Débouchons les robinets, libérons la monnaie de ses dogmes, de ses tabous et de ses carcans.

La monnaie, source de vie économique


SOMMAIRE


2.1 – La création monétaire par le crédit
2.2 – La création monétaire liée aux échanges de devises contre monnaie nationale
2.3 – la création et la destruction monétaires propres à l’activité bancaire 

4.1 – Le rôle et la politique de la Banque centrale dans l’Eurosystème
4.2 – Théorie et pratique de l’inflation
4.3 – La monnaie centrale
4.4 – La théorie du multiplicateur
4.5 – Les moyens de la régulation monétaire par la Banque centrale
4.6 – Les banques centrales et la politique dite non conventionnelle

6.1 – Le circuit des transactions courantes
6.2 – Le circuit intra-bancaire
6.3 – Le circuit de la neutralisation monétaire

7.1 – L’épargne bancaire, une épargne morte
7.2 – L’épargne dans un établissement financier, une épargne vive ou active

8.1 – Généralités
8.2 – Le marché monétaire proprement dit

10.1 – L’instrument de mesure
10.2 – L’outil de régulation monétaire



Il est important de dissiper le voile épais qui recouvre les mécanismes de la création et les circuits de fonctionnement de la monnaie. Il est tout aussi important de combattre les théories qui enseignent une conception archaïque et totalement fausse de la monnaie, que les autorités monétaires se gardent bien de dénoncer. Il est vital pour les économies nationales de libérer la monnaie de ses dogmes, de ses tabous et de ses carcans qui servent à notre asservissement par les puissances monétaires. Le moment est venu de rendre le pouvoir monétaire au peuple, c’est-à-dire à ses élus. La monnaie peut et doit être le moyen démocratique d’accès au bien-être pour tous.

Chaque transaction, chaque opération commerciale, financière, monétaire,  fait l’objet d’une écriture comptable spécifique. Aussi, chaque écriture comptable a-t-elle une signification économique précise, c’est pourquoi la comptabilité est un formidable instrument d’investigation et d’analyse économiques et monétaires. Ce qui s’applique tout spécialement à la monnaie scripturale qui est issue d’écritures comptables.


1 – La monnaie et l’organisation du système bancaire


Le système bancaire est composé des Institutions financières monétaires (IFM), soit la Banque centrale et les établissements de crédit et Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) qu’elle dirige.  Les établissements de crédit sont les banques commerciales, les banques mutualistes, les sociétés et institutions financières. En Europe, au sein du Système européen de banques centrales (SEBC) il y a un niveau hiérarchique supplémentaire : la Banque Centrale Européenne (BCE) qui coiffe les Banques Centres Nationales (BCN).
Les établissements de crédit recouvrent donc :

– les banques de dépôts qui créent la monnaie et,
– les sociétés et institutions financières qui se bornent à la faire circuler.

La séparation des unes et des autres n’est pas faite et pourtant elle est essentielle. Les premières créent la monnaie tandis que les seconds ne peuvent que la faire circuler, ainsi que nous allons pouvoir le vérifier. L’amalgame fait ici n’est pas innocent, il relève de l’intention partout présente de dissimuler à l’opinion publique ce qu’est la monnaie, matière éminemment complexe que la puissance monétaire veut absolument conserver taboue.
Sous la pression des autorités monétaires (comment pourrait-il en être autrement ?) le législateur français le confirme avec la loi du 24 janvier 1984 (voir chapitre 5 “Les banques et établissements financiers”)
Ainsi, en réalité, le système est composé d’une Banque centrale, ou d’un groupe de banques centrales en Europe, de banques de dépôts créatrices de monnaie et d’établissements financiers.
Rappelons que la monnaie est classée en deux catégories qui se distinguent par leur caractère concret ou abstrait :
  • la monnaie fiduciaire, comprenant,

    – la monnaie divisionnaire, ce sont les pièces de monnaie,
    – la monnaie papier, ce sont les billets,

sa forme même lui donne son caractère concret. Elle peut se transmettre comme n’importe quelle marchandise. Elle est faite pour circuler et circule hors du champ bancaire,
  • la monnaie scripturale,
Elle est créé, soit :

– par la Banque centrale, et on l’appelle alors monnaie centrale,
– par les banques commerciales, et on l’appelle alors monnaie secondaire ou bancaire, pour bien marquer la hiérarchie entre les deux.

On verra qu’elles s’échangent dans deux zones distinctes, comme s’il s’agissait de compartiments étanches. C’est une particularité de la monnaie scripturale.
La monnaie centrale ne s’échange qu’entre titulaires de comptes ouverts à la Banque centrale : les banques et le Trésor. De même que la monnaie secondaire ne s’échange qu’entre titulaires de comptes ouverts dans une banque de dépôts : les agents non bancaires (ANB).
Scriptural, du latin scriptura selon le petit Robert, qui avait autrefois pour signification : “relatif à l’écriture sainte”. Comment ne pas y voir le symbole du caractère ésotérique de la monnaie ? Traitant de valeurs et de chiffres, monnaie scripturale peut se traduire par monnaie issue d’écritures comptables. Elle est effectivement créée, transférée et détruite par voie d’écritures comptables, et c’est ce qui lui confère son caractère abstrait. Elle ne sort pas du champ bancaire et pour se transmettre elle nécessite un support : chèque, virement, lettre de change, carte bancaire ou autre support magnétique, etc.
La somme des monnaies fiduciaire et scripturale secondaire (dépôts à vue DAV) en circulation constitue une masse monétaire appelée agrégat. Cet agrégat est désigné sous le symbole M1. Il est assez facile à mesurer.
La part relative de la monnaie fiduciaire dans la masse monétaire M1 s’est abaissée au cours des dernières décennies au profit de la monnaie scripturale. Cela veut dire que le public utilise, pour ses transactions courantes, de moins en moins les espèces au profit des instruments de paiement mettant en œuvre de la monnaie scripturale.
Quand on sait ce que coûte aux banques l’approvisionnement du public en monnaie fiduciaire, on comprend qu’elles aient imaginé et mis au point toutes sortes de dispositifs pour en réduire l’usage, et elles y ont réussi, en partie seulement car le porte monnaie électronique n’a pas eu le succès escompté.
Insensiblement donc, les ménages ont abandonné le bas de laine de leurs ancêtres, et en même temps se sont organisé dans un univers monétaire plus abstrait. Avant le passage à l’euro, la monnaie scripturale représentait en France 86% environ de la masse M1 en circulation, contre 70% en 1969.


2 – La création monétaire


La création monétaire dépend de la forme de la monnaie. Ainsi,

– la monnaie divisionnaire (les pièces) est frappée en France par l’Administration des Monnaies et Médailles, sous le contrôle de la Banque de France. Elle est mise en circulation par celle-ci qui en crédite le Trésor Public ; depuis l’avènement de l’euro, cette monnaie fait l’objet de quotas fixés par la Banque Centrale Européenne (BCE) par pays,

– la monnaie papier (les billets) est généralement fabriquée et mise en circulation par la Banque Centrale du pays d’émission, sur la base de quotas fixés ici également par la BCE pour la zone euro,

– la monnaie scripturale est créée par la Banque Centrale ou Institut d’émission, que l’on peut qualifier aussi de “Super-banque”, et par les banques de dépôts, dans des conditions exposées plus bas.

Les billets émis et en circulation sont portés au passif du bilan de l’Institut d’émission, constatant ainsi une dette envers leurs détenteurs. C’est plus une affaire de comptabilité qu’une véritable dette, dette de quoi ? Sûrement pas de rembourser en or ou en devises. Seulement de remplacer les vieux billets usagés par des neufs ou de les échanger contre une nouvelle monnaie en cas de changement (franc contre euro, par exemple). La Banque de France ne nous garantit même pas la conservation de sa valeur contre l’érosion monétaire.
Certains supposent que la monnaie fiduciaire est une monnaie permanente. Par monnaie permanente, il faut entendre une monnaie qui n’est pas issue d’une dette. Pour en être tout à fait sûr, il faudrait se poser la question de savoir s’il resterait de la monnaie fiduciaire après le remboursement de toutes les dettes à l’appareil bancaire.
Si vous lancez une recherche sur le site de la Banque de France sur “création monétaire” vous serez surpris de constater qu’il n’existe aucune véritable réponse à la question. Comment peut-on passer sous silence, au cœur même de l’Institut chargé de l’émission monétaire, un sujet aussi important et vital pour l’économie ?
Le pouvoir de création de monnaie scripturale est reconnu à la Banque centrale (cela va de soi). Mais il est aussi “abandonné” aux banques de dépôts. Il s’exerce par le fait que ces banques, à l’instar de la Super-banque, ont la faculté de “tirer” sur elles-mêmes, au sens le plus large du terme. C’est là un fait capital dont on ne semble pas ou ne veut pas mesurer toute la portée. En termes techniques, “tirer” sur soi pour une banque veut dire qu’elle n’a aucun besoin d’un compte approvisionné, comme tout un chacun, pour s’acquitter de ses dettes. Elle tire sur ses propres caisses et on verra plus loin que ce terme de “tirer sur ses caisses” a une portée fantastique, presque illimitée.
Le pouvoir de créer la monnaie donne aux banques, en théorie, celui d’acheter n’importe quel bien en n’importe quelle quantité en s’acquittant de leur dette, ainsi que nous allons le voir, par la simple inscription du montant de la transaction au crédit du compte du vendeur ou cédant, directement (compte ouvert dans la banque) ou indirectement (par le biais de la compensation). C’est un aspect caché et inavoué de la création monétaire qui nuit à la mesure de la masse en circulation, comme on le verra également plus loin.
Ce pouvoir absolument formidable, s’accompagne évidemment d’une réglementation qui se veut stricte (cf. Les principales dispositions de la réglementation bancaire française). Elle fixe notamment un ratio de solvabilité qui limite le montant des engagements auxquels une banque peut s’exposer.
Voyons à présent comment est créé la monnaie scripturale.
Il existe 3 sources de création de monnaie scripturale, que pratiquent tant l’Institut d’émission que les banques de dépôts :
  • le crédit consenti,
  • l’achat de devises étrangères,
  • l’activité propre des banques (centrale ou de dépôts), si la somme de leurs actifs propres est supérieure à celle de leurs passifs propres,
La destruction s’opère à l’inverse, quand les crédits sont remboursés, quand les devises sont cédées ou revendues et enfin quand les actifs propres sont inférieurs aux passifs propres.
Si les deux premières sont bien connues des spécialistes, il n’en va pas de même de la troisième source sur laquelle il règne le silence d’un cimetière !
La caractéristique de cette troisième source de création et de destruction monétaires, est que la banque monétise ses dépenses (pertes) et démonétise ses recettes (profits), ce que jusqu’à présent personne n’a compris ou osé dire. Ainsi, par exemple, elle crée de la monnaie quand elle verse les salaires de son personnel en créditant leurs comptes et elle détruit de la monnaie lorsqu’elle débite les comptes de ses clients des intérêts, agios et autres frais qui lui sont dus. Bref, la banque monétise chaque fois qu’elle achète et qu’elle paie et démonétise chaque fois qu’elle vend et qu’elle encaisse.
Prenons l’exemple de l’activité d’assurance de la BNP. Elle détruit de la monnaie lorsqu’elle encaisse les primes de ses clients (débit de leur compte) et la crée quand elle les reverse à sa filiale – la Cie d’assurance – (crédit de son compte) pour le compte de laquelle elle les a encaissées.
La création ainsi que la destruction de monnaie scripturale par les banques (centrales ou commerciales) obéit à une règle générale que l’on peut écrire comme suit :
Toute augmentation de l’actif, toute dépense et toute diminution du passif de ces banques se traduisent nécessairement par une création monétaire, tandis que toute augmentation de leur passif, toute recette et toute diminution de leur actif, se traduisent symétriquement par une destruction monétaire. Car, ces opérations se font ou se défont par l’inscription, dans un sens ou dans l’autre, directement ou indirectement, aux comptes de dépôt à vue (DAV) des banques par la Super banque et aux comptes de dépôt à vue (DAV) des agents non bancaires par les banques.
L’Institut d’émission et les banques procèdent donc de même pour émettre la monnaie. La différence est que la Super-banque crée de la monnaie centrale, à destination des banques, tandis que les banques de dépôts créent de la monnaie secondaire, à destination des agents non bancaires (ANB), dont font également partie les établissements financiers. Notons que les banques centrales de la zone euro ne sont pas autorisées par la loi à émettre de la monnaie en faveur de leur Trésor Public. Celui-ci doit faire appel aux marchés pour se financer.
On examinera tout d’abord les opérations monétaires que pratiquent les banques commerciales avec les agents non bancaires, en reprenant les trois sources de la création monétaire que sont les concours des banques à l’économie : le crédit, les échanges de devises contre monnaie nationale et l’activité propre des banques.
Les opérations monétaires de l’Institut d’émission et ses relations avec les banques de dépôts seront analysées au chapitre 4 “La Banque centrale”.
2.1 – la création monétaire par le crédit
La forme la plus couramment admise de la création monétaire réside dans le crédit accordé par les banques aux agents non bancaires.
Qui n’est allé trouver son banquier pour obtenir un prêt, soit pour acheter une nouvelle voiture, soit pour faire de gros travaux dans son habitation, soit encore pour acquérir un logement ou pour tout autre motif ? Comme notre compte se trouve dans une banque de dépôts, voici comment notre banquier procède pour mettre à notre disposition, par exemple, la somme de 10.000 euros qu’il nous a accordée après étude de notre dossier. Il va tout simplement créditer notre compte du montant du prêt. Il ne faut pas croire qu’il va chercher à se procurer les fonds nécessaires (même s’il s’agit de dizaines ou de centaines de millions), il n’en a pas besoin, tout au moins dans un premier temps.
Il crée la monnaie correspondante.
Pour cela, il passe une écriture comptable complète. Ce n’est pas plus difficile que cela !
Le banquier inscrit à l’actif de son bilan la créance (engagement de rembourser de l’emprunteur) de 10.000 euros, contrepartie d’une somme de même montant qu’il inscrit au crédit du compte de dépôt à vue (DAV) de son client A, à son passif. On aura ainsi :
Banque X                                                                                                                          Schéma 1
ACTIF
PASSIF
Créance sur agent A
10.000
Compte courant (DAV) A
10.000
C’est ainsi que nait la monnaie scripturale. Par définition, cette monnaie mise à la disposition du client sur son compte courant est une simple promesse de payer faite par la banque.
Tous les banquiers créateurs de monnaie pratiquent de la sorte lorsqu’ils consentent des crédits aux ménages, aux entreprises, à l’étranger ou bien quand ils prêtent de l’argent à des établissements financiers non créateurs de monnaie. La Banque de France faisait de même autrefois, quand elle consentait des avances à l’Etat, avant que cela ne lui soit interdit définitivement par la réglementation européenne (Traités de Maastricht (art.104) et de Lisbonne (art.123).
Il en est ainsi également lorsqu’une banque souscrit à un emprunt obligataire ou rachète un titre de créance (bon du Trésor, par exemple) émis par un agent non bancaire ou bien par l’Etat. Le Trésor Public n’est pas une banque au sens où nous l’entendons, mais un agent non bancaire (ANB) puisqu’il ne crée pas de monnaie scripturale.
C’est ainsi que la banque crée de la monnaie, à la différence de l’établissement financier qui ne fait que prêter de la monnaie dont il dispose sur un compte nécessairement ouvert et approvisionné dans une banque pour ce faire (cf. chapitre 5 infra : “Les banques et les établissements financiers”).
La monnaie est détruite par la banque lorsque les prêts sont remboursés. Au moment du remboursement partiel ou total, le banquier passe l’écriture inverse dans ses livres, annulant ainsi partiellement ou totalement l’écriture d’origine. De même, il passe l’écriture inverse de la précédente lorsque l’emprunt obligataire vient à échéance ou quand il cède à un agent non bancaire le titre de créance précédemment acquis.
Toutefois, la monnaie émise contre une créance, peut être détruite avant son échéance de remboursement par les opérations de titrisation.
Cette technique consiste pour les banques à transformer des créances qu’elles détiennent en valeurs mobilières négociables. Pour cela, elles procèdent à la cession de ces créances – non pas nécessairement hypothécaires comme dans l’affaire des “subprimes” – généralement à des fonds communs de créances (FCC). Ces fonds, établissements financiers souvent filiales des banques elles-mêmes, convertissent ces créances – éventuellement mêlées à d’autres titres – en titres obligataires et les placent sur les marchés financiers.
En cédant les créances (diminution de leurs engagements) les banques améliorent leur ratio de solvabilité et peuvent ainsi accorder de nouveaux prêts, procéder à de nouvelles titrisations et ainsi de suite. La cession des créances pour titrisation correspond à une sortie de l’actif de la banque, ce qui signifie qu’en vertu de la règle générale énoncée plus haut elle entraîne une destruction monétaire. Le compte de l’acquéreur, le FCC par exemple, est en effet débité du montant de l’opération sur son DAV.
Ces opérations de titrisation sont dénouées à l’échéance des créances et donnent lieu alors à destruction monétaire lors du remboursement par l’emprunteur, immédiatement suivie d’une création monétaire correspondant au règlement des fonds dus à l’acquéreur (FCC) par la banque, ceci dans l’hypothèse où la banque est chargée du recouvrement. Le compte DAV de l’emprunteur est débité (destruction) tandis que le compte DAV de l’acquéreur est crédité (création).
On notera que l’augmentation de l’actif bancaire (créances sur l’économie) entraîne un accroissement de la masse monétaire M1, tandis qu’une diminution de l’actif bancaire (remboursement des créances) entraîne au contraire une réduction de la masse M1.
Par ailleurs, les opérations à terme destinées à couvrir les risques de variations des cours de bourse et d’intérêt étant bâties sur le crédit sont accompagnées de prêts bancaires qui donnent lieu à l’émission de monnaie, la destruction s’opérant au terme de la couverture.
Voyons à présent comment s’opère la création monétaire par les banques qui souscrivent à l’émission de bons du Trésor ou d’obligations d’Etat, sachant qu’elles doivent s’acquitter de la transaction en monnaie centrale, puisque le compte du bénéficiaire se trouve à l’Institut d’émission.
On suppose que la banque X détient la provision de 100.000 unités monétaires (UM), montant de la souscription, à son compte à la Banque centrale. On aura alors :
Banque X                                                                                                                       Schéma 2.1
ACTIF
PASSIF
Banque centrale (BC) – Cpte DAV
Titres de placement – Bons
– 100.000
100.000
 Trésor Public                                                                                                                 Schéma 2.2
ACTIF
PASSIF
Banque centrale (BC)- Cpte DAV
100.000
Emission de bons du Trésor
100.000
Ici, la création de monnaie secondaire interviendra dès que l’Etat procèdera à des dépenses à destination d’agents non bancaires (fournisseurs, par exemple). La monnaie centrale sera alors échangée contre de la monnaie secondaire, créée pour la circonstance.
On suppose pour simplifier que la banque X reçoit du Trésor les fonds destinés aux fournisseurs de l’Etat. Ce qui nous donne (les opérations précédentes étant reprises pour mémoire) :
Trésor Public                                                                                                                 Schéma 2.3
ACTIF
PASSIF
Banque centrale (BC) – Cpte DAV
BC – Cpte DAV – virt à banque X
Achats divers
100.000
– 100.000
100.000
Emission de bons du Trésor
100.000
Banque X                                                                                                                        Schéma 2.4
ACTIF
PASSIF
Banque centrale (BC) – Cpte DAV
BC – Cpte DAV – virement du Trésor
Titres de placement – Bons
– 100.000
100.000
100.000


Comptes DAV Divers Fournisseurs

100.000
Il apparaît bien, en définitive, que la souscription par la banque X à l’émission du Trésor Public donne lieu à création de monnaie secondaire dès que l’Etat procède à ses dépenses.
Dans le schéma 1, la monnaie secondaire est créée directement en contrepartie d’une créance sur le client A. Dans le schéma 2, la monnaie secondaire est créée indirectement en contrepartie d’une créance sur le Trésor. C’est ce que montre le bilan de la banque X, dans l’un et l’autre cas.
C’est ainsi que le crédit à l’économie est la première contrepartie de la monnaie, ce qui est fondamental.2.2 – la création monétaire liée aux échanges de devises contre monnaie nationale 
Il y a création monétaire chaque fois qu’un agent non bancaire vend à sa banque des devises étrangères, et destruction monétaire chaque fois qu’il en achète, avec toutefois une exception : l’échange de monnaie fiduciaire nationale contre monnaie fiduciaire en devises est sans influence directe sur la création monétaire. Seuls sont visés ici les échanges portant sur les monnaies dans leur forme scripturale.
Ainsi, par exemple, lorsque l’exportateur cède à sa banque les devises qu’il reçoit de son client étranger, il est crédité d’une somme en monnaie nationale résultant de la conversion d’une monnaie dans l’autre à un cours de change déterminé. En contrepartie du crédit porté au compte de l’exportateur, la banque inscrit les devises à l’actif de son bilan. L’écriture comptable correspondant à cette opération de change se distingue de la précédente à l’actif de la banque : il s’agit dans le premier cas exposé plus haut (schéma 1) d’une créance sur un agent économique X et dans le cas présent d’une devise étrangère que l’on peut assimiler à une créance à vue sur un pays Y.
Prenons l’exemple d’un exportateur, agent A, qui cède à sa banque 1.500 $ qu’il reçoit de son client étranger, il est crédité d’une somme en monnaie nationale (euro) résultant de la conversion d’une monnaie dans l’autre à un cours de change déterminé, supposé ici de 1,5 dollar contre 1,0 euro. En contrepartie du crédit porté au compte de l’exportateur, la banque inscrit les devises à l’actif de son bilan, ce qui nous donne :
Banque X                                                                                                                       Schéma 3.1
ACTIF
PASSIF
a)
Créance sur Banque
américaine (en dollars us)
1.500
a)
Compte $us agent A
1.500
Et après conversion :
Banque X                                                                                                                       Schéma 3.2
ACTIF
PASSIF
a)
Créance en dollars us,
soit contrepartie en euros
1.000
a)
b)
b)
Compte $us agent A
Compte $us agent A
Compte DAV agent A
1.500
– 1.500
1.000
Au contraire, la banque détruit la monnaie quand elle vend les devises contre monnaie nationale aux agents non bancaires. Les écritures comptables sont alors inverses de celles données au-dessus.
Pour les banques de dépôts, les devises étrangères représentent des disponibilités transformables immédiatement en monnaie centrale auprès de l’Institut d’Emission. C’est qu’en effet, la Banque centrale, en dernier lieu, rachète les excédents ou bien cède les insuffisances de devises au plan national. Elle gère ainsi les réserves en devises du pays. Notons ici que les devises passant du bilan des banques à celui de la Banque Centrale, la contrepartie (devises) de la monnaie secondaire passe des banques à la Super-banque, sans que la masse de monnaie secondaire (M1) ne change. La monnaie centrale devient la nouvelle contrepartie de la monnaie émise lors de la transaction initiale.
Seule la Fed, Banque centrale des Etats-Unis, ne détient pas de réserves de devises à proprement parler, exception faite d’un stock d’un montant relativement peu élevé (2,2% de ses actifs en 2006) qui ne saurait avoir le caractère de réserves. Il convient de préciser que les Etats-Unis ne commercent que dans leur monnaie, c’est la raison pour laquelle ils n’ont pas de devises provenant de leurs exportations, comme les autres pays.
Reprenons les schémas 3.1 et 3.2, et supposons que la banque X cède aussitôt ses devises à la Banque de France à un cours inchangé. On a alors :
Banque X                                                                                                                        Schéma 3.3

ACTIF
PASSIF
a)
c)
c)
Créance en dollars us
(soit contrepartie en euros)
Cession à Banque de France
Compte DAV à la Bque de France
1.000
-1.000
1.000
a)
b)
b)
Compte $us agent A
Compte $us agent A
Compte DAV agent A
1.500
– 1.500
1.000
Ce qui nous donne, les opérations soldées une fois éliminées :
Banque X                                                                                                                        Schéma 3.4
ACTIF
PASSIF
c)
Compte DAV à la Bque de France
1.000
b)
Compte DAV agent A
1.000
Il apparaît bien que la contrepartie (devises) de la création de monnaie secondaire par la banque X a été remplacée par de la monnaie centrale que cette banque possède à présent en compte à la Banque de France. La monnaie secondaire n’est pas détruite pour autant.
De même, les achats de devises utilisées pour le règlement d’importations ou pour les voyages à l’étranger (chèques voyage) entraînent une destruction monétaire équivalente, dès lors que ces transactions s’opèrent avec des banques de dépôts.
Il existe une autre forme de création monétaire liée aux opérations en devises. Bien que très technique, elle n’est pas sans incidence sur le volume de la masse monétaire en circulation car elle concerne généralement des opérations de grande dimension.
Lorsque par exemple deux banques de dépôts, appartenant à deux pays distincts, s’entendent sur une transaction dans leurs monnaies respectives à un cours convenu, chacune d’elles crée la monnaie nationale en contrepartie des devises acquises, par une simple écriture comptable (la même pour les deux). Cette transaction qui peut être effectuée en vue de montages financiers, pour le compte de client ou pour le compte de la banque elle-même, entraîne destruction monétaire à son dénouement.
Enfin, comme il en est de toutes les opérations à terme, celles qui sont destinées à couvrir les risques de change s’appuient sur des prêts bancaires qui donnent lieu également à l’émission de monnaie, la destruction s’opérant au terme de la couverture.
C’est ainsi que les avoirs en devises, autre forme de crédit à l’économie, constituent la seconde contrepartie de la monnaie.
2.3 – la création et la destruction monétaires propres à l’activité bancaire 
On vient d’examiner les deux sources, les plus connues dans le milieu des spécialistes, de la création et de la destruction monétaires. Sur la troisième source que l’on aborde à présent, il règne le silence d’un cimetière, a-t-on dit. Et pour cause !
D’une manière générale, le banquier crée ou détruit de la monnaie chaque fois qu’il pratique un échange avec un tiers (agent non bancaire, y compris donc les établissements financiers) dans l’exercice de son activité. Comment pourrait-il en être autrement puisque les banques ne disposent d’aucun compte alimenté comme il en est pour quiconque ! En fait, il débite ou crédite, selon le sens, directement dans ses comptes ou indirectement par le biais de la compensation, les comptes de ces tiers de ses opérations propres. Le lecteur trouvera au chapitre 8.1 toutes informations utiles sur la compensation.
Il faut bien voir qu’au sommet de la pyramide, il n’y a plus d'”interface” si l’on peut dire, et les banques en occupent le sommet comme la Super-banque. Il en serait tout autrement si la Banque centrale imposait aux banques de dépôts l’usage d’un compte dans ses livres soumis aux mêmes règles de dépendance que celles que connaissent tous les usagers. Un compte qui servirait à tous les paiements et encaissements, sans exception. Elle contrôlerait ainsi ipso facto l’émission monétaire sans aucune défaillance possible.
Ainsi, lorsqu’il achète un bien ou une valeur ou encore quand il s’acquitte des salaires de son personnel (*) ou des services de ses fournisseurs, il suffit au banquier de créditer chez lui ou de faire créditer chez un confrère un ou plusieurs comptes de dépôts. Cet acte emporte en lui-même création monétaire. Il s’agit alors d’une augmentation de ses actifs ou d’une dépense enregistrée au débit de son compte d’exploitation.

(*) Pratiquement, la paie mensuelle est assurée par un service central de la banque qui débite chaque agence des frais de personnel et qui  crédite directement les comptes du personnel tenus généralement dans la même agence (JM Gélain – La comptabilité bancaire – La revue Banque Editeur).
Voici quelques schémas de leurs opérations pour propre compte qui décrivent les mécanismes de la création bancaire.
– la banque procède à des investissements 
Deux cas se présentent selon que le fournisseur auquel elle doit payer le prix de l’acquisition a, ou non, un compte ouvert dans ses livres.
a) dans le premier cas, la banque crédite purement et simplement le compte de son fournisseur, comme suit :
Banque X                                                                                                                       Schéma 4.1
ACTIF
PASSIF
a)
Immobilisations
1.000
a)
Compte DAV fournisseur A
1.000
L’augmentation de l’actif bancaire accroît donc d’autant la masse de monnaie en dépôt à vue (DAV).
b) dans le deuxième cas, elle peut soit émettre un chèque sur ses caisses, soit procéder à un virement en faveur de son fournisseur chez sa banque Y, ce qui donne dans l’une ou l’autre solution, le schéma suivant (première partie) :
Banque X                                                                                                                       Schéma 4.2
ACTIF
PASSIF
b)
Immobilisations
1.000
b)
Virement bancaire en cours
1.000
Cette opération passe par l’intermédiaire d’un système de compensation. A l’issue de ce traitement, X aura une position débitrice contre Y qui aura une position créditrice. Les deux banques règlent par exemple leur position de gré à gré sur le Core (système de compensation) ce qui donne (deuxième partie) :
Banque X                                                                                                                       Schéma 4.3
ACTIF
PASSIF
b)
Immobilisations
1.000
b)
b)
b’)
Virement bancaire en cours
Virement bancaire effectué
Dette envers Banque Y
1.000
– 1.000
1.000
Banque Y                                                                                                                       Schéma 4.4
ACTIF
PASSIF
b’)
Créance sur Banque X
1.000
b’)
Compte DAV fournisseur A
1.000
Le modèle s’applique quelle que soit l’augmentation de l’actif de la banque : investissement, prise de participation ou achat d’actions, etc. La banque crée la monnaie quand elle accroît ses actifs.
La cession a l’effet inverse, soit une destruction de monnaie (débit du DAV) en même temps que diminuent les actifs bancaires.
– la banque procède à une augmentation de son capital ou au lancement d’un emprunt obligataire 
Comme toujours la banque X débite le ou les comptes, ici de ses actionnaires ou souscripteurs obligataires. Si ceux-ci ont un compte courant chez elle, on aura alors en cas d’augmentation de capital :
Banque X                                                                                                                       Schéma 5.1
ACTIF
PASSIF
Capital social
Comptes DAV agents divers
1.000
– 1.000
La banque détruit la monnaie quand elle augmente ses passifs. On retrouve bien la règle générale : toute augmentation du passif bancaire produit une destruction monétaire équivalente.
A présent, la banque X reçoit des chèques tirés sur une banque Y de la part de ses actionnaires. Après compensation, X est en position créditrice contre Y en position débitrice ; supposons que ces deux banques liquident leur position à nouveau sur le Core de gré à gré, la première prêtant à la seconde, nous aurons alors :
Banque X                                                                                                                       Schéma 5.2
ACTIF
PASSIF
Créance sur Banque Y
1.000
Capital social
1.000
Par mesure de simplification, on n’a pas fait apparaître les comptes d’associés, crédités puis débités des apports.
Banque Y                                                                                                                       Schéma 5.3
ACTIF
PASSIF
Dette envers Banque X
Comptes DAV agents divers
1.000
– 1.000
La destruction monétaire correspondant à l’augmentation du passif apparaît bien à la consolidation des bilans des banques en présence. La destruction opérée chez Y trouve sa contrepartie d’origine chez (capital social).
Dans le cas d’obligations à terme, les remboursements par la banque à leur échéance s’analysent comme une création monétaire, puisqu’elle en porte le montant au crédit des comptes courants des bénéficiaires, soit directement (comptes ouverts chez elle) soit par le biais de la compensation chez un ou plusieurs confrères.
Toute diminution du passif bancaire conduit à une création monétaire. La règle s’applique toujours.
– la banque règle ses dépenses et encaisse ses recettes propres 
C’est assez simple à présent que l’on a vu comment la banque règle ses dettes.
Comme pour tout prestataire de services, les frais de personnel représentent une part importante des charges générales d’exploitation de la banque.
Le modèle suivant montre comment elle procède généralement pour s’acquitter du paiement de ses dépenses et pour encaisser ses recettes :
a) La banque verse les salaires (650.000 UM) de son personnel directement sur leur compte ouvert dans ses livres, et crédite directement ou indirectement (compensation) les comptes de divers tiers des autres charges (300.000 UM) comme suit :
Banque X                                                                                                                       Schéma 6.1
ACTIF / Exploitation
PASSIF
a)
Charges d’exploitation
950.000
a)
a)
Comptes DAV salariés divers
Comptes DAV tiers divers
650.000
300.000
nota bene : il est de pratique admise qu’une partie des salariés, pour des raisons de confidentialité par exemple, préfèrent que leurs rémunérations soient versées sur un compte ouvert dans une autre banque ; dans ce cas, les salaires pourront être virés à leur compte ouvert chez la (les) concurrente(s) par le biais de la compensation.
En ce qui concerne les produits d’exploitation, la banque détient les comptes de la plupart de ses clients, en partie fidélisés par les prêts qu’elle leur a accordés ; elle peut donc débiter directement leur compte courant des agios, intérêts et commissions de toutes sortes qu’elle leur facture.
b) Ici la somme des recettes d’exploitation est égale à 1.000.000 UM, débitée directement aux comptes des clients; on aura :
Banque X                                                                                                                       Schéma 6.2
ACTIF
PASSIF / Exploitation
b)
b)
Produits d’exploitation
Comptes DAV clients divers
1.000.000
– 1.000.000
ce qui nous donne, tous comptes faits dans le modèle retenu, un résultat net de 50.000, qui s’analyse ainsi :
Banque X                                                                                                                       Schéma 6.3
ACTIF
PASSIF / Exploitation
a)
a)
b)
Résultat net d’exploitation
Comptes DAV salariés div.
Comptes DAV tiers divers
Comptes DAV clients divers
50.000
650.000
300.000
– 1.000.000
La règle s’applique encore et toujours. Toute augmentation du passif bancaire concourt à une destruction monétaire. Inversement, toute diminution du passif bancaire conduit à une création de monnaie.
Bref, la banque crée de la monnaie chaque fois qu’elle achète ou qu’elle paie et la détruit chaque fois qu’elle vend ou qu’elle encaisse.
Ce principe fondamental de la création monétaire contre augmentation des actifs ou diminution des passifs bancaires et de la destruction monétaire contre diminution des actifs ou augmentation des passifs bancaires a déjà trouvé à s’exercer dans les deux sources examinées plus haut. On a vu que les créances et les avoirs en devises, donnant lieu à création, sont bien portés à l’actif du bilan, alors que les remboursements d’emprunt et les cessions de devises donnant lieu à destruction, viennent bien en diminution. Pourquoi ? Parce que toutes ces opérations se font ou se défont ainsi qu’il a été dit, directement ou indirectement (compensation), par inscription à un ou plusieurs comptes de DAV d’agents non bancaires.
Les banques génèrent donc de la monnaie, d’une part à destination de la zone d’activité qui leur est extérieure, par les concours qu’elles apportent à l’économie sous la forme de crédits accordés et en échange de devises, et d’autre part à l’intérieur de la zone d’activité qui leur est propre.
La caractéristique de cette troisième source de création et de destruction monétaires, est que la banque monétise ses pertes et démonétise ses profits, ce que jusqu’à présent personne n’a compris ou osé dire.
En principe, une banque ne peut jamais être en rupture de paiement, puisqu’elle crée la monnaie. Les besoins de monnaie centrale répondent à d’autres nécessités et sont soumis à des règles qui ne s’exercent pas dans le domaine de la monnaie secondaire. C’est ce que l’on verra au chapitre 4 “La Banque centrale”.
Il faut attendre que le ratio de solvabilité, dit ratio Cooke modifié par les accords de Bâle II, soit détérioré pour que la banque soit déclarée en difficulté. C’est ce qui s’est passé, il y a quelques années, quand les banques nipponnes et aussi notre Crédit Lyonnais ont dégagé de telles provisions pour dépréciation qu’elles se sont retrouvées en pertes. Quand ces banques ont prêté ou bien acquis des actions et autres actifs, leur bilan était équilibré et remplissait les normes exigées par les autorités monétaires. Le problème n’a surgi qu’au moment où les valeurs d’actifs ont été dévalorisées entraînant une baisse équivalente de leur passif (pertes).
Le dernier exemple en date, est celui des crédits hypothécaires américains, dits “subprimes”, qui secoue les milieux bancaires et financiers internationaux depuis l’été 2007. Dans cet exemple, il n’a pas fallu attendre que le ratio de solvabilité soit détérioré, les banques l’ayant anticipé. C’est qu’en effet, les titres habituellement donnés en garantie par les banques emprunteuses ont été refusés par leurs consœurs prêteuses, car ces titres dits” toxiques” se trouvaient de facto dépréciés.
Dans le cas précis de la dépréciation, il n’y a ni création ni destruction monétaire, puisque la diminution de l’actif bancaire est compensée par une diminution du passif. En supposant que la dépréciation soit suivie d’une perte pour créance irrécouvrable, la contrepartie monétaire de la créance d’origine est remplacée par une perte à la banque, soit donc une contrepartie de substitution à la monnaie créée, toujours en circulation.
Rappelons la règle : La banque monétise ses pertes et démonétise ses profits. Tout cela s’emboîte parfaitement comme les pièces d’un puzzle.
C’est ainsi que les actifs propres sous déduction des passifs propres des banques, constituent la troisième contrepartie de la monnaie.


3 – L
’émission monétaire et sa contrepartie


Sur la base de ce principe de création et de destruction de la monnaie entièrement dépendantes des actifs et passifs bancaires s’appuyant sur les comptes de DAV de la clientèle, et en ajoutant cependant qu’une fois créée la monnaie échappe à sa destruction tant qu’elle reste, sous une forme ou une autre, la propriété d’un agent non bancaire, nous pouvons donner une définition très précise de la masse monétaire émise par le système bancaire.
Mais, pour effectuer une mesure précise encore faudrait-il commencer par procéder à la séparation comptable des banques et des établissements financiers, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Ce qui paraît être une évidence, ne semble pas en être une pour les autorités monétaires qui semble bien ne pas aimer du tout que l’on s’intéresse d’un peu trop près à la monnaie. Plusieurs indices ont déjà été relevés en ce sens.
Actuellement, la masse monétaire est mesurée selon un empilement de monnaie et de titres monétaires qui ne sont pas de la monnaie scripturale, semblable à des poupées russes. En simplifiant, les agrégats monétaires (Banque de France note n° 75 d’avril 1988) sont donnés comme suit :

▪ M1 = la monnaie fiduciaire (pièces et billets, détenus par les agents non financiers) + les dépôts à vue (DAV) des agents non financiers,
▪ M2 = M1 + les placements à terme, c’est-à-dire pour l’essentiel les comptes sur livrets à échéance de 2 ans maximum (les plans d’épargne logement, par exemple, ne figure pas ici, mais dans un autre agrégat P1),
▪ M3 = M1 + M2 + dépôts et titres à court terme en devises + dépôts à échéance et bons non négociables + certificat de dépôts et bons négociables émis par les établissements de crédit + titres d’OPCVM (SICAV, FCP) à court terme et fonds commun de créances.

Quelques observations de notre point de vue, à commencer par le critère de monnaie scripturale – issue d’écritures comptables – qui n’est pas retenu par les autorités monétaires pour mesurer la masse monétaire émise, ce qui est assez surprenant alors que c’est elle qui alimente presque tous les besoins en monnaie du pays, exception faite naturellement pour les pièces et les billets. Un défaut de mesure comptable très simple à obtenir, qui ne peut pas être innocent !
Tout tend à prouver que la mesure de la monnaie est volontairement faussée. Ainsi :
  • M1 ne prend pas en compte les DAV des agents financiers non bancaires, erreur due à l’amalgame délibéré des banques et des établissements financiers,
  • les dépôts en devises ne peuvent pas être assimilés à de la monnaie nationale, tant que les devises – n’ayant pas cours dans le pays – n’ont pas été cédées,
  • les titres du marché monétaire, certificats et bons émis par des établissements de crédit, ainsi que les titres d’OPCVM et parts de fonds communs de créances qui ne seraient pas émis par les banques, ne sont pas ou ne représentent pas de la monnaie scripturale émise.
On utilise opportunément les vertus associatives et distributives de l’addition et de la soustraction pour justifier les contreparties comptables de la masse M3. Comme il s’agit d’un bilan consolidé de tous les établissements, toujours équilibré (débit = crédit), il est très facile de trouver une égalité. On pourra remarquer que dans la contrepartie de la masse M3 figure généralement une rubrique “divers”, opportunément ouverte pour absorber les différences, ce qui lui retire toute signification précise.
C’est pourtant bien l’agrégat M3 qui sert encore d’instrument de bord de la Banque centrale européenne pour la conduite de sa politique monétaire. La Fed a abandonné cet agrégat en 2006. On verra au chapitre suivant “La banque centrale” que la politique monétaire européenne se fixe un objectif de croissance du PIB de l’ordre de 2%, pour un taux d’inflation de 2% maximum, alors qu’il n’existe depuis plusieurs années aucune corrélation entre la courbe de cet agrégat et les courbes de l’évolution du PIB et de l’inflation ! Comment expliquer pareille aberration ? Difficulté de la mesure ou intention délibérée de tromper l’opinion ? Vraisemblablement les deux, la première autorisant la seconde.
Pour disposer d’une bonne définition de la masse monétaire, il suffirait de consolider les bilans de la Banque centrale et des seules banques créatrices de monnaie afin d’isoler :
                ▪ l’émission monétaire qui est la somme des créances que possèdent les agents non bancaires sur le secteur bancaire, c’est-à-dire la monnaie fiduciaire (hors monnaie métallique, si celle-ci n’est pas émise par la Banque centrale, à prendre en compte par ailleurs), les dépôts à vue, à terme ou autres, les certificats de dépôt, ainsi que les prêts consentis sous une forme ou sous une autre, figurant au passif de ce bilan consolidé, exception faite cependant des prêts destinés au renforcement des fonds propres du secteur qui sont inscrits en passifs propres,
                ▪ et la contrepartie monétaire qui est la somme des créances que possède le secteur bancaire sur l’économie (avoirs en devises, crédits à l’économie), figurant à l’actif, augmentée ou diminuée de la différence existant entre les actifs et les passifs propres à ce secteur, selon que les premiers sont ou non supérieurs aux seconds,
L’émission étant égale à la contrepartie.
Cette définition a l’avantage de se vérifier, puisque qu’il suffit dans ce bilan, comme dans tout bilan par définition équilibré, de classer de part et d’autre les éléments à isoler en deux blocs d’actifs/passifs. Elle a aussi l’avantage d’éliminer les erreurs de mesure.
Afin de bien distinguer la monnaie appartenant à la clientèle de la monnaie gérée par la banque pour propre compte, on peut retenir le critère suivant : la monnaie de la clientèle en dépôt en banque appartient ou non au client selon que celui-ci a ou non donné à la banque l’autorisation formelle d’utiliser les fonds déposés.
Ci-dessous, figure un modèle schématisé de bilan consolidé des banques créatrices de monnaie, dans lequel on a choisi de donner aux banques une activité propre destructrice de monnaie (cas général), leurs actifs étant donc ici inférieurs à leurs passifs.
schemacontrepartie
Une fois créée, la monnaie n’échappe pas à sa contrepartie : la valeur d’actif qui est à l’origine de sa création. 
On a vu que les banque créent la monnaie quand elles accordent des prêts, acquièrent des devises ou autres valeurs. Ces créances et autres valeurs deviennent alors la contrepartie des fonds dont elles créditent les comptes de dépôt à vue (DAV) de leurs clients. Ce qui donne l’égalité : 
Créances et autres valeurs (à l’actif) = Comptes de DAV (au passif) 
Mais, si la contrepartie de la monnaie reste inscrite à l’actif de la banque jusqu’au remboursement des prêts, cession des devises et autres valeurs, il n’en va pas de même de la monnaie qui circule et se transforme sur l’initiative des clients.
Ce n’est pas la banque qui fait circuler la monnaie, ce sont ses clients par les ordres qu’ils lui donnent.
Au gré des échanges entre agents non bancaires, la monnaie circule donc d’une banque à l’autre, d’un DAV à un autre DAV, mais les valeurs d’actif à l’origine de l’émission monétaire restent nécessairement chez la banque émettrice jusqu’à leur sortie de l’actif (remboursement, cession, titrisation, etc.), c’est-à-dire jusqu’à la destruction de la monnaie correspondante.
Chaque fois que la monnaie quitte l’établissement émetteur à destination d’une banque quelconque et chaque fois qu’elle change ensuite et successivement de banque, le lien avec la contrepartie d’origine est assuré (via la compensation) par des prêts et emprunts interbancaires.
La monnaie secondaire ne reste pas dans sa forme initiale. Après être passés de DAV en DAV, les fonds empruntés vont être pour partie épargnés. On peut retenir comme exemple, la fraction de nos rémunérations que nous avons l’habitude de virer régulièrement à partir de nos DAV sur nos comptes d’épargne que l’on appellera comptes de dépôts à terme (DAT), quel que soit le terme 2 ans ou plus.
Toutes banques confondues et toutes choses restant égales par ailleurs, l’égalité visée au-dessus devient alors :
Créances et autres valeurs (à l’actif) = Comptes de DAV + Comptes d’épargne ou DAT (au passif) 
Ainsi, aura-t-on à présent l’émission monétaire scripturale nette totale : les comptes de dépôts à vue (DAV) et les comptes de dépôts à terme (DAT), soit au passif du schéma retracé ci-dessus l’ensemble “dettes ou monnaie”.
Voici pourquoi, la monnaie n’échappe pas à sa contrepartie.

4 – La banque centrale


4.1 – Le rôle et la politique de la Banque centrale dans l’Eurosystème

Avant d’aborder la place qu’occupe la banque centrale dans l’économie du pays, il nous semble utile de donner quelques unes des informations que nous donne la Banque de France, elle-même, sur le rôle et la politique monétaire des banques centrales dans l’Eurosystème.
Voici quelques passages d’une étude intitulée “Le concept de banque centrale” relevés dans le bulletin n° 70 de la Banque de France d’octobre 1999 :
D’un point de vue sémantique, la banque centrale se définit comme l’institution qui se situe au centre des systèmes de paiement pour garantir les règlements et contrôler l’expansion de la masse monétaire. C’est l’institution considérée comme apte à préserver la confiance dans la monnaie d’un pays.
Et, plus loin :
Au cours de cette longue quête du statut de banque centrale, nos banques nationales ont assumé des fonctions de plus en plus lourdes, jusqu’à accéder, pour la plupart d’entre elles, à la responsabilité suprême, celle de diriger la politique monétaire.
Voici par ailleurs ce que l’on peut lire (2010) sur le site de la Banque de France, dans un document intitulé : “Politique monétaire de l’Eurosystème” :
L’objectif final de l’Eurosystème a été déterminé par l’article 105 du traité consolidé instituant la Communauté européenne; il s’agit de garantir la stabilité des prix. En 1998, le Conseil des gouverneurs de la BCE a adopté la définition quantitative suivante : « La stabilité des prix est définie comme une progression sur un an de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) inférieure à 2 % dans la zone euro ».
……………….
En outre, la stratégie de politique monétaire de l’Eurosystème repose sur un cadre d’analyse large de l’information économique disponible, structuré selon deux « piliers » qui correspondent à des approches complémentaires – réelle et monétaire – du phénomène inflationniste et de ses causes. Il s’agit : 
▪  d’une analyse économique pour déterminer les risques à court et moyen termes pesant sur la stabilité des prix. Elle est fondée sur l’utilisation d’une large gamme d’indicateurs économiques et financiers précurseurs de l’évolution future des prix dans la zone euro, tels que les coûts salariaux unitaires, diverses mesures de l’activité réelle, des indicateurs de prix et de coûts, des enquêtes réalisées auprès des entreprises et des ménages de la zone euro et de nombreux indicateurs des conditions financières (taux de change effectif de l’euro, pente de la courbe d’intérêt, rendements obligataires…) ; 
▪  d’une analyse monétaire conduite pour apprécier les tendances à moyen et long termes de l’inflation eu égard à la relation étroite existant entre la monnaie et les prix sur longues périodes. Elle s’appuie sur une large gamme d’indicateurs, notamment M3, ses composantes et ses contreparties, en particulier le crédit. Le Conseil des gouverneurs de la BCE, lors de sa réunion du 5 décembre 2002, a confirmé la valeur de référence de 4,5 % qu’il avait fixée pour la première fois en décembre 1998 pour la progression annuelle de M3 sur le moyen terme. Il a annoncé le 8 mai 2003 qu’il ne procéderait plus à l’examen annuel de cette valeur de référence – compte tenu de l’orientation à moyen terme de la politique monétaire – mais continuera à en examiner périodiquement les conditions et hypothèses sous-jacentes.
……………….
Depuis le 1er janvier 1999, la politique monétaire unique est une politique de taux d’intérêt, qui passe par le réglage de la liquidité bancaire en euro et par un pilotage des taux à très court terme sur le marché monétaire de l’euro, à commencer par le loyer de l’argent au jour le jour qui est la principale cible opérationnelle du Système Européen de Banques Centrales (SEBC).
Pour atteindre ses objectifs, le SEBC dispose d’une série d’instruments de politique monétaire : 
                – les opérations d’open market, effectuées par voie d’appels d’offres réguliers ou ponctuels, ou par le biais de transactions bilatérales ;
                – les facilités permanentes
Ces opérations – opérations de refinancement et facilités permanentes – couvrent le besoin de refinancement des établissements de crédit qui résulte : 
                – des réserves obligatoires
– des facteurs autonomes de la liquidité bancaire” Ces facteurs sont retracés dans les postes d’actifs du bilan de l’Eurosystème (où sont également enregistrés les concours correspondant aux opérations de refinancement) lorsqu’ils correspondent à une injection de liquidité, et dans les postes de passif lorsqu’ils correspondent à une ponction de liquidité.
Que le lecteur veuille bien pardonner la retranscription de ces passages de textes officiels. Ils nous semblent essentiels si l’on cherche à avoir une vue synthétique et assez précise du système tel qu’il a été bâti par les autorités monétaires.
La responsabilité suprême de nos banquiers centraux est donc la stabilité des prix, ce qui les engage dans la lutte contre l’inflation.
A la lecture de ces textes, les objectifs de politique monétaire pour y parvenir peuvent se résumer à :

– maintenir la progression de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) dans une limite inférieure ou égale à 2%, et surveiller notamment l’évolution des coûts salariaux (souligné dans le texte par nos soins),
– veiller à ce que la progression de la masse M3 (seul indicateur souligné, parmi une large (?) gamme) soit inférieure à 4,5% l’an, ce qui laisse supposer dans ces conditions que, l’inflation une fois éliminée, la croissance puisse atteindre 2,5%.

Avec pour seul moyen de pilotage : les taux d’intérêt s’appuyant sur 4 instruments (opérations d’open market, facilités permanentes, réserves obligatoires et facteurs autonomes de la liquidité bancaire). En fait, il s’agit principalement du taux directeur.
Il convient de rappeler à ce propos que les instruments de direction dont dispose l’Institut d’émission pour mener à bien sa politique monétaire, sont depuis quelques décennies, libéralisation oblige, réduits à la portion congrue : le taux directeur et les réserves obligatoires. Il ne faut pas oublier que dans les années 60/70, la Banque de France a dû imposer l’encadrement des crédits, seul et ultime moyen de limiter la hausse (excessive à son avis) de création de signes monétaires par les banques.
Ces objectifs et les moyens de les remplir seront longuement analysés au cours de ce chapitre, mais  puisque nos banques centrales se sont fixé pour priorité la lutte contre l’inflation, voyons tout d’abord ce qu’est l’inflation de notre point de vue.

4.2 – Théorie et pratique de l’inflation

Le lecteur est invité à se reporter aux pages intitulées « La théorie monétariste de l’inflation »

4.3 – La monnaie centrale

Dans tous les pays du monde, ainsi que nous l’avons dit, la Banque Centrale ou Institut d’émission possède le privilège d’émettre les billets de banque, mais aussi une monnaie scripturale dite centrale.
Voici la définition que donne la Banque de France de la monnaie centrale dans son étude sur “Le concept de banque centrale” (déjà citée) :
celle-ci, appelée aussi monnaie à haute puissance ou base monétaire, est émise par la banque centrale sous deux formes :
                – des billets de banque, que la banque centrale remet aux banques qui, à leur tour, les délivrent à leurs clients ;
                – des avoirs en compte auprès des banques centrales déposés par les banques commerciales et par le Trésor. Ces avoirs constituent une monnaie particulière qui n’est détenue que par les intermédiaires financiers et ne sert pas aux transactions“. 
Que cette monnaie ne serve pas aux transactions n’est pas totalement vrai, car elle permet aux banques de s’acquitter de transactions auxquelles elles se livrent continuellement entre elles. Transactions commerciales : non. Transactions financières : oui.
Cette disposition confirme implicitement le fait que la banque crée de la monnaie chaque fois qu’elle achète ou qu’elle paie et la détruit chaque fois qu’elle vend ou qu’elle encaisse, puisqu’il est bien dit que son compte à la Super-banque ne sert pas à ses transactions (courantes).
La monnaie centrale scripturale a donc cours exclusivement entre les banques elles-mêmes et le Trésor, c’est-à-dire nécessairement entre ceux qui possèdent des avoirs en compte auprès de la Super-banque.
Cela signifie que cette monnaie ne peut s’échanger qu’entre titulaires d’avoirs en compte et que donc elle ne quitte jamais l’Institut d’émission, parce qu’elle ne le peut pas. On peut le vérifier très facilement.
Une banque X voudrait prêter une somme de 100.000 unités monétaire (UM) à une entreprise A, en utilisant ses disponibilités à la Banque centrale qu’elle ne le pourrait pas, puisque A n’a pas de compte ouvert à la Banque centrale, sur lequel elle aurait pu lui remettre les fonds à disposition, par chèque ou virement par exemple. Il paraît exclu de supposer que la banque établisse un chèque tiré sur la Banque centrale à l’ordre de son client, celui-ci le remettant aussitôt à l’encaissement à sa même banque ! Elle n’a pas d’autre alternative pratique que celle de créer de la monnaie dite secondaire (par opposition à monnaie centrale), par simple jeu d’écritures comptables comme on l’a vu, pour satisfaire à la demande de son client.
Cependant, le Trésor disposant donc lui aussi d’un compte à la Super-banque sert de sas entre les deux monnaies qui se trouvent placées dans deux compartiments étanches. Car, si la monnaie centrale ne quitte pas l’Institut d’émission, la monnaie secondaire ne quitte pas elle non plus le système bancaire qui l’a créée. Ce qui renforce l’idée de 2 systèmes indépendants.
La monnaie centrale s’échange entre les seuls titulaires de comptes ouverts à la Banque centrale, tandis que la monnaie secondaire s’échange entre les seuls titulaires de comptes ouverts dans les banques de dépôts. A notre avis, cette règle ne souffre pas d’exception.
Le Trésor sert donc de passerelle ou de sas entre les deux monnaies, centrale et secondaire, par les échanges qu’il pratique avec les autres agents non bancaires puisqu’il est le seul agent non bancaire à disposer d’un compte ouvert à la Banque centrale. Pour être exact, ce sont les banques de dépôt qui servent de passage obligé de l’une vers l’autre monnaie dans un sens comme dans l’autre.
Actuellement, on clame partout dans le monde que les centaines de milliards déversés dans les banques par les instituts d’émission doivent redynamiser l’économie réelle. C’est une imposture ! D’autant plus grande en Europe, notamment, que le traité de Maastricht interdit aux banques centrales nationales d’accorder des avances ou des prêts à leurs Etats. Par conséquent, l’émission de monnaie centrale scripturale ne peut pas irriguer le secteur privé, puisqu’elle ne peut être émise qu’en faveur des banques.
Voici comment s’opèrent les échanges entre les deux monnaies, le Trésor Public servant de passerelle.
                1 – Le Trésor règle ses dépenses. Son compte est débité à la Banque centrale, tandis que le compte de la banque X du fournisseur est crédité à la même Banque centrale. Dans le même temps, la banque X crée de la monnaie secondaire en créditant le compte (DAV) de son client (fournisseur de l’Etat). Il n’y a pas de destruction de monnaie centrale, alors qu’il y a création de monnaie secondaire.
                2 – Le Trésor encaisse ses recettes d’impôts. Son compte est crédité à la Banque centrale, tandis que la banque Y est débitée à la même Banque centrale. Dans le même temps, la banque Y détruit la monnaie secondaire en débitant le compte (DAV) de son client (contribuable). Il y a destruction de monnaie secondaire, tandis qu’il peut y avoir ou non création de monnaie centrale, selon que la banque Y dispose ou non de cette monnaie.
En résumé, les deux monnaies s’échangent à parité l’une contre l’autre mais ne se susbtituent pas l’une à l’autre. D’où 2 compartiments étanches.
Comme les Banques centrales ne sont pas autorisées en Europe notamment, d’émettre de la monnaie centrale directement en faveur de leurs Etats, les créations / destructions de monnaie secondaire tendront à s’annuler (cf. schémas 7 ci-dessus).
Il faut ajouter pour être complet que les émissions de bons et obligations du Trésor sont souscrites, sur les marchés, pour une part par les banques commerciales qui créent la monnaie, et pour l’autre part sur les marchés financiers par les agents non bancaires et l’étranger.
Nous allons examiner à présent la question capitale de savoir si la Banque Centrale a ou non le pouvoir et les moyens de limiter la création monétaire par les banques ? En pratique, la monnaie secondaire est-elle sous la dépendance étroite de la monnaie centrale, ainsi que la théorie du multiplicateur le fait croire, ou encore la Banque centrale dispose-t-elle de moyens quelconques qui lui permettraient de réguler l’émission monétaire des banques commerciales ?
Commençons par la théorie du multiplicateur.

4.4 – La théorie du multiplicateur

Le lecteur est invité à se reporter aux pages intitulées « La théorie du multiplicateur »

4.5 – Les moyens de la régulation monétaire par la Banque centrale

Le lecteur est invité, ici aussi, à se reporter aux pages intitulées « Le pouvoir de la Banque centrale sur l’émission monétaire » qui démontre que la Banque centrale n’a aucun pouvoir sur l’émission de monnaie secondaire, celle émise par les banques de dépôt. En conséquence, elle est dépourvue de tout moyen pour assurer la régulation monétaire, si tant est qu’elle l’ait jamais exercée.

4.6 – Les banques centrales et la politique dite non conventionnelle

La Fed en premier, les banquiers centraux ensuite se rendent compte un peu tard que toutes les liquidités injectées pour sauver les banques et autres compagnies, ne peuvent servir l’économie réelle. C’est un constat accablant, qui montre à quel point ils ignorent ou veulent dissimuler les propriétés de leur monnaie, à commencer par la première : la monnaie centrale scripturale ne quitte jamais l’Institut d’émission.
On l’a déjà dit, cette monnaie ne peut s’échanger qu’entre titulaires de comptes ouverts à la Super-banque : les banques et le Trésor. En conséquence, toutes ces liquidités ne peuvent pas servir à dynamiser l’économie réelle.
Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Sans doute pour masquer leur impuissance, les banques centrales ont sorti un nouveau vocabulaire : la politique non conventionnelle.
La politique non conventionnelle est d’une nature différente.Elle consiste à ce que la Banque Centrale change de canal de transmission de la politique monétaire : au lieu d’injecter des liquidités dans les bilans des banques, elle injecte des liquidités dans les bilans des non banques (par des entreprises par exemple), nous explique Natexis dans sa note du 6 février 2009.
A la question posée à cette banque : Comment la Banque de France pourrait-elle injecter des liquidités dans certaines entreprises, si celles-ci n’ont pas un compte ouvert chez elle ?
Voici la réponse :
S’il y a politique monétaire non conventionnelle :
–     la Banque Centrale achète des actifs sur les marchés financiers ;
–     le vendeur a son compte dans une banque commerciale crédité ;
–     la banque commerciale a son compte à la Banque Centrale crédité.
En créditant le vendeur chez elle, la banque commerciale a créé de la monnaie secondaire, tandis que la monnaie centrale dont elle a été créditée servira à toutes sortes d’opérations qui n’auront rien à voir avec l’opération non conventionnelle : reprise de titres en pension, reprise de liquidités par la Banque centrale, approvisionnement en monnaie fiduciaire, alimentation du compte en R.O., etc.
Comment pourrait-il en être autrement puisqu’il n’y aucun lien direct entre les deux monnaies !
En fait, l’achat d’actifs par la Banque centrale s’assimile à une opération ciblée de refinancement des banques. L’ordre des opérations est inversé, un point c’est tout. Il n’est d’ailleurs pas du tout exclu que la banque ait organisé l’opération, auquel cas, on est en présence d’un montage destiné à amuser la galerie.

5 – Les banques et les établissements financiers


La loi française du 24 janvier 1984 précise que les établissements de crédit sont des personnes qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque. Celles-ci comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement. Sont considérés comme fonds reçus du public les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte, mais à charge pour elle de les restituer. Constitue une opération de crédit pour l’application de la présente loi tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne….
Les directives européennes en matière de réglementation bancaire se sont largement inspirées de cette loi.
Il est stupéfiant de constater que dans cette définition, les autorités éludent totalement le principe central de la création monétaire par les banques et ne font aucune distinction entre les banques qui créent la monnaie et les établissements financiers qui se bornent à la faire circuler.
L’opération de crédit peut en effet s’entendre et s’entend généralement comme la mise à disposition d’un prêt à partir de fonds reçus du public.
De plus, le droit d’en disposer pour son propre compte, ne peut pas s’exercer dans une banque de dépôts, puisque seul le titulaire du compte peut en disposer. Les dépôts à vue, notamment, n’ont pas de contrepartie en monnaie, puisqu’ils en ont déjà une : la créance qui est à l’origine de sa création ; c’est fondamental !
La rédaction de ce texte de loi entretient donc la plus grande confusion dans un domaine déjà bien envahi par les zones d’obscurité, confusion délibérément accentuée puisque le vocabulaire officiel recouvre sous le terme d’Institutions Financières Monétaires (IFM) les banques et les établissements financiers ou de crédit, sans distinction d’aucune sorte.
On passe ainsi sous silence la différence fondamentale qui sépare les banques et les établissements financiers.
La banque crée la monnaie. Elle s’affranchit ainsi de la dépendance d’un compte bancaire approvisionné pour fonctionner. Une banque en tant que telle ne récolte pas de dépôts, elle les crée par le crédit qu’elle consent.
Pour créer la monnaie, une banque doit remplir au moins les conditions suivantes :

– elle crédite le compte de dépôt à vue (DAV)de son client des fonds prêtés, en inscrivant la créance à l’actif de son bilan,
– elle met un ou plusieurs instruments de paiement (chéquier, carte de crédit, etc.) à la disposition de son client,
– son client, l’emprunteur, utilise les fonds mis à sa disposition par tirage sur ses caisses,
– ce qui signifie qu’elle est domiciliataire,
– le statut de banque domiciliataire lui donne accès à la compensation dont le centre lui fait connaître sa position supposée ici débitrice, la monnaie ainsi créée changeant d’établissement,
– elle doit ensuite emprunter sur le marché interbancaire ou à la banque centrale (contre garantie); car elle est redevable de cette monnaie envers l’établissement qui la reçoit en contrepartie,
– la créance de son client figure toujours à l’actif de son bilan, mais la contrepartie n’est plus au compte (DAV) de son client (on suppose que les fonds ont été entièrement transférés) mais en une dette sur une autre banque ou sur la banque centrale.

Les banques qui ne rempliraient pas ces conditions ne sont pas des banques créatrices de monnaie, mais de simples établissements financiers.
Les liens de dépendance existant entre les banques commerciales et la Banque Centrale ne changent rien à ce principe de base de la création monétaire. On pourrait croire que le compte ouvert par les banques auprès de l’Institut d’émission, comme toutes les IFM, a le caractère d’un compte ordinaire ; il n’en est rien, comme on le verra plus loin.
En ce qui le concerne, l’établissement de crédit ou intermédiaire financier non bancaire se trouve sous la dépendance étroite d’un compte approvisionné ou de lignes de crédit dûment autorisées dans une banque pour exercer ses activités. Il ne crée pas la monnaie, il ne peut que la faire circuler. C’est là toute la différence et elle est de taille.
Parmi les établissements financiers, on distinguera :
– les établissements de crédit, dont l’activité principale est d’emprunter afin de consentir des crédits aux agents économiques : ménages, entreprises et étranger (crédits à la consommation, par exemple), à un taux naturellement supérieur à celui auquel ils ont dû souscrire pour emprunter,
– les Caisses d’épargne ou la Poste française, il y a peu de temps encore, dont l’activité principale était la collecte de fonds, en dépôt à vue ou à terme ; ces fonds étaient mis à la disposition d’un organisme collecteur et re-distributeur par les Caisses d’épargne ou à la disposition du Trésor public par la Poste française ; en règle générale ces établissements n’accordaient pas de crédits, (les Caisses d’épargne et la Banque Postale disposent à présent du statut de banque, ce qui les assimile à des banques créatrices de monnaie si elles remplissent les conditions exposées au-dessus),
– tous autres intermédiaires financiers qui tirent leurs profits de leur intermédiation, dans les différents domaines monétaire, financier, de change et autres.
A l’actif d’une banque, il y a une créance face à un dépôt. Cette inscription est définitive tant que le prêt accordé n’est pas remboursé.
A l’actif d’un établissement de crédit, il y a d’abord un compte de banque qui reçoit les fonds empruntés, soit à une banque, soit à des agents non bancaires. Ensuite, dès que les fonds sont prêtés, un compte de créance se substitue au compte de banque à son actif.
Voici pourquoi, il apparaît au bilan une similitude de comptes entre les banques et les établissements financiers. Mais, la genèse des opérations est fondamentalement différente. La différence entre les deux n’est pas toujours facile à établir, ce qui explique la situation confuse que l’on connaît.
La banque crée la monnaie, tandis que l’établissement financier ne peut que la faire circuler. On dit que les crédits font les dépôts dans les banques ; on peut ajouter que les dépôts font les crédits dans les établissements financiers.

6 – La circulation de la monnaie : trois circuits


Entre le moment de sa création et celui de sa destruction, c’est-à-dire pendant tout le temps où elle reste la propriété des agents non bancaires, la monnaie scripturale circule au gré des échanges, allant de compte de banque en compte de banque. L’établissement financier doit être pris ici comme un agent non bancaire, malgré les relations financières étroites qu’il peut entretenir avec le secteur bancaire. Lui aussi dispose d’un compte de dépôt à vue (DAV) en banque et les opérations qu’il traite pour son compte ou celui de tiers procède de la circulation monétaire entre comptes (DAV) ouverts dans les banques.
En somme, pour bien analyser la circulation monétaire, il faut toujours :
– garder présent à l’esprit cette séparation fondamentale existant entre la banque qui a le pouvoir de créer la monnaie (et de la détruire) et l’établissement financier dont le rôle se borne à la faire circuler,
– rechercher si la transaction monétaire est réalisée par deux agents non bancaires, auquel cas il y a simple transfert de compte à compte (DAV à DAV), ou entre un agent non bancaire et une banque, auquel cas il y a selon le sens soit création, soit destruction, soit encore neutralisation monétaire par le système ainsi qu’on le verra au cours de ce chapitre.
On a dit qu’il existe deux formes de monnaie, fiduciaire (pièces et billets) et scripturale, qui empruntent évidemment des circuits différents : la monnaie fiduciaire circule en dehors du champ bancaire, tandis que la monnaie scripturale ne le quitte pas. Pour sortir ou entrer dans le champ bancaire la monnaie fiduciaire met en œuvre de la monnaie scripturale. C’est ainsi que chaque fois que nous allons chercher des espèces aux guichets de banque, notre compte est débité de la transaction. De même, chaque fois que nous effectuons un dépôt d’espèces, notre compte est crédité.
On portera donc notre attention sur les circuits qu’emprunte la monnaie scripturale depuis sa création jusqu’à sa destruction. On peut les classer en trois catégories, que l’on examinera successivement :
  • le circuit des transactions courantes,
  • le circuit intra-bancaire,
  • le circuit de la neutralisation monétaire.
6.1 – Le circuit des transactions courantes 
Il est sollicité par les échanges que pratiquent entre eux les agents non bancaires et ne produit aucun effet sur la masse monétaire des dépôts à vue (DAV), puisque ces transactions aboutissent à de simples transferts bilatéraux (débit d’un compte de dépôt à vue par le crédit d’un autre compte de dépôt à vue). Il concerne tout autant les transactions de la sphère réelle que celles de la sphère monétaire et financière.
Pour illustrer le propos, revenons sur l’exemple de création monétaire donné plus haut, et voyons maintenant comment notre banquier procède lorsque nous utilisons les sommes qu’il a mises à notre disposition. Avec les 10.000 euros disponibles, nous allons par exemple payer à notre garagiste le solde du prix de notre nouvelle voiture. Imaginons un instant qu’il n’existe qu’une banque. Nous-mêmes et notre garagiste ayant tous deux un compte ouvert dans cette banque, le chèque que nous lui avons remis va faire l’objet d’un transfert de notre compte à celui du garagiste pour la somme de 10.000 euros. Le premier est débité, le second est crédité, tout simplement.
En voici le schéma des écritures b) tout en reprenant les écritures a) du schéma 1 :
Banque X                                                                                                                             Schéma 7.1
ACTIF
PASSIF
a) Créance sur agent A
10.000
a)
b)
b)
Compte courant (DAV) A
Compte courant (DAV) A
Compte courant (DAV) B
10.000
– 10.000
10.000
Et il en est ainsi chaque fois que deux parties utilisent, pour une transaction donnée, des comptes ouverts chez le même banquier.
Malheureusement pour celui-ci, mais heureusement pour nous, il n’y a pas qu’une seule banque. Cependant, l’existence de plusieurs banques face à d’innombrables transactions, dans un univers peuplé d’une multitude d’agents économiques qui en sont à l’origine, rend plus complexe le cheminement des règlements, mais globalement le résultat reste le même.
Si l’on démonte le processus, on s’aperçoit que chaque opération de règlement entre deux agents non bancaires induit une dette de la banque qui reçoit les fonds envers la banque qui les cède. La compensation journalière des instruments de paiement permet de connaître, d’une part, le détail des transactions des agents non bancaires, d’autre part, l’ensemble des dettes (nettes) des banques qui reçoivent des fonds et l’ensemble des créances (nettes) des banques qui les cèdent.
Le processus se décompose donc en deux phases :
                1 – Les banques qui reçoivent les fonds en créditent les comptes DAV de leurs clients, tandis que réciproquement les banques qui cèdent les fonds en débitent les comptes DAV de leurs clients ; la monnaie secondaire passe d’une banque à l’autre,
                2 – Les banques qui reçoivent les fonds empruntent aux banques qui les cèdent, sans qu’il y ait échange de monnaie. Il s’agit de prêts / emprunts interbancaires qui ont pour fonction de conserver chez la banque émettrice la créance d’origine, contrepartie de la monnaie émise malgré les transferts successifs qui l’affectent.
On s’aperçoit donc que la monnaie secondaire créée par le système n’appartient à aucun moment et d’aucune manière aux banques qui ne font que la faire passer d’un (DAV) à un autre (DAV). Ces transferts ayant pour conséquence d’obliger les banques à se consentir des prêts entre elles, puisque nous supposons ici qu’elles ont opté pour ce mode de règlement plutôt que d’opérer par transfert de fonds à la Banque centrale.
Nota bene : Cependant avec la crise, les titres habituellement remis en garantie des prêts sont plus ou moins exposés à un risque de dépréciation. Aussi les banques prêteuses refusent-elles dans ce cas d’accorder des prêts à leurs consœurs. Celles-ci sont alors dans l’obligation de se procurer les fonds auprès de leur Banque centrale afin de se libérer de leurs engagements par transfert vers les banques prêteuses.
Cela ne change rien au processus dans l’exemple décrit ci-après.
Supposons, en effet, qu’un agent A remette en règlement de sa dette un chèque tiré sur la banque X à un agent B qui le dépose à sa banque Y. Celle-ci crédite le compte de B et présente à son confrère X le chèque pour paiement, lequel débite alors le compte de son client A.
Observons attentivement cette transaction de fonds que l’on suppose (au départ) avoir été empruntés à la banque par l’agent A :
– la créance (contrepartie de la monnaie échangée) reste chez X tandis que la monnaie elle-même se trouve à présent chez Y ; la monnaie a changé de propriétaire sans que l’une ou l’autre banque n’ait pu à aucun moment en disposer ; elles ont toutes deux exécuté les ordres de leurs clients ; du compte de DAV de A elle est passée au compte de DAV de B,
– l’opération n’est pas pour autant terminée, car la banque X doit s’acquitter envers la banque Y du montant de la transaction, en raison du transfert de monnaie sans contrepartie : la créance restant chez X, la monnaie se trouvant maintenant chez Y, celle-ci consentant alors un prêt à celle-là, à condition que les titres remis en garantie par cette dernière soient acceptés par la première ; sinon il y a transfert de X à à Banque centrale.
Voici les schémas d’écritures comptables des transferts avec prêts interbancaires de X à Y :
Banque X                                                                                                                             Schéma 7.2
ACTIF
PASSIF
a) Créance sur agent A
10.000
a)
b)
b)
Compte courant (DAV) agent A
Compte courant (DAV) agent A
Dette envers Banque Y
10.000
– 10.000
10.000
Banque Y                                                                                                                             Schéma 7.3
ACTIF
PASSIF
b) Créance sur banque X
10.000
b) Compte courant (DAV) agent B
10.000
Ou avec intervention de la Banque centrale, supposant que dispose des fonds chez elle :
Banque X                                                                                                                             Schéma 7.4
ACTIF
PASSIF
a)
b)
Créance sur agent A
Compte DAV Banque centrale
10.000
– 10.000
a)
b)
Compte courant (DAV) agent A
Compte courant (DAV) agent A
10.000
– 10.000
Banque Centrale                                                                                                                 Schéma 7.5
ACTIF
PASSIF

b)
b)
Compte (DAV) Banque X
Compte (DAV) Banque Y
– 10.000
10.000
Banque Y                                                                                                                             Schéma 7.6
ACTIF
PASSIF
b) Compte DAV Banque centrale
10.000
b) Compte courant (DAV) agent B
10.000
Etant bien entendu que les transactions successives portant sur cette monnaie secondaire continueront à produire ce type d’opérations de contrepartie, par prêts et emprunts interbancaires ou transferts Banque centrale, jusqu’au remboursement de la créance d’origine, sauf titrisation.
Ces transactions alimentent une bonne part des opérations du circuit intra-bancaire examinées à présent.
6.2 – Le circuit intra-bancaire 
Il est réservé aux transactions propres aux banques. On peut le diviser en deux groupes d’opérations:
· d’une part, celles qui concernent les relations des banques entre elles, sans effet sur la masse monétaire, que l’on peut classer en deux sous-groupes:
– les transactions de la clientèle nécessitant un traitement en Compensation et le rééquilibrage des trésoreries des banques en découlant, soit les relations existant entre les banques,

– les transactions mettant en jeu des comptes de la clientèle des banques face à ceux de la clientèle de l’Institut d’émission (Trésor Public, par exemple), ainsi que les opérations liées aux transferts de monnaie fiduciaire et à la constitution de réserves obligatoires, soit les relations existant entre les banques et la Banque Centrale,

· et d’autre part, celles concernant l’activité spécifique des banques, c’est-à-dire celles qui font jouer leurs actifs ou leurs passifs propres, consistant en transferts unilatéraux (par opposition aux transferts bilatéraux du circuit des transactions courantes) entraînant, soit l’inscription au crédit de comptes de tiers lorsqu’il s’agit du règlement de leurs dépenses et acquisitions, soit l’inscription au débit de comptes de tiers s’il s’agit de l’encaissement de leurs recettes ou du produit de leurs cessions, toutes opérations ayant une incidence nette sur la masse monétaire, ainsi qu’on l’a vu au 2.3 supra,
ces transferts unilatéraux sont exécutés directement quand la transaction est réalisée entre la banque et son client ou bien s’appuient sur la compensation et le marché interbancaire lorsque la banque traite avec un agent non bancaire qui n’a pas de compte ouvert dans ses livres (cf. 6.1 juste au-dessus)
· enfin, les transactions portant le plus souvent sur des valeurs mobilières (achat et vente de titres, par exemple) et autres instruments financiers entre les banques elles-mêmes, sans effet sur la masse monétaire.
6.3 – Le circuit de la neutralisation monétaire 
La monnaie qui alimente ce circuit provient directement de la création monétaire.
On a vu que la banque crée la monnaie, notamment, quand elle consent un crédit, quand elle change des devises contre monnaie nationale ou encore quand elle achète un bien ou une valeur. Elle crédite directement ou indirectement le compte de dépôt à vue (DAV) de son client ou cédant en contrepartie des créances et autres valeurs qu’elle inscrit à son actif. Ce qui nous donne :
Créances et autres valeurs (à l’actif) = Comptes de DAV (au passif)
Ainsi qu’on l’a également vu, la monnaie ne reste pas dans sa forme initiale de dépôt à vue. Tout d’abord, au gré des échanges entre agents non bancaires, elle va circuler d’une banque à l’autre, d’un DAV à un autre DAV. Puis, au fur et à mesure des transactions entre les producteurs et les consommateurs la monnaie va pour partie être épargnée, ce qui donnera alors :
Créances et autres valeurs (à l’actif) = Comptes de DAV + Comptes à terme DAT (au passif)
Il apparaît ici clairement que la monnaie détenue par les banques, que ce soit en comptes de DAV ou en comptes d’épargne, n’a pas d’autre contrepartie monétaire que celle des créances et autres valeurs inscrites à son actif. C’est la monnaie !
Cette monnaie n’appartient pas aux banques mais à leurs clients, seuls habilités à la faire circuler. Et, la fraction conservée en compte d’épargne n’est déplacée que sur leurs ordres.
C’est pourquoi, l’épargne bancaire est une épargne morte.
Elle alimente le circuit de la neutralisation monétaire et occupe les parkings monétaires qui lui sont réservés. L’épargne est “gelée” par le système.
L’étude du bilan d’une grande banque française montre que la fraction de monnaie restant en DAV n’est plus que de 20 à 25% environ des crédits et autres formes de création monétaire qu’elle a accordés, le reste représentant principalement l’épargne monétaire, c’est-à-dire les comptes à terme DAT (voir chapitre 11).
Voyons à présent comment les banques se comportent devant ce phénomène monétaire de grande ampleur.
Tant que les fonds restent dans leur forme d’origine, c’est-à-dire en DAV, le seul problème qui se pose aux banques, consiste à compenser les fuites des unes avec les excédents des autres par des prêts/emprunts réciproques. En fonction de ses parts de marché, la structure du bilan de la banque se stabilisera : elle sera structurellement emprunteuse ou prêteuse, selon le cas.
Puis, après être passés de DAV en DAV, les fonds empruntés se retrouvent pour partie en DAV et pour partie en comptes d’épargne, toutes banques confondues.
Dans ces conditions, une banque prise isolément se trouve en présence d’un risque de fuite supplémentaire de monnaie, qu’elle ne peut se permettre de laisser filer à la concurrence. Cette fuite n’aurait peut-être pas de conséquence financière immédiate, dans la mesure où la banque pourrait se financer à moindre coût, mais elle risquerait de voir passer sa clientèle à la concurrence si elle n’offrait pas les mêmes services, ce qui serait évidemment plus grave.
Les banques ont donc le plus grand intérêt à collecter (langage officiel), disons plutôt à neutraliser l’épargne de leurs clients.
Revenons maintenant au circuit de la neutralisation monétaire.
Il est alimenté par l’épargne, ce qui correspond à des dettes envers les clients, agents non bancaires, que les banques constatent au passif de leur bilan. Ne sont pas considérés comme épargne les dettes qui sont destinées au renforcement de leurs fonds propres. Car, bien qu’elles n’aient nul besoin de monnaie puisqu’elles la créent, elles doivent se plier à des règles communes aux entreprises en matière de capitaux et spécifiques à la profession en ce qui concerne les ressources stables inscrites à leur bilan. Généralement, cela se traduit par des augmentations de capital ou par des appels publics à l’épargne.
Mais, l’objet essentiel de leurs dettes courantes est de maintenir l’équilibre de leur bilan au mieux de leurs intérêts face aux fuites auxquelles :

– elles sont continuellement exposées du fait des transactions journalières de leurs clients,

– elles seraient exposées, si leurs clients épargnaient massivement hors de la banque.

Les premières sont réglées par des dettes et créances interbancaires après la compensation, les secondes par des dettes envers les agents non bancaires ainsi qu’il vient d’être dit.
Pour maintenir l’équilibre de leur bilan, elles disposent de moyens plus ou moins coûteux, que l’on peut classer dans l’ordre croissant de coût, comme suit:

– la partie stable des dépôts à vue, non encore rémunérés en France, constitue le moyen le plus économique de lutte contre les fuites, c’est pourquoi les banques attachent tant de prix à leur part de marché,

viennent ensuite,

– les dépôts sur livrets et comptes d’épargne,
– les titres de créances (certificats de dépôt et bons),
– les emprunts à terme, sous quelque forme que ce soit.

En pratique, les taux d’épargne offerts sur le marché sont définis par type d’épargne pour toutes les banques. Ce marché est donc normalisé par la profession ; la loi de l’offre et de la demande ne s’y exerce pratiquement pas.
On a appelé ce circuit, celui de la neutralisation monétaire parce qu’il entraîne en quelque sorte la monnaie sur une voie de garage, plus précisément dans un lieu de stockage. Comme tous les stocks, la monnaie en dépôt possède un taux de rotation, en fonction des entrées et des sorties. Plus l’échéance contractuelle ou effective du remboursement du placement est éloignée, plus le taux de rotation est faible. Et inversement.
Prenons le cas d’un dépôt d’épargne à 5 ans sur un compte bancaire, constitué petit à petit par un particulier dans le but d’acquérir un logement. Au terme de ce délai l’objectif du titulaire du compte sera atteint, en ce sens que l’épargne lui aura permis de réaliser son projet. Mais dans l’intervalle, du premier au dernier dépôt, la monnaie épargnée aura été complètement neutralisée, gelée si l’on préfère, par le système.
Pendant toute la durée du placement, la banque aura évité d’autant les fuites de monnaie.
L’épargne dans une banque est immobilisée tout le temps que son détenteur décide de la conserver en compte.
Une analyse exhaustive des dettes des banques permettrait de déterminer avec précision la vitesse de rotation du circuit de la neutralisation monétaire, comme celle du circuit des transactions courantes faite à partir des DAV.
Enfin, on peut avancer, sans erreur possible, que la vitesse de circulation de la monnaie n’est pas la même pour chacune des trois zones de circulation que sont : la sphère réelle, la sphère monétaire et financière (toutes deux appartenant au circuit des transactions courantes) et enfin l’aire de stockage (appartenant au circuit de la neutralisation monétaire). Cette dernière zone comprend les non-liquidités (monnaie ne circulant pas).
La fréquence et le volume d’opérations purement financières animés par la spéculation et la recherche du profit, se développant d’autant plus que l’activité de production est atone et faible, ont vraisemblablement pour effet de réduire la masse monétaire M1. En termes macroéconomiques, la contrepartie comptable de cette baisse se trouve nécessairement dans les dettes de l’appareil bancaire, dans la mesure évidemment où celui-ci n’a pas participé à ces opérations. Aussi, est-il probable que le développement des Sicav et Fonds communs de placement ait conduit à l’accroissement du volume de la neutralisation monétaire.
On peut vérifier notre hypothèse en raisonnant à partir des circuits. Si l’on prend en considération la masse de monnaie émise par le système, on aura d’une part les DAV et la monnaie fiduciaire qui alimentent le circuit des transactions courantes et d’autre part les dépôts sur livrets et comptes d’épargne, les certificats et bons ainsi que les emprunts à terme qui alimentent le circuit de la neutralisation monétaire. Ainsi, peut-on dire que pour une masse déterminée, toute baisse de la première part se traduira par une hausse équivalente de la seconde part, et inversement.
Entre 1980 et 2000, les liquidités des ménages français ont été divisées par plus de 2 au profit de l’épargne stable (cf. Monnaie, système financier et politique monétaire de JP Patat, Economica).
On sait aussi que depuis quelques décennies, les entreprises importantes utilisent les méthodes de gestion de trésorerie en date de valeur, qui ont pour effet de réduire sensiblement les dépôts en DAV autrefois pour partie oisifs, et par voie de conséquence la masse M1. Les fusions et regroupements de sociétés n’ont fait qu’amplifier le phénomène.
Ce circuit de la neutralisation monétaire est sans incidence sur la masse monétaire totale, puisque ces fonds provisoirement stockés restent la propriété d’agents non bancaires, toujours à la recherche du meilleur placement.
La monnaie scripturale totale est donc égale à la monnaie en dépôts à vue (en circulation), augmentée de la monnaie en dépôts à terme (sur les parkings monétaires).
Seuls les détenteurs de ces comptes de dépôt (à vue ou à terme) peuvent disposer des fonds. Ce n’est pas la banque qui fait circuler la monnaie, ce sont ses clients.
C’est un aspect fondamental qui échappe à la connaissance collective de la monnaie.
Ainsi, une fraction de la masse monétaire totale est neutralisée par le système bancaire, pendant que l’autre est partagée entre l’activité de production et l’activité purement financière et spéculative, toutes deux subissant des mouvements de va et vient de l’une vers l’autre au gré des échanges et des circonstances.
Comment dans ces conditions, et sachant que la valeur relative de chacun de ces trois éléments de la masse évolue sans cesse, peut-on encore accorder quelque crédit que ce soit aux théories monétaristes de l’inflation ?

7 – L’épargne monétaire 


L’épargne monétaire n’est qu’une part de l’épargne prise au sens plus large que nous avons tous l’habitude de lui donner. Néanmoins, au sens macroéconomique du terme, l’épargne prélevée sur les revenus de l’activité de production ne peut être que monétaire.
Cela peut se vérifier aisément si l’on considère l’activité financière. Prenons, le cas des transactions sur biens mobiliers ou immobiliers existants qui alimentent amplement les placements d’épargne. Si leurs acquisitions constituent un placement (ou un projet spéculatif) pour les uns, leurs cessions correspondent très exactement à une “désépargne” pour les autres. Pour un cessionnaire, il y a toujours un cédant. On est donc en présence d’un simple transfert de monnaie réglant un échange de patrimoine.
Si la banque n’est pas partie prenante à la transaction, celle-ci donne lieu à transfert de compte à compte (de DAV à DAV). Dans l’hypothèse où le cessionnaire fait appel à un crédit bancaire pour acquérir le bien ou la valeur, il y a de surcroît création monétaire. Le crédit est très souvent sollicité pour l’acquisition d’un bien immobilier. Il est aussi très largement utilisé dans les opérations de report de bourse et de change, ce qui prouve bien que la création monétaire n’a pas comme source exclusive l’activité de production, comme tout le monde le suppose et ainsi qu’on l’a déjà souligné.
L’épargne monétaire emprunte deux voies distinctes qui lui donnent une propriété particulière selon qu’elle est confiée à une banque ou à un établissement financier :
  • l’épargne est morte quand elle confiée à une banque : elle ne circule pas,
  • l’épargne est vive ou active quand elle est confiée à un établissement financier : elle circule.
Ces deux caractéristiques marquent une fois de plus la différence qui existe entre ces deux sortes d’établissement, d’où l’importance de leur distinction.
7.1 – l’épargne bancaire, une épargne morte
On vient de voir, par le circuit de la neutralisation monétaire, que l’épargne est morte parce qu’elle ne peut pas circuler, sauf décision des titulaires des comptes d’épargne. Elle occupe les parkings monétaires. Ce chapitre et le suivant ont pour objet d’en apporter la démonstration.
Tout le monde croit, a-t-on déjà dit, que l’épargne circule et qu’elle finance l’investissement, ce qui est impossible avec l’épargne bancaire. Cependant, les autorités monétaires (qui vivent de, dans, par et pour la monnaie 24 heures sur 24, si l’on peut dire) qui ne peuvent pas ignorer cette propriété de l’épargne bancaire, imposent aux banques de diriger telle ou telle épargne en compte chez elles vers des projets d’investissements ciblés.
Il s’agit là d’une supercherie monumentale, car la Banque centrale sait très bien qu’en réalité les banques se livrent à un véritable simulacre de transfert d’épargne pour remplir leurs obligations. Mais elle tient absolument à faire croire que la monnaie et l’épargne circulent.
Il en est ainsi en France de l’épargne administrée, c’est-à-dire celle qui est destinée par la loi à être utilisée à des projets d’investissements sociaux, industriels ou autres.
L’exemple des Codevi (remplacés aujourd’hui par le Livret pour le Développement Durable (LDD) est à cet égard édifiant. Il montre que cette épargne, en banque, sert de base ou de référence à une création de nouveaux signes monétaires, en catimini si l’on peut dire.
Les banques et autres établissements de crédit qui collectent des fonds au titre des Codevi et du LEP, ont pour obligation d’en “virer” les fonds à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), à hauteur de 100% pour le Codevi et 85% pour le LEP.
Comme toutes les banques, la Caisse des Dépôts possède un compte à la Banque de France.
On suppose au départ que :
a) les clients de la banque X placent 1.000 en Codevi et 1000 en LEP, par virements faits à partir de leurs comptes DAV ; ce qui oblige la banque à transférer 1.850 (1.000 au titre des Codevi + 85% au titre du LEP, soit 850) à la CDC,
puis que :
b) la banque emprunte 1.850 à la Banque de France (BDF) et lui remet en garantie des bons du Trésor en pension, car on suppose qu’elle ne dispose pas de monnaie centrale à son compte à l’Institut d’émission,
c) elle donne à la BDF un ordre de virement de 1.850 de son compte à celui de la CDC ; en échange, elle reçoit des titres Codevi de la part de la CDC d’une valeur de 1.000, et à défaut d’informations sur le sujet, on suppose qu’elle constate une créance sur la CDC de 850 au titre du LEP,
On a alors les écritures suivantes :
Banque X                                                                                                                       Schéma 8.1
ACTIF
PASSIF
b)
c)
c)
c)
Compte DAV BDF (pension)
Compte DAV BDF (virt à CDC)
Titres CDC (Codevi)
Créance sur la CDC
1.850
– 1.850
1.000
850
a)
a)
a)
b)
Comptes DAV Clients
Comptes Codevi – clients
Comptes LEP – clients
Emprunt, mise en pension
– 2.000
1.000
1.000
1.850
Banque de France                                                                                                         Schéma 8.2
ACTIF
PASSIF
b)
Opération de refi Banque X
1.850
b)
c)
c)
Compte DAV Banque X
Compte DAV Banque X
Compte DAV CDC
1.850
– 1.850
1.850
Caisse des dépôts et  consignations (CDC)                                                                 Schéma 8.3
ACTIF
PASSIF
c)
Compte DAV BDF (virt de X)
1.850
c)
c)
Obligations Codevi
Dette envers Banque X
1.000
850
Les fonds collectés par la Caisse des Dépôts et Consignations sont destinés, par exemple, au développement de l’industrie (Codevi) et à la construction de logements. On suppose donc qu’ils sont prêtés à un organisme A chargé de la gestion et de l’affectation des fonds conformément à leur objet.
En toute vraisemblance, c’est la CDC qui est la banque de cet organisme, aussi c’est elle qui créera la monnaie mise à la disposition de A selon l’écriture d) suivante qui complète les opérations comme suit :
Caisse des dépôts et  consignations (CDC)                                                                 Schéma 8.4
ACTIF
PASSIF
c)
d)
Compte DAV BDF (virt de X)
Créance sur organisme A
1.850
1.850
c)
c)
d)
Obligations Codevi
Dette envers Bque X (LEP)
Compte DAV Organisme A
1.000
850
1.850
Si l’on fait le bilan des opérations, on s’aperçoit que :

– l’épargne n’a jamais quitté la banque X, pour la bonne et simple raison qu’elle n’a pas de contrepartie en monnaieC’est la monnaie. Et, comme on l’a déjà exposé, cette épargne a pour contrepartie les crédits accordés par le système bancaire.
2 – la banque X a emprunté 1.850 en monnaie centrale à la Banque de France pour remplir son obligation de “transfert” de l’épargne de ses clients à la CDC, (notons qu’elle aurait pu disposer de monnaie centrale, lui évitant ainsi d’emprunter).
– la CDC a émis des obligations Codevi (1.000) – ce qui correspond à un emprunt – et emprunté (800) à la banque X, ce qui lui a permis de recevoir 1.850 de monnaie centrale à la Banque de France.
4 – la CDC a émis de nouveaux signes monétaires, en portant une créance à son actif en contrepartie de la monnaie portée au compte de A à son passif,

Les points 2 et 3 se compensent en monnaie centrale, par échange de titres ou reconnaissance de dette. On notera que la CDC ne peut pas utiliser son compte à la Banque de France pour accorder ce prêt à l’organisme A car celui-ci n’a pas de compte ouvert à la Banque de France (cf. chapitre 4.3).
En vertu de la règle énoncée : toute augmentation de l’actif bancaire génère de la monnaie, la CDC a créé de la monnaie dès l’instant où elle a inscrit à son actif la créance sur l’organisme A.
Il s’agit bien en définitive d’une émission monétaire traditionnelle, empruntant un circuit différent et complexe. Avec cependant comme bilan positif, l’émission de monnaie nouvelle compensant une partie de l’épargne morte.
S’il arrive, comme cela doit être le cas, que la banque voit ses dépôts d’épargne réglementée baisser, on se trouve dans une situation inverse dont l’issue paraît difficilement praticable. On ne peut tout de même pas retirer à l’organisme, les fonds qu’il a investis notamment dans la construction des logements sociaux. La CDC, contrôlée par l’Etat, doit vraisemblablement s’arranger avec la banque. Une contradiction de plus dans un système obscur et complexe que les autorités ne veulent pas assainir.
L’épargne en banque ne peut donc que servir de référence à une émission monétaire nouvelle et l’on peut bien qualifier cette épargne, d’épargne morte.
Comme on va pouvoir en juger à l’aide des exemples qui suivent, les erreurs commises en matière d’épargne sont monumentales.
Au début des années 90, le gouvernement français a voulu obliger une grande banque de dépôts à “transférer” l’épargne de ses déposants au profit d’organismes chargés de sa collecte pour financer le logement social et les collectivités locales. Si la banque de dépôts s’était inclinée devant les injonctions de l’Etat, elle aurait dû créer l’équivalent des sommes visées. Cet incident en dit long sur le mirage monétaire et son retentissement sur les esprits, même les plus instruits.
Prenons un autre exemple français qui veut à la fois favoriser l’épargne à long terme et le financement des entreprises. Il s’agit de l’épargne en actions. Nous allons voir qu’il faut se méfier des apparences, elles sont si souvent trompeuses !
Que se passe-t-il lorsque vous constituez un plan d’épargne en actions, en supposant que vous ne choisissez pas de faire un simple transfert de portefeuille ? Vous disposez d’une somme d’argent à votre compte que le banquier s’empresse de convertir en actions. Il y a donc une transaction entre deux agents (le plus souvent non bancaires, le banquier agissant pour votre compte) qui a pour effet d’alimenter, de manière éphémère, le marché boursier, c’est-à-dire la spéculation. De quelle épargne s’agit-il ? Qu’est devenue en définitive cette monnaie ? Elle n’a fait que changer de mains, de celle de l’acheteur à celle du vendeur, et en conséquence que changer de compte de dépôt à vue (DAV).
Et le comble, qui ne pouvait manquer de se produire avant leur changement de statut, c’est lorsque pour alimenter votre compte d’épargne en actions vous utilisiez un livret ouvert dans une Caisse d’épargne ou à La Poste. Cela revenait à retirer à l’organisme financier (chargé de la collecte de l’épargne) les fonds qu’il avait précédemment reçus pour le financement des investissements collectifs ou sociaux auxquels cette épargne était destinée. Nous étions ici en pleine désépargne, c’est-à-dire que l’on avait réussi à obtenir l’effet inverse à celui escompté !
7.2 – l’épargne dans un établissement financier, une épargne vive ou active
Si l’épargne déposée en banque est une épargne morte, il n’en va pas de même de celle qui est remise ou déposée dans un établissement financier. Par opposition, on peut parler ici d’épargne vive ou active.
On a vu au chapitre 5 supra, que l’établissement de crédit reçoit à son compte DAV les fonds qu’il emprunte, soit à une banque, soit à des agents non bancaires, pour ensuite les prêter à des agents non bancaires, son bénéfice étant le différentiel d’intérêts. S’il emprunte à une banque, il joue le rôle d’un acteur intermédiaire dans la création de monnaie. Mais, il n’en est pas lui-même le créateur. S’il emprunte à des agents non bancaires, il reçoit leur épargne. Dans les deux cas, la monnaie entre (réception des fonds) et sort (fonds prêtés) de son compte de DAV à ceux de ses clients emprunteurs.
Les fonds épargnés remis à un établissement financier ne font donc que passer de comptes de DAV à comptes de DAV. Cette épargne circule. Elle est vive ou active.
On va examiner à présent le cas de La Poste française (avant qu’elle ne dispose le 1er janvier 2006 du statut de banque). Ce cas particulier semble être à l’origine de la confusion qui règne en matière d’épargne, la distinction entre les deux sortes de placement n’étant malheureusement pas faite, ainsi que cela a déjà été dit.
Avec ses Comptes Chèques Postaux (CCP), La Poste semble alors fonctionner comme une banque de dépôts : elle possède au passif de son bilan des comptes de dépôts (DAV) et de placements à vue et à terme (DAT). Elle met à la disposition de ses clients des instruments de paiement comme le fait une banque. Mais, elle ne prête pas d’argent, on va voir tout de suite pourquoi.
En fait, ses déposants (sans le savoir) l’ont autorisée en vertu de la loi de 1984 à disposer de leurs fonds, à charge pour elle de les restituer. Il y a donc un transfert légal de propriété.
Elle ne fait que gérer des comptes dont les fonds correspondants sont déposés sur un compte extérieur à son établissement, ce qui lui donne le caractère d’un établissement financier. Voici pourquoi et comment.
Tous les chèques et virements tirés sur une banque quelconque à l’ordre des CCP, sont endossés à l’ordre du Trésor Public, crédités au compte de celui-ci à la Banque de France, puis traités en compensation. Inversement, tous les chèques et virements tirés sur les CCP à l’ordre d’une banque quelconque, sont traités en compensation puis débités au compte du Trésor à la Banque de France. Parallèlement, des écritures internes aux deux établissements sont enregistrées dans leurs comptes respectifs.
Toute la monnaie a donc bénéficié au Trésor Public qui a “pompé” tous les DAV de la clientèle des CCP, y compris celle de l’épargne puisque les virements de DAV à DAT ne sont que de simples écritures comptables sans transfert de monnaie, et pour cause : il n’y a pas de monnaie dans les DAV des CCP !
Si on fait le bilan des opérations, on s’aperçoit que le Trésor a disposé ainsi de tous les dépôts, y compris d’épargne, de la clientèle des CCP. Si cette épargne est liquide, à la différence de celle qui est dans les parkings monétaires bancaires, c’est que la monnaie correspondante a toujours été “placée” sur le compte du Trésor à la Banque de France qui s’en est servi tout naturellement. C’était le but de l’opération !
A fin 1996, le solde des comptes réciproques, d’une part au passif du bilan du Trésor Public au compte « Dépôts des services financiers de La Poste » et d’autre part à l’actif du bilan de La Poste au compte « Dépôts au Trésor », s’élevait à 176,8 milliards de francs. En 7 ans (89/96) il s’est accru de 13%. (Source Banque de France – Bulletin Hors Série 1996). C’est, semble-t-il, la dernière publication. Il est à peu près certain qu’à la création de la Banque Postale, l’Etat (le Trésor) ait remboursé la dette qu’il avait envers La Poste, en empruntant l’équivalent assurément.
La Poste avec ses CCP s’assimilait donc à un établissement financier.
Avant qu’elles n’adoptent elles aussi en 1999 le statut de banque, les Caisses d’épargne fonctionnaient comme un établissement financier. Les fonds de leurs clients étaient déposés – très vraisemblablement – à leur compte DAV à la Caisse des Dépôts et Consignation. Elles “tiraient” donc sur leur compte à la CDC, comme le font tous les établissements financiers en “tirant” sur leur banque.
La différence de statut est considérable. Les Caisses d’épargne et la Banque Postale ne s’y sont pas trompées, puisque maintenant comme les banques elles créent la monnaie et “tirent” sur leurs caisses.
Voyons à présent la différence qui existe entre l’épargne déposée en banque et celle déposée dans les CCP. Elle est complexe à saisir, comme le montrent les analyses suivantes :
a) on suppose que les clients de La Poste placent 1.000 en Codevi, et 1.000 en LEP, comme l’ont fait les clients de la banque X (cf. schéma 8.1) :
La Poste                                                                                                                        Schéma 9.1
ACTIF


PASSIF


a)
a)
a)
Comptes DAV – Clients
Comptes Codevi – Clients
Comptes LEP – Clients
– 2.000
1.000
1.000
Alors que dans le cas de la banque X la monnaie passe de DAV à DAT, ici dans le cas de la Poste il s’agit d’une simple écriture comptable sans transfert monétaire puisque la monnaie de la Poste passe toujours entre les mains du Trésor Public. C’est ce que l’on a dit plus haut.
b) aussi, pour remplir ses obligations envers l’organisme chargé de la collecte des fonds Codevi, La Poste donne (nécessairement) au Trésor, pour son compte, un ordre de virement de 1.850 en faveur de la Caisse des Dépôts et Consignations ; en échange, elle reçoit des titres Codevi émis par la CDC d’une valeur de 1000, et à défaut d’informations sur le sujet, on suppose qu’elle constate une créance sur la CDC de 850 au titre du LEP, ce qui donne :
La Poste                                                                                                                              Schéma 9.2
ACTIF


PASSIF
b)
b)
b)
Compte de dépôt au Trésor
Titres CDC (Codevi)
Créance sur la CDC (LEP)
-1.850
1.000
850
a)
a)
a)
Comptes DAV – Clients
Comptes Codevi – Clients
Comptes LEP – Clients
– 2.000
1.000
1.000
Le schéma 8.1, repris ci-dessous, relatif aux opérations de la banque X n’est pas très différent :
Banque X                                                                                                                            Schéma 8.1
ACTIF
PASSIF
b)
c)
c)
c)
Compte DAV BDF (pension)
Compte DAV BDF (virt à CDC)
Titres CDC (Codevi)
Créance sur la CDC
1.850
– 1.850
1.000
850
a)
a)
a)
b)
Comptes DAV Clients
Comptes Codevi – clients
Comptes LEP – clients
Emprunt, mise en pension
– 2.000
1.000
1.000
1.850
Ici, (schéma 8.1) la banque X a donné un ordre de transfert directement de son compte à celui de la CDC à la Banque de France.
Tandis que les schémas d’écritures suivants montrent, d’abord l’enregistrement des opérations réciproques du Trésor Public avec les comptes de La Poste (schéma 9.3), puis le transfert du Trésor à la CDC (schéma 9.4). Par cette écriture, le Trésor perd l’épargne qu’il avait auparavant captée.
 Trésor Public (TP)                                                                                                              Schéma 9.3
ACTIF


PASSIF
b)
Compte DAV Bque de France
(virement à CDC)
-1.850
b)
Dépôts services financiers de La Poste
– 1.850
Banque de France                                                                                                               Schéma 9.4
ACTIF


PASSIF
b)
b)
Cpte DAV Trésor Public
Cpte DAV CDC
– 1.850
1.850
Caisse des dépôts et  consignations (CDC)                                                                      Schéma 9.5
ACTIF


PASSIF
b) Compte DAV Bque de France
1.850
b)
b)
Obligations Codevi
Dettes envers La Poste – LEP
1.000
850
Quant aux schémas 8.2 et 8.3 relatifs à la banque X, ils sont très proches de ceux de la Poste 9.4 et 9.5 et n’appellent pas de remarques particulières.
c) les fonds collectés par la CDC sont destinés à l’organisme A qui a son compte à la CDC, et celle-ci crée la monnaie qu’elle met à la disposition de cet organisme, comme dans l’exemple de la banque X, ce qui nous donne :
Caisse des dépôts et  consignations (CDC)                                                                       Schéma 9.6
ACTIF


PASSIF
b)
c)
Compte DAV BDF virt TP/La Poste
Créance sur organisme A
1.850
1.850
b)
b)
c)
Obligations Codevi
Dettes envers La Poste
Cpte DAV Organisme A
1.000
850
1.850
Ce schéma 9.6 est équivalent au schéma 8.4 et montre dans les deux cas une création monétaire, par la CDC lorsqu’elle met les fonds à la disposition de l’organisme A.
Si l’on compare les deux séries de modèles (schémas 8 et 9) portant sur les mêmes données d’épargne, on peut faire les observations suivantes :
1 – Le Trésor Public a dû rembourser l’épargne qu’il avait auparavant détournée à son profit,
2 – La CDC, dans les deux cas, a créé de nouveaux signes monétaires qui seront remboursés par l’organisme A selon le contrat de prêt passé avec lui,
3 – La création de signes monétaires par la CDC, dans le cas des CCP, est annulée par la reprise de l’épargne sur le Trésor.
Le Trésor Public est un agent non bancaire dont la particularité est de détenir un compte à la Banque centrale, ce qui rend les opérations plus complexes. On passe sans cesse d’une monnaie (centrale) à l’autre (secondaire) et inversement, si bien que les créations et destructions de monnaie secondaire se neutralisent. On l’a vu.
Les dépôts de la clientèle de La Poste sont donc liquides puisqu’ils sont, soit dans les caisses du Trésor soit en compte à la Banque de France. Le caractère liquide de cette monnaie est d’autant mieux établi que l’Etat en dispose à sa guise comme s’il s’agissait de sa propre trésorerie.
L’épargne dans un établissement financier est une épargne vive ou active, car elle est disponible sur un compte ouvert dans une banque extérieure à l’établissement. Tandis que celle qui se trouve dans une banque est une épargne morte, sans autre contrepartie que celle que constituent les valeurs d’actifs qui sont à l’origine de sa création.

8 – Les marchés monétaires


8.2 – Généralités
Pour le pouvoir monétaire, la seule monnaie ayant cours sur le marché monétaire est la monnaie centrale. Ce faisant, les problèmes liés à la nature de la monnaie disparaissent comme par enchantement.
Le marché monétaire comprend plusieurs compartiments, qui sont en fait des marchés séparés, réservés à des professionnels ou à des publics différents.
Si l’on se base sur les analyses de circuits qui ont été faites jusque là, et si l’on veut éclaircir les zones d’ombre qui l’entourent, le marché monétaire pris au sens large peut être divisé en compartiments, qui sont en fait des marchés séparés, réservés à des professionnels ou à des publics différents :
 le marché interbancaire, réservé aux seules banques admises à la compensation et destiné à régler leurs positions réciproques, ainsi qu’on l’a vu aux pages « Compensation et règlements interbancaires »,
– l’open market, marché officiel fonctionnant exclusivement en monnaie centrale, ouvert aux titulaires de comptes à la Banque centrale : les banques et le Trésor. Sur ce marché il ne s’échange que de la monnaie centrale.
Il est sollicité de manière intensive, dans un sens ou dans l’autre pour des sommes importantes, lors du recouvrement des impôts par le Trésor Public et lors de l’émission de bons ou d’obligations par l’Etat.
Depuis que le marché interbancaire est sinistré, les banques se procurent sur ce marché la monnaie centrale qui leur est nécessaire pour régler leurs positions journalières, les garanties habituelles leur étant refusées.
Existe-t-il des liens entre ce marché et le marché interbancaire ? Il semble bien que l’on ait affaire à deux compartiments étanches dépourvus de liens de communication de l’un vers l’autre.
La question peut être posée autrement : quand une banque dispose d’excédents de monnaie centrale, cherche-t-elle à les placer sur le marché interbancaire, et quand elle en manque peut-elle en trouver sur ce même marché ? La réponse paraît être négative, car l’open market a précisément pour fonction de satisfaire l’offre et la demande des banques dans cette monnaie.
Dans cette hypothèse qui semble correspondre à la réalité pratique, la Banque centrale de manière exclusive fournit les besoins des banques et absorbe leurs liquidités excédentaires.
Les marchés financiers ne sont pas traités dans cette étude et on ne s’intéressera ici qu’au marché monétaire proprement dit avant d’aborder le chapitre suivant consacré à l’activité et la rémunération des services bancaires.
8.2 – Le marché monétaire proprement dit
Ce marché monétaire possède une particularité tout à fait insolite pour un marché, c’est qu’il est appelé à remplir deux fonctions : la première consistant à fournir les besoins en monnaie nationale de l’économie, et la deuxième à couvrir dans le même temps une part de la charge des services rendus par la profession bancaire, ce qui veut dire que l’on a affaire à un marché hybride. On traite ici de la première fonction, tandis que le chapitre 9 suivant traite de la seconde.
Ouvert à un large public, il peut être scindé en 2 compartiments :
  1. le marché monétaire, disons formel, où se mêlent banques, établissements de crédit et aussi agents non bancaires reconnus pour y être admis,
  2. le marché monétaire, disons informel, beaucoup plus vaste, ouvert au plus grand nombre (entreprises et ménages).
                8.2.1 – Le marché monétaire, disons formelCe marché que l’on peut appeler formel, par opposition au marché informel analysé plus bas, a été longtemps réservé aux banques et aux établissements financiers. En l’élargissant à un plus vaste public, il semble que l’on soit en présence d’une volonté affichée du pouvoir monétaire :
                – d’étendre et de développer la politique libérale, c’est-à-dire renforcer la loi de l’offre et de la demande,
                – mais aussi et surtout, de réduire la part de la création monétaire en favorisant l’emploi des ressources disponibles (détenues par les agents non bancaires) dans le financement de l’économie, ceci évidemment dans l’intention partout présente de lutter contre l’inflation, le but de la limitation de la création monétaire ici étant atteint.
Cette démarche qui est tout à fait illusoire dans l’hypothèse (développée au chapitre 4.2) où l’inflation des prix n’a pas pour origine exclusive la création de monnaie, n’est pas neutre sur la rentabilité de la profession bancaire.
On a donc ouvert ce marché formel, avec quelques retards en France par rapport notamment aux Etats-Unis, à un public principalement constitué de grandes entreprises françaises et étrangères de premier rang, solvabilité oblige, avec un succès d’autant plus grand que les taux d’intérêt étaient à l’époque très élevés. Celles qui le peuvent par leur dimension trouvent ainsi le moyen de mettre les banques en concurrence pour placer leurs disponibilités et combler leurs besoins. Mais les PME et PMI, en raison de leur faible taille, n’y ont pas accès et s’en trouvent pénalisées, car le vide produit par le départ des plus grandes entraîne nécessairement une élévation du taux d’intérêt sur le marché informel.

Intervenants sur ce marché

On peut dresser la liste des intervenants comme suit :
                – les établissements de crédit non bancaires,
                – le Trésor public, ou la Banque Centrale agissant pour son compte, afin d’assurer par exemple le placement de bons ou d’obligations d’Etat, ou plus simplement pour disposer ou placer des disponibilités principalement à très court terme,
                – certaines entreprises disposant d’une surface financière assez grande pour y être admises,
avec la participation ou non des banques en tant que prêteuses ou emprunteuses.
Pour comprendre le fonctionnement de ce marché, il faut bien distinguer :
                . la transaction de base, objet du marché, soit l’accord des deux parties : le prêteur et l’emprunteur,
                . des opérations de règlement qui concluent la transaction.
C’est que, dans tous les cas en effet, le règlement sera opéré :
                – soit par la compensation interbancaire, suivi du règlement des positions sur le marché interbancaire, ainsi qu’on l’a vu,
                – soit plus généralement par le canal de la Banque centrale (TBS), après avoir sollicité l’open market si nécessaire.

Procédure de règlement des transactions

On commencera par l’examen d’une transaction ordinaire faite sur ce marché : par exemple un prêt accordé par une banque à un établissement financier non bancaire, en supposant évidemment que ce dernier n’a pas de compte ouvert chez la banque prêteuse, car dans ce cas on peut supposer que le marché monétaire ne serait pas sollicité.
Pour s’acquitter de son engagement, la banque accordant le prêt devra transférer les fonds à la banque de l’établissement financier. Pour cela, selon le cas et en fonction du montant,
                – soit, elle passe par un système de télé-compensation, avec pour conséquence un règlement des positions respectives de gré à gré (SIT) ou sur le marché interbancaire (PNS),
                – soit, plus vraisemblablement, elle procède à un transfert Banque centrale de son compte à celui de la banque de l’emprunteur, avec si nécessaire appel à l’open market pour se fournir en monnaie centrale, seule monnaie admise pour ce type de règlement.
S’il s’agit d’une transaction entre deux entreprises, la prêteuse saisira sa banque pour qu’elle procède au virement des fonds en faveur de la banque de l’entreprise emprunteuse. La procédure est la même que celle décrite ci-dessus.
On peut supposer que sur ce marché, quand elles interviennent, les banques sont généralement prêteuses ; c’est leur métier. Mais, elles peuvent devenir emprunteuses, quand par exemple elles lancent un emprunt obligataire. Elles peuvent également prêter ou emprunter si elles pensent tirer profit des taux d’intérêt pratiqués. Même procédure selon le cas, compensation interbancaire ou transfert par le canal de la Banque centrale.
Supposons maintenant que la Banque centrale intervienne pour le compte du Trésor Public, lors de l’émission de bons du Trésor, par exemple.
Que les banques souscrivent pour leur compte ou pour celui de leurs clients, elles se fourniront en monnaie centrale sur l’open market afin de virer les fonds au compte du Trésor à la Banque centrale.
Mais de plus, dans l’hypothèse où le Trésor n’aurait pas l’emploi immédiat des fonds levés, la Banque centrale agissant éventuellement pour son compte, pourrait les replacer le jour même sur ce marché. Les banques disposant alors de monnaie centrale pourraient la recéder à l’Institut d’émission dans le cadre des reprises de liquidité (reprise des titres mis en pension ou rachat de titres, etc.).
Dans un cas comme celui-ci, il est tout à fait probable que les prêts et emprunts des banques face au Trésor donnent lieu à des transactions qui évitent aux banques de se fournir puis de recéder la monnaie centrale.
Quand le Trésor emprunte ou prête sur ce marché, les banques fournissent ou reçoivent de la monnaie centrale pour réaliser l’opération. Elles sollicitent alors l’open market.

Groupes de transactions

Les interventions des différents opérateurs pour le placement ou la recherche de fonds au jour le jour ou à terme, nous amènent à diviser les transactions de ce marché en trois groupes:
                – celles qui correspondent à des prêts accordés par des banques à des agents non bancaires, et qui s’analysent en une création monétaire traditionnelle, la différence portant sur les moyens utilisés (marché monétaire et non de gré à gré) pour y parvenir,
                – celles qui concernent les activités de prêts et emprunts que pratiquent entre eux les agents non bancaires par-dessus la profession, sans effet sur la masse monétaire, puisqu’elles s’analysent finalement en transferts de comptes de banque (DAV) à comptes de banque (DAV),
                – enfin, celles qui portent sur des prêts consentis par des agents non bancaires à des banques, qui ont pour conséquence de transformer des liquidités en épargne morte, via le circuit de la neutralisation monétaire, sans incidence sur la masse émise ainsi qu’on l’a déjà souligné.
Les transactions du premier groupe n’appelant pas de remarque particulière, on examinera d’abord celles du deuxième groupe qui ont comme particularité de mettre les banques en concurrence.
On peut se poser la question de savoir quel est l’intérêt de cette concurrence. Certes, les prêts entre agents non bancaires, tant sur le marché monétaire qu’ailleurs, permettent à l’économie de trouver une partie des capitaux qui lui sont nécessaires, corrélativement sans effet sur la masse monétaire. Mais, est-ce bien indispensable et pourquoi court-circuiter le système bancaire ?
Se plaçant dans l’orbite des théories actuelles sur la monnaie, selon lesquelles tout accroissement de la masse monétaire supérieur à la croissance du produit national a nécessairement un effet à la hausse sur les prix, que se passerait-il si l’on acceptait de laisser les banques fournir exclusivement la demande des agents non bancaires (emprunteurs, donc) par création monétaire ?
Cette question en amène une autre: les capitaux des agents non bancaires (prêteurs, donc), ainsi rendus disponibles, seraient-ils ou non utilisés dans la sphère réelle, c’est-à-dire à l’activité de production (impliquant donc un effet sur les prix) ? On peut en douter, puisque ces capitaux, à la recherche du meilleur placement à court ou à long terme, ont fait l’objet de la part de leurs détenteurs d’un choix délibéré entre consommation ou investissement d’une part, et épargne d’autre part. C’est précisément la raison pour laquelle ils apparaissent sur le marché monétaire.
S’il en est bien ainsi, comme cela paraît évident, toute nouvelle création monétaire ne saurait avoir d’effets sur les prix. Ces capitaux disponibles seraient inévitablement captés par le circuit de la neutralisation monétaire, puisque la monnaie scripturale ne quitte jamais le secteur bancaire.
Ici comme ailleurs, on agite l’épouvantail de l’inflation et on poursuit la chimère des besoins de capitaux dont on n’a sans doute que faire.
Il est d’ailleurs fort probable que les opérations monétaires du deuxième groupe engendrent en partie celles du troisième groupe. S’agissant d’emprunts par les banques auprès d’agents non bancaires, ces transactions paraissent se substituer, en partie en tout cas, aux dépôts à terme ou aux souscriptions de bons ou de certificats de dépôt dont les intervenants non bancaires convenaient auparavant de gré à gré avec leurs banquiers.
En fait, les transactions du dernier groupe alimentent le circuit de la neutralisation monétaire, c’est-à-dire l’épargne morte.
On peut mesurer à présent la différence existant par exemple entre un certificat de dépôt bancaire et un billet de trésorerie émis par une entreprise, tous deux entre les mains d’un agent non bancaire. L’un représente une créance monétaire sur le secteur bancaire, tandis que l’autre représente une simple créance financière sur un autre agent non bancaire, même s’il s’agit d’un titre négociable. A l’échéance, le porteur de la première sera crédité en DAV sans autre formalité, tandis que le porteur de la seconde devra compter sur la provision préalable du débiteur, c’est-à-dire qu’il sera crédité en DAV à condition qu’un autre DAV soit débité d’égal montant. Dans le premier cas, l’épargne morte sera réactivée, si l’on peut dire, en liquidités disponibles. Dans le second cas, il s’agit d’un simple transfert de liquidités.
Cette différence essentielle est au cœur de la confusion qui règne dans la mesure actuelle de la masse monétaire, dont les mouvements erratiques n’en finissent pas de surprendre, et pour cause !
Mais, revenons au marché monétaire. Qu’il soit ouvert aux agents non bancaires, pour bénéficier des meilleurs taux de placement ou d’emprunts auprès de la profession bancaire, relève de la concurrence la plus saine. Mais laisser ces agents opérer par-dessus la profession pour exercer le métier de prêteur relève d’une concurrence beaucoup plus discutable. Comme on l’a souligné, sa suppression resterait très certainement sans effet sur la sphère réelle, alors que son maintien a pour conséquence de réduire les marges bénéficiaires des banques dans leurs activités de création et de gestion de la monnaie. Cela est-il souhaitable ?
                8.2.2 – Le marché monétaire, disons informel
C’est le marché ouvert au public, entreprises et ménages qui n’ont pas accès au marché formel que l’on vient de décrire. On n’en parle pas, et c’est pourtant le plus important par le nombre et ses implications sur l’activité économique, puisqu’il alimente en monnaie les besoins de la plupart des agents économiques.
Sachant que le système bancaire pris dans son ensemble (c’est-à-dire consolidé) ne possède pas de monnaie propre, puisqu’il la crée et la détruit à volonté, on peut soutenir qu’il n’existe de marché véritable que dans les relations de l’appareil bancaire avec l’extérieur (agents non bancaires). C’est la raison pour laquelle le marché monétaire le plus sollicité est le marché informel. C’est aussi le plus rentable pour la profession.
Les banques et les établissements financiers ou de crédit fournissent la demande de monnaie. Les taux d’intérêt pratiqués sur ce marché obéissent à la loi de l’offre et de la demande, même s’ils sont soumis à l’influence du taux directeur de la Banque centrale. Les banques créent la monnaie demandée, tandis que les autres agissant en intermédiaire empruntent aux banques ou bien collectent l’épargne qu’ils prêteront.


9 – L
’activité et la rémunération des services bancaires


La création monétaire est à la base de l’activité du banquier, puisque c’est là et non ailleurs, quoi qu’on en pense, qu’il trouve la matière première nécessaire à l’exercice de son métier de prêteur d’argent. Ce n’est pas parce qu’il crée la monnaie, qu’il en retire tout le profit que le taux d’intérêt peut laisser supposer. On sait que chaque nouvelle émission engendre des besoins en monnaie centrale que le banquier devra se procurer auprès de l’Institut d’émission.
Il devra donc en premier lieu financer ce qui correspond au supplément de monnaie fiduciaire qui quittera son établissement et aux réserves obligatoires qu’il sera tenu de constituer à la Banque Centrale. Il devra aussi rémunérer les dépôts et placements d’épargne de la clientèle inhérents à toute nouvelle création monétaire. Il aura ensuite à supporter le coût des fuites qui ne manqueront pas de se produire, conséquence inéluctable des transactions entre agents non bancaires. Et puis, il devra affronter une concurrence de plus en plus vive et parer à la désaffection grandissante des agents non bancaires pour les comptes de dépôts à vue.
Voilà pour les charges qui sont directement liées aux prêts d’argent. Mais les intérêts bancaires doivent couvrir bien d’autres charges que celles que l’on vient d’examiner, ce qui nous amène à poser le problème de la rémunération des services bancaires, car véritable problème d’équité il y a dans la répartition des coûts financiers entre les agents économiques.
Il n’est pas inutile de rappeler que pour des raisons historiques, les banques trouvent la source principale de leurs revenus dans les intérêts versés sur les sommes prêtées, alors que l’essentiel du volume de leur activité est occupé par la gestion des comptes de la clientèle et par les transactions monétaires qui en découlent. Il est fort regrettable que la rémunération du banquier soit sous la dépendance d’un taux d’intérêt fluctuant au gré de circonstances étrangères à son activité et au volume de ses transactions.
Cette situation génératrice de distorsions, puisque ce n’est pas le service qui est payé et pas forcément par celui qui le reçoit, présente au plan strictement économique l’inconvénient de répartir les coûts de financement et ceux des transactions indifféremment sur des agents économiques quelle que soit leur activité spécifique et leur part relative dans le recours au crédit.
On peut dire que le mode de rémunération de la profession est particulièrement inique puisque ce sont les agents économiques emprunteurs (généralement investisseurs) à proportion des sommes empruntées qui payent des services qu’ils ne reçoivent que très partiellement, alors que dans le même temps des agents gros consommateurs de services bancaires, tels que distributeurs, grandes surfaces, et autres agents en bout de chaîne, ne supportent qu’une faible, sinon aucune, charge correspondante. Ceux-là même qui bénéficient d’une trésorerie largement alimentée par le paiement comptant de leur clientèle, dont ils tirent de surcroît avantage du placement.
Les grandes surfaces, par exemple, qui drainent des quantités importantes de moyens de paiement (espèces, chèques, cartes de crédit) de leurs clients, sollicitent ainsi largement et gratuitement les services des banques qui doivent faire leur affaire des manipulations et des traitements informatiques correspondants. Qui plus est, le placement de leurs disponibilités met les banques face à de nouvelles fuites de monnaie.
Il est clair que la profession couvre d’autant plus facilement ses charges que le taux d’intérêt est plus élevé. Et, il est tout aussi clair à l’inverse qu’elle les couvre d’autant plus difficilement que le taux est plus bas. Il existe donc un seuil incompressible en deçà duquel elle ne trouve plus à couvrir ses charges. C’est ainsi que les grandes entreprises, en ayant accès au marché monétaire formel bénéficiant de taux beaucoup plus bas, échappent à une charge que supportent tous les autres agents.
Il y a quelques années en France, on a traversé une période qui illustre bien cette situation. A l’étonnement quasi général, les banques avaient de plus en plus de mal à répercuter les baisses de taux du marché monétaire sur leur clientèle. Cela apparaît nettement si l’on compare la courbe des taux au jour le jour avec celle des taux de base bancaire, qui servent de référence  pour les crédits consentis par les banques à leurs clients. De 1992 à 1997, l’écart n’a cessé de se creuser: les premiers sont passés de 10,3% à 3,2% environ, tandis que les seconds sont passés de 10,0% à 6,3%.
Cela prouve assez, s’il en était besoin, que le taux d’intérêt en tant qu’instrument de la politique monétaire ne joue pleinement son rôle que dans un sens, toujours le même, c’est-à-dire qu’il donne la priorité au capitalisme monétaire sur l’économie réelle.
Alors qu’en 1992, les banques pouvaient se permettre de proposer un taux de base inférieur à celui du marché, en 1997 elles se trouvent dans l’obligation de retenir un taux deux fois plus élevé que celui du marché. Ceux qui préconisent une baisse des taux, en raison de la baisse de l’inflation, n’ont pas compris que la profession bancaire ne pourra pas s’affranchir de l’effet de seuil, tant qu’elle ne pourra pas facturer, sans excès, à ses clients le coût des services effectivement rendus.
Toutes les tentatives faites jusqu’à présent en France ont avorté, parce qu’elles n’ont jamais placé le problème sur son vrai terrain. Ainsi, en est-il des essais de facturation des chéquiers qui se heurtent à l’hostilité des organisations de consommateurs.
Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, les grandes entreprises non seulement n’investissent plus, mais remboursent leurs emprunts antérieurs et placent leurs excédents de trésorerie résultant de profits en expansion, tandis que les moyennes et petites entreprises se débattent dans les pires difficultés financières sans pouvoir emprunter, tout ceci produisant évidemment un net ralentissement de l’activité bancaire traditionnelle, non sans effets néfastes sur l’économie réelle.
La confusion soigneusement entretenue dans le domaine de la monnaie donne bien l’illusion que l’on ne crée pas la monnaie, mais que l’on se sert de celle qui existe déjà. Curieusement, on ne parle jamais de création monétaire. C’est que le sujet est interdit !
Sur le plan national, l’économie française fait en partie les frais des distorsions du système de rémunération de la profession bancaire, puisque les petites et moyennes entreprises n’ayant pas accès comme les plus grandes au marché monétaire et à ses taux préférentiels doivent supporter une charge d’intérêt beaucoup plus élevée pour financer leurs investissements et leur fonds de roulement. C’est ainsi qu’elles sont pénalisées par des taux deux à trois fois plus forts, ceci afin de couvrir bien sûr le risque de défaillance dans leurs engagements, mais aussi des charges qui incombent normalement aux plus grandes (grandes surfaces, notamment).
Pourquoi ne pas faire payer le service rendu comme le font toutes les entreprises de services ? On rétablirait ainsi la nécessaire équité entre les différents utilisateurs de l’appareil bancaire et on rendrait à l’économie une part des moyens qui lui manquent. Ce sont deux raisons majeures qui militent en faveur du découplage taux d’intérêt / frais du secteur bancaire. On mettrait enfin un terme à l’existence d’un marché dénaturé puisqu’il prétend à lui seul fixer le prix de deux produits totalement différents, dépendant de deux marchés distincts : la monnaie et les services bancaires.
Toutefois, ce qui devait arriver arriva. Depuis le milieu des années 90, en une décennie,  les banques françaises ont réussi à facturer les nouveaux services qu’elles offrent à leurs clients en même temps qu’elles généralisaient l’informatisation de leurs activités. Elles font ainsi coup double ! Il n’en est que plus urgent de séparer les deux sources de rémunération de la profession.


10 – 
La mesure et la régulation de la monnaie


Il n’est pas douteux qu’à un moment donné, il y a de cela plusieurs décennies, les autorités monétaires aient choisi en toute connaissance de cause de regrouper les banques et les établissements financiers pour la détermination des éléments devant servir à la mesure de la masse monétaire en circulation. On peut supposer qu’elles n’ont pas voulu à l’époque que le public connaisse la facilité déconcertante avec laquelle la monnaie est créée par le système bancaire en dehors de toute contrainte, y compris et surtout celle de l’Institut d’émission.
Depuis lors, l’introduction de nouvelles activités et principalement de nouveaux instruments financiers n’a fait qu’ajouter à la confusion d’origine. On peut même se poser la question de savoir s’il existe encore quelqu’un qui arrive à comprendre quelque chose dans le dédale impraticable que l’on a bâti sur cette assise en trompe-l’œil.
Ainsi qu’on l’a vu, c’est l’agrégat M3 qui sert encore d’indicateur pour la conduite de la politique monétaire, alors qu’il n’existe aucune corrélation entre la courbe de cet agrégat et les courbes de l’évolution du PIB et de l’inflation. Il faut donc faire un bel acte de foi pour prétendre que le taux d’inflation est le repère central de la politique monétaire, surtout quand on sait comment il est calculé ! Personne n’est donc en mesure d’expliquer ces variations. Mais, personne jusqu’à présent n’a songé, en tout cas n’a dit, qu’il pouvait s’agir d’un défaut de l’outil de mesure. C’est pourtant ce qui découle de l’analyse.
Les variations de la masse monétaire ne peuvent donc rendre compte ni de ses effets inflationnistes supposés sur les prix, ni de la croissance observée.
Alors, comment dans un tel désordre de la mesure, peut-on retenir comme étalon monétaire cet agrégat, instrument de la politique monétaire des banquiers centraux ?
Bien que l’on soit incapable, de manière délibérée ou non, de mesurer avec la précision requise la masse monétaire en circulation, et partant que l’on soit tout aussi incapable d’en apporter la démonstration en grandeur nature, on prétend nous imposer la théorie monétariste de l’inflation comme ayant force de loi. Toutes les analyses faites dans cet ouvrage tendent à prouver que l’on est en présence d’une aberration collective de dimension planétaire, entretenue par le pouvoir monétaire.
Seule une prise de conscience populaire peut nous ramener à la raison et ouvrir la voie à la régulation monétaire, seul moyen de rétablir l’ordre économique.
La conjoncture n’est rien d’autre qu’une économie libérale livrée à l’influence désordonnée, parce que non régulée, des facteurs endogènes opposés que sont l’épargne et le crédit. La loi macroéconomique nous montre que dans la dynamique économique, l’épargne joue le rôle du frein sur le moteur de l’activité de production, tandis que le crédit joue celui de l’accélérateur.
Si l’on veut « diriger », au vrai sens du terme, l’économie d’un pays et la mettre à l’abri des désordres conjoncturels, il n’existe qu’une solution pour y parvenir : la régulation monétaire de l’activité nationale que seul l’Etat est en mesure d’exercer.
C’est en agissant opportunément sur le frein (l’épargne) et sur l’accélérateur (le crédit) que l’on commandera l’allure de marche de l’activité de production. Mais, pour faire de la régulation monétaire, encore faut-il disposer d’un instrument de mesure fiable et d’un outil de régulation adapté.
10.1 – L’instrument de mesure
La première condition sine qua non pour disposer d’un instrument de mesure fiable et adéquat, on l’a dit et répété, est de procéder à la séparation comptable des deux types d’entreprises que sont les banques créatrices de monnaie et les établissements financiers Ces derniers n’ont rien à faire dans la mesure sinon de la fausser.
On peut alors passer à la deuxième phase de la construction de l’instrument qui est la mesure de la masse monétaire émise par le système et reprendre ce que l’on a dit au chapitre 3 :
Pour disposer d’une bonne définition de la masse monétaire, il suffit de consolider les bilans de la Banque centrale et des seules banques créatrices de monnaie, afin d’isoler :
– l’émission monétaire ou masse monétaire en cours, qui est la somme des créances que possèdent les agents non bancaires sur le secteur bancaire, c’est-à-dire la monnaie fiduciaire (hors monnaie métallique, à prendre en compte par ailleurs, si celle-ci n’est pas émise par la Banque Centrale), les dépôts à vue, à terme ou autres, les certificats de dépôt, ainsi que les prêts consentis sous une forme ou sous une autre, figurant au passif de ce bilan consolidé, exception faite cependant des dettes du secteur destinées au renforcement de ses fonds propres,
– et la contrepartie monétaire qui est la somme des créances que possède le secteur bancaire sur l’économie (avoirs en devises, crédits à l’économie), figurant à l’actif, augmentée ou diminuée de la différence existant entre les actifs et les passifs propres à ce secteur, selon que les premiers sont ou non supérieurs aux seconds,
l’émission étant égale à la contrepartie.
Etant précisé que la monnaie scripturale émise circule si elle est en compte de dépôt à vue (DAV), et ne circule pas si elle est en compte de dépôt d’épargne ou à terme (DAT) car elle est neutralisée par le système, ainsi qu’on l’a vu. En ce qui la concerne, la monnaie fiduciaire circule de toute façon puisqu’elle a la propriété de quitter physiquement le système.
Il s’agit maintenant, de bien faire la distinction dans les comptes des banques de leur participation à l’activité nationale et de leur activité propre. A cet effet, on distinguera en particulier :

à l’actif, les concours accordés à l’économie (crédits et devises), pour ce qui concerne l’émission monétaire,
le solde (actif moins passif) de l’activité propre des banques, en ce qui concerne l’émission (ou la destruction),
au passif, l’épargne pour ce qui concerne la neutralisation monétaire.

Dans ce but, il convient de reclasser les comptes de bilan des banques créatrices de monnaie, afin d’isoler les flux qui concernent les transactions de la clientèle et ceux qui les concernent à titre propre. Les moyens informatiques devraient faciliter ce reclassement des différents comptes de banque pour les mettre dans la forme requise.
Afin de bien distinguer la monnaie appartenant à la clientèle de la monnaie gérée par la banque pour propre compte, on peut retenir le critère suivant : la monnaie de la clientèle en dépôt en banque appartient ou non au client selon que celui-ci a ou non donné à la banque l’autorisation en bonne et due forme d’utiliser les fonds déposés, les rangeant dans l’affirmative ipso facto dans les fonds appartenant à la banque (propre compte).
Cette distinction devrait en outre donner au pouvoir monétaire les moyens d’exercer un contrôle plus étroit sur leurs fonds propres et leur utilisation. Les risques actuels de défaillance pourraient ainsi tendre à disparaître.
Il conviendra ensuite de séparer les opérations de la sphère réelle et celles de la sphère financière et monétaire.
Tant que l’on ne pourra pas distinguer dans le système bancaire, les opérations propres à l’activité de la sphère réelle et celles qui sont propres à l’activité de la sphère financière et monétaire, il sera très difficile, voire impossible d’exercer la régulation monétaire.
Il ne faut pas perdre de vue l’objectif principal de la régulation monétaire qui est de diriger l’allure de marche de l’activité nationale de production. N’oublions pas que la spéculation occupe une place importante – et c’est un euphémisme – dans l’activité de la sphère financière et monétaire et que ses effets peuvent nuire gravement à l’activité de la sphère réelle, même si cela n’est pas encore prouvé.
Il est difficile de trouver un moyen de faire cette distinction. Pourtant, il semble que la solution passe par une codification adaptée des mouvements de l’ensemble des DAV bancaires. L’informatique devrait permettre ici également de résoudre assez facilement ce problème, avec bien sûr la participation de toutes les banques.
Ainsi serait-il alors possible de connaître en temps réel, c’est-à-dire au jour le jour, les mouvements bancaires concernant la variation des concours à l’économie productive et celle de l’épargne monétaire bancaire correspondante. L’analyse de ces variations par type d’agent économique est en outre un élément d’information particulièrement recommandé.
10.2 – L’outil de régulation monétaire
L’outil de régulation repose alors sur l’information relative à la connaissance, en temps pratiquement réel, comme il vient d’être dit, d’une part de toutes les variations de l’émission monétaire et d’autre part de toutes les variations de la neutralisation monétaire, seulement celles relatives à l’activité de production nationale.
Tiré de la consolidation (journalière, par exemple) des comptes de banques, ces informations constituent le tableau de bord de l’économie nationale. Elles doivent permettre aux dirigeants du pays d’intervenir sur le niveau des concours et de l’épargne bancaires, afin que les effets d’accélération par le crédit soit toujours plus forts que les effets de frein de l’épargne. Ce sont les conditions de la croissance et de l’amélioration du pouvoir d’achat.
Quant à la régulation monétaire proprement dite, elle peut s’exercer sur les différents acteurs : les ménages, les entreprises, l’étranger dans leurs comportements face aux concours bancaires et face à l’épargne, avec pour acteur principal, l’Etat.
Dans ce domaine, tout est à inventer et à construire.


11 – Etude de structure du bilan d’une banque française

(Ce chapitre a été complètement remanié le 21 mai 2015)

On a vu que toute création monétaire par une banque, en contrepartie d’une créance sur l’économie et sur l’Etat ou en échange de devises, entraîne la mise à disposition des fonds au crédit des comptes de dépôts à vue (DAV) des emprunteurs ou cédants. Rappelons aussi que ces fonds qui alimentent instantanément la masse monétaire M1, n’y restent pas.
Entre les mains des entreprises, ils sont généralement employés à l’activité de production (prise au sens large), servent à régler les consommations intermédiaires, les salaires et autres revenus, mais peuvent aussi faire l’objet de placements d’épargne. Puis, quand ils parviennent entre les mains des ménages, ils sont transformés en monnaie fiduciaire et en épargne, pour ne laisser subsister en DAV qu’un solde destiné à couvrir les futures dépenses de consommation, y compris le logement.
Ainsi, au gré des échanges entre agents non bancaires, et en fonction de leurs choix, ces fonds vont se répartir entre les banques et présenteront une structure faite de monnaie fiduciaire, de dépôts à vue (DAV) et à terme (DAT), comprenant les placements à plus ou moins de 2 ans, etc. Rappelons que les banques ne collectent pas l’épargne au sens physique du terme, elles transforment des comptes à vue en comptes d’épargne sur instructions de leurs clients.
La monnaie créée, adopte ainsi pour l’ensemble des banques une structure assez stable.
De plus, elle ne se répartit pas entre banques de dépôts en fonction de la part de chacune d’elles dans sa création. Les unes bénéficient d’une part des dépôts sur le marché plus grande que les autres (Caisses d’épargne et Banque Postale, par exemple). L’équilibre général est assuré principalement entre banques de gré à gré (CORE) ou par le marché interbancaire (Target2 Banque de France), comme on l’a vu, et se traduit dans les comptes des banques en créances et dettes réciproques.
La monnaie créée, adopte une structure différente d’une banque à l’autre.
Examinons la structure de la BNP Paribas SA à partir de ses comptes tels qu’ils ont été publiés au 31 décembre 2013.
NB – Dans la version précédente nous avions retenu le bilan consolidé, par erreur car la consolidation prend en compte des filiales qui n’ont pas le statut de banques (établissements de crédit à la consommation, par exemple), ce qui a eu pour effet de fausser les conclusions en matière de création et de destruction de monnaie.En voici le bilan simplifié  (en milliards d’euros) :
Rubriques ACTIF Rubriques PASSIF

Opérations Interbancaires et assimilées Opérations Interbancaires et assimilées
B Caisses, banques centrales, CCP 80,4 B Banques centrales, CCP 0,5
B Prêts et créances sur Ets crédit 259,2 B Dettes envers Ets de crédit 293,9

Opérations avec la clientèle Opérations avec la clientèle
A Prêts et créances sur la clientèle 316,2 A Comptes ordinaires créditeurs 84,2
A Comptes à terme & assimilés 104,0
A Comptes d’épargne à régime spécial 58,0
A Opérations de pension 45,1

 Placements et investissements  Dettes représentées par un titre
A  Effets publics et valeurs assimilées 32,2 C Titres de créance négociables 150,7
A  Obligations et autres 32,6 C Emprunts obligataires et autres 6,6

 Instruments financiers et transactions  Instruments financiers et transactions
C Instruments conditionnels achetés 136,7 C Instruments conditionnels vendus 132,3
C Comptes de règlement opérations sur titres 3,2 C Comptes de règlement opérations sur titres
4,2
C Effets publics et valeurs assimilées 57,0 C Dettes rattachées à opérations sur titres
81,7
C Obligations et autres 39,4

C Actions et autres 0,9


Actifs propres Passifs propres
C Valeurs immobilisées et participations 8,4 C Comptes de régularisation passifs divers
69,9
C Participations et entreprises liées 60,6 C Autres passifs divers
28,0
C Comptes de régularisation actifs divers 72,3 C Provisions pour risques et charges
4,4
C Autres actifs divers 37,5 C Dettes subordonnées
11,0
C Capitaux et réserves
62,1

Total de l’actif 1.136,6 Total du passif 1.136,6
En regard de chaque poste du bilan, figure une lettre sous laquelle on peut les regrouper :
A – Prêts et créances sur la clientèle, auxquels on ajoute – à l’actif – les valeurs de placement et d’investissement supposant qu’il s’agit de concours permanents à l’économie (Etat et entreprises),  lorsqu’existent l’intention et la capacité de les conserver jusqu’à l’échéance nous dit la BNP.

      Dépôts de la clientèle, agents non financiers, au passif,
B – Les opérations interbancaires et assimilées qui comprennent les :
  • créances sur les institutions financières, à l’actif,
  • dettes envers les institutions financières, au passif,
Notons que les créances et dettes entre établissements de crédit comprennent les soldes des établissements financiers – non créateurs de monnaie – qui devraient être regroupés avec les agents non bancaires (ANB) relevant de la catégorie A ci-dessus. Si l’on voulait éviter de fausser la mesure de la masse monétaire en circulation, ainsi qu’on l’a vu, les établissements financiers non bancaires ne devraient pas être regroupés avec les banques.
C – Instruments financiers et transactions, à l’actif et au passif.
On a choisi de regrouper sous ce titre l’ensemble des opérations de couverture et spéculatives, tels que les produits dérivés (instruments financiers détenus à des fins de couverture et de transaction), ainsi que les valeurs de transaction et de placement, lorsque n’existent pas l’intention et la capacité de les conserver jusqu’à l’échéance.

Actifs propres,
Passifs propres

Notre démarche vise à isoler autant que possible les trois facteurs de la création monétaire, contrepartie de la monnaie, tels qu’ils ont été définis plus haut : les crédits accordés, les devises, l’activité propre des banques. Ceci dans le but d’obtenir une mesure de l’émission et de la destruction monétaires, opérées en l’occurrence par la BNP.
La classification retenue, (celle du plan comptable de la profession), ne nous permet pas d’exploiter avec précision les comptes de la banque dans l’optique de notre démarche.
Sur les bases décrites ci-dessus, le bilan de la BNP Paribas au 31 décembre 2013, peut être schématisé comme suit (en milliards d’euros) :
Rubriques ACTIF Rubriques PASSIF ECART

A Opérations avec la clientèle 316,2 A Comptes DAV 84,2
A Concours à l’économie (bons et obl.) 64,8 A Comptes DAT et assimilés 207,1 89,7

B Créances sur les Instit. Financières 339,6 B Engagements envers les Instit. Fin. 294,4 45,2

C Instruments financiers et transactions 237,2 C Instruments financiers et transactions 218,2 19,0
C Actifs propres 178,8 C Passifs propres 332,7
-153,9

Total Actif 1.136.6 Total Passif 1.136,6 0,0
Les chiffres retenus dans le modèle n’ont d’autre valeur que démonstrative. C’est le schéma d’ensemble qu’il convient de retenir.
Sous les réserves exposées, en matière de classement des comptes, on peut dire que la BNP Paribas à fin 2013 :

– a créé une masse de monnaie égale à 381,0 mds d’euros au titre des concours à l’économie (clients et bons et obligations), dont la contrepartie d’origine en DAV a été ramenée à un total de 291,3 mds d’euros (DAV + DAT), soit un écart de monétisation de 89,7 mds d’euros,
– que cet écart a été absorbé par une démonétisation (destruction) due à ses activités propres élargies à hauteur de 134,9 mds d’euros, comprenant en sens inverse (création) la part spéculative supposée égale à 19,0 mds d’euros, les opérations sur instruments financiers et transactions relevant des activités pour propre compte,
– et que la différence soit 45,2 mds d’euros peut s’analyser :

• en un crédit net accordé par la BNP Paribas à ses filiales et participation, car il est probable que sous la rubrique « Etablissements de crédit » figure notamment la filiale spécialisée dans le crédit à la consommation : Cetelem,
et, selon le montant (inconnu) accordé à ses filiales et participations ci-dessus,
• en un financement accordé (à) ou reçu (de) ses concurrentes à l’issue de la compensation, selon que ses excédents sont supérieurs ou inférieurs à ses fuites de monnaie interbancaire.



12 – L
es capitaux étrangers



Pour des raisons de commodité intellectuelle et de capitalisme monétaire inavouées, on a toujours fait l’amalgame des transactions de la sphère réelle de l’activité de production avec celles de la sphère monétaire et financière.
On a vu que la création monétaire est générée par les transactions de l’une comme de l’autre sphère, ce qui ne gène personne pour attribuer à la sphère réelle les seuls effets sur les prix d’une émission monétaire supposée toujours trop grande. On a vu que l’on ne sait pas ou ne veut pas savoir comment s’opère la création de monnaie, et que par le fait même la mesure de la masse monétaire s’en trouve faussée.
Personne ne sait quelle est la quantité de monnaie utile pour faire fonctionner convenablement une économie nationale, mais tout le monde prétend qu’il y a trop de monnaie chaque fois que la hausse des prix montre le bout de son nez.
On voudrait que l’économie d’un pays marche avec un minimum de monnaie pour les affaires de la sphère réelle et sans limitation d’aucune sorte pour celles de l’autre sphère, ce qui prouve bien que l’on donne la priorité à la spéculation sur la production, aussi ne devrait-on pas s’étonner du résultat, mais on n’est pas à une contradiction près.
Pour éviter l’inflation et favoriser la croissance, on fait appel aux capitaux étrangers et on est disposé à faire n’importe quoi pour attirer les investisseurs étrangers dans le pays.
Dans toute société industrielle et commerciale, il existe un ratio qui fait l’objet d’une attention toute particulière, c’est le rapport existant entre les capitaux propres et les capitaux empruntés. Ce ratio traduit la dépendance financière de l’entreprise vis-à-vis de l’extérieur. Ce qui est vrai pour une société l’est tout autant pour un Etat.
D’abord, un pays n’a aucun besoin de financement extérieur sauf s’il est en déficit commercial avec l’étranger, soit par exemple, le cas des USA (connu de longue date) et celui de la Grèce (apparu récemment), étant bien entendu que financement ne signifie d’aucune manière endettement au sens habituel du terme : les Etats-Unis émettent sans limite des dollars pour combler leur déficit, sans que leurs créanciers n’y trouvent rien à dire, tandis que la Grèce pour les mêmes raisons a émis des euros que ses créanciers la mettent en demeure de rembourser, traités européens obligent !
Ensuite, en faisant l’amalgame des transactions de la sphère réelle avec celles de la sphère financière et monétaire on ne fait qu’aggraver l’aveuglement général. On dit partout qu’il faut investir pour faire de la croissance et on s’imagine qu’il suffit pour cela de faire appel à des “investisseurs”, comme si l’habit faisait le moine !
Lorsqu’un étranger investit en devises dans la création et le développement d’une usine ou d’un centre d’affaires, il participe à la production nationale comme n’importe quel entrepreneur national pourrait le faire à sa place. Mais, quand il prend des participations en bourse ou qu’il rachète une entreprise ou bien quand il investit des fonds dans des placements financiers (y compris de simples prêts) ou encore quand il achète de la monnaie nationale, il ne participe pas à la production du pays parce que les transactions en l’espèce n’ont pas d’effets directs sur la sphère réelle et les fonds ainsi investis qui alimentent la sphère monétaire et financière, pourraient l’être avec les mêmes effets par un résident national.
Il s’agit trop souvent de spéculation. La différence, parce qu’il y en a une évidemment, c’est que les devises n’ayant pas cours sur le territoire sont échangées par les agents nationaux dans leur propre monnaie et conduisent nécessairement à une création monétaire correspondante.
Dans ces conditions, croyant échapper au risque d’inflation en faisant entrer ou en empruntant des devises sur le territoire national, on n’a fait qu’en donner l’illusion puisqu’en définitive la masse monétaire a augmenté d’autant. Il est vrai que ces opérations ont mis des liquidités sur le marché et que celles-ci peuvent avoir des retombées sur la sphère réelle, mais elles auraient pu être obtenues de toute autre manière si les autorités qui nous gouvernent avaient une autre conception de la monnaie.
Par ces opérations, on a bien sûr augmenté les réserves en devises du pays, piètre consolation si l’on en examine les conséquences. D’abord, le pays prend un risque de change (prélude à la spéculation) en échange de valeurs ou d’engagements pris envers l’étranger. Et c’est là que le bât blesse, comme en témoignent les exemples mexicain, asiatique et russe de douloureuse et récente mémoire.
Si on avait contrôlé le ratio de la dépendance extérieure dans les pays concernés, leur effondrement monétaire et économique auquel on a assisté aurait pu être limité, sinon écarté. C’est évidemment la spéculation qui a provoqué le krach boursier et la chute du cours des monnaies, mais on aurait pu le prévoir puisque les capitaux étrangers sont entrés pour cela et en sont sortis à la moindre alerte.
Reste que les effets en cascade sur l’économie intérieure sont désastreux, à commencer par un endettement extérieur excessif, fruit de la politique libérale de déréglementation.
On a constaté de plus que des entreprises nationales ont imprudemment souscrit à des emprunts en devises à des taux sans doute avantageux mais chargés des risques qu’il a fallu affronter par la suite. On en veut pour exemple les collectivités locales qui ont imprudemment souscrit à des emprunts en francs suisses, sur les recommandations de banquiers qui en ont tiré un double profit : commissions d’intervention et couverture du risque de change à la place de leurs clients. Ils sont très doués ces banquiers ! Des emprunts souscrits en monnaie nationale auraient sans aucun doute évité la chute de certaines de ces entreprises et collectivités.
L’économie n’échappant pas à la contrepartie comptable, les banques étrangères prêteuses confrontées au risque d’insolvabilité sont prises dans la tourmente. Tout ça ne fait pas très sérieux. Le manque de liquidités qui est apparu aussitôt sur le marché intérieur trouve son origine dans la destruction de monnaie nationale consécutive aux échanges contre les sorties de devises, effet inverse de la création correspondant aux échanges contre les rentrées.
La conséquence en est une grave dépression monétaire interne dont les pays concernés ont eu du mal à se remettre. De plus, en relevant les taux d’intérêt pour endiguer la fuite des capitaux, on obtient l’effet inverse à celui recherché et on aggrave une situation déjà assez critique, c’est que l’on dissuade les capitaux encore disponibles de se diriger vers la sphère réelle, alors qu’au contraire il faudrait les encourager par une baisse des taux à y pénétrer et affronter les risques d’une activité déprimée. Il est difficile d’agir encore plus à contre-courant.
On peut tirer les leçons de cette affaire : en faisant appel aux investisseurs étrangers, on ne se protège pas de l’inflation et leur participation à la croissance est limitée à quelques investissements de production, mais en laissant le champ libre aux investissements spéculatifs sans aucune limite et à une déréglementation totale, on prend des risques démesurés que les pays participants au Fonds Monétaire International (FMI) doivent ensuite payer, solidarité oblige.
S’il est vrai que le Mexique et les tigres asiatiques ont pu tirer avantage des investissements étrangers, en raison de leur position de pays émergents (mais à quel prix !), il est tout aussi vrai que les pays industrialisés n’ont rien à attendre de tels investissements dans leur pays, tout simplement parce qu’il y a longtemps qu’ils ne sont plus l’Eldorado qu’ils voudraient encore être.
Dans le même registre, quand la Russie a fait appel aux concours du FMI pour payer les salaires de ses fonctionnaires en retard, elle a cru ainsi échapper au risque d’inflation, alors qu’elle a fait une véritable affaire de dupes. Les dollars n’ayant pas cours chez elle sont cédés contre des roubles, sa masse monétaire s’accroît d’autant et les risques d’inflation avec. Elle a subi en outre le chantage de la part de cet organisme qui, profitant d’une toute puissance qu’il tire précisément de ce genre de situation, s’en sert pour imposer une discipline basée sur des dogmes reconnus par le capitalisme monétaire mais totalement inadaptés à l’activité de production.
Bercés par le chant des sirènes du libéralisme, on laisse de plus en plus s’exercer les lois du marché, c’est-à-dire la loi de la jungle, dans tous les compartiments de la vie économique et financière, supposant qu’elles sous-tendent l’équilibre macroéconomique et quand on intervient, c’est en général à contresens.
Si on ne l’a pas voulu, on a tout de même réussi à installer l’anarchie dans un domaine où la rigueur et la connaissance des risques s’imposent à tout dirigeant digne de ce nom. Il semble qu’influencés par le phénomène du balancier, nos gouvernements ne savent pas mener d’autre politique que celle du tout ou rien, comme le montre par exemple l’organisation du système monétaire international.
On est passé d’un système de change fixe, que l’on a dû abandonner en raison de ses contraintes et de ses rigidités, à un système situé très exactement à l’extrémité opposée, celui des changes flottants. On aurait pu choisir un modèle intermédiaire, celui des changes flexibles, basé sur les parités de pouvoir d’achat, par exemple, mais les quelques voix qui ont pu s’élever alors ont été rapidement étouffées.
La raison essentielle en est qu’un tel système, de type anarchique par opposition au précédent de type réglementaire, favorise la spéculation. A l’instar du marché des changes qui a été développé pour couvrir les risques de variations des cours de change depuis qu’il est flottant, on a créé un marché pour couvrir les risques de variations des taux d’intérêt. Au lieu de chercher à en réprimer les causes, on a plutôt cherché à en contrer les effets en organisant un marché de plus. C’est ainsi que sont nés de véritables bijoux d’orfèvrerie financière ; il s’agit des contrats à terme, des swaps, des options et autres instruments financiers qui ne vivent que du désordre organisé. Mais, peut-on vivre dans le désordre et l’anarchie ? Telle est la question !
Les capitaux se déplacent maintenant d’un pôle d’attraction à l’autre, selon le taux de rentabilité offert, à des vitesses supersoniques que les distances n’embarrassent plus. La libéralisation des échanges et la déréglementation des banques, mesures prises dans le cadre de la mondialisation des échanges, facilitent naturellement ces déplacements massifs de capitaux d’un pays à l’autre.
Ces capitaux baladeurs partagent leurs choix spéculatifs entre trois marchés principaux, le marché monétaire, le marché des changes et le marché boursier. Le premier et le second sont hypersensibles aux fluctuations de l’indice des prix et à ses anticipations, aussi voient-ils les capitaux affluer et refluer de manière intensive, à la moindre alerte inflationniste. Le troisième est extrêmement sensible aux perspectives de profit ou de perte des entreprises cotées, ce qui entraîne un gonflement et un dégonflement des bulles spéculatives qu’il a lui-même créées.
La caractéristique de ces capitaux baladeurs est leur extrême sensibilité aux dangers, quels qu’ils soient, qu’ils pourraient courir dans le pays qu’ils ont choisi, ce qui ajoute à leur instabilité. On comprend aisément pourquoi, étant donné leur importance. Leurs déplacements d’un pays à l’autre viennent de donner la dimension des désordres qu’ils peuvent engendrer sur les places financières et boursières. On a vu comment les places boursières pouvaient s’effondrer ou se relever en quelques semaines. Personne ne dit mot sur ce qui paraît être une évidence, parce que personne n’ose accuser la mondialisation de tous ces maux, personne ne voulant aller contre la pensée à la mode. Comment accepter ces désordres qui ne peuvent manquer de se reproduire ?
On devrait comprendre, c’est tellement évident, que ces flux monétaires ne cherchent qu’à créer les conditions de l’instabilité sans laquelle la spéculation ne peut s’exercer. On accepte naturellement de semer le désordre dans la zone d’activité de production dans le but de soigner un mal qui n’existe pas. Comment croire à la théorie quantitative de la monnaie après pareille démonstration ? A qui fera-t-on croire que tous ces déplacements monétaires et financiers servent à financer l’activité de production ? Ils ne servent qu’à financer la spéculation, et les banques, il fut un temps acculées par la baisse continue de leurs profits d’exploitation traditionnels, s’y sont engagées avec tous les risques que cela comporte. On autoalimente ainsi les désordres et l’instabilité.
Mais, ce n’est pas tout, il y a mieux. On fait parler les marchés maintenant. Il suffit de lire la presse pour voir des titres comme: “Aux Etats-Unis, le nombre élevé de créations d’emplois inquiète les marchés”, puis quelques jours plus tard, on respire: “L’économie américaine continue à créer des emplois, mais les marchés sont rassurés par la modestie de la hausse des salaires”.
C’est tout simplement indécent, et on devrait avoir honte de diffuser pareille insulte à l’endroit des gens qui chôment, souffrent et meurent des désordres imposés par les autorités monétaires, sous le prétexte fallacieux de contenir l’inflation. Que fait-on du pouvoir d’achat dans cette affaire ? C’est pourtant lui qui fait tourner la sphère réelle.
Si les Etats-Unis suivaient enfin l’exemple de leur illustre compatriote Henry Ford, en augmentant les salaires les plus bas, c’est-à-dire en donnant du pouvoir d’achat aux plus démunis grâce à une sorte de Smic, ils pourraient accéder à un cycle d’expansion quasi-continu. Ils en ont les moyens plus qu’aucun autre pays au monde, encore faudrait-il qu’ils acceptent une certaine marge d’inflation des prix, c’est-à-dire celle qui serait nécessaire pour relever le coût de la main d’œuvre. Mais, il faudrait pour cela diriger au lieu de laisser aller la politique du libre-échange.
Disons en conclusion que les affaires financières marchent très fort. Mais, que l’on est loin du chômage et de la misère humaine, dont on nous dit faire la priorité !


13 – L
a monnaie, source de vie économique



Les autorités monétaires, gardiennes du capitalisme monétaire, bénéficiant de l’aide bienveillante de ses fervents admirateurs, les théoriciens de la monnaie, ont réussi à contaminer le corps économique tout entier et à lui inoculer un mal que l’on peut désigner sous le nom de syndrome de l’inflation. C’est un exploit remarquable au siècle du développement extraordinaire de l’intelligence scientifique. En agitant l’inflation comme un épouvantail à moineaux, les meilleurs esprits se sont faits piéger. Tous les jours ou presque, on nous parle des dangers de l’inflation, avec le succès que l’on sait puisque l’on fait passer la monnaie avant le chômage, tout en prétendant le contraire évidemment.
A présent que l’inflation a disparu et que le risque de déflation s’élève, on prie et on supplie – sous le magistère des banquiers centraux – pour qu’elle revienne. Sa lutte est inscrite dans le marbre des statuts des banques centrales, ne l’oublions pas.
Ainsi qu’on l’a démontré, la banque centrale n’a aucun pouvoir sur l’émission monétaire par les banques commerciales, donc aucun pouvoir, ni dans un sens sur l’inflation ni dans l’autre sur la déflation. Il ne lui reste que les incantations !
L’indépendance des banques centrales est devenue le socle du pouvoir monétaire sur le monde. La Banque Mondiale, s’appuyant sur les relais existants et ceux de la nouvelle Banque Centrale Européenne, va pouvoir étendre et imposer son hégémonie à la planète tout entière. Voilà le danger qui nous menace véritablement, pas celui de l’inflation qui n’est qu’un leurre.
Tout montre et démontre que la conception actuelle que le monde a de la monnaie est fausse, archi-fausse. Un instrument de mesure déformé et faussé, incapable de vérifier des théories monétaires totalement éthérées, qui ne vivent que de la peur de l’inflation qu’elles inspirent. Une monnaie créée pour les besoins des activités purement financières et spéculatives, donc sans effet sur la sphère réelle, alors que l’on veut nous faire croire que celle-ci est la source exclusive de l’émission monétaire puisqu’elle a l’exclusivité de l’inflation. Une monnaie qui ne circule pas régulièrement dans la sphère réelle. Mais, une monnaie qui circule beaucoup plus dans la sphère monétaire et financière centre de la spéculation, que dans la sphère réelle centre de l’activité de production.
Une épargne qui n’aurait d’autre fonction que celle de servir au financement de l’investissement, alors qu’elle est captée le plus souvent par le système bancaire, stockée pour des durées variables dans des parkings monétaires sans aucune utilité pour l’économie. Un taux d’intérêt, instrument d’une politique monétaire vouée au capitalisme, vainement utilisé contre une inflation fictive, mais agissant à coup sûr contre l’essor de l’économie réelle. Des besoins imaginaires qui nous font courir comme des fous à la recherche de capitaux étrangers, alors qu’ils n’ont de sens qu’en cas de déficit extérieur. Jusqu’où pourra aller l’aveuglement collectif ?
Personne n’est capable de dire quelle est la quantité de monnaie nécessaire à une économie déterminée pour fonctionner. Personne ne sait ou ne veut savoir dans quelles conditions précises s’opère l’émission monétaire et comment se mesure sa masse. Aucun expert n’est capable d’expliquer les variations erratiques auxquelles elle est sans cesse soumise. Personne ne connaît les rapports existant entre les deux sphères d’activité. Mais tout le monde est sûr que la masse monétaire a un effet certain sur les prix, et seulement sur ceux de la sphère réelle.
Voici comment tout ce qui touche à la monnaie n’est que mirage et illusion par la seule volonté de quelques hommes qui détiennent le pouvoir monétaire.
Des projets grandioses dans les domaines de la recherche scientifique, de la santé, de l’environnement, de l’espace, de la culture, ou tout simplement de la vie quotidienne, ne voient pas le jour, non pas parce que l’on manque de moyens en hommes et en matières, mais parce que l’on manque de monnaie ! C’est le comble du capitalisme face au chômage et à la misère !
Seule une prise de conscience collective peut nous affranchir du joug que nous imposent les autorités monétaires. Le moment est venu de libérer la monnaie de ses dogmes, de ses tabous et de ses carcans. Le moment est venu de rendre le pouvoir monétaire au peuple, c’est-à-dire à ses élus. La monnaie peut et doit être le moyen démocratique d’accès au bien-être pour tous. Le salut économique passe par la régulation monétaire, que seul l’Etat est apte à assumer. Il n’y a pas d’autre alternative si l’on veut trouver ou retrouver le chemin de la paix, de la prospérité, de l’abondance et du travail pour tous.
Texte modifié le 21 mai 2015



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