Recevant samedi midi 4 février en audience 1 100 acteurs de l’économie de communion, rassemblés à Rome par le mouvement des Focolari, le pape François s’est, une nouvelle fois, livré à une sévère critique du système économique mondial, exaltant l’action de ces entrepreneurs qui mettent en avant « la communion des biens, des talents et des profits ».
« En mettant dans l’économie le bon germe de la communion, vous avez lancé un profond changement dans la façon de voir et de vivre l’entreprise, s’est réjoui le pape L’entreprise non seulement, ne peut plus détruire la communion entre les personnes, mais peut l’édifier et la promouvoir. »
Dans son long discours en italien, le pape est revenu sur ses critiques répétées contre l’argent.

« La nouvelle divinité d’une certaine finance »

« L’argent est important, surtout quand on n’en a pas et que, de cela, dépend la nourriture, l’école, le futur des enfants, a reconnu le pape. Mais il devient une idole quand il devient la fin. L’avarice, qui n’est pas par hasard un péché capital, est péché d’idolâtrie car l’accumulation d’argent pour soi devient la fin de son action. »
« Quand le capitalisme fait de la recherche du profit son unique but, il risque de devenir une structure idolâtrique, une forme de culte, a mis en garde François dans ce discours étonnamment non retransmis par la télévision vaticane. La “déesse fortune” est toujours plus la nouvelle divinité d’une certaine finance (…), et que vous contrariez. »
Le pape a en effet félicité les acteurs de l’économie de communion de leur choix de « mettre les profits en commun » : « la manière la meilleure et la plus concrète de ne pas faire de l’argent une idole est de le partager avec les autres ».
Critiquant à la fois l’évasion fiscale comme les jeux de hasard, le pape s’est alors livré à une violente charge contre le capitalisme qui « continue à produire des déchets qu’il voudrait ensuite guérir (…) pour qu’on ne les voit plus ».
« Les avions polluent l’atmosphère, mais avec une petite partie de l’argent du billet on va planter des arbres pour compenser les dommages créés, a-t-il dénoncé. Les sociétés de jeux de hasard financent des campagnes pour traiter les joueurs pathologiques qu’ils créent. Et le jour où les entreprises d’armement financeront des hôpitaux pour soigner les enfants mutilés par leurs bombes, le système aura atteint son apogée. »

« Il s’agit d’abord de se battre contre les brigands »

Le pape a alors invité les acteurs de communion « à non seulement guérir les victimes, mais à construire un système où les victimes seront toujours moins nombreuses ».
« Il faut donc chercher à changer les règles du système économique et social, a expliqué pour qui Imitez le Bon Samaritain de l’Évangile ne suffit pas. »
Reprenant la célèbre parabole où le Samaritain vient aider l’homme attaqué par les brigands, le pape souligne que, certes l’entrepreneur de communion se doit de « prendre en charge » les victimes du système, « en y associant également le marché, l’aubergiste ».
« Je sais que c’est ce que vous essayez de faire depuis 25 ans », a reconnu le pape pour qui il faut désormais aller plus loin.
« Il s’agit surtout, d’abord de se battre contre les brigands, combattre les structures de péchés qui produisent brigands et victimes », a-t-il assuré, soulignant que « le “non” à une économie qui tue » doit se transformer en « un “oui à une économie qui fait qui fait vivre parce qu’elle partage, inclut les pauvres et utilise les profits pour créer la communion ».
Nicolas Senèze, à Rome

Dans un long discours, samedi soir, devant les mouvements populaires, le pape François a violemment critiqué le système économique mondial, qualifié de « terroriste » et accusé d’alimenter les peurs.

Recevant, samedi soir au Vatican, 5 000 participants de la IIIe Rencontre mondiale des mouvements populaires, le pape François s’est livré à une charge sans concession contre le système économique libéral, dénonçant « l’impérialisme de l’argent » qui « met en place une dictature économique mondiale ».
Celle-ci, a-t-il accusé devant ces représentants de syndicats, mouvements paysans, chiffonniers, travailleurs précaires, migrants et habitants des quartiers pauvres engagés pour que les exclus soient les protagonistes des changements économiques, politiques et sociaux, « gouverne avec le fouet de la peur, de l’inégalité, de la violence économique, de la violence sociale, culturelle et militaire qui engendre de plus en plus de violence dans une spirale descendante qui semble ne jamais finir ».
« Aucune dictature ne peut se maintenir sans exploiter nos peurs. Et ainsi, toute tyrannie est terroriste », a-t-il alors mis en garde. Et de dénoncer cette peur qui, « en plus d’être une bonne affaire pour les marchands d’armes et de mort », pousse « les citoyens qui conservent encore certains droits » à être tentés par « la fausse sécurité des murs physiques ou sociaux ».
« Tous les murs tombent. Ne soyez pas dupes », a-t-il prévenu, revenant sur le drame des réfugiés, qualifié de « banqueroute de l’humanité »« Lors de la banqueroute d’une banque, des sommes scandaleuses apparaissent immédiatement pour la sauver, mais quand se produit cette banqueroute de l’humanité, il n’y a pas le millième pour sauver ces frères, a-t-il martelé. Et ainsi la Méditerranée s’est transformée en cimetière, et pas seulement la Méditerranée… Il y a tant de cimetières le long des murs, des murs maculés de sang. »
Le pape a alors appelé les mouvements populaires à l’engagement politique, souhaitant un renouvellement de la vie démocratique et des mœurs politiques, et critiquant « la corruption, l’orgueil, l’exhibitionnisme des dirigeants (qui) augmentent l’incrédulité collective, le sentiment d’impuissance et alimentent la peur qui soutient ce système inique ».
« Face à la tentation de la corruption, il n’y a pas de meilleur antidote que l’austérité », a conclu le pape qui a appelé « à prêcher par l’exemple ». « Ne sous-estimez pas la valeur de l’exemple qui a plus de forces que 1 000 paroles, 1 000 tracts, 1 000 like, 1 000 retweets, 1 000 vidéos de YouTube », a-t-il assuré, appelant à « une vie de service, de solidarité et d’humilité en faveur des personnes et en particulier ceux qui souffrent le plus ».

Nicolas Senèze

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