Banques privées ou banque du gouvernement, une comparaison
Par Rudo de Ruijter,
Chercheur indépendant,
Octobre 2015

Nous avons actuellement un système de banques privées, qui a des caractéristiques spécifiques comme la création d'”argent” du néant et une croissance d'”argent” permanente. Ici suit d’abord une courte description d’un système d’argent public et comment il pourrait fonctionner, éventuellement après quelques stades intermédiaires. [1]

Tout l’argent vient du gouvernement ?

Le gouvernement crée l’argent et le dépense ou le prête. Dans les deux cas, ceux qui le reçoivent le dépenseront à leur tour pour effectuer des paiements. Puis, ceux qui reçoivent ces paiements, le dépenseront aussi. Ainsi circule l’argent et le même argent sert chaque fois à de nouvelles transactions.
L’argent prêté disparaît de la circulation, lors que l’emprunteur rembourse son emprunt. Cet argent revient alors au gouvernement, qui le “détruit” (comptablement parlant.)
Le gouvernement lève des impôts. Ce n’est pas pour financer des dépenses, car pour cela il crée lui-même l’argent, mais pour empêcher que la masse d’argent croît continuellement. (= inflation monétaire.) Les taxes reçues sont également “détruites.”
Développement
À partir du principe ci-dessus le système public peut être développé plus loin. Ainsi il faut déterminer plus en détail le rôle du parlement, le rôle des banques et le rôle des impôts. Ceux-ci déterminent finalement le rôle et le fonctionnement de la banque du gouvernement.
Le parlement détermine la conduite et peut obtenir les effets désirés dans la société en ordonnant des dépenses ciblées et en rendant les investissements souhaités bon marché ou gratuits. Dans un système public les banques ne sont pas autorisées à créer, ni à prêter des avoirs non-couverts par de l’argent. À l’émission des prêts elles ne pourront jouer qu’un rôle de médiateur entre la banque du gouvernement et le public. Pour cela elles reçoivent des commissions, pas d’intérêt. Les impôts jouent un rôle dans la destruction d’argent et des mesures fiscales spécifiques peuvent contribuer à empêcher des embouteillages ou entassements dans la circulation d’argent.
La banque du gouvernement

La banque du gouvernement fonctionne finalement comme un centre de contrôle de la circulation, qui a une vue en temps réel sur la création d’argent (dépenses publiques + prêts), les entrées de l’étranger, la circulation domestique et l’épargne parquée, les sorties vers l’étranger et la destruction d’argent (impôts + remboursements).
Avec des instruments financiers, des opérations monétaires et autres mesures la banque du gouvernement peut diriger et faciliter la circulation d’argent pour obtenir les résultats souhaités. (Par exemple achat ou vente d’obligations, achat ou vente de devises étrangères, accélération ou ralentissement de financements désignés pour cet effet.)
Avec un système d’argent public le gouvernement (et la société) peuvent s’adapter à des préférences politiques et aux situations changeantes. Le gouvernement peut:
continuer à faire croître la masse d’argent et continuer à ambitionner la croissance économique;
maintenir la masse d’argent plus ou moins stable et ambitionner la durabilité et la qualité de vie. ( Une société durable implique une diminution de la consommation de matières premières et une diminution du nombre de produits nécessaires par une augmentation de la qualité.)
diminuer la masse d’argent pour maintenir l’économie en marche quand la population diminue.
Notez, que les options 2 et 3 mène à la faillite des banques dans le système de banques privées actuel.
Accès aux prêts
Dans un système d’argent public les emprunteurs n’ont pas besoin de gage, ni de hypothèque. Les défauts de paiement peuvent être traités comme des dettes d’impôts. Le gouvernement n’a pas besoin de capital pour absorber des pertes. En effet, celles-ci viennent toujours à la charge de la population, que ce soit avec ou sans formation de capital. Pour l’émission de prêts le parlement décide de la conduite. Pour autant qu’on choisit de charger les prêts avec des intérêts, ceux-ci peuvent rester plus bas. Et si un taux d’intérêt bas n’est pas souhaitable dans le contexte international, les intérêts peuvent être compensés fiscalement.
Les intérêts de la société d’abord
Dans un système d’argent public le point focal est sur le labeur et les moyens disponibles, et non pas sur la pénurie et le coût de l’argent.

Comparaison avec le sytème de banques privées actuel

Actuellement ce sont les banques privées qui déterminent de plus en plus notre société. Elles décident quels investissements sont financés ou non. Ce faisant les banques n’ont d’yeux que pour leurs propres intérêts, leurs possibilités de bénéfices et la probabilité que les emprunteurs puissent rembourser les prêts.

La soi-disante création d’argent du néant
Le système bancaire privé est basé sur la création d'”argent” du néant. [2] En fait, il ne s’agit pas ici d’argent, mais d’avoirs bancaires. La création consiste d’une entrée comptable lors de la fourniture d’un prêt. La banque écrit à gauche (activa) la dette de l’emprunteur et à droite (passiva) un avoir correspondant. L’emprunteur dispose maintenant d’un avoir de sa banque.

Des avoirs sans argent
En théorie un avoir veut dire, que le titulaire peut réclamer l’argent correspondant de sa banque. Cependant, puisque les banques créent ces avoirs sans disposer de l’argent correspondant, cet argent n’existe pas. Les banques ont, pour tous les avoirs qu’elles ont créés, qu’un tout petit peu d’argent, souvent entre 2 et 5 pourcent de ce qu’elles doivent à leurs clients.

Donc, un avoir ce n’est pas de l’argent. Ce n’est qu’une reconnaissance de la banque qu’elle vous doit de l’argent, même si cet argent n’existe pas. Par conséquence on ne peut pas payer avec son avoir bancaire. Avec des chèques, ordres de virement, cartes bancaires ou via télébanking vous pouvez seulement donner des ordres à votre banque d’effectuer des paiements pour vous.
Le vrai argent

Les banques obtiennent le vrai argent en vendant des papiers de valeur, comme des obligations d’état, à la banque centrale.

Cette dernière rajoute la valeur sur le compte que la banque a chez la banque centrale. C’est ainsi que naît le vrai argent, l’argent officiel.
Dans cette transaction la banque doit promettre de racheter ces papiers de valeur à une date convenue à un prix supérieur convenu. La différence de prix ressemble à des intérêts. C’est pourquoi on dit souvent que les banques empruntent l’argent de la banque centrale. Les banques doivent sans cesse vendre et racheter des papiers de valeur pour disposer de vrai argent.
Le vrai argent existe donc en premier lieu comme des nombres sur les comptes chez la banque centrale. Les banques peuvent également retirer cet argent sous forme de billets de banque. La banque centrale est la seule qui est autorisée à les (faire) imprimer.
Le vrai argent sert aux paiements entre banques et pour fournir des billets de banque aux clients, lorsqu’ils en demandent. Dans la limite du stock disponible.

Les paiements
Quand l’emprunteur dépense son avoir de la banque A et achète une voiture d’un titulaire de compte chez banque B, la banque A doit payer le montant à la banque B, et ceci en vrai argent, car les banques entre elles n’acceptent pas les avoirs comme moyen de paiement. C’est pourquoi ces paiements sont effectués à la banque centrale, où chaque banque a son compte avec du vrai argent.
Cependant, dans la pratique la pupart des paiements entre banques ne sont pas effectués. Les ordres de paiements sortants et entrants sont simplement annulés les uns par les autres.

A la fin de la journée il n’y a que les petites différences restantes qui sont réellement virées. Ainsi, avec un tout petit peu d’argent, les banques peuvent traiter de grandes masses de paiement.
Notez, le les bénéficiaires de nos ordres de paiement ne reçoivent jamais un paiement. À la place ils reçoivent un avoir de leur propre banque, c’est à dire une créance sur de l’argent non-existante, une créance sur de l’air.

Financement des prêts
Les banquiers aiment prétendre, qu’ils aient des coûts de financement pour chaque prêt, puisqu’ils doivent payer l’argent à une autre banque.
Cependant, dans la pratique, toutes les banques fournissent des prêts sans arrêt et tout comme pour les autres paiements, les obligations de paiement qui suivent l’émission des prêts des différentes banques s’annulent les uns les autres pour la plus grande partie.
Voici un exemple avec trois banques:
Mettons qu’il y ait 3 banques, qui servent respectivement 20%, 30% et 50% de la population. Nous supposons que toutes les trois ont le même type de clients, qui ont les mêmes besoins en emprunts et en dépenses. Il sera démontré, que tous les payements, que ces banques devront faire au moment où l’emprunteur dépense son emprunt, seront compensés par les recettes de ces dépenses.

Les paiements s'annulent...

Les emprunteurs de la première banque dépensent 20% de leurs emprunts chez des clients de leur propre banque, 30% chez des clients de la Banque 30% et 50% chez les clients de la Banque 50%. Etcetera. Si nous additionnons toutes les recettes de tous les prêts, chaque banque a reçu autant qu’elle a créé. Voilà 100 millions en avoirs sur des comptes bancaires, sans qu’un seul centime de vrai argent ait été dépensé.
Bien entendu, ce serait un pur hasard qu’en créant pour 100 millions de nouveaux prêts, le besoin en financement de chaque banque individuelle est ainsi annulé jusqu’au dernier centime. Mais il y a encore autre chose:
En face de la fourniture de nouveaux prêts il y a le plus souventle remboursement de prêts existants. L’emprunteur doit faire en sorte, que le montant du remboursement arrive sur son compte à temps. C’est à cet instant que sa banque reçoit de l’argent pour lequel elle n’a plus d’obligation de paiement. L’argent arrive dans la caisse de la banque et la banque diminue la dette et l’avoir de l’emprunteur. Le montant créé disparaît.

Pour autant qu’une banque individuelle ne remplace que les emprunts remboursés par des nouveaux crédits, elle peut normalement payer les montants en question à d’autres banques, si, par hasard, un paiement sortant n’est pas compensé par un paiement entrant.
Uniquement lors que les banques croissent, elles devront augmenter leur réserve de caisse. Ça veut dire, environ 2 centimes par “euro prêté”, dépendant du minimum requis à ce moment.
Régulation des banques
Les banques entre elles ont convenu des règles quant au capital nécessaire. Chaque banque doit avoir un capital minimum face aux dettes existantes. (Dans la pratique environ 5 pourcent.) La banque centrale peut également imposer un minimum de réserve de caisse. D’une façon générale on peut dire, que ces règles contribuent à une croissance des banques “en concert”, de sorte que le risque diminue qu’une banque individuelle fournit des prêts trop vite et ne peut plus remplir ses obligations de paiement. A part cela, pour les clients ces règles n’offrent guère de garanties.
La croissance de la masse d'”argent”

Les banques ont une tendance naturelle de croître. Pour le directeur de banque individuel il s’agit de produire chaque année des chiffres encore meilleurs. Pour croître, il ne faut pas seulement remplacer des prêts remboursés par des nouveaux, mais aussi en fournir des supplémentaires.

Les emprunteurs doivent prendre soin de gagner et de rembourser le montant emprunté. Ici il surgit un problème: pas tous les montants empruntés restent en circulation. Une partie non-négligeable atterrit sur des comptes d’épargne.

Ici ces montants sont parqués et ne peuvent pas être gagnés par les emprunteurs. De plus en plus d’emprunteurs doivent tenter de gagner leurs remboursements en travaillant pour les avoirs qui sont encore en circulation, mais qui doivent déjà être gagnés et remboursés par ceux qui les ont empruntés. La solution des banques c’est de compenser la sortie vers les comptes d’épargne par la fourniture d’encore plus de prêts. (Ce qui peut faire croire à des économes ignorants, que c’est l’épargne des uns qui est prêtée à d’autres clients.)

Plus de 35% intérêt
Les intérêts aussi, doivent finalement être gagnés avec l'”argent” qui est encore en circulation, et ceci lors de la vente de services et de produits. Helmut Creutz a calculé sur la base de données allemandes, que plus de 35% de tout ce que nous payons, c’est des intérêts. [3]

Inflation
Le banquier individuel ne se préoccupe pas de savoir si sa croissance d'”argent” mène à plus d’activité économique ou non. Jusqu’à l’arrivée de l’euro c’était la tâche de la banque centrale d’influencer les taux d’intérêt et, ce faisant, d’accélérer ou de freiner l’émission des prêts de telle sorte que l’inflation était maintenue sans aboutir à une hyperinflation.
Un des effets de l’inflation, c’est que la valeur de chaque unité d’argent diminue, et avec cela, également la valeur du montant principal que l’emprunteur doit rembourser. Lorsque le taux d’intérêt est à 6 pourcent et l’inflation est à 2 pourcent, cela est comparable à une dimunition de l’intérêt de 1/3. De cette façon les banques évitent les défauts de paiement, qui adviendraient à des taux d’intérêt entre 4 et 6 pourcent, c’est à dire la grande majorité.
Donc, lorsque l’inflation diminue, cela signifie pour les banques un danger d’augmentation exponentielle du nombre des défauts de paiement.
Un siècle de croissance d'”argent”

Les banques privées doivent continuer à croître et causer de l’inflation pour ne pas faire faillite.

Inflation néerlandaise totale depuis 1800
Inflation néerlandaise totale depuis 1800.
1 florin de 1800 = 1000 florins de 1995

Des accords internationaux peuvent gêner la croissance d’argent, comme les accords de Bretton Woods de 1944, dans lequel des pays s’étaient obligés de garder leur taux d’échange fixe par rapport au dollar. En 1971 c’était finalement les États-Unis eux-mêmes, qui à cause de leurs dépenses énormes pour la guerre de Vietnam, ne pouvaient plus remplir leurs obligations de réserve d’or et mettaient fin à cet accord..
Ensuite, les années 70 étaient caractérisées par une croissance d'”argent” importante avec des taux d’intérêts élevés. Le problème pour les banques, ce n’était plus Bretton Woods, mais de trouver des emprunteurs fiables, car petit à petit, tous les emprunteurs fiables étaient déjà comblés de dettes.
En 1970 Pierre Werner (banquier et Premier Ministre du Luxembourg et participant à la conférence de Bretton Woods) présentait le premier plan pour une monnaie européenne commune, qui multiplierait d’un coup le terrain de travail des banques.
Cette monnaie avait besoin de temps, que les banquiers n’avaient pas. Alors un plan était concocté pour persuader les gouvernements du G10 de ne plus emprunter “sans intérêt” de leur banque centrale, mais d’emprunter avec intérêts d’institutions privées.

Dette publique belge 1950-2011   Dette publique néerlandaise 1900-2015
Dette publique Royaume Uni, 1900 - 2015   Dette publique Canada 1940-1987
dette publiques Belgique, Pays-Bas, Royaume Uni et Canada.[4]

Dettes publiques Belgique, Pays-bas, Royaume Unie, Canada. [5]
À partir de 1974 les dettes publiques augmentaient explosivement par l’effet d’intérêt sur intérêt. Rien qu’aux Pays-Bas, les banques recevaient ainsi une manne gratuite de centaines de milliards d’euros, qui dure toujours.

La société était entièrement disloquée. Des infrastructures et des services publiques étaient privatisés (ce qui offrait aux banques de nouveaux emprunteurs fiables) et une vague persistante de coupes budgétaires menait à la destruction progressive d’institutions et d’achèvements sociaux et à la commercialisation du secteur de la santé publique.

Les bénefices sont privés, les pertes sont publiques...

Des banques privées doivent continuer à croître, même si nous nous noyons dans les dettes, ne pouvons plus payer les intérêts et si l’économie n’a plus besoin d'”argent” supplémentaire. La régulation des banques, la manne gratuite de centaines de milliards d’euros et la création d’une zone euro avec banque MES n’y changent rien.

Le syndrome de croissance des banques privées fonctionne comme un tumeur de cancer dévastateur. Pour chaque crise on peut trouver un motif. La cause structurelle réside dans le système lui-même.
Presque tout ce qui est essentiel pour la cohérence de la société est disloqué et éparpillé maintenant.

Sources:
[1] Voir également: Sortir de l’euro, et puis?
http://www.courtfool.info/fr_Sortir_de_l_euro.htm
[2] Money creation in the modern economy
By Michael McLeay, Amar Radia and Ryland Thomas of the Bank’s Monetary Analysis Directorate.
Website: Bank of England;
zoekterm: Prereleasemoneycreation.pdf
kopie: Prereleasemoneycreation.pdf
[3] Helmut Creutz & http://www.vlado-do.de/ money/index.php.de
[4]
• Ellen Brown: Canada: une histoire de deux systèmes monétaires: http://www.courtfool.info/fr_Une_histoire_de_deux_systemes_monetaires.htm
• http://www.ukpublicspending.co.uk/debt_history
• https://fr.wikipedia.org/wiki/Dette_publique_de_la_Belgique
• http://www.depatriot.nl/artikel.php?sysnr_blog=6&titel=Staatsschuld%20Nederland

L’auteur peut être contacté via www.courtfool.info/fr_contact.htm

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