« Pour la sécurité alimentaire », une initiative capitale pour l’agriculture et les générations futures

 

Plusieurs raisons justifient de lancer maintenant cette initiative.
Ces raisons proviennent du changement du contexte international et
national mais aussi d’une tendance conduisant progressivement à un
affaiblissement de l’approvisionnement en denrées alimentaires issues
d’une production indigène.

LE CONTEXTE INTERNATIONAL, LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE GLOBALE

L’approvisionnement de la population mondiale en denrées alimentaires
est l’un des plus gros enjeux de notre temps. D’un côté, la demande en
denrées alimentaires ne cesse de croître et, de l’autre, les ressources
naturelles nécessaires à leur production sont limitées. L’évolution de
la demande en nourriture est liée à la croissance de la population
mondiale, au comportement des consommateurs et à leur pouvoir d’achat.

Croissance démographique et consommation

La population mondiale augmente à un rythme effréné. Elle a doublé
depuis 1960 et croît de 1 à 1,5 % par an. Le seuil des 9 milliards
d’individus sera probablement atteint d’ici 2050. De plus, la
consommation moyenne par habitant et par jour va augmenter.

Augmentation de la production de denrées alimentaires

Il y a deux moyens d’augmenter la production de denrées alimentaires :
en augmentant les surfaces ou les rendements par hectare. De 1961 à
2007, les terres arables ont augmenté de 227 millions d’hectares dans
les pays en développement alors que les pays industrialisés ont accusé
une perte de 40 millions d’hectares. Jusqu’en 2050, on estime que la
surface totale en terres arables devrait augmenter de quelque 71
millions d’hectares. Cette progression se fera, comme par le passé, au
détriment des forêts. Aujourd’hui, chaque habitant de la planète dispose
encore de 21 ares en moyenne. Selon la FAO, elle se réduira à 15 ares
par habitant d’ici 2050. Cela signifie que les rendements devront
progresser de plus de 1 % par an pour assurer l’alimentation de la
population mondiale.

Eau et énergie

À moyen et long termes, c’est l’eau qui deviendra le facteur de
production le plus critique. En 2000, 2’952 km3 d’eau ont été consommés
dans le monde. Déjà de nos jours, 50 % de la population mondiale dispose
d’un accès à l’eau limité ou insuffisant. L’agriculture a besoin d’une
grande quantité d’énergie. Les carburants et combustibles fossiles
représentent une part considérable des coûts de production. Par
conséquent, toute hausse des prix du pétrole fait automatiquement
augmenter les prix de la nourriture et la demande d’énergie d’origine
agricole. La production de cette énergie entre directement en
concurrence avec celle des denrées alimentaires au niveau de
l’utilisation des sols fertiles et de l’eau.

Landgrabbing

Depuis la crise alimentaire mondiale de 2007/2008, plusieurs pays ont
pris conscience de la fragilité de leur situation alimentaire. À la
suite de quoi, ils se sont mis à acheter d’immenses surfaces de terres
fertiles à l’étranger. Ces investissements sont à considérer d’un œil
critique. S’ils ont un caractère purement financier, ils peuvent
provoquer des dommages sociaux et écologiques qui entraîneront à leur
tour un appauvrissement de la population rurale et une régression de la
sécurité alimentaire au niveau local.


LE CONTEXTE NATIONAL

Évolution démographique

Le nombre de résidents en Suisse a fortement augmenté ces dernières années et la tendance va certainement se poursuivre.

Production : Approvisionnement de la population en denrées alimentaires

Depuis 1980, la production de denrées alimentaires est passée de
20’500 TJ à 24’000 TJ, soit une hausse d’env. 15 %. Cette augmentation
est due en premier lieu au progrès technique, surtout en production
animale. L’augmentation est d’autant plus remarquable que, durant la
même période, d’autres facteurs ont eu un effet plutôt contreproductif,
notamment la perte de surfaces cultivées et l’extensification de
certaines surfaces pour des raisons écologiques.

Tendance à la baisse de l’auto-approvisionnement

La comparaison de l’évolution de la production et de la consommation
d’une population sans cesse croissante permet de faire ressortir que
l’agriculture a réussi de justesse à suivre le rythme de la croissance
démographique. En matière de protéines, de graisse et d’énergie, on
constate un léger recul depuis 1980. Quant à la couverture des besoins
en glucides, elle s’est surtout améliorée grâce à la progression de la
production de betteraves sucrières. Dans le taux net
d’auto-approvisionnement, on tient compte des importations de fourrage
pour la production de lait et de viande. Le fait que le taux net a
baissé un peu plus fortement que le taux brut d’auto-approvisionnement
est lié notamment à l’augmentation des importations des protéagineux
comme le soja.

Terres cultivées : principale ressource pour la sécurité alimentaire

Les terres cultivées sont la principale ressource naturelle pour une
production durable de denrées alimentaires. Elles incluent les surfaces
agricoles utiles ainsi que les zones d’estivage et représentent un tiers
de la surface de la Suisse. Nous avons besoin de ces terres cultivées
pour continuer à produire nous-mêmes, selon des normes écologiques et
éthologiques sévères, au moins une partie des denrées alimentaires que
nous consommons. Sans cette ressource limitée et non renouvelable qu’est
le sol, l’agriculture ne peut assurer ses différentes fonctions. Malgré
tout, chaque seconde, 1 m² de terre cultivée disparaît au profit de
routes, maisons, usines, etc. Cela représente plus de 35 km2 par an,
soit une superficie supérieure à celle du lac de Brienz. L’objectif
n’est pas de demander une protection absolue des terres cultivées mais
un usage précautionneux à tous les niveaux, pour que soient conservées
suffisamment de surfaces dédiées à la production durable de denrées
alimentaires.

Suffisamment de surfaces pour l’assolement.

Les meilleures terres sont particulièrement mises à contribution pour
de nouvelles constructions. Aujourd’hui déjà, les cantons ne peuvent
plus faire état de la superficie minimum de surfaces d’assolement
requise par la Confédération. La Suisse ne compte qu’un peu plus de 5
ares de terre arable par personne. Pour comparaison, en Chine, le pays
le plus peuplé au monde, ce sont 8 ares et en France 29 ares par
habitant.

Pertes de surfaces dans les régions de montagne

C’est surtout dans les régions de montagne que la forêt gagne
toujours plus sur les prairies et pâturages. Selon la statistique de la
superficie 1992/1997, 36 % des pertes de terres agricoles sont dues à
l’avancée de la forêt.


L’INFLUENCE DE LA POLITIQUE AGRICOLE SUR LA PRODUCTION AGRICOLE

Rappel du développement de la politique agricole depuis les années 1990

Depuis le début de la réforme de la politique agricole en 1992, des
progrès importants ont été réalisés au niveau de la durabilité. Le
découplage entre le prix des denrées alimentaires et le revenu agricole
et l’introduction des paiements directs ont été les déclencheurs de
cette évolution vers une agriculture plus durable. L’introduction de la
nouvelle loi sur l’agriculture en 1999 a renforcé cette tendance,
notamment en raison de la suppression des garanties de prix et
d’écoulement et de la subordination du droit aux paiements directs à la
fourniture des prestations écologiques requises. Des progrès ont été
réalisés au niveau des trois piliers de la durabilité : l’écologie, le
social et l’économie. Cependant, de graves lacunes existent encore dans
certains domaines, notamment au niveau des revenus agricoles qui restent
très bas.

Durabilité écologique

En 2012, plus de 98% de la surface agricole utile est exploitée dans
le respect des prestations écologiques requises (PER). Celles-ci sont
actuellement considérées comme un acquis. Elles constituent le «
standard » de base dans le domaine de l’écologie. En comparaison
internationale, les exigences des PER mises en place en Suisse restent
très élevées.

Durabilité économique

Depuis 1990, la valeur de la production agricole est passée de 14
milliards de francs à environ 10 milliards de francs en 2012. Cette
diminution est la conséquence logique du découplage qui a conduit à une
réduction du prix des denrées alimentaires. Seulement une partie de la
diminution de la valeur de la production agricole a été compensée par
l’introduction des paiements directs. Les coûts sont plus ou moins
restés au même niveau les vingt dernières années, ce qui est
problématique. En définitive, le revenu sectoriel de l’agriculture est
passé de plus de 4.3 milliards de francs en 1990 à environ 2.7 milliards
en 2012.

Durabilité sociale

Le revenu annuel moyen par unité de travail familial s’élève à francs
48’000.- par année en région de plaine, à francs 36’000.- en région de
collines et à francs environ 25’000.- dans les régions de montagne. Par
conséquent, le revenu dans le secteur agricole est indécemment bas. Il
est environ 40% inférieur aux salaires comparatifs. La politique
agricole se complexifie : au lieu de développer une politique agricole
qui se concentre sur la compensation des handicaps géographiques
(topographie, climats, etc.) et économiques (coûts de production plus
élevés) de la Suisse, nous avons une politique agricole qui impose de
nouvelles contraintes et qui n’améliore pas la compétitivité de
l’agriculture suisse. À cette complexité s’ajoutent une charge
administrative croissante, une réduction de l’autonomie avec comme
conséquence une perte de l’esprit d’entreprise. La Suisse a
besoin d’une politique agricole qui renforce la production de denrées
alimentaires indigènes sur la base d’un système durable au niveau des
aspects écologiques, sociaux et économiques.

La
nouvelle Politique agricole PA 14-17, telle que décidée par le
Parlement, traduite en ordonnances par l’Office fédéral de l’agriculture
et mise en application au 1er janvier 2014, entraîne des changements
importants pour les exploitants.

Au nombre des points satisfaisants, Prométerre relève :

  • La consolidation du budget agricole
  • La consolidation de la contribution pour le lait destiné à la fabrication de fromage
  • Le maintien des protections douanières (à quelques exceptions près, comme le blé)

En revanche, plusieurs nouvelles dispositions sont péjoratives pour l’agriculture. Parmi les principales :

  • La réforme des paiements directs affaiblit la production
  • La
    marge de manœuvre donnée par le Parlement est sous-exploitée (en
    particulier à travers les contributions à la production de céréales
    fourragères)
  • La force obligatoire, réclamée avec fermeté par les
    associations professionnelles pour permettre une gestion saine des
    quantités, n’a pas été retenue
  • Les charges administratives sont en forte augmentation

Cette
nouvelle Politique agricole et ses conséquences ont conduit l’Union
suisse des paysans (USP) à lancer une initiative populaire fédérale «
Pour la sécurité alimentaire ».

Aujourd’hui, les
habitants de la Suisse peuvent se procurer en suffisance des denrées
alimentaires de qualité. En regard des changements planétaires attendus,
notamment la croissance démographique mondiale, qu’en sera-t-il dans
20, 30, voire 50 ans ? C’est pour assurer la sécurité alimentaire des
générations futures et, pour corollaire, la productivité de
l’agriculture indigène, que l’USP a lancé l’initiative « Pour la
sécurité alimentaire ».

Les délégués de l’USP ont
approuvé la démarche lors de leur assemblée du 20 novembre 2013, par 265
voix contre 1. Après validation par la Chancellerie fédérale, attendue
pour le 4 février, elle sera officiellement lancée le 11 février à
Berne. Dès lors, le comité d’initiative aura 18 mois pour rassembler les
100’000 signatures nécessaires pour qu’elle aboutisse et que le sujet
soit soumis aux citoyennes et aux citoyens en votation populaire.


Les raisons de l’initiative « Pour la sécurité alimentaire »

  1. Anticiper
    et pouvoir faire face aux développements prévisibles au niveau
    international et national (croissance de la population, changement
    climatique, raréfaction des ressources).
  2. Maintenir à long terme
    un approvisionnement prépondérant de la population résidant en Suisse
    avec des denrées alimentaires indigènes.
  3. Lutter contre la perte des terres cultivées indispensables à la production agricole.
  4. Maintenir le haut niveau de qualité des denrées alimentaires dans notre pays.
  5. Donner des perspectives d’avenir aux familles paysannes de notre pays.


Les objectifs de l’initiative « Pour la sécurité alimentaire »

L’initiative
de l’Union suisse des paysans (USP) « Pour la sécurité alimentaire »
vise à combler les lacunes de la nouvelle Politique agricole en
complétant l’article 104 de la Constitution et en y inscrivant les
notions fondamentales telles que :

  • Le maintien ou l’augmentation de la production de denrées alimentaires indigènes
  • Le maintien de la qualité des denrées alimentaires indigènes
  • Le renforcement de la protection des surfaces agricoles productives
  • La préservation des ressources naturelles et énergétiques
  • L’amélioration de la sécurité alimentaire
  • L’amélioration du positionnement des producteurs dans la filière agroalimentaire
  • Le renforcement des liens producteurs-consommateurs

·
Site Internet de l’initiative

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