L’épisode chypriote a servi de répétition générale…

Alerte : première application de la directive permettant la ponction des comptes bancaires

Nous avions alerté ici en décembre 2013 à propos de la Directive sur le redressement et la résolution des crises bancaires
(BRRD pour Bank Recovery and Resolution Directive). 

Ce texte européen
inscrit dans la loi ce qui s’est produit à Chypre en avril 2013, on s’en
rappelle : le système bancaire en faillite s’était renfloué en
sollicitant les actionnaires et les détenteurs d’obligations – rien de
plus normal – mais aussi en ponctionnant les déposants avec la
confiscation des comptes de plus de 100.000 euros. 

Il s’agit là d’un vol
pur et simple, une remise en cause du droit de propriété. Et si le
plancher de 100.000 euros peut rassurer la plupart des épargnants, il
s’agit pourtant d’une illusion qui pourrait s’évanouir devant l’ampleur
des pertes : Chypre à l’époque avait bénéficié de 10 milliards d’euros
d’aide de l’UE et du FMI (soit les deux tiers de son PIB), mais qui
pourrait verser une somme équivalente à un grand pays comme l’Espagne,
l’Italie ou la France s’il connaissait une crise comparable ?

L’épisode chypriote a servi de répétition générale et désormais tous
les pays européens peuvent recourir à cette méthode. La transposition de
la directive dans les droits nationaux doit intervenir au 1er janvier
2016 au plus tard, mais l’Autriche a devancé cette date car, justement,
une de ses banques connait de graves difficultés. Hypo Alpe Adria a été
nationalisée en 2009 suite à des investissements hasardeux, notamment
dans les Balkans (son chiffre d’affaires est passé de 1,87 milliard
d’euros en 1992 à 43,3 milliards d’euros en 2008 !). Après plusieurs
renflouements pour un total de 5,5 milliards d’euros, le gouvernement
autrichien a annoncé dimanche dernier qu’il ne verserait plus un euro et
que la banque était placée “en résolution”. Celle-ci a immédiatement
annoncé qu’il pourrait lui manquer jusqu’à 7,6 milliards d’euros de
fonds propres…

Ce ne sont pas les actionnaires qui assumeront la perte (l’Etat
détient la banque en totalité) mais ceux qui ont souscrit les
obligations émises par la banque, et pour eux le préjudice sera de
l’ordre de 50 à 70%. C’est bien joué : sans cette directive, l’Etat
aurait du payer ! A priori les déposants ne seraient pas concernés cette
fois, mais l’avertissement doit porter : la directive “BRRD” a été
appliquée en Europe pour la première fois, sans prévenir, sans
concertation, en l’espace d’un week end. Pour un Etat la tentation
s’avère très forte, il peut arrêter les frais et faire reposer la perte
sur les actionnaires, les détenteurs d’obligations et, éventuellement,
les déposants. On ne prendra pas un grand risque en pariant que cette
directive sera à nouveau utilisée en Europe.

La décision du gouvernement autrichien ce 1er mars se révèle, à
proprement parler, historique mais, comme c’est bizarre, les grands
médias n’en disent pas un mot… 

Désormais nul épargnant européen ne doit
ignorer que sa banque peut être mise “en résolution” et ses comptes
possiblement ponctionnés, le temps d’une annonce au journal télévisé un
dimanche soir. 

Non la crise n’est pas terminée, mais désormais les Etats
reportent le renflouement des banques sur les actionnaires, les
détenteurs d’obligations bancaires, et les épargnants, le plus
légalement du monde, chacun est prévenu.

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