c’est-à-dire toute la génération des années 60-70, marquée par de nombreux départs et AUCUNE ENTRÉE” (Père Eric de Clermont-Tonnerre, provincial actuel des Dominicains). “Il meurt une trentaine de jésuites par an, ce qui signifie que la Compagnie aura PERDU 300 MEMBRES sur 650 en France d’ici 10 ans” (Père Edouard O’Neil, assistant du Provincial des Jésuites en France). Or, la moyenne d’âge actuelle des pères jésuites est de 70 ans, et ils n’entrent au noviciat que 4 ou 5 jeunes gens tous les ans, bref l’extinction ! Sur 980 Frères des Écoles Chrétiennes, seuls 200 sont encore en activité, les autres, trop âgés, sont à la retraite, contre un seul nouveau membre chaque année. Et, pour clôturer ce tableau des réalités, voici ce que dit le Père Gérard Lachivert, secrétaire général de la Congrégation française l’Église traite ces catholiques qui empêche les orthodoxes de se rapprocher davantage de Rome ? Ne pressentent-ils pas que leur magnifique liturgie orientale serait écrasée après une éventuelle jonction avec Rome, exactement comme Rome écrase toujours davantage la grande liturgie latine défendue avec courage et héroïsme par la Fraternité ? Éminence, nous nous tenons à votre disposition pour essayer de Vous ouvrir de toute urgence un contact direct avec Mgr. Fellay, l’actuel Supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, pour Vous permettre de trouver une fin à ce douloureux différend – ou plutôt pour fermer cette plaie béante dans le Corps Mystique du Christ – encore en cette année du Jubilé. Nous Vous souhaitons, Éminence, cette force pour ce Noël de l’an de grâce 2000, signé : UNEC, Paris.” – Nous laissons la responsabilité de ce texte aux auteurs de ce document oh combien ‘religieusement incorrect’, mais pertinent et digne d’intérêt. Nous ignorons pour l’instant la suite de ce message.


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J’ajoute que M. Adrien Englert déploya de grands efforts pour présenter dignement de nombreux numéros de Finalités. Les contributions de Mmes Métérié, Hélène Faure au secrétariat, à la dactylographie furent admirables, tout comme celles de M. et Mme Jean Brodard, qui réalisèrent de nombreux exemplaires de notre revue.
Bibliothèque


Le décès de notre ami M. le Curé Henri Simon survenu en 1973 nous donna l’occasion de mettre en valeur une partie notable de sa bibliothèque personnelle, d’où l’installation de 2000 livres sur nos rayons, rangés et classés suivant la méthode universelle grâce à M. l’abbé Mollon. Voir le site www.finality.ch




Transition familiale


21 septembre 1996 50 ans de mariage


Fête à La Longeraie/ Morges


Le 21 septembre 1946


Ce fut un jour splendide, avec le mariage religieux, célébré à la cathédrale Notre-Dame de Lausanne. L’entrée des invités: au son de la Toccata et fugue en ré mineur de J.S. Bach (et non avec la trop célèbre marche nuptiale de Mendelssohn). L’excellent pasteur Lavanchy avait axé sa prédication sur le thème: “L’amour vient de Dieu” Car Dieu, on le sait, est amour. Je me permets d’ajouter que Dieu, oh surprise ! est humour. . . Je suis persuadé que les anges au ciel, à l’idée de notre mariage, ont éclaté de rire, pressentant toutes sortes d’étincelles, avec la venue de Jean-Luc, Bruno, Hugues, François, Marie-Luce, puis notamment de Christina, Ylva, Christine, Cécilia, Johan, David, Alexandra, Patrick, Vincent, Thomas, Claire, Christophe, Jean-Martin, Marina, Maximilien, Inès, Marc-André, Nicolas, Alexandre, Isabel, Stéphane, Carole, Roman et Jan.


Belle journée donc, avec tournée dans le Lavaux, arrêt substantiel à la Crochettaz. La parenté de Zurich était là.


Confitures


Revenant un peu en arrière, en été 1946, lorsque je dis à Lucie: nous pourrions nous marier cet automne… Réponse, il faut que je pense à faire les confitures! En effet, cela arriva, avec des bocaux de confitures aux pruneaux…


Maison


Nous emménageâmes donc, à l’avenue Marc Dufour 42, où Jean-Luc naquit en juin 47. Il approche donc des 50 ans, lui aussi.


Dans cette maison, il y avait de charmants voisins, les Jaquier, l’une de leurs connaissances étant si je ne me trompe, une dame Achermann, dont la réputation était de savoir lire les lignes de la main. Voyant la main de Lucie, elle tombe presque en pâmoison devant cette richesse latente. Cri du coeur de Lucie: “Est-ce que j’aurai une maison?”


Cela commença par l’entrée de toute la famille existante alors en 1956 dans la grande maison qu’est l’Eglise


Cela arriva concrètement en 1957, grâce à l’Association vaudoise du Coin de Terre, dont des membres très actifs sont ici présents ou excusés. Bruno, Hugues, François, nés entre temps y emménagèrent aussi, Marie Luce y venant en 1958.


Comment ne pas signaler la venue, plusieurs années durant, d’une pensionnaire d’Eben-Hézer, nommée Inès Dutruit, la vraie Mémé de François et de Marie-Luce, les promenant avec ardeur, faisant même du taxi-stop. Si la petite Inès ici présente, porte ce prénom, c’est en souvenir de cette Mémé, décédée.


Si la maison “Les Laudes”, ce chant de l’aurore, débordait de vie et de vies, elle débordait aussi de meubles et d’objets de valeur, grâce au flair de Lucie. Armoires pleines, étagères garnies, plus un centimètre carré de libre.


Et le défilé des chambreurs de l’Exposition nationale de 1964, et celui des chambreurs venus du Canada ! Que dire des tonnes de paquets expédiés par Lucie de cette maison, régulièrement, en Pologne, en Hongrie pour vêtir les démunis de ces pays ? Et les animaux ! Des lapins au début, des chiens particulièrement partageaient l’espace restant.


Chalet


Cela ne suffisait pas. En 1961, acquisition, sous le nom de mademoiselle Lucie Favre, d’une grange à foin à Troistorrents, isolée, mais bientôt transformée, pourvue d’un chemin héroïque, d’une source capricieuse, d’un téléphérique à marchandises, actionné au début par le moteur d’une vieille Lambretta! Grâce au savoir-faire de Jean-Luc, et avec l’aide de bétonneurs robustes Bruno, Hugues et François, il y a maintenant un treuil à moteur électrique.


Lutter contre la forêt envahissante, quel travail! et vive les “Coupe-sapins” de décembre. Le labeur persévérant de Lucie aménagea bientôt une terrasse là où il n’y avait que terrain en pente, face aux superbes Dents du Midi.


Grand -mère


Les petits-enfants apparus successivement eurent en leur grand-mère un exemple de dévouement illimité, Johan, David, Alexandra, Patrick, Jean-Martin, Marina, Vincent, Max, Thomas, Claire, Christophe, Inès, Marc-André, Nicolas, Stéphane, Carole, Roman, Jan. Quelle joie pour chacun de venir dormir chez grand maman, par exemple, ou d’aller promener en bateau sur le lac Léman.


Attentive à tout, une sorte de mère supérieure comme dans un couvent, mais ouvert. N’essayez pas de faire dix pas sans transporter quelque chose ! Naturellement, pour chacun, la patience est de mise.


On devrait, pour faire l’éducation des futurs maris, leur faire méditer la vie des saints, bien sûr, mais aussi l’exemple donné par Lucky Luke dans la célèbre bande dessinée. N’est-il pas un modèle de patience imperturbable, dans un rodéo continu même ?


La patience, très bien. Mais le pardon aussi est une vertu indispensable, enseignée par Notre Seigneur Jésus-Christ. Dans le Notre Père, il dit : Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Impossible d’entrer au paradis sans avoir pardonné au moins une fois ! Pardonnons, pardonnons, pardonnons…


Mariages


Ce cinquantième anniversaire suscite la mention d’autres mariages; par exemple : :


Bruno et Ylva se sont mariés en Suède à Visby, à la chapelle ancienne, cérémonie suivie d’une réception helvético-suédoise très réussie à Planetgatan no 7., emménageant ensuite à Chavornay. dans une demeure vénérable transformée par les génies constructeurs de la famille


Hugues et Christine ont échangé leurs anneaux à St Martin à Paudex et nous accueillis somptueusement ensuite au Château de Bavois, non loin de Chavornay, logeant ensuite au Signal sur Lausanne, pour conquérir sans tarder les hauteurs d’Epalinges.


François et Cécilia, eux, nous ont entraînés à Manille, se mariant dans la superbe basilique des Augustins, avec réception fastueuse dans la cour attenante. La cérémonie fut commémorée à Lausanne à St Nicolas de Flue à Chailly, avec un certain décalage horaire. Le chemin des Roches dans les bas d’Epalinges accueillit sans tarder la jeune famille.


Mais d’autres voyages se profilent.


Voyages


La personnalité de Lucie s’épanouit dans les voyages.


Des amis belges nous reçoivent un jour dans leur château de Boussu-en-Fagne en Belgique, à l’occasion d’un colloque sur la famille, un vrai château seigneurial. Le soir, le repas commence, dans une salle impressionnante. Mais les “Gillès”, illustre famille, ne sont pas encore arrivés; ils arrivent assez en retard, et éblouis par l’assemblée, se précipitent pour s’excuser vers la personne qui leur paraît être la châtelaine, c’est-à dire vers Lucie !


Une autre fois, à Aix-la-Chapelle, nous prenons le repas de midi dans un restaurant éclairé par le haut au travers d’une verrière, éclairage assez spécial. Voici que deux messieurs distingués s’approchent et sollicitent de Lucie la permission de la photographier, pour compléter leur collection, à l’intention d’un académie de photographie. Par politesse, ils me photographient aussi…


En voyage organisé, dans un car par exemple, Lucie fait la conquête immédiate de tous les participants, par un “Gruezi mitenander” sonore, ou par un “bonjour tout le monde”. Elle a l’oeil attentif aux nécessités de chacun, et même des animaux errants, nourris de restes tirés d’une sacoche.


On a même l’impression que si elle restait quelques mois dans tel pays, en Russie même, elle prendrait le pouvoir…


Salutations


C’est une joie pour moi de saluer les abbés Medici , Barby et Clément, qui connaissent bien toute la famille. Leur présence nous est très précieuse. Ils nous rappellent que la Trinité sainte, un seul Dieu est une famille une, modèle s’il se peut de chaque famille. Que le Père, le Fils et le Saint-Esprit, soient présents dans chaque foyer, avec la Vierge Marie, la Reine des familles selon Jean-Paul II.


Il y a ici beaucoup de petits-enfants; il faut qu’ils aient à coeur la présence de Dieu dans leur vie, qu’il y en ait même qui se consacrent à Dieu par le sacerdoce, la vie religieuse ou numéraire.


Les temps risquent de devenir très durs, nous risquons même d’être appelés au martyre. Restons témoins de Jésus-Christ.


Pour l’instant, soyons dans la joie en cet anniversaire. C’est le voeu du grand-père




A l’Ecole polytechnique fédérale (1969-1982 )


Sur demande de M. le président Maurice Cosandey, je dus fournir un


Rapport sur l’activité mathématique à l’EPFL de 1953 à 1978


Préliminaire


Les vingt-cinq années en examen ici ont été précédées, on s’en doute par toute une histoire liée à la technique en général et à celle du pays environnant : le pays de Vaud. La simple présence de la Cathédrale de Lausanne évoque les problèmes constructifs posés au XIIIe siècle, avec des connaissances de géométrie, de génie-civil et d’architecture très déliées. Ce chef d’oeuvre artistique repose sur un soubassement scientifique à divers points de vue, sans rapport avec quelque “nuit intellectuelle”. Lors du 700e anniversaire de la Confédération en 1991, n’a-t-on pas vu un rayon laser (vert) surgir d’une tour de l’EPFL à Ecublens, et s’élancer vers la tour de la Cathédrale, hommage de la technique du XXe siècle à une vénérable ancêtre?


C’est avec la Réforme au XVIe siècle et avec l’activité de l’Académie fondée à cette époque à Lausanne que l’enseignement des mathématiques commence à prendre forme, au sein d’un cursus théologique, poursuivant ainsi l’évolution de la science et de la culture occidentales, enracinées comme on sait dans la science des Anciens grecs, dans la philosophie des XIIe et XIIIe siècles, aboutissant à l’éclosion scientifique des XVIe et XVIIe siècles.


L’histoire du développement progressif de l’enseignement et de la recherche mathématiques à l’Académie puis à l’Université de Lausanne a fait l’objet d’une étude fouillée de M. Pierre-Denis Methée, L’Ecole Polytechnique illustre la conquête progressive de l’autonomie de la technique. De même que la science occidentale doit beaucoup aux savants philosophes grecs et médiévaux, de même la technique moderne se voit partiellement tributaire des mathématiques dites pures, avec une séparation marquée en 1969 par la transformation de l’Ecole en institution fédérale.


L’enseignement et la recherche mathématiques s’articulent désormais en deux étapes: de 1953 à1969, et de cette date jusqu’en 1978. Première période 1953-1969


Le soussigné, étudiant à la Faculté des sciences de 1938 à 1942, puis assistant de 1942 à 1944 dans cette même Faculté, a bien connu les préliminaires à la dite période, notamment en suivant les cours de Gustave Dumas, Jules Marchand, Georges de Rham, comportant le calcul différentiel et intégral, la géométrie projective et la théorie des fonctions d’une variable complexe, essentiellement. Tous ces cours avaient lieu à l’Université de Rumine ou à l’Ancienne Académie, en principe.


Mais l’EPUL, située dès 1942 à l’Avenue de Cour 33, y abrita les cours de mathématiques, ainsi que les bureaux des professeurs et les salles d’exercices. Etaient rattachés à l’EPUL les professeurs Charles Blanc et Jules Marchand, tandis que Beno Eckmann et Georges de Rham l’étaient à la Faculté, partage décrit en substance dans l’ouvrage cité de P-D Methée (pp. 118-119).


Georges Vincent succédait à Beno Eckmann dès 1948.


Les mathématiques pures


L’activité des mathématiciens de l’EPUL et de la Faculté des Sciences s’enracine dans le domaine des mathématiques dites pures. Sur la base de théories présentées comme telles, logiquement rigoureuses, on édifie des résultats sûrs. Ensuite l’on présente des applications à des exemples empruntés à la pratique. Celle-ci n’est en principe pas la génératrice des théories. Le modèle en ce genre est la théorie des nombres complexes et des fonctions d’une variable complexe. Georges de Rham a donné pendant de nombreuses années sur ce sujet un cours impressionnant de rigueur et de clarté.


Georges Vincent, Pierre-Denis Methée et le soussigné, inspirés par un tel maître, ont donné des cours de géométrie analytique, d’algèbre, de théorie des fonctions procédant de cet esprit de mathématiques pures. Les mathématiciens à l’EPUL ne se distinguent pas substantiellement des mathématiciens des Facultés des Sciences traditionnelles, sauf dans un cas, à propos duquel on peut citer de fortes paroles d’Alfred Stucky, prononcées en 1926, directeur de l’EPUL dès 1940: “ll n’y a plus d’opposition entre la théorie et la pratique comme d’aucuns ont voulu le faire croire. il ne reste que la science du bien construire qui s’appuie alternativement sur des spéculations abstraites, sur des observations de la nature, sur des essais et des expériences personnelles, sur la documentation, corrigeant et complétant l’un par l’autre.”


Je suis convaincu que les mathématiques grecques des Euclide, Archimède, Apollonius, etc. procèdent de l’organisation logique de très nombreuses règles issues de la pratique des constructeurs des époques antérieures, égyptienne et sumérienne notamment. En retour, les “Eléments” d’Euclide par exemple, ont guidé les constructeurs, placés par la pratique face à de nouveaux problèmes à résoudre et à mettre au point par des Newton, Euler, Gauss, etc.


Charles Blanc justement agissait selon l’esprit qui vient d’être esquissé. Les mathématiques appliquées


Contributions de Charles Blanc.


Dès 1942 et jusqu’en 1969, l’activité de l’enseignement et de la recherche en mathématique appliquée est dominée par la personnalité de Charles Blanc. Les prémisses de son action sont décrites par P-D. Methée. A l’EPUL et à l’EPFL, Ch. Blanc est incontestablement un pionnier, promoteur des prestations mathématiques à l’intention des utilisateurs, appuyées sur un solide fondement de mathématiques pures. Son cours de Calcul différentiel et intégral. donné de 1942 à 1970, a formé des générations d’ingénieurs, préparant la mentalité EPFL. Son talent de professeur était hors pair; comme en témoigne le Cours mentionné, édité et réédité, en 1966 par exemple. Sa capacité de contact avec les étudiants est illustrée par l’anecdote suivante : ne dit-on pas qu’avant le début du premier semestre, il allait au secrétariat pour s’imprégner des noms des étudiants et de leurs photos, pouvant ainsi tout de suite interpeller nommément dans la salle bon nombre d’étudiants!


A noter : les cours de mathématiques appliquées donnés aux étudiants ingénieurs des troisième et cinquème semestre. Deux autres livres illustrent la fécondité de son activité Les équations différentielles de la technique, paru en 1946, traite des équations différentielles linéaires, des équations aux dérivées partielles, du calcul des variations, des fonctions et intégrales elliptiques, des fonctions de Bessel, etc. En 1976 paraît : Equations aux dérivées partielles, avec l’étude des équations de Laplace, de Poisson, de l’équation d’une membrane, d’une plaque, de la chaleur, des vibrations d’une poutre, d’une membrane, d’une plaque, etc. On reparlera ci-dessous de son rôle de créateur du Centre de calcul de l’EPFL, ayant débuté en 1942 dans une modeste salle d’appareils de calcul, d’intégrateurs graphiques, etc, avec ensuite l’apparition en 1958 de la machine Zebra au-dessus du garage du concierge à l’avenue de Cour.


Charles Blanc est en effet le promoteur de l’informatique à l’EPFL. Il faut ajouter à ce palmarès celui du développement de l’analyse numérique et de la recherche opérationnelle, mentionnée encore ci-dessous. Ce cursus serait incomplet si l’on ne citait pas l’activité de Charles Blanc au sein de la Commission Euler. Porteur du baccalauréat latin-mathématiques spéciales, il était à son aise dans la rédaction et dans l’édition de plusieurs volumes en latin de Leonhardt Euler, lui-même mathématicien appliqué de grande envergure et probablement maître à penser de Charles Blanc. Ce dernier a pourvu à la rédaction de sept des nombreux volumes de l’édition des oeuvres complètes du Bâlois, dont quatre sur des mémoires de mécanique, deux sur la mécanique du solide, et un sur la théorie de la lune. En outre deux volumes sur la théorie des roues dentées et sur le flambage ont été mis au point avec la collaboration de Pierre de Haller. Doyen de la Faculté des Sciences de l’Université de 1956 à 1958, et président du Conseil du Département de mathématiques en 1970, Charles Blanc a dirigé plusieurs thèses à l’EPUL, parmi lesquelles on peut citer celles soutenues par Dominique de Werra, Charles Rapin, Liniger, Probst, Pierre Bonzon. En été 1970, il est en congé sabbatique à l’Université de Waterloo, prenant sa retraite, avec l’honorariat, en 1975.


En 1953, il obtient un crédit du Fonds national de la recherche scientifique (Intégration numérique d’équationa aux dérivées partielles). En 1961 également (Résolution numérique approchée de problèmes aux limites) Mentionnons la présence de Pierre Banderet, son chef de travaux de 1946 à 1957, animateur aussi de la bibliothèque mathématique de la Faculté des Sciences de l’Université , devenu professeur de mathématiques appliquées à l’Université de Neuchâtel .


Contributions de Jean Descloux


Un collaborateur éminent de Charles Blanc est Jean Descloux. Diplômé physicien de l’EPFZ en 1957, et docteur en 1960, après un séjour à Urbana aux USA, il est nommé professeur à l’EPUL en 1964. De nombreux stages aux USA, en Belgique, en Hollande, en France, au Japon, en Suède, au Liban marquent son activité. On lui doit plus de 50 publications d’analyse, sur les équations aux dérivées partielles. Un livre de J. Descloux a même été édité en russe à Moscou en 1976, sur la méthode des éléments finis.


A l’EPUL puis à l’EPFL, il donne des cours de mathématiques appliquées, d’analyse numérique, de programmation Il a dirigé plusieurs thèses (C.Bossoney en 1974, P. Clément en 1974, H. Froidevaux en 1975, J. Rappaz en 1976, F. Pini en 1977). En 1972, avec l’aide du FNRS, il effectue des recherches (Résolution numérique d’équations aux dérivées partielles par éléments finis) **** Charles Blanc, Jean Descloux et Pierre Banderet ont amorcé au sein de l’EPUL et de la Faculté des Sciences un développement devenu spectaculaire des mathématiques appliquées aux problèmes des ingénieurs, propulsant également la croissance vertigineuse de l’informatique. Un récent jubilé international en 1994 à l’occasion des 60 ans de Jean Descloux a bien montré l’ampleur de son rayonnement scientifique, avec une chaleur humaine bien agréable.


Géométrie et algèbre


La phase décisive fut celle de l’année 1953, lors du décès de Jules Marchand, dont “l’héritage” fut assumé par Georges Vincent pour la géométrie analytique et l’algèbre linéaire, avec un cours supérieur d’algèbre, tandis que le soussigné succédait au défunt en tant que géomètre.


Géométrie


Il lui était confié la géométrie descriptive au sens large, à l’état “incandescent” (en première année). Les méthodes abordées : géométrie de Monge, axonométrie, perspective, appliquées aux courbes et surfaces classiques. De “célèbres” séances d’épures se déroulaient le jeudi après-midi dans une dizaine de salles, causant des douleurs évidentes aux étudiants peu doués de sens spatial. Toutes les sections de l’EPUL s’y profilaient, sauf les chimistes. Les architectes s’en sortaient à leur manière, agrémentant telle séance par une production de leur fanfare. Chaque semestre d’été, consacré en bonne partie à une épure de perspective en sujet libre, voyait s’afficher dans le pourtour de l’aula quelque deux cents panneaux présentant les thèmes les plus variés: avions, voitures, ponts, orgues, villas, etc. La géométrie, science, art et maîtrise des belles formes, quel idéal pour un ingénieur, pour un architecte!


Malheureusement, les plans d’études, en proie à un déluge de nécessités et de nouveautés, allaient comprimer regrettablement les heures chères à Platon, Euclide, Euler, Gauss, et mettre en veilleuse la culture du sens de l’espace et des belles formes, ce qui provoque dans le paysage la prédominance presque exclusive des cubes, architecture à mon avis rudimentaire.


Le soussigné était chargé en outre du Cours de calcul différentiel et intégral de deuxième année, avec les matières : Champs vectoriels, trajectoires, séries de Fourier Equations aux dérivées partielles, Calcul des variations, Théorie des surfaces (pour les étudiants mathématiciens et physiciens de la Faculté et de l’EPUL) . Au second cycle un cours de géométrie supérieure, abordait notamment les matières suivantes: 1954-55 Géométries subordonnées à la géométrie projective; 1955-56 Espaces de Riemann; 1958-59 Géométries de Klein; 1959-60 Ensembles, algèbre; 1960-61 Topologie et algèbre; 1961-62 Topologie générale; 1962-63 Groupes de transformations; 1963-64 Groupes topologiques; 1964-65 Variétés différentiables; 1965-66 Plongement des variétés différentiables dans un espace numérique; 1966-67 Espaces symétriques d’après S. Helgason;1967-68 Algèbre géométrique, quaternions, octaves etc; 1970-71 Eléments sur les spineurs; 1971-72 Groupes de la physique.


Les travaux de recherche du soussigné ont porté sur les algèbres et groupes de Lie, dont un premier mémoire en 1949 en collaboration avec Armand Borel, ultérieurement professeur à l’EPFZ et à l’Institut pour les recherches avancées de Princeton. Liste partielle: Avec Borel Armand. Les sous-groupes fermés de rang maximum des groupes de Lie clos. Ils sont déterminés à partir du simplexe fondamental. 1.7.49. Comment. Math. Helv. Sur les sous-groupes fermés connexes d’un groupe de Lie clos. Thèse présentée à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich en 1951. 1.3.1951. Comment. Math. Helv. Sur les groupes de Lie compacts non connexes. Etude systématique des polyèdres associés aux composantes connexes non neutres. 1.6.1956. Comment. Math. Helv. Sur certains modules dans une algèbre semi-simple. Etude des partitions du système des racines d’une algèbre de Lie semi-simple modulo un sous-système fermé. 12.7.1967. Comment. Math. Helv. Algèbre.


En 1962, il obtient un crédit de FNRS (Inclusions d’algèbres semi-simples complexes), et en 1967, 1968 avec des corequérants (Conférences inter-universitaires romandes de mathématiques). Géométrie analytique et algèbre La géométrie analytique fut, elle, assumée remarquablement par Georges Vincent, pédagogue et algébriste hors pair.


Transition


Fédéralisation et remous de mai 1968 Chose curieuse, le grand virage de l’EPUL en vue de sa transformation en Ecole polytechnique fédérale a presque coïncidé avec les remous de mai 1968, ce cataclysme parisien, répercuté en France et aussi à l’avenue de Cour. Je me souviens avoir vu le drapeau noir anarchiste flotter à l’une des fenêtres du cinquième étage, ce fief des architectes. Ceux-ci tentaient de restaurer la démocratie intégrale, siégeant en permanence pour “décider”. On vit de grandes assemblées mélangeant étudiants, assistants et professeurs, l’un de ceux-ci clignant malicieusement de l’oeil : “Allons à la salle du jeu de paume”, allusion au chambardement opéré en France le 17 juin 1789. Ce choc fut digéré par l’homérique “Commission des 27”, composée de neuf représentants de chaque “ordre”, le tiers-état étant vigoureusement entraîné par un étudiant devenu bien plus tard assistant, puis professeur, disparu aujourd’hui. Le signataire de ces lignes, élu président, fut fort heureusement soutenu par une majorité substantielle. Au bout d’une année, le calme revint et l’on put dissoudre la commission.


Création du département de mathématiques


Lorsque la fédéralisation devint certaine, les mathématiciens ont bien compris qu’il fallait, avec l’appui de M. Maurice Cosandey, président, créer un département de mathématiques à placer au sein de l’Ecole sur le même pied que les départements d’ingénieurs ou d’architectes. Charles Blanc, Jean Descloux, Heinrich Matzinger et le soussigné se mirent à l’oeuvre. La grande peur de la section mathématique de la Faculté des Sciences de l’Université (Georges de Rham, Georges Vincent, Pierre-Denis Methée notamment) provenait de la surrection possible à l’EPFL d’un corps universitaire émulant la section IX de l’EPFZ, pourvue dans son histoire de “ténors “illustres en mathématiques pures tels que Hermann Weyl, Heinz Hopf, Edouard Stiefel, Michel Plancherel, parmi bien d’autres. De ce fait, le nouveau département fut placé en quelque sorte sous la surveillance d’une commission de coordination, ayant l’oeil sur les nominations que nous allions entreprendre


La politique du DMA fur définie ainsi: Contribuer au développement de la mathématique:


• dans son ensemble


• en elle-même


• en vue du service des utilisateurs


• en considérant aussi la totalité de la culture. et cela selon les lignes de force suivantes


• l’analyse, déjà précisée ci-dessus,


• l’informatique théorique et pratique,


• les probabilités et la statistique, dans les branches théoriques et en tant qu’outils pratiques,


• la recherche opérationnelle, apte a résoudre des problèmes de nature décisionnelle,


• la géométrie et l’algèbre:.


• les méthodes mathématiques pour utilisateurs


• l’histoire des mathématiques, noyau d’une activité pouvant déboucher sur la philosophie de la mathématique et de la technique,


• tout cela appuyé sur les instruments constitués par une bibliothèque spécifique et sur le centre de calcul.


Le Département de physique fournit évidemment une contribution importante par ses cours de physique et de mécanique générale Des options complémentaires (empruntées aux divers départements) sont proposées dès 1973 : Physique théorique, Physique appliquée. Réglage automatique, Systèmes logiques. Structures. Technique des transports. Circuits et systèmes. Econométrie. Il fallait établir une doctrine, un plan d’études et prévoir la nomination de nouveaux professeurs. Reprenons les lignes de force, en les étoffant à l’aide de leur contenu et des personnes impliquées. Analyse On sait que l’analyse étudie les fonctions sous différents rapports, dérivation, intégration notamment. Elle sous-tend pratiquement tous les domaines Charles BLANC et Jean DESCLOUX mirent en chantier une activité selon leur charisme : analyse, analyse numérique, poursuivant les buts définis depuis des années.


Bruno ZWAHLEN, docteur EPFZ en 1966, nommé en 1969, a été chargé d’enseigner l’analyse, les équations différentielles ordinaires, les équations aux dérivées partielles, l’analyse fonctionnelle.La liste de ses travaux jusqu’en 1978 figure dans une annexe. Premier directeur de notre bibliothèque.


Parmi ses assistants, on peut citer Philippe Clément, devenu professeur à l’Université technique de Delft, aux Pays-Bas.


en 1969 Sristhi D. CHATTERJI, nommé en 1970, a enseigné les différentes branches d’analyse du premier et du second cycle Ses recherches abordent divers domaines d’analyse liés à la théorie de l’intégration et aux probabilités. On compte plus de 30 publications jusqz’en 1978.en 1970 Il s’intéresse à l’histoire des mathématiques (XIXe et XXe siècles) et aux fondements de la physique mathématique. Il dirige la thèse de P. Lischer en 1973 . Parmi ses anciens assistants, on peut nommer tout particulierement M. Francesco Russo qui est maintenant Professeur a l’Universite Paris-Nord; apres avoir obtenu son diplome et doctorat (avec une these sur les equations stochastiques aux derivees partielles (1987) sous son controle) il s’est fait une carriere notable en tant que probabiliste. -. Charles Alexander STUART, docteur d’Oxford en 1970, entré en fonction: en été 1976. Enseignement: : cycle complet de quatre semestres des cours d’Analyse I à IV pour les sections Génie civil et Génie rural, sur les équations différentielles et l’analyse fonctionnelle au deuxième cycle. Doctorant :Jacques Douchet a commencé la préparation d’une thèse intitulée “Existence de plusieurs solutions positives pour des problèmes aux limites dont la non-linéarité est discontinue” qu’il a soutenue avec succès en 1980. Collaboration avec un groupe de collègues italiens sur l’étude des équations elliptiques ayant un terme non-linéaire et discontinu. Recherches avec le Dr Harold RavechÈ du National Bureau of Standards, Washington, D.C. sur un modèle mathématique, basé sur les équations BBGKY, du changement de phase entre liquide et cristal. Amorce de l’étude du phénomène de bifurcation des solutions des équations différentielles à partir de points dans le spectre essentiel de la linéarisation. Entre 1976 et 1978, il a à son actif dix-sept publications dans des revues importantes. E-mail: stuart@math.epfl.ch Informatique


Aux symboles tels que ceux qui apparaissent sur le clavier d’une machine à écrire sont associés certaines suites formées uniquement de 0 et de 1, aptes à être traitées par un ordinateur. (digitalisation).Le développement de l’informatique, on le sait,est colossal. On étudie : l’informatique théorique, les structures d’information et les fichiers Systèmes informatiques. Systèmes formels. L’informatique se développe évidemment dans l’aire du Centre de calcul (cf le chapitre qui lui est consacré. Charles RAPIN, docteur EPUL en 1964, nommé en 1972, donne des cours d’informatique appliquée. Dans son activité de recherche, il s’oriente vers l’intégration et l’implantation de concepts de haut niveau dans les langages de programmation modernes.en 1971


Giovanni CORAY, docteur EPFZ en 1968, dirige le laboratoire d’informatique théorique. Ses recherches portent sur la reconnaissance des formes, l’apprentissage, la théorie des langages et la langue naturelle.Il dirige la thèse de P. Hayes en 1977. En 1973, 1976, un subside du FNRS lui permet, avec C.Rapin, d’étudier la sémantique des langages de programmationProbabilités et statistique Théorie des probabilités. Statistique. Processus stochastiques. en 1969


Renzo CAIROLI, (26 septembre 1931&emdash;14 juillet 1994) docteur EPFZ en 1963, enseigne l’algèbre linéaire au premier cycle et les probabilités au deuxième cycle. Il effectue des recherches sur les martingales, sur les intégrales stochastiques, l’arrêt et le contrôle optimals. Il dirige la thèse de J.P. Gabriel en 1975. Son collègue et ami S. Chatterji a rédigé la note suivante: “Originaire de Lodrino (TI), Renzo Cairoli est né le 26 septembre 1931. Après avoir été enseignant dans le primaire jusqu’en 1956, il fait une maturité fédérale pour entrer à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich; il y obtient son diplôme de mathématicien en 1961 puis un doctorat deux ans plus tard. Après des séjours à Heidelberg et à Paris, il entre à l’Institut de recherche de l’EPFZ puis à l’Institut Battelle où il reste de 1965 à 1968. Privat docent à l’EPFZ en 1967, il est aussi professeur associé à l’Université de Strasbourg en 1968/1969. Il est nommé professeur ordinaire au département de mathématiques de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, poste qu’il a occupé jusqu’à son décès prématuré le 14 juillet 1994. Les activités scientifiques de Renzo Cairoli concernent essentiellement les pro cessus markoviens et les martingales. Après des premiers travaux dédiés aux processus markoviens et aux fonctions harmoniques, il commence, à partir de 1969-1970, à développer la théorie des martingales multiparamétrées en vue des applications aux processus stochastiques multiparamétrés. Un article important (“Stochastic integrals in the plane” avec J.B. Walsh, Acta Math., Vol. 134, 1975) a montré la richesse de ce sujet qui a constitué une grande partie de ses travaux ultérieurs, aboutissant à de nombreuses publications. Dernièrement, il avait rédigé un livre sur la théorie d’arrêt optimal (en collaboration avec Robert Dalang) qui doit être publié bientôt. Auparavant, il avait publié un livre élémentaire (“Algèbre linéaire”, PPUR, 1991, 2e édition), fruit de son enseigne ment dans ce domaine, prodigué pendant de nombreuses années aux différentes sections d’ingénieurs de l’EPFL. Les travaux de Renzo Cairoli dans la théorie des processus stochastiques multi paramétrés ont eu un très large écho mondial; les voies ouvertes par ses recherches continuent à apporter des fruits nouveaux. Beaucoup de probabilistes de partout dans le monde se souviendront pendant très longtemps de l’oeuvre scientifique de Renzo Cairoli et de sa personnalité marquée par une grande modestie et une droiture exemplaire. Personnellement, j’ai perdu un ami irremplaçable”. Parmi les anciens assistants de Cairoli, il faut mentionner les suivants: M. Jean-Pierre Gabriel (doctorat 1975) actuellement Professeur a Universite de Fribourg et M. Robert Dalang (doctor; 1987) actuellement Professeur a l’EPFLen 1971


Peter NÜESCH, docteur EPFZ en 1964, enseigne la statistique, les probabilités, l’algèbre linéaire et la géométrie. Ses recherches portent sur la statistique multivariée: optimisation, tests unuilatéraux, algorithmes. En 1976, il a dirigé la thèse de M. Jaccottet. En 1978, un subside du FNRS lui permet d’étudier : Plans d’échantillons à deux degrés : utilisation d’informations auxiliaires. Recherche opérationnelle Recherche opérationnelle. Contrôle optimal. Théorie des graphes. Combinatorique. Optimisation. Dominique DE WERRA, docteur EPFL en 1969, enseigne la recherche operationnelle. Ses recherches portent sur les mathématiques discrètes (optimisation, combinatoire, théorie des graphes, etc. Il entre en 1971 au DMA. Cela a ete une mine de politiciens, puisque Daniel Brelaz (premier ecologiste en Europe elu dans un parlement au nrveau national), Roland Ostermann (qui a entre autres preside le G.P.E.,groupement pour l’environnement, puis le Conseil Communal de Lausanne), Jean-Claude Rochat (ecologiste, conseiller municipal, puis depute au Grand Conseil). Madame Rime, secretaire au DMA a l’epoque a aussi ete un membre tres actif du GPE ! • Quant a la description du domaine, disons simplement que la recherche operationnelle (R.O) a ouvert la porte aux mathematiques discretes a l’EPFL et que c’est par l’intermediaire des graphes que s’est faite cette ouverture. Le groupe de R.O. a des sa creation travaille sur des problemes de repartition proportionnelle dans des elections (these de J.P. Leyvraz), de distributique et de produc tique (ces termes n’existaient pas a l’epoque). Par la suite, des travaux sur les horaires scolaires ont mis en oeuvre les modeles de coloration de graphes développes au DMA. Pierre-André Bobillier, privat-docent dès 1966, nommé professeur titulaire en 1973, actif en recherche opérationnelle et en simulation.


Géométrie et algèbre


Cela englobe l’algèbre linéaire, la géométrie différentielle, avec les représentations graphiques aptes a former le sens de l’espace, les méthodes mathématiques de la physique, la topologie appliquée Géométrie La géométrie de la première période fut “émiettée” entre les diverses sections, le soussigné s’orientant vers la mise sur pied d’un cours de géométrie analytique, différentielle et représentative destiné aux mathématiciens et physiciens de première année de la Faculté des Sciences et de l’EPFL; cela selon une synthèse : espaces, projections, courbes et surfaces, un atlas de formes illustrant les résultats. Il en résulta un texte polycopié comprenant plus de 800 pages en trois volumes, complété par un volume d’exercices rassemblés par Robert Cabessa, assistant. L’aide de Mme Ylva de Siebenthal-Torgesruud, secrétaire, fut déterminante. Grâce à Pierre Saillen, premier assistant, cet atlas devint “mobile”, par la réalisation notamment d’un film:”L’hélice et l’hélicoïde” où ces formes se transfigurent sous les yeux du spectateur, détaillant même les propriétés différentielles, courbure, torsion, indicatrice, courbure de Gauss… Ce film, présenté au festival “Edukofest” à Belgrade en 1977 y obtint la médaille de bronze. Depuis, l’irruption des logiciels dits de “3D” a facilité aux yeux les moins exercés le jeu des formes de l’espace. Algèbre en 1971


Michel ANDRÉ, docteur EPFZ, donne des cours obligatoires d’algèbre et de géométrie aux mathématiciens et de plus des cours à option d’algèbre et de topologie. Dans son activité de recherche, il étudie les anneaux commutatifs au moyen de l’algèbre homologique. Il a publié un livre sur la théorie du complexe cotangent. Il dirige la thèse de M.A. Nicollerat en 1977. Il obtient en 1970 -1971 un crédit du FNRS (Recherches en homologie des structures algébriques) Parmi ses assistants : d’octobre 1974 à mars 1977 : Markus Brodmann, maintenant professeur à l’Université de Zürich; d’août 1977 à août 1980 : Maurice Cochand, actuellement collaborateur scientifique à l’EPFZ; Claude Morgenegg, actuellement cadre scientifique dans une banque privée à Genève; de janvier 1974 à août 1974 : Nicolas Spaltenstein, actuellement professeur à l’Université d’Oregon aux USA. Les méthodes mathématiques pour utilisateurs


S. CHATTERJI a enseigné pendant plusieurs années un cours aux étudiants de physique de seconde année


Heinrich MATZINGER, , enseignant d’abord au Département d’architecture, puis à notre Département, s’intéresse aux méthodes mathématiques de la physique et aux problèmes d’enseignement en 1970


Alan RUEGG, docteur EPFZ en 1960, transmet aux ingénieurs et aux architectes des connaissances mathématiques selon une conception appropriée. Il dirige la collection “Méthodes mathématiques pour l’ingénieur”aux Presses polytechniques et universitaires romandes. en 1972


Kurt ARBENZ, docteur EPFZ en 1957, enseigne les mathématiques appliquées aux ingénieurs et effectue des recherches en technologie des communications et en mathématiques appliquées. Il dirige la thèse de U. Graf en 1976 et celle de I. Chryssoverghi en 1976 également. Alfred Wohlhauser, docteur de l’Université de Zurich en 1970, est chargé de cours à l’EPFL en 1972. Il enseigne les mathématiques appliquées aux ingénieurs, la post-formation et la didactique mathématique. Ses recherches portent sur l’analyse complexe. Il est l’auteur de plusieurs publications dont des ouvrages de mathématiques pour ingénieurs, traduits en anglais et en allemand.
Histoire des mathématiques


Heinrich Matzinger et le soussigné ont jugé utile de proposer l’organisation d’un enseignement d’histoire des mathématiques. Car en effet, certaines Facultés, la médecine notamment, ont depuis longtemps un enseignement consacré à l’histoire de leur discipline. Par ailleurs, le célèbre mathématicien B.L.van der Waerden, par son ouvrage *Erwachende Wissenschaft” avait donné un exemple remarquable. De plus,Youschkewitsch, s’était signalé par son livre “Mathematik im Mittelalter”. Le plan d’études élaboré pour 1970 prévoyait pour les étudiants de quatrième année un cours obligatoire de deux heures d’histoire des mathématiques. On aurait pu demander à Charles Blanc, rédacteur au sein de la Commission Euler, déjà très chargé, d’assumer cette activité, ce que fit le soussigné. Etait-ce une erreur d’instaurer deux heures obligatoires en histoire des mathématiques en quatrième année ? Lors du premier cours, la représentation des nombres en notation sumérienne fit entrer en transes certains étudiants et l’un d’eux, “soixante-huitard” attardé sans doute, disposa un jour sur mon pupitre une corde en guise d’accueil ! Mais les choses s’arrangèrent vite, et une étudiante même choisit comme travail de diplôme la traduction et l’analyse d’un texte latin de Nicolas Oresme (XIVe siècle): “Questiones super geometriam Euclidis”. Grâce à des assistants qualifiés, du Dr Jacques Sesiano surtout, de Philippe Comte et de Luis Ferro-Casas, il devint possible de constituer une documentation non négligeable sur les mathématiques chinoises, indiennes, grecques, islamiques, médiévales, comprenant les traductions remarquables de Paul ver Eecke, le Liber abaci de Léonard de Pise, la Suma de Luca Pacioli et bien d’autres textes. A la fin de sa carrière, en 1982, le soussigné arrivait au début du XVIe siècle. La partie relative aux mathématiques en Occident médiéval fut publiée en 1993, dans un ouvrage de 650 pages, (commenté plus bas dans ce texte) dont les figures furent élaborées par plusieurs étudiants. Jacques Sesiano, docteur EPFZ, auteur d’un livre sur un texte de Diophante retrouvé récemment en traduction arabe, chargé de cours en histoire des mathématiques dès 1977. collaborateur de S. Chatterjis (depuis 1977) (actuelleme Collaborateur Scientifique Permanent du DMA). Ses travaux dans le domaine de l’histoire des mathematiques medievale l’ont rendu très connu parmi les historiens des mathematiques


La bibliothèque


Dès le début, les professeurs ont estimé qu’aux crédits imposants octroyés aux départements d’ingénieurs devait correspondre un crédit important accordé à ce qui constitue notre “laboratoire”, c’est-à-dire à la bibliothèque. Et de fait, grâce à la compréhension de M. Cosandey, président, le département put ériger une bibliothèque remarquablement menée et étoffée. M. B. Zwahlen en fut le premier directeur, auquel succéda M. S, Chatterji. On y trouve “tout” : livres, revues, documents électroniques également, en liaison avec les autres bibliothèques universitaire, la bibliothèque centrale de l’EPFL notamment. Par exemple, la célèbre “Mathematical Review” peut être consultée sur écran d’ordinateur. Quel bel instrument de recherche!


Les locaux


Au début, tout se passait à l’avenue de Cour 33, les bureaux des professeurs de mathématiques étant dispersés sur quatre étages. La bibliothèque de l’institut de mathématiques de la Faculté, appelée séminaire également. Puis l’annexe de Roseneck abrita les bureaux des mathématiciens appliqués, et le départ de certains bureaux de professeurs ingénieurs permit d’attribuer un meilleur espace à la chaire de géométrie par exemple. A l’initiative de M. P.F. Pittet, secrétaire général, cette chaire put émigrer dans un pavillon initialement prévu comme dépendance de l’exposition nationale de 1964. Situation fructueuse, chaque assistant ayant son bureau, et une communauté put se créer, ce qui rendit possible la recherche, avec de sympathiques mises en commun, aboutissant à des thèses de doctorat, de Daniel Amiguet, Gabriel Favre, Michel Favre, Mohammed Slaïbi. Le DMA se transporta ensuite à l’avenue de Cour, dans deux bâtiments successifs, la chaire de géométrie reprenant en 1977 les locaux occupés par le génie-civil à l’avenue Dapples 23.


Les grands cours de première année: calcul différentiel et intégral, géométrie analytique, géométrie représentative, etc, eurent lieu dès 1970 dans le Collège propédeutique de l’Université en Dorigny, dans des locaux très réussis, en volume, en acoustique, en équipements, et en entretien.


Conseil des maîtres


Un mot sur les séances du Conseil du département. On peut bien penser que la brusque nomination de plusieurs jeunes professeurs ne pouvait se faire sans une période de rodage. Au début, ce fut houleux même. Certains jeunes professeurs, se prenant pour des “loups de mer”, se concertaient à coups de fourchette au “Gabier”, et y refaisaient le monde et le département. Les échos en parvenaient lors des séances du Conseil, et l’on entendit même l’un de ces messieurs traiter le vénérable Charles Blanc, de “cancer du département” (un comble!). Le soussigné, second chef annuel du département eut l’impression d’être plongé dans un “panier de crabes”. Fort heureusement, des gens pondérés arrivèrent, et à la tempête des trois premières années succéda un calme relatif, dans un esprit constructif. de 1953 à 1978




Mathématiques dans l’Occident médiéval


C’est le livre le plus volumineux publié par le soussigné, en 1993, non écrit dans le style usuel des ”vrais” historiens des mathématiques. Le lecteur peut trouver ci-dessous la partie considéré comme synthèse :


8.1 Préambule 1


8.2 Nature de la science mathématique médiévale 1


8.3 Résumé des acquisitions mathématiques 2


8.3.1 Arithmétique 2


8.3.2 Algèbre 2


8.3.3 Géométrie 3


8.3.4 Optique et perspective 5


8.3.5 Trigonométrie 5


8.3.6 Logique 6


8.4 Sur le passage de l’intuition au formalisme 6


8.5. Sur la notion de figure 10


8.6 Mathématiques réalistes, ou mathématiques idéalistes ? 11


8.7 Résumé des positions de Kant 12


8.7.1 L’esprit de l’homme 12


8.7.2 Les choses et les phénomènes 12


8.7.3 La connaissance et l’a priori 13


8.7.4 L’expérience 13


8.7.5 Jugements synthétiques et jugements analytiques 14


8.7.6 Sur le constructionnisme chez Kant. 15


8.8. Le réalisme modéré et les mathématiques 17


8.8.1 L’univers 17


8.8.2 Les degrés d’abstraction 17


8.8.3 Philosophie et science expérimentale 19


8.8.4 Le connu et le connaissant 21


8.9 Conclusion. 22


8. Postface


8.1 Préambule


Il convient de réfléchir sur les acquisitions mathématiques de l’Occident médiéval, et d’indiquer de quelle manière elles constituent des racines pour le développement des mathématiques récentes, en complément des remarques qui émaillent tout l’exposé.


Les mathématiciens chevronnés, sauf exceptions, ignorent l’histoire de leur branche; pour eux, Pythagore, Euclide, Archimède, Diophante, Fibonacci par exemple, ne représentent que des étiquettes sur des flacons inconnus. Installés dans les frondaisons d’un arbre majestueux, ils ignorent le tronc et les racines, entrevus confusément au plus. Ils se reposent sur la couche géologique quaternaire, en délaissant les couches antérieures. Ou encore, sur le bord du fleuve, ils contemplent le passage de l’eau, sans éprouver le besoin de s’informer sur la source et sur les affluents.


Or les pages des chapitres 3 à 7 leur présentent un matériel de synthèse qui détruit de soi la réputation de vide attribuée à la science médiévale. Les témoins architecturaux : abbatiales, églises romanes, cathédrales gothiques, emblèmes de tant de cités modernes représentent autant de “sommes” scientifiques ou esthétiques auprès desquelles nos constructions cubiques paraissent frustes. Nos méthodes scientifiques actuelles, combien puissantes et remarquables par leur formalisme et par leur portée, manquent semble-t-il d’une substance esthétique incarnée.


Le texte présenté, quelles qu’en puissent être les lacunes et les imperfections, récuse les tentatives en continuelle résurgence de certains auteurs ou producteurs, visant à ridiculiser cette époque non sans ombres mais étincelante de lumières. Nos données s’accordent par contre avec ceux qui recherchent la vérité, une Régine Pernoud par exemple.


8.2 Nature de la science mathématique médiévale


Tout au long du millénaire à cheval sur le début de l’ère chrétienne, la science mathématique conserve l’assise due aux Grecs, perfectionnée par les savants indiens, ou islamiques. On raisonne sur des objets, des figures, des nombres. En géométrie, il est question de corps déterminés : points, cubes, droites, triangles, carrés, quadrilatères, cercles, coniques, sphères, polyèdres… .On s’appuie sur les axiomes d’Euclide tels qu’ils ont été transmis. Il n’est pas question d'”espace euclidien”, ou d'”infini actuel”, et l’on utilise le mode de raisonner des “Eléments”, ce que font encore habituellement les mathématiciens. La proximité des objets concrets opère la régulation des considérations, et l’on ne doute pas de la réalité extramentale, connaissable au plan quantitatif, selon les positions d’Aristote, latentes bien avant lui.


8.3 Résumé des acquisitions mathématiques


8.3.1 Arithmétique


L’Occident médiéval présente le passage décidé et systématique de la numération et des calculs en notation romaine à ceux en chiffres indiens, grâce à l’arc de Pythagore (3.1.2) et grâce surtout à la “somme” que constitue le “Liber abaci” (3.4). Les procédés de calcul en nombres entiers : addition, soustraction, multiplication,division, extraction de racines reçoivent leur forme définitive, encore valable aujourd’hui lorsque quelque moyen électronique fait défaut. Par ailleurs, l’arithmétique de Boèce (3.1.3) transmet les traditions grecques. Les règles de calcul en nombres rationnels se trouvent définitivement élaborées, grâce aux algorithmes présentés par le Pisan. Les calculs commerciaux (3.4.7) prennent une allure systématique, en unités non décimales notamment, la lire par exemple étant divisée en soldi, et ceux-ci en deniers; il s’agit en fait de l’intervention de fractions continues ascendantes (3.4.4). Des tables de racines carrées apparaissent (3.3.4), et à l’époque de Dürer, les chiffres acquièrent leur forme définitive (3.2.1).


Au Moyen-Age occidental confluent divers types de problèmes arithmétiques, d’origines variées : chinoise, indienne, hellénistique, arabe ou autres, générateurs de réflexions algébriques, et cela d’Alcuin (3.1.5) à la Practica (3.6).


8.3.2 Algèbre


Le Liber abaci, dès le chapitre 12, présente des problèmes arithmétiques pas toujours élémentaires qui aiguisent l’esprit en le haussant au plan algébrique (4.1). De même que la mathématique médiévale, par l’usage presque exclusif du latin, forge la précision technique apte à évoluer en formalisme, ainsi l’habitude des raisonnements de nature arithmétique crée petit à petit la mentalité algébrique.


A ce point de vue, le Liber abaci aide à promouvoir la manipulation des systèmes linéaires à 2, 3, 4, 5, et jusqu’à 7 inconnues (4.1.1). L’itération de fonctions linéaires (4.1.1) contient en germe une notion puissante, de même que le problème des lapins conduit aux séries récurrentes. Dans les raisonnements par double fausse supposition pointe la notion d’application affine (4.1.2), tandis qu’en (4.1.3) une extraction de racine utilise ce que nous appelons une application contractante.


Le livre des nombres carrés (4.2) constitue un chapitre de théorie des nombres (carrés rationnels), en prolongement de l’arithmétique de Diophante; il s’agit des progressions arithmétiques à trois termes carrés rationnels., avec de beaux approfondissements chez Fermat par exemple.


Oresme, avec Léonard de Pise, est l’un des esprits les plus puissants de l’époque médiévale. Sa conception des exposants fractionnaires présente une teneur algébrique remarquable (4.3), avec un formalisme adéquat.


Nicolas Chuquet offre encore un matériel de systèmes linéaires (4.4.2). Il introduit une notation pour les racines, et en (4.4.4), il rend sensible l’idée de logarithme. Mais la fin du XXVe siècle donne avec Luca Pacioli une synthèse de tout l’effort médiéval, où notamment les apports de Léonard de Pise sont repris (4.5.2). Les proportions surtout se développent systématiquement, avec un vif sentiment littéraire et esthétique : proportions arithmétiques, géométriques avec divers nombres de termes (4.6.2) à (4.6.4). Les notations algébriques apparaissent alors pour la première fois (dans la marge), avec un symbolisme presque équivalent au nôtre. Luca Pacioli est l’un des rares auteurs à oser reprendre la difficile théorie du Xe livre de Eléments d’Euclide (4.8.3), avec les notions de droites et aires rationnelles, médiales, binomiales, bimédiales, etc., notions capables de donner une raison aux grandeurs inhérentes aux polyèdres réguliers convexes. Luca Pacioli rejoint en pleine Renaissance le souci d’harmonie des anciens Grecs.


8.3.3 Géométrie


L’importance relative de la géométrie semble prouvée par le nombre de pages (plus de 200) consacrées à ce sujet. En plus des considérations de (5.1), on peut noter quelques points :


• la préfiguration des axes cartésiens chez Hugues de Saint Victor (5.2.2) ; notons à ce propos la parfaite distinction des sciences spéculatives (usant de la raison seule), ou pratiques (usant d’instruments), distinction qui sera reprise par Bradwardine (5.4.1)


• ce dernier auteur et Savasorda énoncent les postulats et définitions d’Euclide (5.4.1) et (5.3.1). Les énoncés de Savasorda reprennent en substance ceux d’Euclide, avec des précisions intéressantes : la ligne droite “également placée entre ses points”, ce qui signifie :” la distance entre les deux points extrémités d’une ligne est la longueur de cette ligne. La définition de l’unité a un caractère philosophique .”L’unité est ce par quoi tout ce qui existe est”. On observe toujours le primat du texte. Chez Bradwardine se manifeste la notion de dimension (5.4.1) : “une grandeur est une ligne si elle a une dimension,…”. Le second axiome est celui d’Archimède :”une droite d’un point à un point est la plus courte parmi toutes les lignes voisines”.


• chez Léonard de Pise (5.3.3), on peut admirer par exemple le calcul approché du rapport du cercle au diamètre et surtout l’exposé de la division des aires, traitée assez exhaustivement; il s’agit de diviser en deux parties égales par une droite un triangle, un trapèze, un cercle, etc.. Les polyèdres réguliers convexes sont traités d’une manière qui peut sembler “moderne”.


• un auteur non cité jusqu’à présent, Léon de Bagnols alias Gersonide (1288-1344), mathématicien, astronome et philosophe juif, passa sa vie à Avignon et à Orange; il essaya de démontrer le postulat des parallèles : seule tentative semble-t-il dans l’Occident médiéval.


Voir Pont [pp. 188-191]


• Bradwardine (5.4.2) a repris l’étude des polygones étoilés, abordée par Boèce, Abul Wafa, Campanus de Novare, et par Raymond Lulle. En outre, il s’attache à la notion d’angle de contingence (5.4.3), et à celle d’isopérimètre (5.4.4), avec certains énoncés et raisonnements défectueux.


• Oresme apparaît ici comme un astre de première grandeur (5.5) avec la notion de fonction perçue avec précision, à partir des notions euclidiennes toujours. L’origine géométrique de la notion de fonction est rendue ainsi patente, et même celle de convergence (5.5.7).


• on admirera enfin la fécondité d’un Albert Dürer, constructeur intuitif de figures, de courbes, non sans quelques erreurs relativement minimes (5.8).


8.3.4 Optique et perspective


Au XIIIe siècle, les savants de l’Occident médiéval reprennent les travaux grecs et islamiques, Pecham et Vitelo.notamment. La Perspective de ce dernier constitue une sorte de “somme” qui influença longtemps les esprits (6.2). Le problème de la réflexion des rayons lumineux sur des miroirs sphériques, cylindriques, coniques convexes ou concaves nécessite en fait la notion de surface, de plan tangent, de convexité, anticipant ainsi l’étude des variétés à deux dimensions dans l’espace euclidien à trois dimensions. Le problème d’Alhazen (6.2.4) suscitait par ailleurs des réflexions dans les siècles ultérieurs, et des solutions fort élégantes.


Villard de Honnecourt (6.3.1) illustre la science inhérente aux constructions de cathédrales, en dehors de tout occultisme. Ce type de science non formalisée, au service du bien commun suprême des hommes, est féconde en oeuvres superbes. Une telle conception incite Brunelleschi (2.2.48) à ériger la coupole de S. Maria del Fiore à Florence (voir Rossi ). Leone Battista Alberti (2.2.51) et (6.3.3) définit clairement la peinture selon la perspective centrale devenue traditionnelle dans le cadre des traditions figuratives. En ce sens, la perfection est atteinte par Piero della Francesca (2.2.54) et (6.3.4), peintre éminent, perspectiviste irréprochable, aux constructions rigoureuses et belles. La technique se précise chez un Viator (2.2.58) et (6.3.6).


8.3.5 Trigonométrie


Les apports grecs, indiens et islamiques culminent au XVe siècle grâce à l’Ecole de Vienne, grâce surtout à Regiomontanus. La trigonométrie tant plane que sphérique, et les travaux d’Autolycos de Pitane (né vers 300 avant J.-C), Théodose de Tripoli, Hipparque, Ménélaüs (7.1.2), Ptolémée (7.1.3), et des savants de l’Islam (7.2.2), de Nasir ad Din at Tusi en particulier, reçoivent alors leur accomplissement. La théorie d’une surface particulière : la sphère, est exposée par Regiomontanus en principe d’une manière “interne” à cette surface (7.4.3) (7.4.4) et (7.4.5), anticipation digne d’être signalée.


8.3.6 Logique


Ce livre ne présente pratiquement aucune mention de la logique, combien importante pourtant pour notre sujet, et cela d’autant plus qu’elle est représentée par une personne de premier plan : Raymond Lulle à qui de surcroît l’ouvrage est dédié. La seule mention d’un ennéagone en (5.4.2) ne suffit guère.


Or le texte de Knecht consacré à la logique chez Leibnitz relate en de nombreux endroits l’influence du savant baléare dans le domaine de la combinatoire, Leibnitz lui-même en étant largement tributaire : voir Knecht [pp.152]. Je cite :


“La méthode élaborée à cet effet consiste en une technique propre à assurer la découverte, par voie combinatoire, de tous les attributs d’un sujet donné, de tous les moyens termes susceptibles de rendre valide un syllogisme dont les extrêmes sont connus ou encore de la conclusion de prémisses admises. La réalisation de cet ambitieux projet est confiée à un vaste arsenal de signes, de tables et de figures, et surtout à un système de cercles de différentes grandeurs, disposés concentriquement et mobiles l’un par rapport à l’autre, de façon à permettre toutes les combinaisons entre les symboles tracés sur leurs bords.”


Il s’agit donc de tenter la mécanisation des opérations logiques. Une telle tendance chez un mystique n’est pas étonnante ; on la retrouve chez Albert le Grand et Nicolas de Cues, entre autres. Jusqu’au XVIIe siècle, les rééditions et les commentaires des oeuvres de Raymond Lulle abondent, signes de la valeur des jalons posés au début du XIVe siècle.


8.4 Sur le passage de l’intuition au formalisme


L’épopée euclidienne plonge ses racines dans les innombrables constructions summériennes ou égyptiennes, terreau de règles pratiques dont l’exemple-type est la formule de Pythagore. Cet ensemble de règles reçoit chez les Grecs une armature logique qui permet d’en déduire la plupart d’un petit nombre d’entre-elles, au caractère intuitif marqué. Toute cette logique s’incarne dans des figures, des dessins, des corps matériels, et si par exemple Euclide n’énonce pas un axiome dont il se sert pourtant, c’est en raison de sa force intuitive. Les Grecs, les savants musulmans, et ceux de l’Occident médiéval vivent de cette conception, et les tentatives de démonstration du cinquième postulat d’Euclide sont instructives à cet égard. On consultera Pont [pp. 17-191].


La “force” euclidienne subsiste toujours, par exemple dans les modèles non euclidiens où le cinquième postulat ne vaut plus : la sphère à deux dimensions où l’on identifie deux points diamétralement opposés, les grands cercles fournissant les droites (géométrie de Riemann), ou le demi-plan de Poincaré, où les droites sont les demi-cercles orthogonaux à une droite fixe dans l’un des demi-plans qu’elle limite.


Le système euclidien certes devait être “nettoyé”, et David Hilbert l’a porté à sa perfection en énonçant cinq groupes d’axiomes, présentés par exemple par Poincaré [pp.161], par Pont [pp. 120-122], ou par Rossier [pp. 158-165] .


“Imaginons trois sytèmes d’objets que nous appellerons points, droites et plans. Imaginons que ces points, droites et plans soient liés par certaines relations que nous exprimerons par les mots ‘être situé sur, entre’, etc”.


Ces objets n’ont plus besoin d’être référés à ce que le sens commun désigne par ces mots. Un point n’est plus principe de localisation, une droite n’est plus une ligne “également placée entre ses points”, etc. En somme, Hilbert comme d’autres, évacue le contenu concret des définitions d’Euclide. La géométrie devient un édifice logique séparé de la réalité génératrice. “On pourrait confier les axiomes de Hilbert à une machine à raisonner… , et on en verrait sortir toute la géométrie” selon Poincaré [p. 165]… “car notre machine ne peut fonctionner que conformément aux règles de la logique pour laquelle elle a été construite : elle ignore ce vague instinct que nous appelons intuition.


Il ne reste plus trace dans le système hilbertien de la notion de déplacement d’une figure invariable, présente pourtant dans le système euclidien. Il faut noter cependant que Hilbert, apôtre du formalisme intégral, a largement suppléé à la sécheresse axiomatique dans son ouvrage intitulé “Anschauliche Geometrie”, où la part de l’intuition est fondamentale. La séparation entre la logique et la réalité apparaît nettement dans les conceptions de Bertrand Russell, exposées par Couturat [p. 4].


“La mathématique pure est l’ensemble des propositions de la forme ‘p implique q’, p et q étant des propositions qui contiennent les mêmes variables et qui ne contiennent que des constantes logiques”. “La mathématique pure est un ensemble d’implications formelles indépendantes de tout contenu, alors que les mathématiques appliquées appliquent ces implications formelles à des données matérielles.” Et plus loin Couturat [p. 207] :


“C’est ce qui explique que les vérités mathématiques soient universelles et nécessaires a priori : elles sont objectives, non parce qu’elles naissent de l’étude des objets, mais parce que, ne portant sur aucun objet en particulier, elles portent sur tous les objets possibles. Mais alors, il est impossible de méconnaître leur analogie avec les lois logiques, dont elles possèdent tous les caractères, et dont elles sont en effet des conséquences. Si la Mathématique est formelle comme la Logique, c’est parce qu’elle est le prolongement de la Logique


L’intuition, ce vague instinct selon Poincaré, est bannie de la Géométrie pure. En effet, Couturat écrit [p.210] :


“L’intuition est complétement exclue de la Géométrie pure, qui n’est qu’un système logique; mais elle règne dans la Géométrie appliquée, car elle est indispensable pour donner un sens et un support aux notions premières, et pour vérifier les propositions premières (postulats dont toutes les autres découlent). … La Géométrie pure est une application de la Logique. … sans la Géométrie pure, la Géométrie appliquée ne serait qu’une science absolument empirique, dont chaque proposition devrait être vérifiée expérimentalement”. Ne sent-on pas pointer ici l’influence de la “raison pure” ?


Le point de vue de Couturat est fort intéressant, mais il rompt l’équilibre entre la logique et l’intuition. Dire que l’intuition est complétement exclue de la géométrie pure est excessif. Il est notoirement impossible de traiter de topologie, de variétés différentiables par exemple sans faire appel constamment à l’intuition, en généralisant celles d’un Alhazen, d’un Vitelo, d’un Regiomontanus, d’un Oresme, en traitant d’objets d’objets plus riches potentiellement, donnant lieu à des actions bien plus diversifiées. Remarquons encore à ce propos que toute la terminologie d’un Bourbaki utilise un vocabulaire assez spectaculairement intuitif. La réduction de la mathématique “pure” à des mécanismes logiques me paraît être une mutilation grave.


Cette réduction peut être comparée au vol aux instruments en aviation. Il est certes indispensable pour les appareils d’une certaine importance d’être équipés en instruments qui permettent le guidage, l’approche et l’atterrissage à l’aide de méthodes de radio-électronique. Mais le pilote le plus expérimenté ne peut se contenter de cela, et aime s’assurer, si possible par un coup d’oeil direct, du bien-fondé de ses gestes déterminés par des cadrans. L’intuition, ici, procède de la vue directe.


Prenons en outre un texte littéraire. Il est formé de mots et de propositions dont chacun joue un rôle logique au sein de chaque phrase, selon des règles qu’il est nécessaire de respecter. Mais elles ne sont là que pour exprimer un sens, une intuition qui transcende la machinerie logique.


Je récuse fondamentalement une mathématique qui ne serait qu’un prolongement de la logique. A mon point de vue, la logique est un instrument de guidage d’une mathématique issue de situations concrètes, constamment nourricières de la réflexion, par la lecture d’essences quantitatives “pures” dans des situations matérielles, inviscérées en elles pour alimenter notre intelligence et l’inciter à construire de nouvelles essences. Ce n’est pas parce que l’intuition peut se tromper, gravement même, que l’on peut minimiser son rôle, l’éliminer en fait. Il me paraît évident qu’intuition et formalisme sont complémentaires : la première sans le second est sujette à l’erreur et au manque de développement, et le second sans la première s’enlise dans les symboles et risque la stérilité.


Par ailleurs peut-on affirmer qu’il serait périmé de considérer la mathématique comme science de la quantité ? Il ne semble pas, car les propositions dont se sert la logique, s’insèrent dans un ensemble d’opérations où des éléments, combinés, mesurent en quelque sorte des situations. Cette mesure garde un certain caractère quantitatif. Dans ce sens, toute géométrie, fondée sur un groupe, est mesurée par ce groupe. La droite euclidienne par exemple, est mesurée par le groupe des translations associé, ce qui coïncide avec la mesure au sens ordinaire. La sphère est mesurée par le groupe des rotations autour d’un point dans l’espace à trois dimensions, etc. On ne voit rien qui échappe à une telle mesure. On passe de la numération, du report des longueurs, des aires et des volumes, à la mesure par une structure adéquate.


De même que le biologiste peut avoir le sentiment que les espèces vivantes n’en finissent pas de se révéler, paraissant même en création continue, de même le mathématicien devant le simple appareil des nombres entiers ou des corps tridimensionnels, a l’impression d’une richesse potentielle croissante devant laquelle la pure logique ne brille guère.


Ce qui me paraît donc ici discutable dans les points de vue mentionnés de Henri Poincaré et de Louis Couturat remonte en fait à un courant philosophique dont il convient de dire quelques mots (8.6) et (.7).


8.5. Sur la notion de figure


La notion d’être est éclipsée dans la terminologie kantienne, au profit des phénomènes, des représentations (8.7.3). L’objet, coupé de la chose en soi, est dans la tête, et l’on n’ a pas besoin de mains. L’un des méfaits d’une telle conception se remarque aujourd’hui dans l’ostracisme que l’on fait peser sur la notion de figure (géométrique). Eliminer les figures, quel rêve, et donner des démonstrations sans figures, c’est le summum. Cette suppression se comprend lorsque les moyens de représentation géométrique ne sont pas encore assez élaborés, ou lorsqu’il y a une sorte d’allergie à l’emploi d’instruments. Chez un Vitruve, et même chez un Brunelleschi, on aime faire usage d’un plan verbal (voir Rossi). Mais aujourd’hui les modes de représentation sont au point ; faut-il s’en débarrasser en les confiant exclusivement à l’ordinateur en “2D” ou en “3D” travaillant en géométrie appliquée ? Mais l’ordinateur est devenu aujourd’hui un instrument de recherche même en mathématiques pures.


Peut-on éviter les figures dans la géométrie pure à 2 ou 3 dimensions ? Certes, pour nombre de théorèmes, l’algèbre logique et l’imagination permettent de s’en passer, mais par exemple l’étude des groupes discontinus du plan et de l’espace, effectuée sans figures, n’a pas de sens (voir de Siebenthal [1, 1, pp.182-202]. Celui qui cherche un cercle tangent à une droite et passant par deux points peut imaginer la figure et la solution, mais seulement s’il a réalisé suffisamment de dessins corrects. Un atlas de figures (voir de Siebenthal [1, 1,2 ou 3] dit instantanément à l’esprit beaucoup plus que les seules équations définissantes. La figure, en somme, est un édifice qui condense tout un savoir.; elle met en acte ce que les équations contiennent en puissance.


Par ailleurs, un Piaget peut bien considérer ce qu’il appelle le stade “intrafigural”, comme infantile (voir de Siebenthal [2, p.128]); il s’agit ici de l’étude interne de chaque figure, alors que, selon lui l’étude comparée de figures mises en relation constitue un stade nouveau : l’interfigural, suivi d’un stade plus élevé : le transfigural, où l’on s’attache aux méthodes essentiellement. Mais les deux derniers stades sont le fruit de l’étude approfondie de figures, et une géométrie sans figures est impossible. Piaget et Kant s’associent pour s’éloigner des choses, pour ne plus être réglé par elles. Le fait est patent chez Kant (8.7), qui veut fabriquer ou agencer des concepts dans l’intuition pour les imposer aux phénomènes, donc aux choses finalement. Par ce constructionnisme, c’est l’esprit de l’homme qui construit la “réalité” (une cité des nuées) ; chez Piaget, la démarche est semblable (voir Suarez).


8.6 Mathématiques réalistes, ou mathématiques idéalistes ?


Les mathématiciens se préoccupent assez peu de philosophie. Ils scrutent les formules ou figures, et pensent avoir affaire à des choses extramentales qu’ils traitent sous l’angle de la quantité. Leur langage est cependant nécessairement imprégné de termes qui dérivent d’une philosophie dont ils n’ont pas toujours conscience. La mathématique grecque elle-même sur un terrain philosophique préparé par les pré-socratiques, précisé par Platon et Aristote; les savants de l’Islam et ceux de l’Occident médiéval ont vécu dans le même climat. Dans les temps moderne, Descartes, Leibnitz, et Kant tout spécialement, ont infléchi la pensée philosophique dans le sens idéaliste, non sans influencer les esprits des mathématiciens. En fait, c’est toute la base de la connaissance qui est en jeu. L’intelligence se règle-t-elle sur des choses extra-mentales atteignables, ou bien n’atteint-elle qu’elle-même, imposant ensuite ses lois au monde extérieur ? Question capitale, de vie ou de mort pour les hommes sur le globe terrestre. La mathématique (pure) se fabrique-t-elle entièrement dans l’esprit, ou bien les choses matérielles ne sont-elles pas des pistes d’envol indispensables ?


Les positions de Kant figurent dans son ouvrage fondamental : La critique de la raison pure (voir Kant) ; dans ce qui suit (p. 256) par exemple désigne la page 256 dans l’édition citée sous Kant dans l’index bibliographique. Je présente ici un résumé des positions de Kant, axées sur les mathématiques, et divers commentaires, de Couturat notamment. Ensuite, j’expose succinctement la base philosophique fondée sur le réalisme modéré, nécessaire aux mathématiciens à mon avis, en suivant Maritain : Les degrés du savoir (voir Maritain [1]), avec la même manière de citer les pages.


8.7 Résumé des positions de Kant


Dans ce numéro, je mets en italique ce qui me paraît refléter éminemment le subjectivisme kantien, et indique chemin faisant quelques objections


8.7.1 L’esprit de l’homme


Dans l’esprit humain, Kant distingue d’une part: l’entendement, pouvoir de juger (p.88), pouvoir des règles (p. 255), pouvoir de connaître non sensible (p.87); un pouvoir de penser (p. 88), et d’autre part : la raison: pouvoir des principes, qui permet de connaître le particulier dans le général par concepts (p. 255). Les axiomes mathématiques sont des principes. La raison est la faculté de ramener à l’unité les règles de l’entendement au moyen de principes ; elle est le sommet de l’activité de l’esprit, et tout se rapporte à elle.. La raison pure est une unité tout-à-fait à part, et qui se suffit à elle-même


Objection: L’homme n’est pas un ange


8.7.2 Les choses et les phénomènes


Il y a des choses en soi, qui, bien que réelles, restent inconnues de nous (p.20). Les choses en soi se manifestent à notre esprit par des phénomènes, qui ne sont que des représentations de ces choses inconnaissables (p.141). Ces phénomènes en général ne sont rien en dehors de nos représentations (p.381). Ce ne sont pas des choses en soi, mais le simple jeu de nos représentations (p.114). La nature n’est en soi qu’un ensemble de phénomènes et ce n’est pas une chose en soi, mais simplement une multitude de représentations (p.128).


Les lois n’existent pas plus dans les phénomènes que les phénomènes n’existent en soi; ces lois n’existent que relativement au sujet auquel les phénomènes sont inhérents en tant qu’il est doué d’entendement (p.141) La matière est ce qui dans le phénomène correspond à la sensation (p.53). La forme du phénomène est ce qui fait que le divers du phénomène est coordonné dans l’intuition; cette forme est a priori dans l’esprit. La raison se présente à la nature tenant, d’une main, ses principes qui seuls peuvent donner aux phénomènes concordant entre eux l’autorité de lois, et de l’autre, l’expérimentation qu’elle a imaginée d’après ces principes


Objection : Les lois de Képler gouvernaient le système solaire avant l’apparition de l’homme sur la terre.


8.7.3 La connaissance et l’a priori


Jusqu’ici, on admettait que toute notre connaissance devait se régler sur les objets, mais tous les effort tentés pour établir sur eux quelque jugement a priori par concepts, ce qui aurait accru notre connaissance, n’aboutissaient à rien. Que l’on essaie donc enfin de voir si nous ne serons pas plus heureux dans les problèmes de la métaphysique en supposant que les objets doivent se régler sur notre connaissance, ce qui s’accorde déjà mieux avec la possibilité désirée d’une connaissance a priori de ces objets qui établisse quelque chose à leur égard avant qu’ils nous soient donnés (p.18).


Nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes (p.19). L’objet, en tant qu’objet des sens se règle sur la nature de notre pouvoir d’intuition. Ces objets, des phénomènes, se règlent sur notre mode de représentation (p.18). Rien ne peut être attribué aux objets que ce que le sujet pensant tire de lui-même (p.21) … car votre objet n’existe que dans votre tête et ne peut pas être donné en dehors d’elle (p.369). L’espace et le temps ne peuvent être donnés en dehors de notre esprit.


Objection : La chose est en rupture avec l’objet, qui est dans la tête ; l’intelligence n’atteint plus qu’elle-même.


8.7.4 L’expérience


Elle nous dit bien ce qui est, mais elle ne dit pas qu’il faut que cela soit d’une manière nécessaire, ainsi et pas autrement. Elle ne nous donne, par cela même, aucune universalité, et la raison…est plus excitée par elle que satisfaite. Or, des connaissances universelles qui présentent en même temps le caractère de la nécessité intrinsèque doivent, indépendamment de l’expérience, être claires et certaines par elles-mêmes; c’est pour ce motif qu’on les nomme connaissances a priori, tandis que ce qui, au contraire, est pensé uniquement dans l’expérience n’est connu que a posteriori, ou empiriquement (p.31). …quand on est hors du cercle de l’expérience, on est certain de ne pouvoir être contredit par elle (p.36). La mathématique nous montre combien nous pouvons aller loin, indépendamment de l’expérience, dans la connaissance a priori. Une connaissance indépendante de l’expérience et de toutes les impressions des sens, est dite a priori (sinon a posteriori).


Si premièrement on trouve une proposition dont la pensée implique la nécessité, on a un jugement a priori ; secondement, un jugement pensé avec une stricte universalité ne dérive point de l’expérience, mais est valable absolument a priori.


Objection : Newton expérimentant la chute d’une pomme saisit immédiatement l’universalité de l’attraction des corps.


8.7.5 Jugements synthétiques et jugements analytiques


A propos des jugements affirmatifs, Kant dit ceci (p.37) : ou le prédicat B appartient au sujet A comme quelque chose qui est contenu (implicitement dans ce concept A, ou bien B est entièrement est entièrement en dehors du concept de A, quoiqu’il soit, à la vérité, en connexion avec lui. Dans le premier cas, on a un jugement analytique, explicatif, n’ajoutant rien au concept du sujet par le moyen du prédicat. Dans le second cas, on a un jugement synthétique, extensif, ajoutant au concept du sujet un prédicat qui n’avait pas été pensé en lui. Les jugements analytiques développent le concept que j’ai déjà et me le rendent intelligible à moi-même ;


Dans les jugements synthétiques, je dois avoir en dehors du concept du sujet quelque chose encore (X) sur quoi l’entendement s’appuie pour reconnaître qu’un prédicat qui n’est pas contenu dans ce concept lui appartient cependant. L’expérience peut être cet X. Il faut découvrir, avec sa généralité propre, le principe de la possibilité de jugements synthétiques a priori (p.39).


Sur le terrain de la mathématique pure, Kant dit maintenant ceci :


• les jugements mathématiques sont tous synthétiques (p.40). Les propositions vraiment mathématiques sont toujours des jugements a priori


• au sujet de 7 + 5 = 12, Kant dit à la page 41 : le concept de douze n’est pensé en aucu


• au sujet de 7 + 5 = 12, Kant dit à la page 41 : le concept de douze n’est pensé en aucune manière par le fait seul que je conçois simplement cette réunion de sept et de cinq


Objection : le concept de douze existe indépendamment des concepts de cinq et de sept. Le concept de douze englobe tout mode de réunion des unités qui le compose, en particulier la réunion de sept et de cinq unités, d’où la somme 7 + 5 = 12. Il s’agit donc ici d’un jugement analytique.


• Un principe quelconque de la géométrie pure est exactement aussi peu analytique.. Que la ligne droite soit la plus courte entre deux points, c’est une proposition synthétique. Car mon concept de ce qui est droit ne contient rien de quantitatif, mais seulement une qualité. Le concept du plus court est donc entièrement ajouté et ne peut être tiré par aucune analyse de concept de la ligne droite. Il faut donc recourir ici à l’intuition, qui seule rend la synthèse possible.


Objection : Proclus, commentant les définitions d’Euclide (voir Proclus [pp.93]), établit sans contestation possible, que le concept de droite est d’ordre quantitatif. En effet, selon Euclide, la ligne droite est celle qui est également placée entre ses points. …Il a montré selon Proclus [p.98], que la ligne droite est la seule qui occupe une distance égale à celle qui existe entre les points placés sur elle ; car tant l’un des points sera distant de l’autre, tant sera la grandeur de la ligne droite délimitée par ces points ; et c’est là être placée également entre les points situés sur elle. D’un autre côté [p.99], Archimède définit la ligne droite comme étant la plus petite de celles qui ont les mêmes extrémités. En effet, puisque, comme l’exprime l’énoncé euclidien, la ligne droite est également placée entre ces points, elle est par là même la plus petite de celles qui ont les mêmes extrémités; car, s’il y en avait une plus petite qu’elle, elle ne serait pas également placée entre ses points. Ainsi, le concept du plus court se déduit du concept de la droite par voie analytique.


8.7.6 Sur le constructionnisme chez Kant.


Il semble que Kant, par sa volonté de construction par ajustement de concepts séparés, dans l’esprit exclusivement, se soit écarté radicalement du chemin ordinairement suivi par les mathématiciens, et cela en présentant des exemples manifestement mal fondés.


Par ailleurs, les notions mathématiques analysées à titre d’exemple dans la “Critique” sont très restreintes, ce qui fournit à sa réflexion une base plutôt étroite. Cela peut paraître étonnant pour un philosophe aussi bien formé, en plein dans le sillage des Newton, Leibnitz, Bernoulli, Euler, Lambert. Quels exemples trouve-t-on dans la “Critique” ? La somme 7 + 5 = 12 (p.41), la ligne droite, le triangle isocèle (pp.16-17), la somme des angles d’un triangle (p.495), la somme de deux côtés d’un triangle supérieure au troisième (p.57), et c’est tout (sauf erreur).


Or il y a environ 100 ans, la “Critique a subi des assauts sérieux ; car, selon Zimmermann :


Wenn die mathematischen Urtheile nicht synthetisch sind, so fehlt Kant’s ganzer Vernunftskritik der Boden.


(Voir aussi Seydel ). De plus, Couturat démonte la mécanique kantienne, en mathématicien, logicien, et en philosophe. Il examine notamment les variations de la pensée de Kant dans diverses oeuvres, sur des points essentiels.


Il façonne la conception du jugement chez Kant dans le langage en cours [p.246] : un jugement est analytique lorsqu’il peut se déduire uniquement des définitions, et des principes de la logique. Il est synthétique si sa démonstration (ou sa vérification) suppose d’autres données que les principes logiques et les définitions. En outre : une définition analytique consiste à décomposer un concept préalablement existant; une définition synthétique, au contraire, compose le concept, et le forme de toutes pièces (ou le fabrique (1764)), ou, dans la Critique, le construit, (par représentation dans l’intuition). Et plus loin [p.249] … de ce que les concepts mathématiques sont fabriqués a priori et n’existent que par leur définition même, il résulte que l’esprit sait d’avance tout ce qu’il y a mis, et ne peut plus porter sur eux que des jugements analytiques. … On ne peut point inférer du caractère synthétique des définitions mathématiques le caractère synthétique des jugements mathématiques. Au terme de son analyse des jugements arithmétiques, Couturat [pp.265-266] écrit : Que faut-il en conclure, sinon que la distinction des jugements analytiques et synthétiques était singulièrement flottante dans l’esprit de son auteur ? Et plus loin, après une étude des questions géométriques .Tous ces exemples prouvent que la distinction des jugements analytiques et synthétiques n’était pas plus claire, ni plus solide, pour Kant lui-même, en Géométrie qu’en Arithmétique.


Rapprochant cela de la citation de Zimmermann, on voit que le sol se dérobe sous la “Critique”, et qu’il y a lieu de faire état d’un terrain plus solide.


8.8. Le réalisme modéré et les mathématiques


8.8.1 L’univers


L’univers est formé de choses réelles, visibles ou invisibles, indépendantes de l’esprit de l’homme. Si un cataclysme détruit toute vie pensante sur le globe terrestre, cet univers continue à exister néanmoins.


“… le monde du réalisme authentique est un monde de choses existant pour soi, un monde, une immense famille, un symposium d’individus et de personnes en interraction” (p.214).


Ces choses sont des êtres de toutes espèces : matériels, végétaux, animaux, humains, purements spirituels, capables plus ou moins d’entrer en communication les uns avec les autres. Chaque corps matériel présente, inséparables, une matière et une forme; la matière est le principe de la quantité et de la passivité, tandis que la forme est le principe de la qualité et de l’activité. De plus, chaque corps a un type d’être : une essence-forme, et une existence : le fait d’être . En passant du règne minéral au règne végétal, puis au règne animal, et enfin à l’homme, la forme s’élève en richesse d’être, devient un principe organisateur de plus en plus complexe (toujours un), pour être finalement capable chez l’homme de connaissance intellective, de discerner plus ou moins parfaitement les essences des autres corps. Chez l’homme, le principe intellectuel, l’âme, possède par lui-même une activité à laquelle le corps n’a point de part, et cette âme est une réalité incorporelle et subsistante., en mesure de connaître l’univers et de constituer des sciences.


8.8.2 Les degrés d’abstraction


Pour situer correctement la mathématique dans la connaissance, il convient d’examiner les manières possibles de s’abstraire de la matière. Au premier degré d’abstraction possible, l’esprit fait abstraction de la “matière individuelle” de telle chose, en conservant “sa matière sensible”, commune aux choses du même type. On a ici le domaine de la physique, de la chimie, de la biologie, etc.


Au second degré, l’esprit fait abstraction de la matière individuelle, de la matière sensible, mais non de ce qu’on peut appeler “la matière intelligible”, commune à tous les corps matériels sous l’aspect de la quantité. On a ici le domaine de la mathématique.


“… cela même qu’une chose est, fait face à l’intelligence comme consistant en la structure quantitative de l’être corporel prise en elle-même ou selon les relations d’ordre et de mesure propres à la quantité. La quantité n’est pas considérée en tant qu’accident réel de la substance corporelle, mais en tant qu’étoffe commune d’entités reconstruites ou construites par la raison; elle reste cependant -même ainsi rendue idéale- quelque chose de corporel, elle continue de porter en elle le témoignage de la matière dont elle dérive”(voir Maritain [2, pp. 92-93]).


“… l’objet n’est vu et défini par l’intelligence qu’en référence (directe ou indirecte) a une constructibilité dans l’intuition imaginative”.


Au troisième degré, qui est celui de la métaphysique, la connaissance de l’objet est délivrée de toute matière : on aborde l’être en tant qu’être, sous le rapport des transcendentaux, de l’acte et de la puissance, de la substance et de l’accident, de l’intelligence, de la volonté., des causes efficiente, matérielle, formelle, finale. On fait référence à l’intelligibilité même de l’être, sous une lumière objective entièrement immatérielle, purifiée du sensible. On peut alors prendre note de principes tels que :


• chaque être est ce qu’il est (principe d’identité).


• tout ce qui est, dans la mesure où il est, a sa raison d’être


• la puissance est essentiellement ordonnée à l’acte…


On peut observer ici que, dans les mathématiques, il n’y a pas d’action, ni de cause finale, ni de cause efficiente. Nous sommes là dans l’ordre de la pure cause formelle. Aristote disait que les mathématiques “ne sont pas bonnes”, en ce sens qu’elles sont étrangères à la notion de bien. On voit le risque pour la culture de laisser les disciplines subir l’attraction des mathématiques, et perdre ainsi le sens de toute finalité.


La conception de la métaphysique ainsi présentée diffère sensiblement de celle de Kant


8.8.3 Philosophie et science expérimentale


On a vu (8.7.4) que chez Kant, que la nécessité et l’universalité se présentent a priori dans l’esprit. Ici, au contraire, la science porte directement et de soi sur l’abstrait : nous cherchons l’essence et la nécessité de chaque chose, grâce à notre esprit, mais en règle générale hors de lui.


La science porte de soi … sur les natures universelles qui sont réalisées dans le singulier, et que l’esprit tire du singulier par abstraction. Bien entendu, la contingence dépend du singulier comme tel, et elle échappe alors à la science. La nécessité des lois (p. 51) vient de ce que celles-ci concernent proprement et en fin de compte les essences ou natures, et de ce que celles-ci sont le lieu des nécessités intelligibles : car toute nature ou essence, en vertu de sa constitution intrinsèque, possède intrinsèquement de telles propriétés. Par ailleurs, l’universalité de l’objet de connaissance est condition de sa nécessité.


Selon Thomas d’Aquin (S.th. I, qu. 86, art.3) :


“L’intelligence connaît les raisons universelles et nécessaires des choses contingentes. C’est pourquoi, si l’on considère les raisons universelles du savoir, toute science est du nécessaire, encore qu’à prendre les choses matériellement, et, à considérer les choses même sur lesquelles s’exerce la science, certaines sciences, telles les mathématiques par exemple, aient pour matière des choses nécessaires, et d’autres des choses contingentes”.


Il y a ainsi des sciences de l’explication (p. 68), portant sur des intelligibles dégagés de l’existence concrète, telles les mathématiques. Ce sont des sciences déductives. Il y a d’autre part des sciences de la constatation, enrobées de contingence; sciences inductives qui subissent l’attraction des premières. Ces sciences usent, à des degrés divers, d’un processus d’abstraction (abstractio formalis) permettant le passage d’un objet de savoir à son essence.


Dans les mathématiques par exemple, on part d’objets ou de situations concrètes : un bâton, un rond, un cristal, une tige végétale enroulée autour d’un tronc, une collection d’objets, etc qui, dans cette perspective pré-scientifique fournissent des objets de pensée en eux-mêmes indépendants de l’expérience, délestés des schèmes intuitifs, ceux-ci restant bel et bien la source extramentale des notions. Il y a des essences immédiates, dont on tire par l’activité mentale des essences construites (voir de Siebenthal [3]). Considérons par exemple une tige végétale qui monte régulièrement en s’enroulant autour d’un tronc. Elle suggère à l’homme normal la notion d’hélice circulaire sur un cylindre de révolution vertical, dressé sur un cercle horizontal. On a ici une essence immédiate. L’hélice circulaire est à l’état singulier dans cette tige végétale, et à l’état universel dans l’esprit. L’universalité et sa nécessité se lisent dans la chose singulière. Le mathématicien en tire ensuite, assez récemment, la notion capitale de revêtement d’une variété (voir Steenrod [pp. 67-71]). C’est un type d’essence construite, par usage d’un sain constructivisme.


Les sciences expérimentales, elles, on s’en doute, sont entièrement réglées par l’expérience.


Cela étant, les sciences elles-mêmes cherchent la raison d’être et ne la donnent qu’imparfaitement; elles demandent à se suspendre à un savoir supérieur, et inspirent à l’esprit le désir de la philosophie.(p.96). Celle-ci ne dépend pas formellement des sciences, de leur développement intrinsèque, mais elle dépend de principes qui ne sont pas à la portée de la science. Néanmoins, la philosophie dépend matériellement des sciences, car elle analyse des faits, établis le plus souvent par la science.


Mais il y a des faits proprement philosophiques (p.114) : le fait qu’il existe quelque chose, le fait qu’il existe une multiplicité, qu’il existe du changement, qu’il existe de la connaissance et de la pensée, qu’il existe du désir. Un des faits philosophiques les plus marquants est la distinction entre la chose et l’objet.


En effet, (p.176), il nous faut distinguer la chose en tant que chose, existant ou pouvant exister par elle-même, et la chose en tant qu’objet posé devant la faculté de connaître et rendu présent à elle. La chose n’est pas un double problématique caché derrière l’objet, comme chez Kant (8.7.2) . La chose est l’objet matériel du sens et de l’intelligence; ce qu’on appelle objet en est l’objet formel. Séparer l’objet de la chose, ou le logos objectif de l’être métalogique, c’est violer l’intelligence (p. 209). On ne mange pas du mangé, on mange du pain (p.208). Si l’on récuse, comme le fait Kant, les choses et leur consistance extramentale régulatrice de notre pensée, c’est qu’avant tout on veut, par un instinct secret d’autant plus impérieux qu’il demeure inavoué, n’avoir pas à se trouver finalement en face d’une suprême réalité transcendante, d’un abîme de personnalité… (p. 212)


Cela dit, l’esprit peut construire des objets de pensée incapables d’exister hors de l’esprit (p.257), que les anciens appelaient êtres de raison. Ce ne sont pas de purs objets séparés de tout sujet transobjectif comme les phénomènes des modernes. Ils sont construits avec des éléments empruntés au réel. C’est ainsi que les êtres de raison mathématiques sont fondés sur les êtres réels mathématiques, ceux-ci ayant été dégagés par l’abstraction de l’expérience du monde réel, saisis au sein de cette même quantité réelle que le philosophe considère, lui, ontologiquement (p.285); on retrouve le passage des essences immédiates aux essences construites.


Il convient maintenant de creuser la nature de la connaissance, pour bien échapper à l’idéalisme.


8.8.4 Le connu et le connaissant


Comment la connaissance s’opère-t-elle ?


Par les sens d’abord, la vue notamment, la chose produit dans le connaissant des formes immatérielles intra-psychiques qui sont dans l’âme comme des vicaires, des similitudes de l’objet ; ce sont des formes présentatives reçues (species impressae). L’activité de l’intelligence (l’intellect agent) transforme ces species reçues, par un travail d’élaboration, en formes présentatives élaborées (species expressae), qui sont des signes formels, par le moyen desquels nous connaissons la chose. Les species ne constituent en rien la connaissance (en tant que modification de l’âme). La connaissance est une opération immanente et vitale qui consiste à être; elle s’accomplit grâce à un verbe mental on concept, forme présentative proférée au-dedans de soi par l’intelligence, et dans laquelle elle devient intentionnellement en acte terminal la chose prise sous telle ou telle de ses déterminations intelligibles. L’objet ainsi obtenu ne fait pas avec la chose deux termes connus, mais un seul (pp. 224-239). Merveilleux point de vue ! L’intelligence peut devenir intentionnellement toute chose. Elle peut tenir en elle la forme des choses sans devenir matière pour cette forme.


8.9 Conclusion.


D’une manière générale, le réalisme modéré a régi le développement des sciences, des mathématiques en particulier, jusqu’à la fin du Moyen-Age. S’appuyant alors sur les Anciens, des savants tels que Fermat, Newton, Leibnitz, Euler ont forgé les assises des mathématiques récentes, au développement si remarquable. La philosophie idéaliste, à partir de Descartes et de Kant, a créé un impérialisme mathématique incapable de résoudre l’ensemble des problèmes de l’homme. Seule la réinsertion du savoir dans le cadre élargi de la métaphysique aristotélicienne et thomiste peut éviter la catastrophe culturelle en voie de réalisation.




Curriculum vitae


Jean de Siebenthal


1917 Né le 26 juin à Lausanne


Père : menuisier ; mère : couturière. Deux frères, une sœur.


1924-34 Écoles primaires et primaires supérieures.


1934-38 École normale du canton de Vaud : Brevet d’ïnstituteur.


1938-42 Faculté des Sciences de l’Université : Licence ès sciences mathématiques. Brevet d’enseignement secondaire.


1942-43 Assistant de physique expérimentale (Prof. Perrier)


1943-44 Assistant de mathématiques (Prof. Ch. Blanc)


1944-46 Etudes à l’EPFZ à Zurich.


1945-46 Assistant au séminaire de mathématiques à l’EPFZ (Prof.B. Hopf et M. Plancherel)


Oct. 1946 à 1954 Nomination au CMS (Cours de mathématiques spéciales annexé à l’EPUL).


1951 Doctorat à l’EPFZ : Thèse sur les sous-groupes de lie clos.


1952-54 Privat-docent à la Faculté des Sciences (cours d’algèbre linéaire et de théorie des groupes)


oct.1954 Nomination en qualité de professeur extraordinaire à l’EPUL.


Cours de géométrie descriptive (première année)


Cours de calcul différentiel et intégral (deuxième année)


Cours de géométrie supérieure (troisième et quatrième année)


1964 Nommé professeur ordinaire


1970 Lors de la transformation de l’EPUL en EPFL : Cours de géométrie à la section de mathématique. Cours de géométrie supérieure puis d’histoire des mathématiques.


Marié le 21 septembre 1946 à Lucie Favre.


Cinq enfants :


Jean-Luc 1947-2000. Bruno 1949, Hugues 1951, François 1955, Marie-Luce 1958$$Armée :


1939 : caporal d’infanterie


1940 : lieutenant : Cp. mitr. 1V/5


1953 : landwehr : Cp. mitr. 1V/215


1967-73 : landsturm : EM Pl. mob. Lausanne$$Liste des publications


A. Borel et J. de Siebenthal : Les sous-groupes fermés de rang maximum des groupes de Lie clos. C.R. Acad. Sc. Paris, t.226, p. 1662-1664


A. Borel et J. de Siebenthal : Les sous-groupes fermés de rang maximum des groupes de Lie clos. Comment. Math. Helv. 23, 200-221, (1949).


J. de Siebenthal : Sur certains sous-groupes de rang un des groupes de Lie clos. C.R.Acad. Sci ; Paris 230, p. 910-912 (1950).


J. de Siebenthal Sur les sous-groupes de rang un des groupes de Lie clos. C.R. Acad. Sci. Paris 232, p.1892-1893 (1951).


J. de Siebenthal Sur les sous-groupes fermés connexes d’un groupe de Lie clos. Comment. Math. Helv.25, 210-256 (1951).


J. de Siebenthal Sur les groupes de Lie compacts non connexes. Comment. Math. Helv. 31, p.41-89, (1956).


J. de Siebenthal Sur certaines graduations dans les algèbres de Lie semi-simples.


Actes de la SHSN 1966 p.112-114.


J. de Siebenthal : Sur certains modules dans une algèbre de Lie semi-simple. Comment. Math. Helv.44, p.1-44, (1969).


J. de Siebenthal : Sur les sous-algèbres simples de rang un des algèbres de Lie semi-simples, 1973,81 p. (déposé bibliothèque DMA).$$Thèses :


Daniel Amiguet : Extensions inessentielles d’algèbres de Lie à noyau nilpotent. Janvier 1971.


Pierre Saillen. : Fibrés vectoriels holomorphes homogènes et J-représentations juillet 1972. (Thèse dirigée pour la grande part par J.L. Koszul (Grenoble)


Gabriel Favre : Système de poids sur une algèbre de Lie nilpotente octobre 1972.


Michel Favre : Algèbres de Lie complètes 1972.


Mohammed Slaibi : Etude théorique de surfaces et réalisations pratiques par ordinateur et traceur 1973


Herbert Knecht La logique chez Leibniz 1974


(Thèse autonome)


Conférences


1. Essai de rénovation de la géométrie descriptive.


Cours internationaux post- universitaires de perfectionnement pour docteurs et licenciés en mathématiques “Mathématiques du XXe siècle” vol. 11, 1961. Conférence prononcée à Bruxelles en 1961.


2. Ontologie mathématique et algorithmes.


(Séminaire de la Commission internationale de l’enseignement mathématique : Echternach, Grand Duché de Luxembourg), prononcée le jeudi 3 juin 1965.


3. La géométrie descriptive, racine de l’algèbre linéaire.


(Enseignement Mathématique, T. XIII, 1967) prononcée devant la “Mathematische Vereinigung” de Berne le 17 février 1967.


4. Irréductibilité de la géométrie.


Modernisation de l’enseignement mathématique dans les pays européens. Colloque international de l’Unesco, Bucarest, 23 IX – 2 X, 1968.


5. Les mathématiques modernes.


Conférence prononcée le 20 janvier 1970 devant l’Association vaudoise de femmes universitaires (non publié).


6. Le rôle des modèles en mathématique.


Actes de la société helvétique des sciences naturelles 1972. Conférence prononcée à Lucerne à la séance annuelle.


7. La géométrie, facteur de civilisation.


Conférence prononcée le 11 juin 1975 au Séminaire de Didactique des mathématiques (Prof. Dr.R. Ineichen, Université de Fribourg). (non publié).


8. Sur la saisie logique des formes.


Conférence prononcée le 3 juillet 1979, à l’Aula de l’EPFL. Publication interne de 1’EPFL.


Production de films d’animation géométrique.


En collaboration avec P. Saïllen- qui a traité la matière au plan scientifique et a pourvu à la réalisation technique :


L’hélice et l’hélicoïde 30 minutes présenté le 3 mars 1977 à l’Aula EPFL Médaille de bronze festival Edukofest Belgrade.


Surfaces développables, 28 minutes présenté à l’Aula EPFL le 3 juillet 1975.


Courbes planes 1980. 20 minutes (non encore présenté)


En outre, des films pour l’enseignement de la géométrie de Monge ont été produits :


Livres d’enseignement


Algèbre Multi-Office Lausanne 1950 réédité jusqu’en 1971 (cours du CMS 1946-1954)


Géométrie descriptive Multi-Office Machtzum, Lausanne 1960, 208 p. Cours de première année.


Géométrie I à V 1967 – 1968 A 4, Polycopié du cours de première année. (éd. AGEPOLY)


Géométrie et algèbre linéaire 1970 A4


Trois fascicules d’exercices (rédaction P. Lavanchy) éd. Serv-technique


Algèbre Spes-Dunod Lausanne 1977 refonte de l’Algèbre 1950, 205 p.


Analyse Spes Vevey Vevey 1980 refonte de l’Algèbre 1950, 181 P.


Géométrie analytique différentielle et représentative 1978


Cours de première année, 846 p. A5 éd. Service technique.


Exercices réd. M. Slaibi 1980, 383 p. A5


En outre, hors EPFL, ont été produits :


Ecole globale intégrée et école selon la nature humaine 1973,


Ed. Terre Haute Lausanne 55 p.


Finalités. Revue mensuelle dès 1975 pour la diffusion du droit naturel et chrétien. (rédacteur).


Conférences diverses


Les circonstances m’ont amené à prononcer quelques conférences à l’intention d’auditeurs non spécialisés en général. Elles expriment et développent. d’une part la doctrine d’enseignement que j’ai adoptée et d’autre part certains aspects philosophiques relatifs aux fondements des mathématiques. je me suis permis ainsi de récuser les fondements axés sur les philosophies idéalistes (Kant et d’autres), pour retourner au réalisme modéré (Aristote, St-Thomas) qui n’a cessé de guider l’activité mathématique chez les anciens grecs, en Islam, et dans les temps récents (Euler, Gauss, et d’autres. En bref : la mathématique n’est pas une pure construction mentale ; elle part d’une réalité extramentale, en extrait des concepts qu’elle développe. sans jamais oublier leur origine.


La liste de ces conférences est donnée ci-dessus.


Commissions de l’École


Suite aux événements de mai 1968, il s’est constitué dans l’École une Commission dite des 27 (9 professeurs, 9 assistants, 9 étudiants), qui m’a élu président. L’effort qu’il a fallu déployer en cette circonstance pour répondre aux voeux souvent très durs de membres bien formés dialectiquement m’a contraint à une activité de réflexion (et d’action doctrinale) sur les principes de la politique. J’ai demandé la dissolution de la Commission, constatant l’impasse forcée par le comportement de certains membres (étudiants).


Cela ne m’a pas empêché de continuer à diffuser ce qu’on appelle le droit naturel et chrétien, qui exprime au plan social les nécessités de la nature humaine créée, déchue et rachetée. Sans référence à de telles valeurs, les institutions perdent leur âme et se tranforment d’une manière peu favorable au bien commun. “Une école qui n’est pas un temple devient une tanière”.


Commissions extérieures à l’École


L’École m’a désigné en qualité de membre de la Commission des immatriculations de la Conférence des Recteurs, présidée par M. le Prof. J.L. Leuba. C’est ainsi que de 1966 à 1976, j’ai participé aux réunions de cette Commission.


De même, sur proposition de l’École, le Conseil Fédéral m’a nommé membre de la Commission fédérale de maturité (dès janvier 1971), particulièrement importante, et carrefour privilégié des tendances scolaires en Suisse. Mes interventions tendent toutes à maintenir dans la formation des bacheliers les valeurs qui font la force des polytechniciens. J’ai dû constater à regret que le type C a perdu quelque peu sa spécificité “scientifique”. Les tenants de l’École globale ont tenté et tentent encore de réduire l’école à des magmas d’indifférenciation préjudiciables aux élites, qui constituent cependant l’ossature du pays ; les échecs constatés dans d’autres régions devraient pourtant ouvrir les yeux.


Depuis 1972, j’ai fait partie encore de la Commission Euler, chargée de l’édition de l’œuvre du savant bâlois.


Membre de la Société mathématique Suisse, j’en ai été président de 1964 à 1966.


Case 335, 1000 Lausanne 1.Mars 1981$$jdesieb@iprolink.ch


En outre, on pourra consulter le site : www.finality.ch


Prof. Jean de Siebenthal
Table des matières


Conversion 1


Au début 1


Comment le jeune homme gardera-t-il pur son sentier? 2


Premiers contacts 3


A la bibliothèque municipale 4


Ecole normale 5


Université (1938-1942) 7


A Zurich (1944-1946) 7


Mariage 8


Au Cours de mathématiques spéciales 8


Le ciel me tombe sur la tête 9


Déménagement 9


Professeur à l’Université (1954-1969) 10


Sur la réception d’un converti 11


Congrès 13


Les Congrès de Beaulieu 13


Marcel de Corte, 13


Etienne Malnoux 14


Gustave Thibon 15


Le Centre de documentation civique 17


Forces subversives 18


Autorité et participation 19


Egalité et inégalités 21


La gauche, la droite et le retour au réel 23


Conférences de GustaveThibon : 27


Education et socialisme 31


Vivre en communauté 34


Les droits de l’homme 47


L’histoire, notre présent 50


Congrès 1981 /Lausanne


Le redressement intellectuel et moral 59


Reconquête chrétienne 68


Congrès 1986 68


L’embryon : un homme. 69


Europe : l’hiver démographique 69


L’identité de la Suisse dans l’Europe 70


Famille et environnement 70


Nécessité des élites. 71


Cercle civique européen 72


La famille, clé de l’avenir 73


Cellules fondamentales 75


5. La cellule et la mémoire 77


6. La cellule exercice d’intelligence 79


7. La cellule école de volonté 80


10. La cellule et la dynamique de groupe 81


Sur le Saint Nom de Jésus 82


Note sur l’existence de cellules 85


Revue Finalités 85


Restaurer l’autorité 85


L’Europe sur le chemin de la dictature ? … 88


Au sujet de la « vache folle » 91


Complots autour du Saint Suaire 95


Les dernières statistiques de l’Église – un leurre ? 101


Appel au cal Ratzinger en faveur de la liturgie latine. 102


Bibliothèque 104


Transition familiale 104


Fête à La Longeraie/ Morges 104


Le 21 septembre 1946 104


Confitures 105


Maison 105


Chalet 106


Grand -mère 107


Mariages 108


Voyages 108


Salutations 109


A l’Ecole polytechnique fédérale (1969-1982 ) 110


Rapport sur l’activité mathématique à l’EPFL de 1953 à 1978 110


Les mathématiques pures 111


Contributions de Charles Blanc . 112


Contributions de Jean Descloux 114


Transition 117


Création du département de mathématiques 117


Histoire des mathématiques 124


Les locaux 125


Conseil des maîtres 126


Mathématiques dans l’Occident médiéval 126


8.1 Préambule 127


8.2 Nature de la science mathématique médiévale 128


8.3 Résumé des acquisitions mathématiques 128


8.5. Sur la notion de figure 137


8.6 Mathématiques réalistes, idéalistes ? 139


8.7 Résumé des positions de Kant 140


8.9 Conclusion. 150


Curriculum vitae 151












Note sur la famille de Siebenthal


HISTOIRE DE LA


FAMILLE DE SIEBENTHAL


Le premier connu des de Siebenthal selon le dictionnaire historique des familles suisses, on le nommait Rudolph von Siebenthal en 1166. Le nom vient très certainement du “Sibithal” (cf vieilles cartes et vocabulaire à Thun). Encore aujourd’hui on l’appele Sibithal (toujours dit à Thun). Le Siebenthal est le lieu d’origine de tous les Valser ou Walser. On verra plus bas l’importance de ce peuple-nation pour l’Europe.


Comme c’était la coutume au moyen-âge, ces chevaliers du Siebenthal allaient faire des incursions par le Col du Pillon dans le Sud pour aller chercher les marchandises qui leur manquaient dans les montagnes surtout le sel, indispensable pour lutter contre le goitre. Sans ça ils vivaient de la chasse et de pillage d’après des histoires de la région. On sait même qu’ils allaient faire des voyages jusque dans le Piémont par le Grand St Bernard, mais les lieux les plus fréquentés étaient la vallée du Rhône et la partie supérieure du lac Léman.


Dans l’Ober-Simmenthal, leur lieu d’habitation, ils vivaient du commerce et de l’élevage (chèvres, chevaux, moutons). La race bovine du Simmenthal apportée par les Burgondes existait déjà, mais ils commençaient déjà à la selectionner. Ces chevaliers étaient paysans, vivaient dans des chalets avec leur bétail, les autres construisaient des tours et des petites fortifications (pour protection). De cette manière, il arriva que le chevalier Rudolph resta dans le pays du Gessenay (en ce temps là, une partie du pays de Gruyère) vint s’établir dans ces lieux. Comme il venait de la vallée du Sibithal, on lui donna le nom von Siebenthal. Plus tard, alors que le comte de Gruyère avait d’énormes dettes, les bernois achetèrent la contrée du Gessenay. C’est à partir de ce temps que l’on a pu avoir des sources sûres sur la généalogie de la famille.


Les von Siebenthal ont toujours voulu améliorer ce qu’ils faisaient, notamment leur cheptel. Les vaches, chèvres, poules, chevaux, mulets de Saanen, Gessenay, Gstaad sont connus dans toutes les Alpes. Ce travail, qui a duré des siècles, a donné des animaux domestiques parfaitement adaptés à leur milieu et l’économie Valser était autarcique, sauf pour le sel. La doctoresse Kousmine cite leur alimentation comme un exemple à suivre pour guérir des maladies de la civilisation.


D’après un vieux livre, un des de Siebenthal avait commandé une compagnie à la bataille de Grandson de 1476. Benedickt von Siebenthal (1663), élu en 1713 comme Sekelmeister (boursier de l’état), n’est resté que peu de temps. Au 1714 déjà Landesfenner (porte drapeau et chef de section de la contrée, i.e. responsable militaire), avec droit de justice. Son fils, Johan von Siebenthal, né le 18 juin 1694, fut de nouveau élu caissier en 1714 jusqu’en 1734


Le fils de ce Johan, à nouveau Johan surnommé “Kastlan” (le chàtelain) car il vivait dans une maison fortifiée, a été élu secrétaire du district (Bezugschreiber) en 1747 jusqu’en 1753. Plus tard, il devient Bailli (Prefekt). Son descendant fut de nouveau un Johan, né en 1752, décédé le 25 mai 1826. Son fils ainé, né 1792, s’établit dans le Turbach. Le chalet qu’il a construit de 1830 à 1832 existe toujours et est la propriété de Mademoiselle Bühler. Il s’appellait Balthazar Gottlieb von Siebenthal, arrière-arrière grand-père de Jean-Luc, Bruno, Hugues, François et Marie-Luce, et avait 16 enfants.


Son fils, Jean de Siebenthal, né en 1832 est décédé en 1916 à Grandchamp (Chillon). C’est dans ce Grandchamp qu’il avait acheté vers 1855 le vieux moulin du Château de Chillon et il s’en servait pour la farine (cf tableau dans l’hôtel du Byron à Chillon).


Ce Jean de Siebenthal s’est marié deux fois. Sa première femme était une Brandt de La Lenk. Elle reçut une fillette qui mourut en bas âge. La maman en a tellement souffert qu’elle en mourait en 1876.


Notre arrière-grand-mère fut Esther de Siebenthal qui était venue du Bissenstalden (Gessenay) pour la soigner. Son père était un von Grünigen et c’était un Pfifferjôkerli (cf Col de chaude). Le frère ainé d’Esther, Johan von Grünigen, étudia la théologie à Richama (Basel) et partit vers 1880 pour l’Amérique où il devint pasteur de la région de Salt City, près de Madison. Il y fut enseveli. La fille aînée de ce pasteur est décédée le 12 décembre 1976 à l’âge de 103 ans. Elle s’est endormie le jour de son anniversaire alors que les soeurs de la maison de repos, où elle habitait, lui lisait les lettres et télégrammes de félicitations.


La femme de Jean vers 1878, lui enfanta cinq fils et une fille: Walter, Daniel, Emmanuel ,(notre grand-père), Elisabeth (décédée en 1917, Mme Zumbrunnen), Benjamin, Clément.


Walter fut mécanicien et Daniel agriculteur, tandis que Benjamin s’occupait de la scierie. Emmanuel faisait des malles et des caisses de voyage et de voiture. Clément a fait les premiers stores en rouleaux. C’est aussi Clément qui a inventé un hélicoptère et a reçu une médaille d’inventeur à Bruxelles. Ce sont tous ces frères qui construisaient des avions et hydravions (cf livre écrit par M. Cornaz). Emmanuel épousa Rosa née Seiter, mère de William, Clarice, Jean et Michel. William (1912-1999) fut maître de menuiserie, Clarice (1914…) institutrice et peintre, Jean (1917…) (soussigné) mathématicien.






La civilisation Valser


Une famille recherchant l’indépendance et la liberté est montée dans la montagne. Elle s’établit dans ce qui s’appelle maintenant le ‘Simmentha1, jadis le Siebenthal, la vallée (thal) des sept (sources) Brunnen. Sieben Brunnen est au-dessus de Saanen (en allemand), Gessenay (en français), Gstaad (en anglais). Ces trois lieux ne sont qu’une seule commune.


La principale originalité des Valser est juridique. (“est le dernier garçon qui hérite du domaine .familial, mais à condition de s’occuper de ses, parents (père, mère, et les frères, et soeurs en cas de nécessité). Celle coutume donne des fruits bénéfiques:


1. Le petit dernier, assurance vie et maladie de toute lafamille est écouté et respecté.


2. Dès son jeune âge, sa voix compte au chapitre.


3. Ce chapitre, Landsgemeinde, sert aussi à la gestion de l’allmend (ce qui appartient à tous).


4. Les ainés doivent partir avec une partie du cheptel dans la vallée voisine. Les Valser ont ainsi colonisé toutes les hautes Alpes (Suisse, France, Italie, Allemagne, Liechtenstein, Autriche et même Yougoslavie). Un film du Club alpin suisse retrace une partie de celle histoire.


C’est la victoire des petits contre les puissants, à l’image de la plupart des chroniques bibliques.
Texte établi par François de Siebenthal


Le rayonnement de l’EPFL, bref historique:


Les mathématiques appliquées à l’École polytechnique de Lausanne. 

Les  auteurs de ce texte ont puisé dans les sources suivantes :

    * Pierre-Denis Methée, Les mathématiques à l’Académie et à la Faculté des sciences de l’Université de Lausanne. Université de Lausanne 1991,
    * Histoire de l’École polytechnique de Lausanne : 1953-1978. Ouvrage collectif à l’initiative de Maurice Cosandey. Presse polytechniques et universitaires romandes, 1999, en particulier deux contributions de Jean de Siebenthal,

      –    Souvenirs personnels. 


Les mathématiques appliquées à l’École polytechnique de Lausanne naissent et se développent  grâce  au Professeur Charles Blanc auquel cet article est consacré. 

Pour comprendre son œuvre, il est utile d’en esquisser d’abord le contexte.

L’École polytechnique voit le jour en 1853 sous le nom d’ « École spéciale » avec un statut d’institution privée. En 1869 elle est rattachée à l’Académie de Lausanne qui deviendra Université en1890. Dès cette date et jusqu’en 1946, elle est « École d’ingénieurs de Lausanne »(EIL) et fait partie de la Faculté des sciences. En 1941, le nouveau directeur, Alfred Stucky, sent son École à l’étroit dans le cadre de la Faculté ; il obtient en 1946 son rattachement direct aux autorités de l’Université et du Canton de Vaud. ; ce sera l’EPUL, École Polytechnique de l’Université de Lausanne. Enfin, nouvelle métamorphose, en 1969, l’EPUL se transforme en École polytechnique fédérale de Lausanne, EPFL. 

Charles Blanc est né Lausanne le 1er juillet 1910. Après un baccalauréat « classique et mathématiques spéciales », une licence ès sciences mathématique et physique à l’Université de Lausanne en 1932, il devient docteur ès sciences mathématiques pour sa thèse intitulée« Les surfaces de Riemann des fonctions méromorphes », et défendue le 29 juin 1937 à la Faculté des Sciences de Paris. Notons que son directeur de thèse est le célèbre professeur Georges Valiron. À cette même époque, il effectue un séjour à Göttingen qui l’a beaucoup marqué et il enseigne, comme chargé de cours à l’Université de Lausanne (1936-1942) . 

En 1942, il est nommé professeur extraordinaire à l’École d’ingénieurs. Cette date marque le début des mathématiques appliquées à Lausanne. En effet, Alfed Stucky lui confie la mission, acceptée avec enthousiasme, de créer des cours et des activités dans cette discipline.

Alfred Stucky est un personnage de grande envergure, fondateur d’un bureau de génie civil de réputation mondiale, homme de technique mais aussi homme de science. Charles Blanc aimait à raconter cette anecdote : dans le cadre d’une étude pour déterminer la distribution de tuyaux de refroidissement dans un barrage en construction, Stucky rencontrait des difficultés dans l’utilisation de fonctions de Bessel. Consulté, Charles Blanc localisa rapidement la source du problème ; il semble que la suite de l’étude fut confiée à l’Institut de mathématiques appliquées nouvellement créé. 

Fort de ses convictions et de l’appui de son directeur, il se met immédiatement au travail. Il introduit, pour les étudiants du premier semestre, un cours de « méthodes numériques et graphiques ». Il est intéressant de noter que ces termes figurent déjà dans une lettre que Ferdinand Gonseth envoyait en 1927  au directeur de l’EIL Jean Landry qui l’avait contacté en vue d’une éventuelle nomination ; Gonseth proposait une extension très ambitieuse des  mathématiques à la Faculté de sciences et à l’EIL ; pour des raisons diverses, ces relations ne se sont pas concrétisées. Le programme du nouveau cours était semblable à celui d’ « angewandte Mathematik » que Stiefel donnait au Poly de Zürich : résolution de systèmes linéaires d’ordre 3 avec la règle à calcul, tables numériques et abaques, intégration numérique, équations différentielles … Plus audacieuse était l’introduction d’un cours de « mathématiques appliquées » pour les ingénieurs des 3 ième et 5 ième semestres. Ce cours, qui a fait l’objet d’un volume intitulé «  Les équations différentielles de la technique » (Édition du Griffon 1947 ) traitait des équations différentielles, aussi bien ordinaires qu’aux dérivées partielles, problèmes aux valeurs propres, séries de Fourier, méthodes variationnelles… 

En même temps, Charles Blanc crée l’ « Institut de mathématiques appliquées » (IMA) destiné à promouvoir la recherche ainsi qu’à offrir des services aux différentes sections de l’École, à des bureaux d’ingénieurs et à l’industrie. Équipé initialement de tables numériques et  d’appareils graphiques (planimètres, intégraphe, analyseur de Fourier), l’IMA acquiert, dès 1955, des calculateurs mécaniques permettant d’effectuer les quatre opérations et les produits scalaires. Pierre Banderet (  1919-2008) chef des travaux et plus tard professeur à l’Université de Neuchâtel était un expert dans le maniement de ces machines. Pour la construction d’un barrage, par exemple, il avait résolu un système linéaire d’ordre 30, à matrice pleine, par la méthode d’élimination ; cela supposait une organisation stricte, de la ténacité et du temps (trois semaines !) : un exploit pour l’époque. 

1958 marque le début du « calcul électronique ». D’une curiosité insatiable, Charles Blanc, quelques années plus tôt, avait envoyé son chef de travaux en exploration à Cambridge pour s’initier à la programmation de l’ordinateur EDSAC. En partenariat avec l’Institut de photogrammétrie, l’IMA fait l’acquisition d’une « ZEBRA ». Conçue par un informaticien génial et réalisée par un constructeur qui l’était malheureusement moins, elle se programmait aisément grâce à un code interprétatif ; le tambour permettait la mémorisation de 1236 instructions et de 1236 nombres en virgule flottante. Le chef de l’IMA s’était pris de passion pour cet instrument ; en cas de panne, hélas fréquents, il consultait les énormes volumes contenant les schémas, essayait de localiser le problème, souvent avec succès, et changeait l’ « élément » défectueux ; il en résultait un gain de temps précieux. Pierre Banderet, toujours lui, prit un bâton de pèlerin pour prêcher, avec beaucoup de succès d’ailleurs, la bonne nouvelle du calcul électronique et obtenir des fonds permettant le financement de la ZEBRA. Parmi les contributeurs, on peut citer BBC, NESTLE ; SECHERON… 

Pendant près de 25 ans, Charles Blanc a donné le cours de calcul différentiel et intégral aux étudiants mathématiciens et physiciens de la Faculté, aux actuaires HEC et aux ingénieurs de toutes les sections, architectes et chimistes exceptés. Le cours était important par l’ampleur de la matière, le poids aux examens, la charge hebdomadaire (six heures de cours, deux heures d’exercices) et le nombre d’étudiants (130). Charles Blanc aimait à faire partager son goût de la précision et de la rigueur. Son autorité naturelle lui valait l’estime de l’auditoire ; elle était renforcée par sa réputation, quelque peu exagérée, mais qu’il se plaisait à entretenir, de connaître nommément chacun de ses étudiants dès le premier cours. 

Bien qu’excellent enseignant, Charles Blanc abhorrait le terme de « pédagogue » ; il ne manquait pas une occasion de citer la bande dessinée de Töpffer « Histoire de Monsieur Crépin ‘  »(1827) dont le héros tient des propos aussi ubuesques qu’iconoclastes sur la pédagogie (en visitant « l’institution Parpaillozzi dont la méthode est de faire autrement qu’ailleurs »). Il prônait les mathématiques actives, résolution de problèmes ou recherche, qu’il opposait aux mathématiques contemplatives, ce qui ne l’empêchait pas d’être très sensible à l’élégance d’une démonstration!  

Si l’enseignement et les contacts avec le monde économique faisaient partie de ses préoccupations essentielles, Charles Blanc attachait une importance tout aussi grande au développement scientifique de son Institut de mathématiques appliquées. Après l’analyse numérique et l’informatique, il s’initie à un domaine nouveau, la recherche opérationnelle, lors d’un congrès de l’ORSA (Operations Research Society of America) en 1966. Il acquiert immédiatement la conviction qu’il faut développer et enseigner cette branche des mathématiques appliquées. C’est ainsi que s’est introduite à l’École la théorie des graphes dont la paternité est d’ailleurs attribuée à Euler. Parmi les nombreuses thèses qu’il a dirigées dans ces différents domaines, on peut citer celles de Charles Rapin, Dominique de Werra, André Probst, Pierre Bonzon qui embrasseront la carrière académique. Il concentre son intérêt personnel sur les problèmes différentiels et leur résolution numérique, en privilégiant les formulations variationnelles ; il n’est donc pas étonnant que la « méthode des éléments finis » soit ainsi devenue un thème prioritaire des mathématiciens de l’École polytechnique. Il est l’auteur de plusieurs articles en analyse numérique, suite, en particulier à deux subsides du Fonds national. Il a publié deux ouvrages : Les équations différentielles de la technique (1947), et plus tard Équations aux dérivées partielles (1976). Le plus célèbre de ses polycopiés est le « pavé » « Calcul différentiel et intégral » (340 pages), souvent réédité et complété et qui  a suscité l’admiration et parfois la souffrance de générations d’étudiants. 

Leonhard Euler représentait sans doute pour Charles Blanc l’idéal du mathématicien. Pendant de nombreuses années, il a participé très activement à l’édition critique de l’œuvre monumentale de ce génie. Sa connaissance du latin lui a permis d’écrire le commentaire de huit volumes (dont deux avec Pierre de Haller) consacrés à divers problèmes de mécanique. Ce travail témoigne de sa grande ouverture d’esprit et de sa culture humaniste. 

Sous le régime de l’EPUL, les professeurs de mathématiques jouissaient d’un statut assez étrange ; ils étaient automatiquement membres de la Faculté des sciences. L’entente entre les mathématiciens des deux institutions était exemplaire ; tous avaient à cœur le développement de leur discipline. Le fait que Charles Blanc ait été doyen de la Faculté des sciences de 1956 à 1958 le confirme. Cependant à l’approche de la fédéralisation de l’École polytechnique en 1969, le ciel de ces relations s’est assombri rapidement. Georges de Rham, chef de file des cinq professeurs de mathématiques de la Faculté envisageait pour la future EPFL un petit groupe d’enseignants assumant les cours de mathématiques des ingénieurs. Charles Blanc , appuyé par Jean de Siebenthal, Jean Descloux et Heinrich Matzinger, nommé en urgence à la suite d’une démission, demandait la création d’un véritable département, responsable de la formation d’étudiants mathématiciens. Le choc fut assez rude. Il faut dire que l’esprit de l’époque n’était pas favorable à la conciliation. De nombreux mathématiciens sentaient encore le désir de libérer leur discipline de l’emprise de la physique. Leur besoin d’émancipation s’accompagnait parfois d’une teinte de condescendance, voire d’agressivité lorsque, dans le sillage de mai 68, on associait les mathématiques appliquées aux armes atomiques ! Non sans difficultés, les autorités fédérales adoptèrent finalement le plan élaboré par Charles Blanc. Une convention fut signée selon laquelle la Faculté des sciences s’occuperait exclusivement de mathématiques pures, tandis que l’École polytechnique se consacrerait aux mathématiques appliquées ; de plus les étudiants des deux sections de mathématiques devraient suivre en commun une partie des cours du premier cycle. Malgré sa grande estime pour Georges de Rham, Charles Blanc pensait que la rupture était nécessaire pour assurer le développement de l’École polytechnique. Mais en même temps, toujours visionnaire, il entrevoyait déjà le temps des retrouvailles…Pour bien marquer le caractère appliqué du plan d’étude de la nouvelle section, Charles Blanc souhaitait que le diplôme portât la mention « ingénieur mathématicien ». Cette proposition suscita de fortes oppositions, émanant cette fois-ci des sections traditionnelles de l’École, mais les arguments en sa faveur l’emportèrent finalement. 

Grâce à l’appui de Maurice Cosandey, premier président de l’EPFL, le Département de mathématiques prit un essor fulgurant, ce qui ne manqua pas de créer quelques tensions de nature culturelle. Mais tous les professeurs, anciens ou nouveaux, travaillaient au développement du Département, en particulier en proposant aux ingénieurs des nouveaux cours de mathématiques. Dans ce grand chamboulement, l’IMA n’avait plus sa raison d’être, avec son côté familial, café en commun deux fois par jour, dans un bar hors de l’École le samedi matin, gâteau le jour de la saint Charles…  

En 2003, les mathématiciens, physiciens et les chimistes de la Faculté des sciences rejoignent leurs collègues à l’EPFL.  L’opération se fait sans douleurs, dans la bienveillance générale. En redonnant aux mathématiques appliquées sa place traditionnelle historique, Charles Blanc a certainement contribué à cette harmonie retrouvée. 

En 1975, Charles Blanc prend sa retraite. Veuf depuis quelques années, il s’éteint paisiblement en 2006 à l’âge 96 ans. 
 

        Jean Descloux, Dominique de Werra, professeurs honoraires.

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