http://desiebenthal.blogspot.ch/2015/09/banques-la-pire-des-solutions.html
Le Conseil fédéral sous influence des lobbies bancaires adopte le message relatif à l’initiative Monnaie pleine
Administration fédérale des finances AFF
Tél. +41 58 465 16 06, philipp.rohr@efv.admin.ch
Maurice Allais, prix Nobel d’économie.
Tout ce qui est possible, apparemment légal n’est pas nécessairement bon pour le peuple et moral.
Ces créations monétaires du néant par les banques commerciales, “ex nihilo” en technique bancaire, violent la bonne foi et la réalité économique par un grave abus de la marque suisse, au contraire des francs wir, http://www.wir.ch/fr/ , qui reconnaissant honnêtement leur caractère privé.
http://desiebenthal.blogspot.ca/2014/12/le-conseil-federal-suisse-admet-le.html
Ces contrats sont iniques, odieux et impossibles à honorer, comme en Grèce, vu les exponentielles d’intérêts devenues verticales( 1+ i puissance le nombre des années ) donc nuls pour la plupart ( il faut distinguer ces créations folles de la vraie épargne )…
http://desiebenthal.blogspot.ch/2015/05/les-epargnants-premiers-perdants.html
Pour une Banque Nationale vraiment Suisse, BNS 3.0
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BNS-FINMA, coupables d’un casse légalisé? Liliane Held-Khawam
3 La Banque nationale suisse (Banque nationale), après avoir entendu la FINMA, détermine par voie de décision quelles sont les banques d’importance systémique et quelles sont les fonctions de ces banques qui ont une importance systémique.
1 La FINMA, après avoir entendu la Banque nationale, définit par voie de décision les exigences fixées à l’art. 9, al. 2, let. a à c, que la banque d’importance systémique doit remplir. Elle informe le public sur les grandes lignes de sa décision et sur la manière dont celle-ci est respectée.
2 La banque d’importance systémique doit prouver qu’elle remplit les exigences fixées à l’art. 9, al. 2, let. d, et que le maintien des fonctions d’importance systémique est garanti en cas de menace d’insolvabilité. Si la banque ne fournit pas cette preuve, la FINMA ordonne les mesures nécessaires.
3 Lors de la définition des exigences relatives aux fonds propres visés à l’art. 9, al. 2, let. a, la FINMA accorde des allégements si la banque améliore sa capacité à être assainie ou liquidée tant en Suisse qu’à l’étranger au-delà des exigences mentionnées à l’art. 9, al. 2, let. d.
4 Le Conseil fédéral, après avoir entendu la Banque nationale et la FINMA, règle:a.les exigences visées à l’art. 9, al. 2;
b.les critères permettant d’évaluer la preuve selon l’al. 2;
c.les mesures que la FINMA peut ordonner si la banque ne peut fournir la preuve au sens de l’al. 2.1
leur appartenance à la too big to fail permet de préserver de grandes liquidités pour soutenir la politique à hauts risques de la BNS, qui elle même soutient les activités spéculatives du marché financier international. De plus, compte tenu du chapitre réservé aux too big to fail dans la loi sur les banques, BNS et Finma peuvent les surveiller de très près et leur imposer leur diktat.
Cette somme culmine à 29 milliards en juin 2015 sous l’appellation CASH. Exit le mot compte de virement à la BNS et autre SNB bills… Si on leur ajoute les 42 milliards (environ) de Postfinance, nous atteignons la somme respectable d’environ 70 milliards. Placement garanti à très hauts risques sur la plateforme T2S du casino mondial.
Berne ne veut pas empêcher la monnaie scripturale
BanquesLe Conseil fédéral ne croit pas aux recettes de la monnaie pleine pour éviter bulles financières et faillites bancaires.
(Créé: 09.11.2016, 13h13)
Ce texte est une version provisoire. Seule la version qui sera publiée dans
la Feuille fédérale fait foi.
[Signature] [QR Code]
2016–0900 1
16.xxx
Message
relatif à l’initiative populaire «Pour une monnaie
à l’abri des crises: émission monétaire uniquement
par la Banque nationale! (Initiative Monnaie pleine)»
du …
Madame la Présidente,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des
cantons l’initiative populaire «Pour une monnaie à l’abri des crises: émission moné-
taire uniquement par la Banque nationale! (Initiative Monnaie pleine)», en leur
recommandant de la rejeter.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames,
Messieurs, l’assurance de notre haute considération.
… Au nom du Conseil fédéral suisse:
Le président de la Confédération, Johann N. Schneider-Ammann
Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr
2
Condensé
L’initiative populaire «Pour une monnaie à l’abri des crises: émission monétaire
uniquement par la Banque nationale! (Initiative Monnaie pleine)» a pour objectif
une profonde transformation du système monétaire actuel en interdisant aux
banques commerciales de créer de la monnaie scripturale. Si cette initiative était
acceptée, la Suisse deviendrait un terrain d’expérimentation pour des réformes
hasardeuses. Il serait plus difficile pour la Banque nationale suisse (BNS) de
poursuivre une politique monétaire garantissant la stabilité des prix et contribuant
au développement stable de l’économie. L’initiative présenterait en outre des
risques considérables, notamment pour le secteur financier. C’est pourquoi le
Conseil fédéral rejette l’initiative Monnaie pleine.
Dans le système actuel, il existe deux sortes de monnaie: la monnaie centrale de la
BNS et la monnaie scripturale des banques commerciales. La BNS crée de la monnaie
centrale (numéraire et avoirs en compte de virement des banques auprès de la
BNS), les banques commerciales créent de l’argent sur les comptes bancaires (monnaie
scripturale) en octroyant des crédits. Ceux-ci sont crédités aux comptes des
emprunteurs. Ainsi, la masse monétaire augmente: les emprunteurs ont alors des
fonds supplémentaires à disposition. La création de monnaie par les banques commerciales
est donc liée à l’octroi de crédits à l’ensemble de l’économie.
Les auteurs de l’initiative déposée le 1er décembre 2015 critiquent le fait que dans le
régime monétaire actuel, la création de monnaie s’accompagne généralement de la
création de dettes. Ils demandent, en premier lieu, que les banques ne puissent plus
créer de la monnaie scripturale. Le monopole de la création monétaire de la BNS
serait donc étendu à la monnaie scripturale actuellement créée par les banques. En
second lieu, les auteurs de l’initiative exigent un changement de la politique moné-
taire. La BNS devrait désormais créer de l’argent «sans dette», c’est-à-dire le
transférer directement à la Confédération, aux cantons ou aux citoyennes et citoyens,
sans acquérir en contrepartie des valeurs patrimoniales telles que les devises,
l’or ou les titres, comme c’est le cas aujourd’hui.
Concrètement, l’initiative prévoit la création par les banques de comptes du trafic
des paiements financés intégralement par de la monnaie centrale, d’où l’expression
«monnaie pleine». Ces comptes seraient entièrement protégés contre les risques de
défaillance et les retraits massifs. Selon ce système, le monopole de la création
monétaire de la BNS serait étendu à l’ensemble de la monnaie scripturale nécessaire
aux paiements. Les banques commerciales ne pourraient donc plus créer de
moyens de paiement sous forme de monnaie scripturale ni financer leurs activités de
crédit par de la monnaie scripturale. Les moyens nécessaires devraient être mis à
leur disposition sous forme de dépôts d’épargne, par exemple par le biais du marché
des capitaux. Si les ressources nécessaires à l’octroi de crédits venaient à manquer,
la BNS devrait consentir des prêts en conséquence aux banques. Ainsi, le volume des
crédits serait en partie géré de manière centralisée par la BNS.
3
La création de monnaie sans dette interviendrait sous la forme d’un simple transfert
sans contrepartie à la Confédération, aux cantons et aux ménages. Étant donné que
la BNS n’acquerrait plus de valeurs patrimoniales comme l’or, les devises ou les
titres, elle ne serait plus en mesure, à terme, de réduire la masse monétaire ainsi
créée en vendant ces valeurs patrimoniales. La création de monnaie sans dette pourrait
par conséquent mettre en péril la crédibilité de la politique monétaire. La BNS
serait davantage l’objet de convoitises politiques. De même, les répercussions de la
politique monétaire sur l’ensemble de l’économie s’en trouveraient modifiées.
Comme le souhaitent les auteurs de l’initiative, la politique monétaire ne serait plus
mise en œuvre par le biais des taux d’intérêt, comme aujourd’hui, mais par la gestion
de la masse monétaire, ce qui entraverait de manière générale la politique monétaire.
L’initiative vise une meilleure protection des dépôts à vue contre l’insolvabilité
bancaire et promet un système financier plus sûr ainsi qu’un financement plus
généreux des collectivités publiques et des ménages. La réforme proposée ne permettra
probablement pas d’atteindre entièrement ces deux derniers objectifs. Une
acceptation de l’initiative devrait affaiblir dans l’ensemble le secteur financier et
l’économie: les bénéfices potentiels des banques reculeraient et la pression sur leurs
marges s’accroîtrait, notamment dans le secteur du crédit. Les modèles d’affaires
des banques changeraient radicalement. Les dépôts à vue disponibles aujourd’hui
sont pour elles une source de financement relativement stable. De plus, il ne faut pas
s’attendre à ce que les banques consentent à gérer gratuitement les nouveaux
comptes du trafic des paiements: elles pourraient prélever des frais pour compenser
la contraction de leurs marges bénéficiaires.
L’initiative ne concerne que les dépôts à vue, qui seraient entièrement à l’abri des
retraits massifs. Les autres formes de placement, par exemple les comptes d’épargne
assortis de délais de retrait ou les dépôts à terme, continueraient à être exposées à
des risques de liquidité ou de solvabilité. Des crises bancaires pourraient encore se
produire, mais le trafic des paiements n’en serait plus affecté.
La stabilité du système bancaire et financier est aujourd’hui garantie par d’autres
moyens. En ce qui concerne la sécurité des avoirs sur les comptes bancaires, ces
dépôts sont déjà protégés à hauteur de 100 000 francs par la réglementation de la
protection des déposants. Par ailleurs la FINMA surveille les banques qui pourraient
prendre des risques excessifs. De plus, ces dernières années, la stabilité du
système bancaire a été considérablement renforcée par des mesures visant les
banques d’importance systémique (too big to fail) et la mise en œuvre de la norme
internationale de réglementation des banques Bâle III.
La réforme ne devrait guère avoir d’effet stabilisateur sur le système financier. De
plus, la Suisse ferait cavalier seul et ne serait pas mieux protégée des répercussions
négatives de crises financières à l’étranger. L’acceptation de l’initiative impliquerait
une réforme profonde et hasardeuse du système monétaire et du secteur financier
suisses, ce qui comporterait des risques considérables. De plus, notamment durant la
phase de transition, il faudrait s’attendre à des dysfonctionnements du secteur financier
et à des conséquences négatives pour l’économie. C’est pourquoi le Conseil
fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander le rejet de l’initiative au
peuple et aux cantons sans lui opposer de contre-projet direct ou indirect.
FF 2016
4
Message
1 Aspects formels et validité de l’initiative
1.1 Texte
L’initiative populaire «Pour une monnaie à l’abri des crises: émission monétaire
uniquement par la Banque nationale! (Initiative Monnaie pleine)» a la teneur suivante1:
I
La Constitution2 est modifiée comme suit:
Art. 99 Ordre monétaire et marché financier
1 La Confédération garantit l’approvisionnement de l’économie en argent et en
services financiers. Pour ce faire, elle peut déroger au principe de la liberté économique.
2 Elle seule émet de la monnaie, des billets de banque et de la monnaie scripturale
comme moyens de paiement légaux.
3 L’émission et l’utilisation d’autres moyens de paiement sont autorisées sous
réserve de conformité au mandat légal de la Banque nationale suisse.
4 La loi organise le marché financier dans l’intérêt général du pays. Elle règle
notamment:
a. les obligations fiduciaires des prestataires de services financiers;
b. la surveillance des conditions générales des prestataires de services financiers;
c. l’autorisation et la surveillance des produits financiers;
d. les exigences en matière de fonds propres;
e. la limitation des opérations pour compte propre.
5 Les prestataires de services financiers gèrent les comptes pour le trafic des paiements
des clients en dehors de leur bilan. Ces comptes ne tombent pas dans la masse
en faillite.
Art. 99a Banque nationale suisse
1 En sa qualité de banque centrale indépendante, la Banque nationale suisse mène
une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays; elle gère la masse
monétaire et garantit le fonctionnement du trafic des paiements ainsi que
1 FF 2014 3589
2 RS 101
FF 2016
5
l’approvisionnement de l’économie en crédits par les prestataires de services financiers.
2 Elle peut fixer des délais de conservation minimaux pour les placements financiers.
3 Dans le cadre de son mandat légal, elle met en circulation, sans dette, l’argent
nouvellement émis, et cela par le biais de la Confédération ou des cantons ou en
l’attribuant directement aux citoyens. Elle peut octroyer aux banques des prêts
limités dans le temps.
4 Elle constitue, à partir de ses revenus, des réserves monétaires suffisantes, dont une
part doit consister en or.
5 Elle verse au moins deux tiers de son bénéfice net aux cantons.
6 Dans l’accomplissement de ses tâches, elle n’est tenue que par la loi.
Art. 197, ch. 123
12. Dispositions transitoires ad art. 99 (Ordre monétaire et marché financier)
et 99a (Banque nationale suisse)
1 Les dispositions d’exécution prévoiront que, le jour de leur entrée en vigueur, toute
la monnaie scripturale figurant sur des comptes pour le trafic des paiements deviendra
un moyen de paiement légal. Il en résultera des engagements correspondants des
prestataires de services financiers vis-à-vis de la Banque nationale suisse. Cette
dernière veillera à ce que les engagements résultant de la conversion de la monnaie
scripturale soient honorés au cours d’une phase de transition raisonnable. Les contrats
de crédit existants resteront inchangés.
2 Pendant la phase de transition, notamment, la Banque nationale suisse veillera à ce
qu’il n’y ait ni pénurie ni pléthore de monnaie. Pendant ce laps de temps, elle pourra
octroyer aux prestataires de services financiers un accès facilité aux prêts.
3 Si la législation fédérale correspondante n’entre pas en vigueur dans les deux ans
qui suivent l’acceptation des art. 99 et 99a, le Conseil fédéral édicte dans un délai
d’un an les dispositions d’exécution nécessaires par voie d’ordonnance.
1.2 Aboutissement et délais de traitement
L’initiative populaire «Pour une monnaie à l’abri des crises: émission monétaire
uniquement par la Banque nationale! (Initiative Monnaie pleine)» a fait l’objet d’un
examen préliminaire de la Chancellerie fédérale le 21 mai 20144, et elle a été déposée
le 1er décembre 2015avec le nombre requis de signatures.
Par décision du 22 décembre 2015, la Chancellerie fédérale a constaté que l’initiative
avait recueilli 110 955 signatures valables et qu’elle avait donc abouti5.
3 Le chiffre définitif de cette disposition transitoire sera attribué par la Chancellerie fédérale
après le scrutin. 4 FF 2014 3589
5 FF 2015 8819
FF 2016
6
L’initiative est présentée sous la forme d’un projet rédigé. Conformément à l’art. 97,
al. 1, let. a, de la loi sur le Parlement (LParl)6, le Conseil fédéral avait jusqu’au
1er décembre 2016 pour soumettre un projet d’arrêté et un message à l’Assemblée
fédérale. Pour sa part, conformément à l’art. 100 LParl, l’Assemblée fédérale a
jusqu’au 30 juin 2018 pour décider si elle recommande au peuple et aux cantons
d’accepter ou de rejeter l’initiative.
1.3 Validité
L’initiative remplit les critères de validité énumérés à l’art. 139, al. 3, Cst.:
a. elle obéit au principe de l’unité de la forme, puisqu’elle revêt entièrement la
forme d’un projet rédigé;
b. elle obéit au principe de l’unité de la matière, puisqu’il existe un rapport intrinsèque
entre ses différentes parties;
c. elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international,
puisqu’elle ne contrevient à aucune d’elles.
2 Contexte
La crise financière de 2008 et le fort endettement public et privé au sein de certaines
économies ont vraisemblablement joué un rôle prépondérant dans la genèse de
l’initiative. Les auteurs de l’initiative voient dans la création massive et excessive de
monnaie par le système bancaire la cause principale de la crise financière et de la
crise de la dette qui ont suivi en Europe. Ils estiment que dans le système monétaire
actuel, la Banque nationale suisse (BNS) ne dispose pas de possibilités suffisantes
pour gérer la masse monétaire7.
Les auteurs de l’initiative sont d’avis que le système monétaire existant donne aux
détenteurs de comptes bancaires une fausse impression de sécurité quant à leurs
avoirs et contribue fortement à l’instabilité du secteur financier. Selon eux, les
banques bénéficieraient, grâce à la création de monnaie scripturale, d’avantages
concurrentiels injustifiés par rapport à d’autres branches. Ils jugent problématique le
fait que l’argent créé par les banques s’accompagne nécessairement de dettes supplémentaires8.
De plus, le concept de monnaie pleine est discuté dans divers pays. Toutefois, à
l’heure actuelle, aucun État ne dispose d’un régime monétaire qui présenterait des
analogies avec le système de monnaie pleine proposé par l’initiative. À l’étranger,
seule l’Islande a rédigé un rapport sur une éventuelle réforme vers la monnaie
pleine, que le Parlement a inscrit à son agenda.
6 RS 171.10
7 http://www.initiative-monnaie-pleine.ch/messages-cles/
8 http://www.initiative-monnaie-pleine.ch/messages-cles/
FF 2016
7
La littérature économique n’offre aucun indice clair qui permettrait de soutenir ou de
rejeter l’idée de la monnaie pleine. Des idées similaires ont été émises pour la première
fois aux États-Unis durant les années 1930 (plan dit de Chicago). Elles ont
toujours suscité l’intérêt académique d’économistes pour partie réputés mais n’ont
jamais été appliquées dans des économies développées. L’initiative diverge nettement
des conceptions antérieures, en particulier du plan de Chicago, notamment en
ce qui concerne la mise en circulation sans dette de monnaie. Les analyses scientifiques
menées à ce jour ne sont par conséquent applicables que dans une très faible
mesure à l’article constitutionnel proposé par l’initiative.
3 Buts et contenu
3.1 Buts visés
L’initiative est portée par l’association Modernisation Monétaire (MoMo), qui n’est
liée à aucun parti politique,) et un Conseil consultatif scientifique. Elle prévoit
d’instaurer en Suisse un régime monétaire reposant sur la «monnaie pleine», ce qui
signifie que toute la monnaie nécessaire au trafic des paiements serait exclusivement
émise par la BNS. Outre les billets et les pièces de monnaie, la monnaie pleine devra
donc englober dorénavant la monnaie scripturale déposée sur les comptes destinés
au trafic des paiements, c’est-à-dire essentiellement la monnaie électronique déposée
sur les comptes bancaires (dépôts à vue). En revanche, l’intention n’est pas
d’intégrer les dépôts d’épargne dans la monnaie pleine.
Le passage à la monnaie pleine sur les comptes alimentant le trafic des paiements
vise à permettre une protection totale contre l’insolvabilité bancaire. Les auteurs de
l’initiative estiment que l’on réduira ainsi les risques de bulles financières qu’ils
attribuent en partie à la monnaie émise par les banques. Selon eux, grâce à la monnaie
pleine, l’État ne serait plus contraint de sauver des banques en cas de mise en
péril du trafic des paiements, et les mesures prises à l’égard des banques d’importance
systémique deviendraient donc caduques. Leur ambition est de mettre le
secteur financier davantage au service de l’économie réelle et de la société. Ils sont
également d’avis que le système monétaire deviendrait plus transparent et plus
compréhensible.
Les banques ne devraient plus être autorisées à prêter que de l’argent obtenu des
épargnants, d’autres banques ou, si nécessaire, de la BNS sous forme de monnaie
pleine. De la sorte, le système monétaire serait déconnecté du crédit. L’initiative
prévoit en outre que les opérations pour compte propre des banques pourront être
limitées.
Du point de vue des auteurs de l’initiative, le régime actuel viole le principe constitutionnel
selon lequel la politique monétaire relève de la compétence de la Confédé-
ration (art. 99, al. 1, Cst.). L’initiative vise donc aussi à adapter le contexte de la
politique monétaire à la Constitution fédérale telle que l’interprètent ses auteurs:
selon la disposition en question, seule la Confédération serait habilitée à créer de la
monnaie. Les auteurs de l’initiative veulent dès lors étendre à la monnaie scripturale
FF 2016
8
le droit souverain de la Confédération d’émettre des billets de banque et des pièces
de monnaie9.
3.2 Dispositif proposé
Dans le système monétaire en vigueur, la monnaie scripturale déposée sur les
comptes bancaires n’est pas un moyen de paiement légal10, mais une promesse ou un
engagement contractuel de la banque à verser sur demande les avoirs déposés. Ces
moyens de paiement sont disponibles sans restriction et sont également nommés
«dépôts à vue» (car disponibles «à vue»). Les auteurs de l’initiative proposent un
changement fondamental: dans le système de monnaie pleine, la monnaie scripturale
déposée sur les comptes alimentant le trafic des paiements deviendrait de la monnaie
centrale, donc un moyen de paiement légal. Les banques commerciales devraient à
cette fin gérer les dépôts de leurs clients sur ces comptes du trafic des paiements,
hors de leur bilan, et les couvrir intégralement par des avoirs auprès de la BNS. En
d’autres termes, elles se borneraient à gérer les dépôts à vue, comme elles le font
aujourd’hui pour les dépôts de titres. En particulier, les banques ne pourraient donc
plus créer de la monnaie scripturale en octroyant des crédits qu’elles inscrivent à
l’avoir des dépôts à vue et modifier de la sorte la masse monétaire en circulation.
Les retraits massifs11, que l’on constate typiquement lorsque la clientèle doute
qu’une banque soit capable de rembourser les dépôts, ne devraient plus se produire
pour les comptes du trafic des paiements. En soi, cela devrait contribuer à augmenter
la sécurité du trafic des paiements. Par contre, les avoirs investis par la clientèle sur
des comptes de placement ou sous forme de titres restent exposés aux risques.
La seconde nouveauté que prévoit l’initiative pour une monnaie pleine est la création
de monnaie de banque centrale «sans dette». La monnaie serait dorénavant mise
en circulation par la BNS qui la remettrait à la Confédération, aux cantons, ou directement
aux citoyennes et citoyens. Cette nouvelle manière de mettre la monnaie en
circulation équivaudrait à un simple transfert aux collectivités publiques et aux
ménages. La BNS déterminerait elle-même l’ampleur de ces transferts dans le cadre
de l’accomplissement en toute indépendance de son mandat de politique monétaire.
Selon le comité d’initiative, les critères de politique budgétaire ne devraient pas être
pris en compte.
Dès lors, dans le système de monnaie pleine et dans la mise en œuvre de la politique
monétaire, on n’accorderait plus la priorité aux taux d’intérêt comme c’est aujourd’hui
le cas. L’attribution de la monnaie centrale à la Confédération, aux cantons
et aux citoyennes et citoyens équivaudrait à une gestion de la masse monétaire.
Par ailleurs, la BNS pourra accorder aux banques des prêts temporaires contre rémunération,
comme elle le fait déjà. L’ampleur de ces crédits sert aux ajustements à
court terme de la masse monétaire. Cela permet à la BNS de gérer la part variable de
9 http://www.initiative-monnaie-pleine.ch/messages-cles/
10 C’est-à-dire un moyen de paiement qui, en vertu de la loi, doit toujours être accepté pour
rembourser une créance.
11 En anglais bank runs, également désignés en français par «paniques bancaires».
FF 2016
9
la masse monétaire. À cet égard, la gestion par les taux d’intérêt pourrait être maintenue.
Les auteurs de l’initiative proposent ainsi une combinaison entre une croissance
régulière de la masse monétaire et des ajustements liés aux exigences de la
politique monétaire.
3.3 Commentaire et interprétation du texte de l’initiative
Par rapport à la teneur actuelle de l’art. 99 de la Constitution, qui règle la politique
monétaire, l’initiative prévoit deux nouveaux articles et un complément aux dispositions
transitoires. L’ensemble reprend partiellement les dispositions en vigueur, mais
va globalement beaucoup plus loin.
3.3.1 Reprise des dispositions en vigueur
L’initiative ne remet pas en cause les intérêts que sert la politique monétaire de la
BNS (art. 99a, al. 1, 1re partie de la phrase). De même, l’art. 99a, al. 4 et 5, traitant
de la constitution de réserves monétaires et de la répartition du bénéfice, correspond
à l’actuel art. 99, al. 3 et 4, Cst.
La BNS est déjà liée par le principe de légalité de l’art. 5, al. 1, Cst. (Principes de
l’activité de l’État régi par le droit). L’art. 99a, al. 6, qui soumet la BNS à la seule
loi dans l’accomplissement de ses tâches, ne change donc rien sur le plan matériel.
L’art. 99, al. 2, est largement maintenu en ce qu’il charge la Confédération d’émettre
de la monnaie et des billets de banque. Toutefois, la mention de la monnaie scripturale
en tant que moyen de paiement légal va au-delà des dispositions en vigueur.
3.3.2 Dispositions nouvelles
Monnaie scripturale des banques commerciales comme moyen
de paiement légal
En vertu de l’art. 99, al. 2, seule la Confédération est habilitée à émettre les pièces
de monnaie, les billets de banque et la monnaie scripturale comme moyens de paiement
légaux. On entend par monnaie scripturale les dépôts de clients auprès des
banques aux fins de paiements et les avoirs en compte de virement des banques
auprès de la BNS. Les banques doivent détenir ces avoirs en tant que réserves minimales
ou s’en servent comme moyen de paiement dans les opérations interbancaires.
Conformément à l’art. 2, let. c, de la loi fédérale du 22 décembre 1999 sur l’unité
monétaire et les moyens de paiement12, les avoirs en compte de virement sont déjà
réputés moyens de paiement légaux, mais non la monnaie scripturale détenue auprès
des banques commerciales. L’initiative vise à conférer à cette monnaie scripturale le
statut de moyen de paiement légal.
12 RS 941.10
FF 2016
10
Les dépôts à vue auprès des banques commerciales sont soumis au risque débiteur
pour la banque concernée. En revanche, dans le système de monnaie pleine, un
compte destiné au trafic des paiements représente une créance vis-à-vis de la BNS et
a de ce point de vue le même statut que l’argent liquide. Les prestataires de services
financiers doivent donc gérer les comptes du trafic des paiements de la clientèle hors
de leur bilan. En vertu de l’art. 99, al. 5, ces comptes ne font pas partie de la masse
de la faillite. La loi devra préciser les comptes qui doivent être réputés comptes du
trafic des paiements au sens de l’initiative.
Selon l’art. 197, ch. 12, al. 1, les dispositions d’exécution prévoient que toute la
monnaie scripturale figurant sur des comptes pour le trafic des paiements deviendra
dès l’entrée en vigueur de l’initiative un moyen de paiement légal et sera exclue du
bilan des banques commerciales. Du point de vue de la clientèle des prestataires de
services financiers, tous les avoirs sur les comptes du trafic des paiements passeront
ex lege du statut de créance vis-à-vis des banques commerciales à celui de moyen de
paiement légal sous forme de monnaie scripturale (cf. art. 99, al. 3). Les comptes en
question deviendront en quelque sorte des comptes fiduciaires semblables aux
dépôts d’actions (cf. art. 99, al. 5). Dès lors, la créance d’un client vis-à-vis de sa
banque se transformera en créance vis-à-vis de la BNS. Cette dernière octroiera des
prêts aux banques pour qu’elles disposent de suffisamment de monnaie de banque
centrale en vue de la mise en place du système de monnaie pleine. Si les banques ne
pouvaient fournir les sûretés habituelles, la BNS prendrait un risque de crédit dans le
cadre de la mise en œuvre. En outre, elle devra veiller à ce que les dettes consécutives
au changement de statut de la monnaie scripturale soient remboursées dans un
délai raisonnable. Les auteurs de l’initiative tablent eux-mêmes sur un délai de 15 à
20 ans.
Selon l’art. 99, al. 3, l’émission et l’utilisation d’autres moyens de paiement sont
autorisées sous réserve de conformité au mandat légal de la BNS. Ces «autres
moyens de paiement» peuvent être par exemple des chèques, des traites, de la monnaie
électronique, des avoirs WIR ou des cartes de débit ou de crédit qui, au sens de
la liberté contractuelle, reposent sur l’accord entre les parties. La limitation du
recours à d’autres moyens de paiement prévue par l’art. 99, al. 3, constitue une
entorse à la liberté contractuelle.
Réforme du marché financier
L’art. 99, al. 4, dispose que le marché financier doit être organisé dans l’intérêt
général du pays. Il énumère les domaines que des lois spécifiques doivent régler;
certains le sont déjà. De plus, l’initiative prévoit la possibilité de limiter les opérations
pour compte propre des banques.
Un système de monnaie pleine présuppose une délimitation claire entre les comptes
du trafic des paiements et les comptes d’épargne ou de placement, car seuls les
dépôts sur les comptes du trafic des paiements sont des moyens de paiement légaux.
L’art. 99a, al. 2, prévoit par conséquent que la BNS pourra dorénavant fixer des
délais de conservation minimaux pour les placements financiers.
L’art. 99, al. 1, renforce la responsabilité de la Confédération quant à la garantie de
l’approvisionnement de l’économie en services financiers. Pour atteindre cet objectif,
la Confédération est habilitée à limiter la liberté économique, sans pour autant
FF 2016
11
pouvoir contraindre les acteurs du marché financier à fournir les services en question.
Si les acteurs en question ne fournissaient plus certains de ces services, la
Confédération, au sens d’un service public, devrait garantir elle-même leur disponibilité
pour répondre aux besoins de l’économie.
En vertu de l’art. 99a, al. 1, la BNS est chargée de gérer la masse monétaire et de
garantir le fonctionnement du trafic des paiements ainsi que l’approvisionnement de
l’économie en crédits: il s’agit d’une extension du cahier des charges de la BNS qui
n’avait jusqu’ici pour tâches que de faciliter et d’assurer le bon fonctionnement de
systèmes de paiement sans numéraire13. Désormais, la BNS devra donc non seulement
faciliter et assurer, mais faire en sorte que le trafic des paiements fonctionne.
Il en va de même de l’approvisionnement de l’économie en crédits: pour ce faire, la
BNS devrait pouvoir intervenir directement, si nécessaire, dans l’octroi de crédits
par les prestataires de services financiers. Actuellement, elle influe indirectement sur
l’octroi de crédits par le biais des taux d’intérêt à court terme. À l’avenir, elle devrait
garantir le trafic des paiements et l’octroi de crédits. Si les prestataires privés renon-
çaient à ces activités, des institutions de droit public devraient prendre le relais ou la
loi devrait proposer des solutions de remplacement.
Création de monnaie
Enfin, l’art. 99a, al. 3, règle également les modalités de la création de monnaie en
précisant que dans le cadre de son mandat légal, la BNS met en circulation sans
dette l’argent nouvellement émis, par le biais de la Confédération ou des cantons ou
en l’attribuant directement aux citoyennes et citoyens. La BNS pourra également
octroyer aux banques des prêts limités dans le temps.
L’émission de monnaie est réputée sans dette lorsque le bénéficiaire reçoit de la
BNS l’argent nouvellement émis sans avoir à fournir une quelconque contrepartie.
En mettant en circulation de la monnaie sans dette au profit de la Confédération et
des cantons, on introduirait un financement du secteur public grâce à la création de
monnaie par la BNS. La mise en circulation sans dette doit par conséquent être
considérée comme le principe de base de la création de monnaie, alors que l’octroi
de prêts aux banques constituerait une possibilité supplémentaire de créer de la
monnaie.
Dispositions transitoires
L’art. 197, ch. 12, al. 2, dispose que durant la phase de transition notamment, la
BNS veillera à ce qu’il n’y ait ni pénurie ni pléthore de monnaie, et qu’elle pourra
octroyer aux prestataires de services financiers un accès facilité aux prêts. La loi
devra préciser ce qu’il faut entendre par un accès facilité aux prêts.
En vertu de l’art. 197, ch. 12, al. 3, si le Parlement n’adoptait pas la loi dans les deux
ans suivant l’acceptation de l’initiative, le Conseil fédéral devrait édicter dans un
délai d’un an les dispositions d’exécution nécessaires par voie d’ordonnance.
13 Cf. art. 5, al. 2, let. c, de la loi sur la Banque nationale
FF 2016
12
4 Appréciation de l’initiative
4.1 Analyse des propositions
Les demandes formulées dans l’initiative sont en partie légitimes. Depuis la crise
financière de 2008, la stabilité financière est devenue un sujet de préoccupation. À
maintes reprises, des doutes ont été émis quant à la stabilité du système financier et
monétaire, et des voix se sont exprimées en faveur d’une réglementation plus sévère.
Depuis lors, des efforts soutenus ont toutefois été consentis en vue de renforcer la
stabilité financière, notamment en Suisse.
Une exigence centrale des auteurs de l’initiative est la protection des déposants. De
leur point de vue, une réforme vers une monnaie pleine offre aux citoyennes et
citoyens davantage de transparence dans le système monétaire et de sécurité quant à
leurs dépôts à vue auprès des banques. Si l’initiative était acceptée, les dépôts à vue
de la clientèle auprès des banques seraient définitivement protégés de toute perte en
cas de retraits massifs. D’autres avoirs, notamment sous forme d’épargne, ne
seraient toutefois pas concernés par la réforme. En ce qui concerne ces créances et
d’autres créances des banques (par ex. sur le marché interbancaire), des retraits
massifs resteraient possibles.
Lorsqu’ils exigent un monopole étatique de la création de monnaie, les auteurs de
l’initiative se fondent sur les dispositions constitutionnelles en vigueur relatives au
monopole de l’émission des billets de banque et des pièces de monnaie. Cette norme
a certes été créée pour retirer aux banques la faculté d’émettre leurs propres billets
de banque, mais on ne saurait pour autant en déduire une interdiction générale
d’offrir des dépôts à vue.
L’attribution directe de l’argent nouvellement émis à la Confédération et aux cantons
établirait un lien étroit entre la BNS et le financement des budgets publics. La
BNS risquerait de faire l’objet de pressions politiques en cas d’importants besoins de
financement. Le lien étroit de la BNS avec le financement de l’État pourrait ainsi
conduire à de forts taux d’inflation14. Pour éviter les tendances inflationnistes, les
banques centrales ont généralement été dotées d’une grande autonomie et le financement
direct des collectivités publiques leur a souvent été expressément interdit.
Du point de vue des auteurs de l’initiative, la création de moyens de paiement confère
aux banques, par rapport aux entreprises d’autres branches, des avantages
concurrentiels injustifiés, la création de monnaie générant des bénéfices qui devraient
revenir à l’État ou aux citoyennes et citoyens. Les auteurs de l’initiative
mettent l’accent sur la généralisation de la monnaie centrale en tant que moyen de
paiement. Il s’agirait d’une modification radicale de la répartition des tâches entre la
BNS et les banques commerciales. Le modèle d’affaires des banques repose pour
une grande part sur les opérations d’intérêts, dans lesquelles les intérêts des crédits
couvrent les coûts et les intérêts du trafic des paiements. Il en résulte une gestion des
activités de crédit sur la base de l’offre et de la demande, qui détermine les taux en
vigueur. Ce modèle d’affaires serait fondamentalement remis en cause et le champ
d’activités des banques s’en trouverait réduit. Par ailleurs, les banques devraient
14 Cf. par ex. Bernholz, P., Monetary Regimes and Inflation: History, Economic and Political
Relationships, Cheltenham, UK, and Northhampton, MA, USA: Edward Elgar, 2003
FF 2016
13
compenser financièrement la disparition des dépôts à vue, relativement avantageux,
en prélevant par exemple de nouveaux frais sur les services de paiement.
Il est en principe légitime de vouloir des moyens de paiement fiables, mais la revendication
visant un système financier sûr peut être satisfaite plus efficacement et plus
simplement (cf. ch. 4.2.3). Le Conseil fédéral renonce à présenter un contre-projet
direct ou indirect, eu égard à la réglementation en vigueur sur la protection des
déposants (cf. ch. 4.2.4), aux mesures prises durant les années écoulées et à celles
prévues, qu’il juge plus pertinentes pour garantir la stabilité du système bancaire.
4.2 Conséquences en cas d’acceptation
4.2.1 Le régime monétaire actuel et le système proposé
La monnaie créée aujourd’hui par la BNS (monnaie centrale) est couverte par des
actifs, essentiellement des placements en devises et de l’or. Sur le plan comptable, la
monnaie centrale représente pour la BNS une dette qui ne doit toutefois pas être
remboursée. Pour les banques et l’économie réelle, la monnaie centrale représente
une valeur patrimoniale sous forme de billets de banque et d’avoirs des banques en
Suisse auprès de la BNS (comptes de virement; cf. illustration 1). Dans le système
en vigueur, les banques peuvent elles aussi octroyer des crédits contre de la monnaie
scripturale et mettre ainsi des moyens de paiement en circulation. Les crédits alloués
sont simultanément crédités sur le compte bancaire de l’emprunteur (compte destiné
au trafic des paiements). Il s’agit d’un avoir «à vue», c’est-à-dire d’une créance vis-
à-vis de la banque, disponible en tout temps, qui permet de procéder à des paiements.
Illustration 1
Situation actuelle: bilans agrégés de l’ensemble de l’économie15
Billets de banque
Placements Fonds propres
BNS Banques Secteur privé
Placements en
or et en devises
Monnaie
centrale:
billets de banque,
comptes de v irement
Comptes de
virement BNS Comptes du trafic
des paiements Crédits Comptes du
trafic des
paiements
Crédits Fonds propres
Fonds de tiers Autres
placements Fonds propres
Les banques perçoivent sur les crédits des intérêts plus élevés que ceux auxquels
elles doivent rémunérer les comptes du trafic des paiements de leur clientèle. Elles
peuvent ainsi couvrir leurs coûts et réaliser un bénéfice. Mais pour elles, les affaires
de crédit comportent des risques et ne sont pas une source illimitée de profits, car la
concurrence entre établissements amoindrit leur marge bénéficiaire. Les banques
doivent également veiller à ce que les crédits soient remboursés, c’est-à-dire à ce
15 Les illustrations 1 et 2 ne sont que des schémas et ne reflètent pas nécessairement les
ordres de grandeur réels.
FF 2016
14
que les débiteurs soient solvables. Elles ne peuvent par ailleurs octroyer davantage
de crédits que la demande réelle de crédit des entreprises et des ménages au taux
d’intérêt en vigueur. L’octroi de crédits dépend donc en priorité des conditionscadres
de la politique monétaire (taux d’intérêt) et de la conjoncture (demande
d’investissements). De plus, les banques doivent également s’attendre à un retrait
partiel des avoirs, notamment des dépôts à vue, ce qui les incite à en couvrir une
partie par de la monnaie centrale. Enfin, l’octroi de crédits est influencé par les
prescriptions réglementaires concernant les réserves minimales, les liquidités et les
fonds propres.
En cas d’acceptation de l’initiative, seule la BNS serait autorisée à mettre en circulation
de la «monnaie scripturale en tant que moyen de paiement légal» (proposition
d’art. 99, al. 2). Les banques devraient gérer hors bilan tous les comptes actuels et
futurs de leurs clients destinés au trafic des paiements. Ces avoirs de la clientèle
seraient par exemple versés sur des comptes auprès de banques de dépôt séparées
(cf. illustration 2, flèche 1a). Pour permettre une couverture intégrale de ces nouveaux
comptes de dépôt ou de trafic des paiements par de la monnaie centrale
(flèche 1b), la BNS devrait, durant une phase transitoire, mettre en circulation de la
monnaie centrale à hauteur des besoins en liquidités des banques du fait des nouveaux
comptes du trafic des paiements. Étant donné qu’ils sont entièrement financés
par de la monnaie centrale, les avoirs déposés sur les comptes du trafic des paiements
sont réputés «monnaie pleine», cette dernière devenant le seul moyen de
paiement légal sans numéraire en Suisse (en francs suisses).
Illustration 2
Passage au système de monnaie pleine: bilans agrégés
Billets de banque
Placements Fonds propres
2
1b 1a
Fonds propres
BNS Banques Secteur privé
Placements en
or et en devises
Monnaie centrale:
billets de banque,
comptes de v irement
Prêt de la BNS
Fonds de tiers
Crédits
Fonds propres
Comptes du
trafic des
paiements
Comptes de
virement BNS
Crédits
Prêt aux
banques
Monnaie centrale:
comptes de v irement
des banques de dépôt
Banques de dépôt
Comptes de
virement BNS
Comptes du
trafic des
paiements
Autres
placements
Durant une phase transitoire, la BNS octroierait un prêt aux banques commerciales
en fonction des besoins de liquidités supplémentaires générés par le transfert des
comptes du trafic des paiements (flèche 2). En d’autres termes, elle échangerait
auprès des banques commerciales les comptes du trafic des paiements contre un prêt
de la BNS. Ce prêt ne serait nécessaire que dans la mesure où le financement des
banques n’est pas assuré, ou pour garantir l’approvisionnement de l’économie en
crédits (art. 99a, al. 1). Selon l’initiative, ce prêt devra être remboursé sur la durée.
À cet égard, il faut tenir compte du fait que dans la perspective de la réforme, la
clientèle est susceptible de transformer une partie des dépôts à vue en d’autres
FF 2016
15
formes de placements, ce qui pourrait réduire les besoins supplémentaires en monnaie
centrale.
Les comptes du trafic des paiements doivent être entièrement couverts par de la
monnaie pleine et seraient désormais gérés hors bilan; ils ne feraient pas partie de la
masse en faillite de la banque. Les banques auraient tendanciellement plus de difficultés
à octroyer des crédits, car elles ne pourraient plus simplement bonifier le
montant du crédit au client: elles devraient financer les crédits par d’autres fonds de
tiers (ou par des fonds propres), par exemple par le biais de «comptes de placement»
(similaires aux comptes d’épargne ou aux comptes de dépôt à terme). Il faudrait
limiter dans le temps les possibilités de retrait pour ces comptes de placement de
manière à ce qu’ils ne puissent pas servir au trafic des paiements. Concrètement,
cela pourrait se traduire par des délais minimaux de conservation des produits financiers,
qu’il conviendrait de fixer dans le cadre de la mise en œuvre. Pour financer les
crédits, les banques pourraient également recourir aux emprunts sur le marché
monétaire et à d’autres produits financiers qui restent à créer. Les comptes de placement
et autres produits financiers seraient (en règle générale) rémunérés.
Il faudrait également préciser qui devra supporter les coûts de la tenue des comptes
et des paiements pour les comptes du trafic des paiements. Les banques ne pouvant
plus utiliser ces fonds pour réaliser des gains sur les affaires de crédit, les comptes
du trafic des paiements concernés ne devraient en principe pas être rémunérés. Les
banques devraient donc financer les paiements opérés sur ces comptes par le biais de
commissions (comme elles le font pour les dépôts de titres et les coffres-forts). On
ne saurait toutefois exclure une intervention de l’État auprès de la banque de dépôt si
les banques commerciales, ou les clients en raison de l’absence de rémunération et
des nouvelles commissions, montraient trop peu d’intérêt pour de nouvelles affaires
par le biais des comptes du trafic des paiements et recouraient à d’autres canaux
pour leurs paiements (par exemple en espèces ou par des comptes en devises étrangères).
L’initiative prévoit que les banques devront rembourser le prêt consenti durant la
période transitoire, ce qui signifie que dans le système de monnaie pleine, elles
devront soit trouver de nouvelles sources de financement, soit limiter l’octroi de
crédits aux entreprises et aux ménages (majoritairement sous forme d’hypothèques).
À titre de solution de rechange, la BNS pourrait encore consentir des «prêts limités
dans le temps» après la phase transitoire pour éviter une pénurie de crédits. Une
limitation de l’offre de crédits provoquerait en principe une hausse des taux
d’intérêt. Néanmoins, si une pénurie de crédits menaçait de se produire malgré les
possibilités de financement restant à la disposition des banques, il est envisageable
voire vraisemblable que la BNS consentirait des prêts à durée limitée non seulement
durant la phase transitoire, mais également au-delà.
4.2.2 Politique monétaire
Le système de monnaie pleine proposé aurait des conséquences fondamentales pour
la politique monétaire. En particulier, le taux d’intérêt en tant qu’instrument de
pilotage perdrait considérablement de son importance. L’objectif opérationnel
FF 2016
16
actuel, qui est de maintenir le taux de référence (c’est-à-dire le Libor à trois mois)
dans une certaine fourchette devrait être remplacé, du moins en partie, par une
courbe de croissance de la masse monétaire.
Dans le système en vigueur, en pilotant le taux de référence, la BNS influe sur
l’offre et la demande de crédits. La monnaie est pour une grande part créée par les
activités de crédit des banques commerciales. Un recul du taux d’intérêt favorise
l’octroi de crédits et la création de monnaie, ce qui stimule la demande globale de
l’économie et provoque tendanciellement une augmentation des prix suite à une
meilleure utilisation des capacités de production. À l’inverse, une augmentation du
taux d’intérêt ralentit l’octroi de crédits et la création de monnaie, ce qui freine la
demande globale de l’économie et l’évolution des prix.
Dans son art. 99a, al. 3, l’initiative prévoit que la BNS «met en circulation sans
dette» l’argent nouvellement émis, et ce «par le biais de la Confédération ou des
cantons ou en l’attribuant directement aux citoyens». Actuellement, la BNS met la
monnaie centrale en circulation en octroyant des crédits aux banques commerciales
ou en acquérant des valeurs patrimoniales , auparavant principalement de l’or,
aujourd’hui avant tout des placements en devises étrangères et des titres. Le transfert
sans dette préconisé par l’initiative n’interviendrait toutefois plus par des prêts ou
par l’acquisition de valeurs patrimoniales. Lorsque la BNS mettra de l’argent en
circulation par un transfert sans dette à la Confédération, aux cantons ou aux
citoyennes et citoyens, la masse monétaire pourra augmenter sans progression de
l’octroi de crédits. Les corrélations actuelles entre les taux d’intérêt, la masse moné-
taire et l’évolution des prix s’en trouveraient modifiées.
La stratégie de politique monétaire
Actuellement, la stratégie de politique monétaire de la BNS repose sur trois élé-
ments, à savoir (1) une définition explicite de la stabilité des prix, (2) une prévision
d’inflation en tant qu’indicateur principal pour les décisions de politique monétaire
et d’élément central de la communication, et (3) une fourchette pour le taux d’intérêt
de référence, le Libor à trois mois, en tant qu’objectif opérationnel dans la mise en
œuvre de la politique monétaire.
Si la politique monétaire était réorientée comme le prévoit l’initiative, la priorité
devrait être accordée au pilotage de la masse monétaire. Les deux premiers éléments
de la stratégie en vigueur pourraient être conservés dans un système de monnaie
pleine. En revanche, le troisième élément devrait être adapté, car le taux d’intérêt
perdrait de sa signification pour influer sur l’octroi de crédits et la création de monnaie.
Au lieu d’une fourchette pour le taux de référence, la BNS devrait définir une
courbe de croissance de la masse monétaire: elle suivrait alors une stratégie qui n’est
pas sans rappeler l’ancienne gestion de la masse monétaire. Cependant, cette gestion
ne s’était pas révélée un bon instrument de pilotage de la politique monétaire, la
masse monétaire n’ayant qu’un lien indirect avec la stabilité des prix16.
Pour appliquer sa politique monétaire, la BNS devrait déterminer la masse monétaire
supplémentaire qu’elle devrait mettre en circulation sans dette. Elle devrait égale-
16 Cf. Banque nationale suisse (éd.): Banque nationale suisse 1907-2007, Zurich 2007,
p. 254 ss
FF 2016
17
ment fixer une clé de répartition pour l’attribution de l’argent nouvellement émis à la
Confédération, aux cantons et aux citoyennes et citoyens. La clé de répartition ne
relevant pas de la politique monétaire, elle devrait être fixée dans la loi. Il faudrait
alors s’attendre à ce que l’attribution d’argent sans dette conduise implicitement à
une politisation de la politique monétaire, car une création de monnaie de cette
nature aurait des répercussions directes sur la politique budgétaire. Si la BNS mettait
de la monnaie en circulation sans dette, elle pourrait financer des tâches publiques
ou des baisses d’impôts, ce qui l’exposerait à des pressions politiques croissantes.
On peut se demander comment le renforcement explicite de l’indépendance de la
BNS proposé par l’art. 99a, al. 6, serait davantage qu’un vœu pieux et comment il
pourrait effectivement contrer les pressions politiques. Par ailleurs, en fonction des
estimations des conditions de crédit sur le marché, la BNS devrait décider de
l’ampleur des prêts à durée limitée consentis aux banques et fixer les conditions qui
les régissent.
Comparaison avec la gestion de la masse monétaire durant
les années 1975 à 1999
À première vue, le pilotage de l’accroissement de la masse monétaire dans le système
de monnaie pleine rappelle la politique menée par la BNS de 1975 à 1999, qui
reposait sur la gestion de la masse monétaire. Les expériences de cette époque ne
sont toutefois pas directement comparables à une gestion de la masse monétaire dans
le cadre du système de monnaie pleine. Ce système implique une création monétaire
uniquement par le biais de la BNS, et non plus par l’octroi de crédits par les banques
commerciales. Dans le système de monnaie pleine, la séparation entre la création de
monnaie et l’octroi de crédits se répercuterait bien plus fortement sur l’économie
qu’un passage du pilotage des taux d’intérêt à la gestion de la masse monétaire dans
le système actuel. En ce qui concerne le système de monnaie pleine, on manque
notamment d’expérience pour estimer les effets sur les prix d’une augmentation de
la masse monétaire. Plus grave encore: il serait beaucoup plus difficile de réduire
une masse monétaire trop importante.
Répercussions sur les taux d’intérêt
Pour assurer la stabilité des prix dans un système de monnaie pleine, la BNS devrait
recourir à la gestion de la masse monétaire au lieu du pilotage des taux d’intérêt. Les
taux d’intérêt du franc et donc le taux de change seraient soumis à de fortes fluctuations,
sources d’incertitudes pour l’économie, plus particulièrement durant la phase
transitoire. Enfin, un système de monnaie pleine ferait de la Suisse une exception
sous l’angle de la politique monétaire.
Répercussions sur la stabilité des prix
Dans l’ensemble, il est difficile de prédire sur quelles valeurs la politique monétaire
devrait se fonder dans le système proposé et quelles en seraient les répercussions sur
les indicateurs économiques globaux. Si l’initiative était mise en œuvre dans le sens
voulu par ses auteurs, il serait plus difficile de gérer à moyen terme la stabilité des
prix en tenant compte de la conjoncture. On ne pourrait plus réagir aussi efficacement
qu’aujourd’hui à des chocs à court terme, par le biais d’une adaptation des taux
directeurs. La focalisation stricte sur la masse monétaire aurait des effets plus diffici-
FF 2016
18
lement évaluables sur les prix, notamment pendant la période transitoire. Relevons à
cet égard que la création monétaire sans dette ne doit pas être forcément soumise à
des fluctuations à court terme induites par la politique monétaire. Des instruments
traditionnels tels que les pensions de titres ou les prêts aux banques commerciales
pourraient également avoir une incidence à court terme sur la masse monétaire.
D’une manière générale, il faut s’attendre à ce que la répartition directe de l’argent
par transferts affaiblisse la confiance vis-à-vis de la stabilité de la valeur de l’argent
parce que ce dernier ne serait pas couvert par des actifs sous forme de réserves de
devises ou d’or. La mise en circulation d’argent sans dette exposerait davantage la
politique monétaire aux convoitises de la politique budgétaire (cf. ch. 4.2.6), ce qui
entraînerait une perte d’indépendance de la BNS. Tous ces facteurs contribueraient à
aggraver le risque d’inflation. Il faut souligner par ailleurs que l’argent mis en circulation
sans dette serait plus difficile à résorber. Une solution serait de percevoir des
impôts spéciaux de résorption, dont le produit serait remis à la BNS qui retirerait
ainsi cette monnaie pleine de la circulation. Une autre possibilité serait l’émission
d’obligations de la BNS, c’est-à-dire de titres du marché monétaire, que celle-ci
devrait toutefois rémunérer.
4.2.3 Stabilité financière
Les auteurs de l’initiative promettent une amélioration de la stabilité financière. De
leur point de vue, un système de monnaie pleine contribuerait à éviter l’émergence
de bulles financières, et l’État ne serait plus tenu de sauver des banques. De plus, ils
insistent sur le fait que la monnaie pleine déposée sur les comptes du trafic des
paiements serait entièrement sûre17. Si l’on y regarde de plus près, un système de
monnaie pleine ne peut tenir toutes ces promesses.
Même un système de monnaie pleine ne pourrait empêcher l’apparition de cycles de
crédit et de bulles d’actifs. En fonction des modalités de mise en œuvre, ces fluctuations
pourraient certes être atténuées dans une certaine mesure. Mais les cycles de
crédit et les bulles d’actifs trouvent leur origine dans la sous-estimation des risques
par les banques, les ménages et les entreprises, de même que dans des anticipations
de prix exagérées. Un système de monnaie pleine n’a aucune incidence sur ces
causes.
Dans un système de monnaie pleine, il n’est pas non plus certain que l’État ne doive
plus sauver de banques. La garantie du trafic des paiements par un système de monnaie
pleine éliminerait certes un motif important pour un sauvetage de banques par
l’État. Mais on peut envisager d’autres situations dans lesquelles l’État devrait
sauver une banque, par exemple si celle-ci occupait une position importante dans le
domaine du crédit ou de l’épargne ou était fortement imbriquée dans le système
bancaire national. Même dans un système de monnaie pleine, l’État pourrait dès lors
être enclin à sauver une banque menacée d’insolvabilité pour protéger l’économie.
L’initiative protégerait intégralement les dépôts à vue auprès des banques en cas de
faillite bancaire. La nécessité de protéger les épargnants (cf. ch. 4.2.4) ne concerne-
17 http://www.initiative-monnaie-pleine.ch/messages-cles/
FF 2016
19
rait plus ces dépôts. L’épargne et les dépôts à terme, de même que des formes de
financement à court terme par des tiers (entre autres par le biais du marché moné-
taire et du marché des capitaux), resteraient toutefois exposés à des risques de liquidité
et de solvabilité et donc de retraits massifs, c’est-à-dire à une situation dans
laquelle de nombreux créanciers retirent simultanément leurs avoirs ou ne souhaitent
pas les renouveler. Certes, la BNS fixerait des délais de conservation minimaux pour
les placements financiers de manière à retarder les retraits massifs de dépôts
d’épargne et l’insolvabilité d’une banque, mais on ne pourrait pour autant éviter
totalement les retraits massifs, car leurs causes principales subsisteraient dans un
système de monnaie pleine. Les incitations à la transformation des échéances (financement
des crédits à long terme par des engagements à court terme), activité nécessaire
pour l’économie, resteraient pour l’essentiel les mêmes. Certes, fixer des délais
de conservation minimaux limiterait plus ou moins fortement la transformation des
échéances par les banques – en fonction de leur durée – mais ne l’empêcherait
aucunement.
De plus, le texte de l’initiative18 prévoit une limitation légale des opérations pour
compte propre. Le système de monnaie pleine pourrait également voir le jour sans
cette limitation. On notera par ailleurs qu’il est compliqué en pratique de délimiter
précisément les opérations pour compte propre par rapport aux autres activités, et
qu’une limitation de ces opérations serait donc difficilement réalisable.
Un environnement d’affaires moins favorable et les entraves aux activités de crédit
pourraient entraîner un rétrécissement du secteur financier, ce qui est susceptible de
réduire le risque pour la stabilité financière. Or, il est difficile de prévoir comment
les banques réagiraient concrètement à une réforme visant la monnaie pleine. La
disparition des dépôts à vue leur ferait perdre une source de financement relativement
stable et peu onéreuse, ce qui pourrait entraîner une hausse du coût des crédits
et une réduction des marges. Il faut s’attendre à ce que les banques recherchent
d’autres sources de financement, et on ne peut pas exclure qu’elles choisissent aussi
des solutions plus risquées pour financer les crédits.
Comme le soulignent les auteurs de l’initiative, le système financier et plus particulièrement
le secteur bancaire présentent une fragilité susceptible de conduire à des
crises financières et économiques. Ce problème peut toutefois être traité par d’autres
moyens. À cet égard, les exigences accrues en matière de fonds propres des banques
jouent un rôle essentiel car elles renforcent la capacité de résistance du système
bancaire aux pertes éventuelles. Cette voie est suivie aussi bien sur le plan national
qu’international. Au niveau international, on citera à ce propos les activités du
Comité de Bâle (Bâle III) et du Conseil de stabilité financière.
En Suisse, les banques doivent déjà répondre à des exigences plus sévères en matière
de liquidités et de fonds propres par rapport aux années précédentes. Concernant
le problème des établissements too big to fail, le Conseil fédéral a récemment
relevé encore les exigences quant aux fonds propres des banques d’importance
systémique opérant au niveau international, en modifiant l’ordonnance sur les fonds
18 art. 99, al. 4, let. e, du texte de l’initiative
FF 2016
20
propres et l’ordonnance sur les banques19. Les exigences suisses restent ainsi plus
sévères que les normes internationales. Ce renforcement du régime applicable aux
banques d’importance systémique se fonde sur le premier rapport d’évaluation du
Conseil fédéral sur les dispositions suisses applicables à ces banques20. Le régime en
question comporte des mesures en matière de capital, de liquidités, de diversification
des risques et d’organisation des banques.
Globalement, l’initiative ne renforcerait pas substantiellement la stabilité financière.
Des mesures efficaces ont déjà été prises pour renforcer la capacité de résistance du
secteur bancaire. De plus, durant la phase transitoire entre le système en vigueur et
le système de monnaie pleine, il y aurait une grande incertitude quant à la capacité
du système bancaire à assumer ses fonctions en matière de crédit et de dépôt, qui
sont importantes pour l’économie.
4.2.4 Protection des déposants et des consommateurs
L’initiative protégerait les dépôts à vue des clients de toute perte consécutive à la
faillite d’une banque. Cependant, d’autres avoirs, notamment sous forme d’épargne,
ne sont pas concernés par la réforme et resteraient exposés au risque de faillite
bancaire. Par ailleurs, il existe déjà des réglementations de protection des épargnants
qui poursuivent le même but. En Suisse, afin que les moyens d’existence du client
d’une banque ne soient pas mis en danger, 100 000 francs par client et par banque
sont considérés comme des dépôts privilégiés, c’est-à-dire qu’en cas de faillite, ce
montant sera réglé comme une créance de deuxième rang. De plus, les dépôts privilégiés
sont couverts à concurrence d’un plafond de 6 milliards de francs par le
système de garantie des dépôts, en vertu duquel le client de la banque se verra verser
son dépôt garanti avant même la fin de la procédure de faillite. Renforcé après la
crise financière grâce à une révision de la loi sur les banques en 2011, le système de
garantie des dépôts fait actuellement l’objet d’un réexamen.
Les conditions des comptes du trafic des paiements sont avantageuses dans le système
actuel en dépit du bas niveau des taux d’intérêt. Cela vaut particulièrement
pour les coûts du trafic des paiements sans numéraire, car cette activité est étroitement
liée aux affaires de crédit des banques. En outre, les dépôts sont généralement
protégés de l’inflation par le taux d’intérêt. Par contre, dans le système de monnaie
pleine, l’argent des comptes du trafic des paiements serait certes protégé des retraits
massifs, mais non de l’inflation.
4.2.5 Secteur financier
Le secteur financier est un pilier important de l’économie suisse: il représentait en
2015 5,6 % de l’emploi total et la valeur ajoutée qu’il a dégagée a contribué à hau-
19 Cf. le communiqué «Le Conseil fédéral approuve la modification des dispositions sur les
établissements ‹too big to fail›» du 11.5.2016. 20 Cf. le «Rapport du Conseil fédéral ‹Too big to fail› – Examen prévu par l’art. 52 de la loi
sur les banques et en réponse aux postulats 11.4185 et 14.3002».
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21
teur de 9,5 % au produit intérieur brut21. La réforme de la monnaie pleine pourrait
restreindre sensiblement les activités des banques. La disparition des dépôts à vue en
tant que source de financement pour les banques réduira les fonds disponibles pour
les crédits si les besoins de refinancement ne peuvent pas être couverts par les prêts
de la BNS. Les instruments de financement encore autorisés – par exemple les
dépôts d’épargne – sont tendanciellement plus onéreux que le financement actuel par
les dépôts à vue car l’investisseur veut être indemnisé pour la liquidité moindre de
ses avoirs. Par conséquent, la rentabilité des banques baissera ou les coûts supplé-
mentaires seront facturés au client (prélèvement de frais et hausse des taux d’intérêt
des crédits).
Dès lors, les banques qui se financent principalement par le biais des dépôts en
francs suisses de leur clientèle seront le plus directement affectées par l’initiative.
Selon la statistique des banques de la BNS, les banques détenaient à la fin de 2015
des dépôts à vue de la clientèle à hauteur de 365 milliards de francs dans leurs
bilans. Plus particulièrement, les banques de moindre taille réalisant la plus grande
partie de leurs revenus grâce aux opérations d’intérêts22 seraient touchées de manière
disproportionnée.
D’autres prescriptions, nécessaires en raison de la mise en œuvre de l’initiative, de
même que la réglementation proposée visant à restreindre les opérations pour
compte propre, limiteraient encore les opportunités d’affaires.
De plus, l’affaiblissement attendu du secteur financier provoqué par la réforme de la
monnaie pleine se répercuterait défavorablement sur la position de la Suisse dans le
système financier international. Jusqu’ici, la politique suisse en matière de marchés
financiers s’est distinguée par des conditions-cadres stables. La grande incertitude
quant aux conséquences d’un passage à la monnaie pleine est susceptible de diminuer
l’attrait du secteur financier, ce qui équivaudrait à une perte de compétitivité au
plan international. La Suisse en subirait les conséquences, qui ne se limiteraient pas
à la seule perte d’emplois dans le secteur financier. Un changement rapide des
conditions-cadres pourrait susciter des doutes quant à la stabilité de l’ordre juridique
suisse. Eu égard aux risques encourus, la poursuite de la politique actuelle en matière
de marchés financiers est préférable à l’instauration d’un régime de monnaie
pleine.
4.2.6 Finances publiques
En vertu de l’art. 99a, al. 3, Cst. proposé, la BNS, «dans le cadre de son mandat
légal, met en circulation, sans dette, l’argent nouvellement émis, et cela par le biais
de la Confédération ou des cantons ou en l’attribuant directement aux citoyens». En
ce qui concerne cette dernière possibilité, il faudrait notamment définir si les habitants
n’ayant pas la nationalité suisse bénéficieraient de tels transferts, et si oui, dans
quelle mesure.
21 Cf. SFI, Chiffres-clés de la place financière (avril 2016) 22 C’est-à-dire le financement de crédits à plus fort taux d’intérêt par des dépôts moins
rémunérés.
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22
Actuellement, l’art. 11 de la loi sur la Banque nationale interdit à celle-ci de financer
des déficits publics. Cette séparation des politiques budgétaire et monétaire serait
ainsi battue en brèche. Si l’État devait durant un certain laps de temps se financer du
moins en partie par de la monnaie pleine, il aurait des attentes vis-à-vis de la BNS.
Si cette dernière refusait de mettre en circulation de la monnaie pleine pour des
raisons de politique monétaire, cela aurait des répercussions directes sur le financement
des tâches publiques. La BNS serait alors exposée à de fortes pressions politiques
susceptibles de remettre en question son indépendance. La durabilité du
financement de l’État pourrait également se trouver menacée.
Dans le système de monnaie pleine, la BNS serait habilitée à remettre certains
montants à la Confédération, aux cantons et aux citoyennes et citoyens sous la forme
de transferts directs. Eu égard aux grandes incertitudes en la matière, on ne peut que
spéculer sur ces montants. Les auteurs de l’initiative évoquent eux-mêmes un montant
annuel de l’ordre de 3 à 10 milliards de francs, conditionné par la croissance
économique23. Ce montant de l’ordre de 3 à 10 milliards de francs par an ne pourrait
être atteint que si les habitudes de paiement restaient largement les mêmes après le
passage à la monnaie pleine. Si les comptes n’étaient pas rémunérés ou faisaient
même l’objet de frais, il faudrait cependant s’attendre à une baisse de la demande de
dépôts à vue.
En principe, si les banques ont aujourd’hui la possibilité d’augmenter le volume de
crédits, elles peuvent aussi tirer davantage de revenus des opérations d’intérêts, de
sorte que pour elles, l’octroi de crédits et la création de monnaie génèrent des béné-
fices. Ces bénéfices permettent aux banques d’assurer la tenue des comptes à des
conditions relativement avantageuses dans le système actuel. C’est pourquoi elles
effectuent généralement sans frais pour leurs clients le trafic des paiements sans
numéraire. Pour continuer à couvrir leurs coûts dans un système de monnaie pleine,
les banques devraient toutefois exiger des détenteurs de comptes en monnaie pleine
des commissions pour le trafic des paiements. En temps normal, ces comptes ne
pourraient plus être financés par les affaires de crédit et ne pourraient donc plus être
rémunérés.
4.2.7 Effets sur l’octroi de crédits et la conjoncture
Dans le système de monnaie pleine, les banques commerciales ne peuvent plus
recourir aux dépôts à vue pour financer les crédits. L’octroi de crédits – abstraction
faite des prêts à durée limitée que la BNS est autorisée à consentir aux banques –
devra être financé en premier lieu par des comptes d’épargne et de placement à plus
long terme, par l’émission d’emprunts ou par des fonds propres. Étant donné que
dans le système de monnaie pleine, la priorité est accordée à la gestion de la masse
monétaire, les taux d’intérêt des crédits auront tendance à fluctuer davantage pour
équilibrer l’offre et la demande de crédits.
Le passage à un système de monnaie pleine présente des risques supplémentaires
pour le système financier et l’économie réelle. La transformation du régime moné-
23 http://www.initiative-monnaie-pleine.ch/questions/
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23
taire devrait générer des incertitudes auprès des entreprises, des ménages et des
investisseurs internationaux. Il en résulterait d’une part une grande retenue en matière
d’investissements et de consommation, et d’autre part d’importants flux de
capitaux internationaux et des fluctuations des cours de change. Simultanément, la
politique monétaire devrait être gérée par des instruments non éprouvés, parmi
lesquels notamment la création sans dette de monnaie scripturale.
4.3 Compatibilité avec les obligations internationales
L’initiative est en principe compatible avec les engagements internationaux de la
Suisse. Toutefois, certains aspects de la mise en œuvre peuvent entrer en conflit avec
des principes internationaux reconnus par la Suisse. D’une façon générale, on retiendra
deux domaines qui seraient le plus vraisemblablement touchés par les accords
internationaux: les réglementations en matière de stabilité financière et le
financement des pouvoirs publics par les banques centrales.
Les normes internationales en matière de stabilité financière, qui ont été reprises par
la Suisse – notamment Bâle III et les exigences supplémentaires vis-à-vis des
banques d’importance systémique – pourront être respectées dans le cadre d’un
système de monnaie pleine. En ce qui concerne les dispositions régissant les fonds
de tiers à court terme, par exemple, l’initiative va plus loin que les exigences de
Bâle III relatives au ratio de liquidité à court terme (Liquidity Coverage Ratio, ou
LCR), alors que la plupart des autres prescriptions ne sont pas concernées.
Un financement de l’État par la BNS tel qu’il pourrait se produire dans un régime de
monnaie pleine contredit toutefois les recommandations de nombreuses organisations
internationales24. Mais il ne s’agit pas d’engagements contraignants au sens
d’un traité de droit international public.
5 Conclusions
Le Conseil fédéral recommande de rejeter l’initiative. En cas d’acceptation, la Suisse
deviendrait un terrain d’expérimentation pour des réformes visant un système de
monnaie et de réserves pleines. Elle ferait ainsi cavalier seul dans la mise en œuvre
d’une initiative qui équivaudrait à une transformation profonde et hasardeuse du
système monétaire et du secteur financier suisses. En outre, la réforme causerait de
grandes incertitudes et des coûts potentiellement élevés pour le secteur financier et
l’économie dans son ensemble. Enfin, il existe des moyens plus appropriés pour
renforcer la sécurité du secteur financier. Plusieurs mesures en vue du renforcement
de la stabilité financière ont été prises ces dernières années et d’autres le seront
encore (too big to fail, sécurité des dépôts). Le Conseil fédéral renonce donc à
présenter un contre-projet direct ou indirect.
24 Par ex. Jácome, L.I., M. Matamoros-Indorf, M. Sharma & S. Townsend, Central Bank
Credit to the Government: What Can We Learn from International Practices?, IMF Working Paper 12/16, January 2012 (en anglais).
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