INITIATIVE
POPULAIRE POUR UNE RÉFORME MONÉTAIRE “MONNAIE PLEINE”
LE
MESSAGE DU CONSEIL FÉDÉRAL :

UN
CONSTAT D’IGNORANCE OU DE MAUVAISE FOI…. OU LES DEUX À LA FOIS ?

par M. Christian Gomez, banquier, Dr en économie, membre du Conseil scientifique de monnaie-pleine, disciple de Maurice Allais…


Ainsi donc, le
Conseil Fédéral vient  de recommander le
rejet de la Réforme « Monnaie pleine » proposée à la votation du
peuple suisse par des citoyens conscients des tares irrémédiables du système
monétaire actuel.  Il s’agit là d’un
choix éminemment regrettable car la faiblesse des arguments qui appuient cette
décision montre la légèreté avec laquelle celle-ci a été prise. Elle parait
refléter en effet une grande médiocrité dans une réflexion tétanisée par toute
innovation qui l’éloignerait des sentiers battus et la distinguerait d’une
pratique usuelle qui, pourtant, a montré tous ses dangers et toutes ses limites
durant toute son histoire et, plus particulièrement, dans la dernière crise qui
se prolonge encore aujourd’hui, dix ans après son commencement.  Elle montre aussi une soumission aux intérêts
en place sans aucune réflexion, aucune distanciation, pour différencier
l’intérêt général et les intérêts particuliers, toujours égoïstes et à courte
vue.  Elle traduit surtout une incompréhension totale des principes de la
réforme et des raisonnements économiques qui la fondent,
tels qu’ils ont
été élaborés par les économistes les plus brillants de l’histoire de la pensée
économique, ce qui invalide les fondements mêmes de la décision prise.
 Nous en appelons donc aux représentants du
peuple pour qu’ils refusent cette recommandation inepte, dépourvue de bases et
contraire à l’intérêt général, et appuient cette refondation du système
monétaire propre non seulement à sécuriser l’ensemble de notre système de
financement et à réguler plus finement notre évolution économique mais aussi à
rendre plus efficace et plus équitable le fonctionnement de notre système
économique.
Examinons un à un
les principaux « arguments » avancés par le Conseil Fédéral pour en
montrer toute la vacuité.
En quoi « la réforme n’aurait(-elle) guère d’effet
stabilisateur et  l’acceptation de l’initiative obligerait(-elle) la
Suisse à faire cavalier seul et impliquerait(-elle) une réforme profonde et
hasardeuse du système monétaire et du secteur financier suisses, ce qui
comporterait des risques considérables » ?
 Si le CF avait saisi le sens de  la réforme, il aurait compris deux points
essentiels :
·        
D’abord l’effet stabilisateur de
la réforme par rapport au fonctionnement du système actuel qui s’en déduit ipso
facto puisqu’elle donne à l’Autorité Monétaire le pouvoir de réguler au plus
juste la quantité de monnaie en circulation pour que l’économie soit en
permanence sur son sentier d’expansion optimal.
·        
Ensuite, elle n’est en rien
« hasardeuse » puisque le passage de l’un à l’autre système n’a aucun
effet (1) sur le montant de dépôts que les agents économiques suisses auront
décidé de détenir pour mener à bien l’ensemble de leurs opérations et (2) sur
les montants de créances détenus sur l’économie par l’ensemble du système
bancaire. En fait, dans son principe, le changement s’opère au niveau des
articulations comptables entre la Banque Centrale (la BNS) et les banques dans
le traitement de la monnaie émis par la première.
Cet argument est
d’autant plus surprenant, ce qui montre, soit-dit en passant, l’absolue
ignorance du CF, que le système bancaire fonctionne déjà de facto dans un
système de couverture intégrale des dépôts monétaires par des réserves
bancaires, du fait de la politique monétaire de la BNS qui a entrainé
l’accumulation d’une énorme masse de liquidités dans les bilans bancaires,
liquidités que les banques ne peuvent employer et qui sont donc
« gelés ».  Or, le système de
couverture intégrale des dépôts est le frère jumeau du système proposé par la
réforme !  Sa mise en œuvre
permettrait donc de régler d’un seul coup plusieurs problèmes (1) éponger les
liquidités excédentaires dans le système bancaire, (2) redonner à la BNS barre
sur la quantité de monnaie en circulation, (3) remettre en fonctionnement un
système financier digne de ce nom sans lequel aucun système économique ne peut
fonctionner efficacement, (4) mettre fin à la spoliation scandaleuse de
l’épargne suisse.
En quoi « la création de monnaie sans dette exigée
par l’initiative pourrait (-elle) nuire à la crédibilité de la BNS….Si l’initiative
était acceptée, la BNS ne serait-elle plus en mesure, à long terme, de réduire
la monétaire en vendant ces valeurs patrimoniales »?
Le CF ferait bien
d’essayer de comprendre ce qu’il écrit avant de répéter les arguments fournis
par les « experts » de la BNS qui eux-mêmes ne paraissent avoir bien
saisi les raisons de leur pratique et pensent que leur routine est un mantra
indépassable.  Le point clef est que la crédibilité d’une Autorité monétaire quelle
qu’elle soit dépend de sa capacité à maitriser en toute occasion la masse
monétaire en circulation, dont dépend théoriquement sa maîtrise de l’économie
et de l’évolution du niveau des prix.
Dans le système actuel à couverture
fractionnaire, dans lequel la création de monnaie est d’abord entre les mains
des banques commerciales, il convient donc en théorie (car, du fait de la
crise, il y a loin de la théorie à la pratique) de toujours couvrir l’émission
de monnaie banque centrale (création de réserves bancaires)  par l’achat d’actifs qu’il serait possible de
revendre facilement…et sans pertes en cas de besoin .  D’où  dans les périodes normales, l’utilisation des
titres publics à duration de préférence courte (pour éviter les pertes en
capital) dans le cadre des politiques dite d’ « open market ».
Nous n’ergoterons
pas sur le fait qu’aujourd’hui la BNS « gage » sa création de
liquidité bancaire par des achats de devises qu’elle réinvestit en obligations
étrangères et en ….actions , subissant ainsi un triple risque dû aux
variations des taux de change, des taux d’intérêt et des marchés
boursiers ( !) source des pertes et profits aléatoires qu’elle
affiche régulièrement… Nous n’ergoterons pas non plus sur le fait que,
poursuivant des objectifs de change (hier explicitement, aujourd’hui implicitement),
elle a totalement perdu le contrôle des agrégats monétaires qui, aujourd’hui,
atteignent des niveaux astronomiques eu égard au montant du PIB nominal.  Il suffit de rappeler que, même dans des
situations plus « normales », elle n’a pas non plus le contrôle des
agrégats monétaires car, dans un système de crédit bancaire à réserves
fractionnaires, ce sont les banques qui créent la monnaie en circulation dans
le cadre de leurs opérations de crédit, la Banque Centrale ne pouvant en
dernière instance que ratifier cette dernière en offrant les réserves bancaires
requises. Son seul instrument disponible est précisément de jouer sur le coût
de ces réserves, ce qui est souvent inopérant dans un climat d’euphorie ou du
fait des interactions avec les mouvements de capitaux internationaux.
Par rapport à un
tel « système », dont les dysfonctionnements sont patents en toutes
circonstances, la  réforme monétaire
proposée apporte des solutions indiscutables.
·        
En situation de taux de change
flexible, la politique monétaire est strictement indépendante. La réforme
permet de réguler aussi finement que possible la masse monétaire en
circulation, à la hausse comme à la baisse, à travers une interaction
automatique entre la politique monétaire et les impulsions budgétaires ainsi
que la les interventions usuelles de l’open-market.
·        
En situation de fixation d’un taux
de change objectif, la situation devient plus complexe puisque l’action sur le
marché des changes  peut perturber la
régulation monétaire. Mais, finalement, celle-ci est moins complexe que dans le
système actuel, car il est possible de neutraliser par des instruments adéquats
toute injection de monnaie inopportune.
En quoi, dans le cadre de la réforme monétaire, « la
BNS serait(-elle) davantage l’objet des convoitises politiques » et, plus
largement, de tous les groupes d’intérêt ?
Bien entendu, les
sous-entendus suggérés par le CF au sujet des interférences politiques qui
pourraient influer sur les orientations de la politique monétaire n’ont
aucunement  lieu d’être. En effet,  les grands principaux guidant celle-ci
seraient inscrits dans la Constitution et 
la BNS devrait rendre compte de son action devant le parlement, comme le
fait le Federal Reserve Board chaque année devant le Congrès.
Dans une structure
politique de type suisse, aucun parti ne pourrait pousser la BNS à des
politiques monétaires laxistes pour en tirer un quelconque  profit électoral et, en tout cas pas plus
qu’aujourd’hui quand des mouvements critiquent les actions de la Banque
centrale.
Par ailleurs, les
interventions de groupes d’intérêt ont bien plus de raisons  d’intervenir dans la situation actuelle pour
peser sur l’orientation des taux d’intérêt ou des taux de change ou influer sur
les décisions en matière de politique prudentielle.
En quoi, la réforme aurait-elle toutes les conséquences
négatives énumérées comme dans un catalogue d’idées reçues toutes aussi
injustifiées et vides de sens économique  les unes que les autres ?
Répertorions-les :
1-     
« La réforme monétaire pourrait réduire considérablement le champ
d’activité des banques, puisque ces dernières n’auraient plus le droit de
financer l’octroi de crédits par des dépôts à vue…. »
 Précisons pour le CF les principes de base de
la création monétaire : en « finançant » un crédit par un dépôt
à vue, une banque ne lève pas une ressource sur le marché mais émet une dette
sur elle-même qui va circuler, permettant au bénéficiaire du crédit (et à la
banque elle-même à travers l’intérêt qu’elle prélève) de prélever sur la
production existante sans y avoir contribué, ce que de grands économistes
(Maurice Allais, Prix Nobel 1988) ont comparé à l’activité de faux-monnayeurs.
Ce qui est très différent d’un financement par l’épargne courante dans lequel
il y a transfert (et non création) de pouvoir d’achat.
Dans le cadre de la
réforme, aucun agent privé (les banques) ne peut plus créer de la monnaie
ex-nihilo en générant ainsi un profit pour lui-même  du fait d’un privilège octroyé au détriment
de la collectivité. Mais, les banques ne voient pas restreindre leur activité :
·        
Le niveau des créances inscrites à
leur bilan, et donc leurs revenus, ne varie pas ;
·        
Simplement, pour les nouvelles
opérations, elles devront, comme elles le font déjà pour une large part de
leurs opérations, faire appel à des ressources d’épargne de tous types (dépôts,
titres de créance négociables) et de toutes échéances pour pouvoir les reprêter
en y prélevant une marge rémunérant leur service d’intermédiation.
Aujourd’hui, les banques sont créatrices de monnaie et
intermédiaires financiers.  La réforme a
pour but que la première fonction, la création de monnaie, revienne, avec ses
bénéfices, à la collectivité suisse et que les banques soient ramenées à ce
qu’elles n’auraient jamais dû jamais cesser d’être : des intermédiaires
financiers collectant l’épargne  et la
redistribuant.

2-     
« Les banques seraient par conséquent obligées de recourir à
d’autres sources de financement, éventuellement plus risquées »
Il s’agit ici d’une des assertions les plus
sottes du message fédéral qui peut montrer en fait l’existence de deux
problèmes :
·        
Soit une incompréhension totale
des mécanismes sur lesquels le CF prétend donner son avis, auquel cas elle
signale une incompétence rare  et c’est d’une extrême gravité:
         
Comment un débiteur (la banque)
peut-il être en risque sur son créancier (le déposant ou le prêteur en général)
?  Selon le sens commun, il s’agit dans
tous les cas du contraire……(!)
         
Est-il possible que le CF ne
comprenne pas que la source de financement la plus risquée pour une banque est
celle qui est la plus liquide, donc celle qui peut être retirée à tout moment
par son détenteur (le déposant à vue), et que c’est pour cela que, précisément,
il faut que la puissance publique l’assure( !) ?
·        
Soit, par l’emploi d’adjectifs
comme « risquées » , le CF cherche-t-il simplement à instiller la
peur du changement chez des parlementaires et des citoyens qui auraient du mal
à saisir les principes de la réforme et les bénéfices que la collectivité
pourrait en tirer, auquel cas c’est l’ensemble du message qui serait vicié par
la volonté de recourir non à des raisonnements rationnels mais à des réactions
émotionnelles.
3-     
En quoi « la réforme augmenterait (-elle) le coût du trafic des
paiements pour les clients ?
Il s’agit ici d’une
pure pétition de principe sans aucune démonstration.  La gestion des moyens de paiements est, dans
toutes les banques, une ligne-métier à part entière avec ses recettes, ses
coûts, sa profitabilité. Par son incidence, la réforme obligerait les banques à
une compétition accrue entre elles dans ce domaine et ouvrirait le marché à de
nouveaux concurrents venus d’autres horizons (Fintechs, grands opérateurs de
l’internet, des télécommunications….), ce qui ne pourrait avoir pour
conséquence qu’une réduction drastique du coût d’utilisation des moyens de
paiement. Encore un argument sans valeur et aisément retournable.
4-     
En quoi « les banques de petite taille, qui réalisent une grande
partie de leurs revenus grâce aux opérations d’intérêts, seraient
particulièrement touchées par l’augmentation des coûts ?
Cette assertion du
CF peut se juger à deux niveaux, tous deux dommageables pour sa crédibilité.
·        
Premier niveau :  l’incompréhension de ce
qu’est la création monétaire.
 Bien entendu, les banques privées (Gestion de
fortune) n’entrent pas dans le champ de la réforme car elles ne gèrent aucun
moyen de paiement et les opérations dites « lombard » continueront
comme auparavant car il s’agit de prêts gagés réalisés sur ressources
d’épargne.
Quant au petites banques commerciales, elles ne gèrent,
chacune, qu’une part très minoritaire des moyens de paiements.  Une banque dont les dépôts à vue ne
représentent que x% (disons 2%) des dépôts à vue sait que les crédits non
couverts par des ressources stables qu’elle peut offrir sont limités car pour
tout 100 de dépôts créés ex-nihilo  elle
subira 98 de sorties de son circuit qu’elle devra financer en empruntant sur le
marché monétaire alors que les lignes de crédit dont elle dispose auprès des
autres banques sont limitées. Sa création monétaire sera donc limitée aux retombées
de la création monétaire des grandes banques, n’offrant de crédit qu’en liaison
avec le montant de ses réserves à la BNS et, pour son expansion, elle
s’efforcera d’attirer les dépôts stables, c’est-à-dire les dépôts d’épargne.
Dans les deux cas, elle se comporte déjà, approximativement, selon les
principes de la réforme et, qui plus est, celle-ci la confortera en égalisant
les conditions de la concurrence avec les grandes banques.

Encore une fois, le CF manque complètement sa cible.

·        
Deuxième niveau :  Une incompréhension des
bénéfices liés la création monétaire

En avançant l’argument que la réforme monétaire
réduirait les bénéfices des petites banques, 
il est possible de supposer que le CF pense qu’il en est de même pour
les plus grandes.  Il y a donc bien des
bénéfices liés à la création monétaire. Le problème est qu’il ne s’interroge
pas, par ignorance ou par cynisme, sur la justification de ces bénéfices.
Pourquoi les bénéfices de la création monétaire iraient-ils à des opérateurs
privés alors que « battre monnaie » a toujours été dans l’histoire un
privilège régalien par excellence. 
Pourquoi les banques bénéficient-elles de ce privilège ?  En n’y répondant pas et en considérant qu’il
s’agit d’un « fait de nature », le CF montre bien qu’il arbitre par
principe en faveur d’intérêts particuliers au détriment de ceux de la
collectivité. Une décision lourde de conséquences.

5-     
En quoi « si la demande de crédits ne pouvait être satisfaite à
l’aide d’autres sources de financement, la BNS devrait (-elle) consentir des
prêts aux banques » ?
 Apparemment, les notions du CF en matière de
macro-économie sont assez nébuleuses, pour ne pas dire inexistantes. Essayons
de remettre de l’ordre dans les idées de ce dernier sur un des points les plus
essentiels de la macro-économie : l’équilibre épargne-investissement.
·        
Cas d’une économie en situation de
plein emploi : Dans ce cas si la demande 
de crédits excédait l’offre d’épargne, cela signifierait que l’économie
serait en déséquilibre (trop d’injection de monnaie ou tendance à la
déthésaurisation) et qu’il ne faudrait surtout pas que la BNS intervienne pour
que la hausse des taux d’intérêt fasse son œuvre.
·        
Cas d’une économie en situation de
sous-emploi : Dans ce cas, une situation d’ »insuffisance
d’épargne » ne pourrait résulter que d’une propension trop forte à
thésauriser et, donc, la BNS serait bien inspirer de nouveaux moyens de
paiement par toutes les voies possibles, y compris en offrant par adjudication
des ressources aux banques.
Si l’idée du CF est
de suggérer que la réforme pourrait raréfier le crédit aux entreprises, en
particulier aux PME, et aux ménages, elle est particulièrement mal venue :
         
Le crédit aux entreprises, a
fortiori aux TPE-PME, représentent une part extrêmement faible des bilans
bancaires
         
Pour les ménages, le crédit à la
consommation est quasiment inexistant  et
s’il s’agit du crédit hypothécaire, tout financement autre que sur ressources à
long terme ne peut qu’engendrer la spéculation et la hausse des prix ( ce qui
est malheureusement le cas)

Dans le cadre de la réforme, il n’y aucun risque de
raréfaction du crédit au niveau global : tout volume du crédit
compatible avec l’équilibre économique général de plein emploi sera
nécessairement financé.

5b–   En quoi, « le volume des crédits serait
(-il) en partie géré de manière centralisée par la BNS » ?
En aucun cas bien sûr. Et cette assertion, qu’elle soit
mal informée ou mal intentionnée,  vise
simplement à instiller dans l’esprit du lecteur/citoyen que la réforme
débouchera sur un monstre bureaucratique, sorte de « Gosplan » à la
mode suisse. Rien n’est plus faux.
  
Si le CF avait des connaissances plus approfondies, il
saurait que, même dans le système actuel, le rôle de la Banque Centrale est
d’essayer de contrôler la masse monétaire en modifiant la distribution de
crédit des banques puisque ce sont eux qui créent la monnaie…..Et, elle le fait
par des interventions sur le marché monétaire par des injections ou des
retraits de liquidités.  Apparemment, le
CF n’a jusqu’à présent jamais accusé la BNS de gérer le crédit par voie
bureaucratique.

Dans le cadre de la réforme, si la BNS a à intervenir,
elle le fera pareillement à travers des variations de la liquidité de
l’économie, selon la voie qui lui paraitra la plus adéquate au moment de son action,
mais jamais en interférant avec le processus de distribution du crédit qui
restera dans sa totalité entre les mains des banques. Où se trouve le monstre
bureaucratique si ce n’est dans l’imagination très orientée des membres du
CF ?
                                                                                 ******
Pour justifier son refus, le Conseil Fédéral termine son
message par une autojustification  des
mesures prises pour renforcer les banques, satisfait de suivre les directives
dictées par d’autres, en l’occurrence les directives dite « Bâle 3 »,
comme ses prédécesseurs le furent pour « Bâle 1 » avec son
célèbre « ratio Cooke » ou avec « Bâle 2 » et son beaucoup
plus éphémère « ratio Mc Donough », avant que de nouvelles crises ne
viennent doucher les espoirs de réforme d’un système monétaire irrémédiablement
vicié.  Ce faisant, il en oublie tout
esprit critique et préfère passer sous silence les questions essentielles
que pose le nouveau système réglementaire et prudentiel, par exemple les
questions suivantes :
         
Qu’est-ce qui prouve que le niveau
actuel de capital (capital « dur » et « contingent »), pour
banques systémiques et autres,  est
suffisant alors que des experts d’une envergure au moins  comparable à celles des concepteurs de
« Bâle3 » le contestent sur la base d’arguments extrêmement forts[1] ?
         
Compte tenu des phénomènes
d’interconnections et de contagion qui caractérisent le fonctionnement bancaire[2],
qu’est-ce qui prouve que les Etats, et donc les citoyens/contribuables, seront
protégés dans le cas de l’effondrement de banques systémiques, du type Deutsche
Bank ?
         
Qu’est-ce qui prouve que le coût
global de fonctionnement  n’est pas
insupportablement élevé alors que, pour tenter de contrôler un système
monétaire et bancaire éminemment instable, les mécanismes de régulation,
réglementaires et prudentiels, ont été multipliés avec tous les appareils
bureaucratiques, externes et internes aux banques, requis ?
         
Qu’est-ce qui prouve que le
nouveau système, qui lie le montant des créances détenues au bilan, donc les
crédits à l’économie,  au niveau du
capital, assurera une alimentation optimale du système économique en monnaie et
en crédit pour la maintenir sur un sentier de croissance équilibré ?
         
Qu’est-ce qui prouve que le
fonctionnement du nouveau système ne discriminera pas massivement  toutes les entreprises non classifiées dans
les catégories « Investment grade », c’est-à-dire l’écrasante
majorité des entreprises, a fortiori les TPE/PME, dont le financement sera le
plus couteux en termes de capital ?
         
Qu’est-ce qui prouve que tous les
dispositifs prudentiels visant certains secteurs, le secteur de
l’investissement résidentiel et non résidentiel en particulier, n’entraineront
pas des effets pervers dans l’allocation du capital du système économique,
altérant son efficacité et donc sa productivité à court/moyen/long terme ?
 ………

En fait, le réquisitoire qui pourrait être construit
contre le système actuel et toutes les mesures prises pour le sauvegarder
serait autrement plus consistant et argumenté que celui péniblement élaboré par
le Conseil Fédéral

                                                                                 
***************

En conclusion, l’analyse du message du Conseil Fédéral
montre qu’il n’y a pas un seul, nous disons bien un seul, argument
avancé par lui pour rejeter la réforme « monnaie pleine », qui puisse
résister à un examen un tant soit peu approfondi.  Ils sont tous le fruit de raisonnements
fondés sur l’ignorance des mécanismes économiques et/ou  sur la mauvaise foi vis-à-vis d’une réforme
qui dérange parce qu’elle est incomprise et vue comme mettant en cause des
intérêts particuliers bien représentés au Conseil Fédéral.  Ce faisant, le CF montre avec clarté qu’il
entend arbitrer ceux-ci contre l’intérêt général. Et, les raisons qu’ils
donnent pour justifier son action en vue d’assurer la stabilité du système
bancaire, outre qu’elles renforcent en creux tous les arguments avancés par les
partisans de la réforme, montrent son souci majeur : Ne pas se différencier
des autres pour s’absoudre de sa responsabilité propre en la dissolvant dans la
responsabilité collective. Qu’importe l’erreur pourvu que l’on puisse la
justifier par un aveuglement collectif, comme ce fut le cas en 2008….  C’est
donc aux citoyens suisses de se montrer à la hauteur de leur responsabilité
historique en ramenant leurs dirigeants sur la voie de l’honneur et de la
recherche du bien commun. Or, la monnaie est le bien commun par excellence et
il est temps que sa maitrise revienne au peuple suisse.


Christian Gomez, Docteur en Sciences économiques, ancien universitaire, ancien banquier (ex-CEO-Suisse d’une grande banque internationale) :


« En matière monétaire et financière, il faut changer de paradigme. Ne plus se contenter de réformes parcellaires, toujours plus coûteuses et toujours aussi inefficaces. Il faut attaquer le noeud central du problème: les mécanismes de création monétaire, ce que fait la réforme de la monnaie pleine. En redonnant à la Suisse sa pleine souveraineté monétaire, elle protège ses citoyens contre les crises financières et économiques et leur redonne tous les bénéfices liés au pouvoir de “battre monnaie”. »


CG/Réponse CF/21-11-16/Draft 1

[1] Anat Admanti, Martin Hellwig : The
Bankers’New clothes, What’s wrong with banking and what to do about it, 2013,
Princeton University Press, 412 pages
[2] Hal S Scott : Connectedness and Contagion,
Protecting the Financial System from Panics, 
2016, MIT Press, 440 pages



http://desiebenthal.blogspot.ch/2016/12/monnaies-pleines-3-heures-de-radio.html
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