Anomalies réelles, statistiques et comptables !




Pourquoi la Croix qui est encore sur la coupole fédérale est-elle absente du site internet de la Confédération, du papier à en-tête officiel des parlementaires et trop souvent coupée lors des émissions des TV suisses ?
https://www.parlament.ch/fr

+ absente et  coupée, sic
copie telle quelle !
l’Assemblée fédérale — Le Parlement suisse 
MODIFICATIONS RELATIVES À L’OBJET 15.4053 BANQUE NATIONALE SUISSE. REVOIR LA GOUVERNANCE
Rapport du Conseil fédéral sur la
politique monétaire
en réponse aux postulats: 

Bischof (15.3091)
Rechsteiner (15.3367)
Bischof (15.4053)
Cramer (15.3208)

e-parl 22.12.2016 11:24

Rapport sur la politique monétaire

e-parl 22.12.2016 11:24

 Le Conseil fédéral 21 décembre 2016

Lisible en pdf, attendre un moment

https://drive.google.com/file/d/0B-p0lmjLtiXzdTVfTzVsa2w5LXM/view?usp=sharing

https://drive.google.com/file/d/0B-p0lmjLtiXzMFkxR2pnQlluZHM/view?usp=sharing

Résumé 


Ce rapport rassemble les réponses à différents postulats déposés en 2015 concernant
la politique monétaire: les postulats Bischof 15.3091 et 15.4053 sur les taux négatifs
et la gouvernance de la BNS, le postulat Rechsteiner 15.3367 sur le rôle du franc
suisse et le postulat Cramer 15.3208 concernant le franc fort et le tourisme d’achat. 



Quand le Professeur d’économie suisse not. à l’Uni. de Fribourg, M. Sergio Rossi, parle des vrais enjeux de Monnaie Pleine: la connaissance, la compréhension, le courage et même plus… !
Monnaie pleine aux urnes

Mis en ligne le 30.11.2015 à 07:00
Par Sergio Rossi

L’initiative «Monnaie pleine» lancée en Suisse le 3 juin 2014 a récolté les 100’000 signatures valides nécessaires pour être soumise au vote populaire prochainement. Cet aboutissement est assez surprenant, si l’on considère que cette initiative n’est soutenue en Suisse par aucun parti politique et qu’elle est farouchement combattue par les banques, leurs dirigeants ayant compris que l’initiative mettrait un terme à leurs privilèges exorbitants en ce qui concerne l’émission monétaire par les crédits que les banques peuvent octroyer à n’importe quel agent sans avoir suffisamment d’épargnes préalables.

L’intérêt d’une telle initiative populaire est double. D’une part, elle peut grandement contribuer à faire émerger la véritable nature (numérique) de la monnaie, qui en l’état échappe à la presque totalité des individus, y compris les politiciens, les banquiers centraux et les économistes les plus influents au monde. D’autre part, elle a le potentiel de contribuer à définir les contenus d’une réforme structurelle du système monétaire et financier qui est urgente et nécessaire afin d’éviter de nouvelles crises systémiques.

Si le débat induit par l’aboutissement de l’initiative «Monnaie pleine» a lieu de manière objective – c’est-à-dire qu’il se concentre sur l’objet de cette initiative pour en décortiquer la nature essentielle au lieu de viser à défendre des intérêts particuliers (souvent indéfendables désormais) –, alors on peut espérer que chaque partie prenante en sortira enrichie au plan intellectuel car elle aura avancé vers la compréhension de cet objet insaisissable qu’on appelle «monnaie».

Au vu des attaques virulentes contre l’initiative «Monnaie pleine» qui ont eu lieu durant les 18 mois de la récolte des signatures pour cette initiative, et qui ont montré de manière désopilante l’ignorance de la nature de la monnaie et de son émission par les banques, il est fort à craindre que le niveau culturel du débat menant au vote populaire sera de même teneur. Cela confirmera alors qu’«un peuple ignorant est un peuple facile à tromper», bafouant l’intérêt général au profit d’intérêts particuliers que même un tel peuple ne devrait pas avoir de difficultés majeures à identifier précisément.”

http://www.unifr.ch/mapom/fr/team/titulair

www.hebdo.ch

Le système économique actuel, grâce aux nombreuses découvertes et inventions qui le favorisent, notamment les robots de plus en plus nombreux et efficaces, produit une abondance insoupçonnée de biens en même temps qu’il réduit la main-d’oeuvre et engendre un chômage permanent.

Une partie de plus en plus importante de la population se trouve ainsi privée de tout pouvoir d’achat des biens créés pour elle.

Quelques individus ou groupes particuliers seulement en profitent honteusement.

Pour que tous puissent avoir une part de l’héritage culturel légué par leurs prédécesseurs, nous proposons un projet de loi d’application de monnaie-pleine selon les principes suivants:

I. Nous devons donc reprendre le contrôle de l’émission et du volume de la monnaie et du crédit en respectant le vrai principe de subsidiarité, soit d’abord pour les personnes, les familles, les communes, les cantons et en dernier ressort le fédéral. Il l’exercera par des commissions indépendantes jouissant de toute l’autorité voulue pour atteindre ses buts, notamment le bien commun à tous les niveaux précités.

II. Les ressources matérielles de la nation représentées par la production constituent la base de la monnaie et du crédit. Chaque échelon fournit régulièrement les statistiques nécessaires.

III. En tout temps l’émission de la monnaie et du crédit devrait se mesurer sur le mouvement de la production de façon qu’un sain équilibre se maintienne constamment entre celle-ci et la consommation. Cet équilibre est assuré, partiellement du moins, par le moyen d’un escompte compensé notamment aux producteurs de qualité ( sans obsolescences programmées ) rendus plus efficaces et dont le taux varierait nécessairement avec les fluctuations mêmes de la production.

IV. La BNS travaille pour le bien commun, comme une coopérative et chaque habitant de la Suisse y dispose d’un compte en francs suisses dès la conception alimenté notamment en fonction de la hausse de notre monnaie, des placements souverains, de la productivité des machines, robots, infrastructures, barrages etc…  et des progrès techniques.


Soutenez la rédaction de cette loi suisse urgente encore en projet et modifiable, déjà amendée selon les conseils de M. Maurice Allais et de son équipe:

Pour une Suisse avec moins de dettes, d’ impôts, de taxes, etc., grâce à la robotisation, en parallèle, sinon surtout grâce à une création modernisée de l’argent qui assurera ainsi la prospérité de tous. 

État des lieux et inventaires des conséquences néfastes du système bancaire inadapté actuel :


1. Des centaines de milliers de Suisses intègres travaillent, mais vivent endettés sous le seuil de pauvreté. En parallèle, le Conseil fédéral rabote des Budgets à des postes pourtant prioritaires (santé, éducation, chômage, création d’emplois, relance, environnement, infrastructures, transports, réduction du nombre d’Ambassades et d’outils d’informations tel Swissinfo… à l’heure de crises et de l’isolement du Pays sur la scène internationale, suppression des bureaux de Poste et dégradation générale du Service public, Crèches, etc.) et répercute ses tâches sur les Cantons, donc Communes et de fait, les Familles, soit nous tous. Les Caisses de pensions sont de plus en plus vides et la cohésion nationale, sinon la solidarité sont partout remis en cause (Votation du 7.03. 2010).


2. Les “solutions” sont une nouvelle fiscalité sournoise (parkings, radars, nouveaux «délits» etc.), mais aussi la TVA, etc. qui pénalisent tous les citoyen(ne)s, ainsi que les PME en augmentant le chômage des jeunes et de collaborateurs à… plus de 15 ans de l’AVS.
3. Le système économique actuel, grâce aux nombreuses découvertes et inventions qui le favorisent (notamment l’informatique et les robots de plus en plus nombreux et efficaces), produit une abondance de biens, en même temps qu’il réduit les besoins de main-d’oeuvre locale et augmente ainsi un chômage permanent. Une partie importante de la population se trouve ainsi privée de tout travail et pouvoir d’achat des biens créés pour elle et non pas pour quelques individus ou groupes particuliers d’industriels financiers, Banquiers et spéculateurs.


4. La crise de l’UBS et ses dizaines de milliards soustraits aux contribuables futurs ne révèlent pas seulement les graves dysfonctionnements du Conseil fédéral, après ceux de ladite Banque, mais de fait, de tout le système bancaire mondial et du pillage de tous les habitants et Pays de la Terre entière. En Europe : Islande, Grèce, Portugal. A quand la Suisse ?


5. La Confédération, ses Régies, etc., ainsi que les Cantons et leurs Communes, PME, etc. dont personnes morales et physiques (nous) dépensent chaque jour et au minimum des centaines de Millions CHF à titre d’intérêts… SANS amortissement et pour certaines dettes cumulées, etc. pour des montants représentant des multiples des emprunts initiaux! Ceci représente des centaines de Milliards CHF par an, qui seraient mieux utilisés pour le bien du Souverain.


6. FED & IRS (deux archétypes américains du dysfonctionnement systémique du taux d’intérêt conçu par les Banquiers et du «remboursement» autoritaire des dettes… par les Citoyen(ne)s surtaxé(e)s), «Too big to fail», Toxic Assets sont devenus des termes “familiers”, à contrario du mécanisme pervers de la création monétaire qui nous asservit tous, partout et chaque jour davantage.


Ainsi :


– le système bancaire fabrique depuis trois siècles de l’argent à partir de RIEN et facture ce tour de passe-passe avec des taux d’intérêts, alors que l’État (nous les Citoyen(ne)s) pourrait l’émettre gratuitement et ainsi, distribuer équitablement les plus-values mensuelles à tous.


– A contrario du dogme officiel et de la Propagande économique, il faut savoir que le taux d’intérêt et les Banquiers créent l’inflation, sinon et surtout, des dettes non remboursables. Ces dettes exponentielles sont IMPOSSIBLES à rembourser. Des contrats impossibles sont nuls, d’autant plus que ces dettes sont créées à partir de rien, par astuce en bande.


– Les États endettés et sans réel pouvoir de décision actuellement abdiqué, répercutent leurs “remboursements” sans amortissement aux chers (sic!) Banquiers (une poignée de familles), sur nous tous.


– Ce système bancal, en crise systémique fut conçu dans l’iniquité et les Banquiers possèdent la Terre qu’ils gèrent à leur guise, avec la majorité des Chefs d’Etats aux ordres, notamment de la BM et du FMI.


Voulez-vous continuer avec vos enfants à être les esclaves des Banquiers et payer le prix fort de votre ruine, laissez-les donc continuer à créer l’argent ex nihilo (à partir de rien) et à contrôler les crédits. À l’opposé, de bonnes solutions existent et les voici :


Pour que tous puissent avoir une part de l’héritage économique légué par leurs prédécesseurs, voici notre but, reprendre le contrôle de la création des masses monétaires (l’argent). 


PRINCIPES


I. Le pouvoir de battre monnaie, y compris par le crédit ex nihilo, appartiennent au Souverain qui reprend le contrôle de l’émission et du volume de la monnaie et du crédit, sans intérêt.


Il. Il l’exercera à tous les échelons par des Commissions indépendantes locales OU CANTONALES jouissant de toute l’autorité voulue pour atteindre ce but.


III. Les ressources financières, matérielles et intellectuelles de la Suisse représentées par les Citoyen(ne)s, les PME, etc. et leurs productions sont la base de la monnaie et du crédit.


IV. L’émission de la monnaie et du crédit devrait en tout temps se mesurer sur le mouvement de la production robotisée le plus possible de façon qu’un sain équilibre se maintienne constamment entre celle-ci et la consommation. Cet équilibre est assuré, partiellement du moins, par le moyen d’un dividende et d’un escompte dont le taux variera nécessairement avec les fluctuations mêmes de la production automatisée.


V. Pour que tous puissent avoir une part de l’héritage économique légué par leurs prédécesseurs, les Commissions locales, communales ou cantonales versent un Dividende mensuel dont le montant sera déterminé par la masse des biens à consommer. Ce dividende sera versé à chaque personne, de leur conception à leur mort naturelle, qu’elle aie ou non des sources de revenus.


VI. Il est indispensable de définir socialement des remises à zéro périodiques sur 7 fois 7 périodes de tous les compteurs économiques, comme demandé dans le Lévitique ou les lois sur les propriétés intellectuelles (Copyright) et ainsi de réparer l’erreur de Charlemagne du 23 mars 789 qui a condamné le taux d’intérêt, mais qui a oublié la remise des propriétés agricoles aux familles et le pardon jubilaire des dettes au moins tous les 49 ans. Concrètement, ceci signifie que grâce aux créations monétaires mensuelles, toutes les dettes seront effacées et toutes les terres agricoles seront franches de toute hypothèque au moins tous les 49 ans.


VII. Les anciennes masses monétaires en francs suisses tirées du néant (emprunts fédéraux, cantonaux, communaux, etc.) sont purement et simplement supprimées. Par contre, les vraies épargnes réelles des personnes physiques et morales sont respectées.


VIII. La BNS est directement placée sous le contrôle permanent – sans Commission externe indépendante de type FINMA – de l’Assemblée fédérale (Plénum), qui y consacre au moins un jour complet à chaque Session.


IX. Les réserves de la BNS qui garantissent un CHF (Franc suisse), indépendant et fort sont constituées d’or physique stocké qu’en Suisse, ainsi que des réserves de diverses graines alimentaires (avoine, épeautre, froment, maïs, orge, pommes de terres, riz, etc.), non OGM, consommables, plantables et à même d’assurer pendant 7 ans la subsistance de la Suisse.


X. Tous instruments juridiques étrangers, accords, conventions, traités, passés ou futurs qui iraient à l’encontre de cette Initiative ou qui viendraient à la violer sont à dénoncer immédiatement tant au plan cantonal que fédéral.


XI. Au vu des économies réalisées par la suppression de l’endettement et de ses conséquences, la Confédération supprime immédiatement tous les impôts fédéraux directs et indirects, notamment la TVA, la vignette et les droits sur l’essence.


XII. De même, les communes et les cantons pourront fortement réduire leur fiscalité et supprimer les taxations sournoises sous la forme de péages subtils pourtant interdit dès la Constitution de 1948.



Dispositions transitoires :


La Confédération crée une contribution de solidarité par des masses monétaires sans taux d’intérêts et les fait affecter à chaque famille en proportion du nombre d’enfants conçus.


Le produit de la contribution de solidarité sera versé aux Cantons selon une clé de répartition démographique définie par la Confédération représentée par l’Assemblée fédérale (Plénum).


L’écart des salaires tant publics que privés ne dépasse pas 33 fois, avec une limite absolue indexée fixée à CHF 500’000.-.


Tout dividende social ou autre prestation sociale n’empêche personne de travailler en plus contre rémunération ou en qualité d’indépendant, créateur d’entreprise, etc.


L’obligation de refinancer les prêts à 100 % auprès de la BNS reporte la perception des profits à ce niveau et les revenus ainsi fortement majorés sont directement affectés aux besoins communs.


Tout financement d’investissement à un terme donné doit être assuré par des emprunts au moins de même terme. Aucun emprunt à long terme ne peut être financé par des emprunts à court terme. Pour le bien commun, les points suivants sont notamment respectés :

Dissociation totale des activités bancaires et leur attribution à trois catégories d’établissements distincts et indépendants :


1) Banques de dépôts : encaissements, paiements, gardent les dépôts de leurs clients.

2) Banques de prêts : le montant global des prêts ne peut excéder le montant global des fonds empruntés.

3) Banques d’affaires : investissent dans les entreprises les fonds empruntés au public ou aux banques de prêts.


Indexation obligatoire de tous les engagements sur l’avenir : prêts, emprunts, salaires, etc. aussi bien entre particuliers, entreprises et État.


Interdire le financement des opérations boursières et de la spéculation par la création de moyens de paiement ex nihilo.


Augmenter les garanties en liquidités à 100 %, afin d’éviter les créations privées de monnaie ou quasi-monnaie ex nihilo.


Supprimer la cotation en continu et la remplacer par une seule cotation par jour pour chaque place financière et pour chaque valeur.

Supprimer les programmes d’achat/vente automatiques. Interdire la spéculation sur les indices et les produits dérivés.

Abandonner le système de changes flottants pour un système de taux de changes fixes mais révisables par une commission indépendante.

Interdire toute dévaluation compétitive.

Abandonner le dollar US $ comme monnaie de compte, d’échange et de réserve.

Etablir progressivement une unité de compte commune sur le plan international avec un système approprié d’indexation.

Interdire la spéculation aux banques sur les changes, les actions, obligations et produits dérivés.


Aucune puce, RFID ou un quelconque moyen de traçage ne peut être dissimulé dans la monnaie, quelque soit la forme de la monnaie( métallique, papier…).


Les méthodes alternatives de création monétaire (wir, jazz, reka, talents, billes, sels, etc.) sont admises si leur seigneuriage bénéficie à tous les utilisateurs de manière proportionnelle et égalitaire et sans nuire aux familles.



Conclusions :


« Il s’agit de réformes fondamentales qui intéressent la vie de tous les jours de millions de citoyens. Ces réformes indispensables n’ont été réalisées, ni même envisagées, ni par les libéraux justement préoccupés de favoriser l’efficacité de l’économie, ni par les socialistes justement attachés à l’équité de la distribution des revenus… Les uns et les autres n’ont cessé d’être aveuglés par la répétition incessante de toutes parts de pseudo vérités et par des préjugés erronés. » 


Maurice Allais, prix Nobel d’économie.



Un banquier , M. Christian Gomez, disciple de Maurice Allais, s’explique ci-dessous

http://desiebenthal.blogspot.ch/2016/12/monnaies-pleines-ignorance-etou.html?m=0

Tout ce qui est possible, apparemment légal n’est pas nécessairement bon pour le peuple et moral.
Ces créations monétaires du néant par les banques commerciales, “ex nihilo” en technique bancaire, violent la bonne foi et la réalité économique par un grave abus de la marque suisse, au contraire des francs wir, http://www.wir.ch/fr/ , qui reconnaissant honnêtement leur caractère privé. Les gens croient que ce sont des francs suisses mais c’est un pur mensonge et un viol de leur confiance. Ce sont de “faux” francs “suisses”, un abus de langage et de titres. Le conseil fédéral écrit diplomatiquement “des substituts monétaires”… comme les points cumulus, les miles des compagnies aériennes, au risque des clients…
http://desiebenthal.blogspot.ca/2014/12/le-conseil-federal-suisse-admet-le.html
En récapitulation, on est face à des abus de confiance, de fausses représentations économiques, des comptabilités frauduleuses, des substituts astucieux de monnaie, donc de la fausse monnaie comme le reconnaît un prix Nobel, Maurice Allais, des complots financiers par astuce en bande, de la concussion et la corruption, des abus de biens sociaux…
Ces contrats sont iniques, odieux et impossibles à honorer, comme en Grèce, vu les exponentielles d’intérêts devenues verticales( 1+ i puissance le nombre des années ) donc nuls pour la plupart ( il faut distinguer ces créations folles de la vraie épargne )…

http://desiebenthal.blogspot.ch/2015/05/les-epargnants-premiers-perdants.html

Pour une Banque Nationale vraiment Suisse, BNS 2.0

Nous travaillons pour faire une BNS 3.0


Venez à l’AG de la BNS: pour une coopérative citoyenne

L’usure tue, rend malade, pousse aux suicides, aux drogues, aux divorces…

Le Conseil fédéral et la BNS préfèrent protéger quelques banquiers aux salaires, bonus, parapluies, parachutes indécents au lieu du bien commun des peuples suisses… Une grave erreur historique. 

Il refuse de revenir à un système de monnaie pleine qui a fait ses preuves dans le passé pour continuer dans le nouveau système d’un casino mondial électronique et hasardeux. Il cite l’or comme valeur alors qu’il lutte en fait contre l’or.

Le Conseil fédéral rejette l’initiative «Monnaie pleine» sans contre-projet. Il nie la réalité avec notamment cette phrase.

“Ainsi, les banques commerciales ne pourraient plus octroyer de crédits financés comme aujourd’hui par des dépôts à vue (comptes courants).”

La réalité est exactement le contraire, ce sont les crédits qui créent du néant, EX NIHILO, en latin pour les “initiés”, TOUTE LA MONNAIE QUI NOUS EST ALORS LOUéE à INTéRÊTS COMPOSéS … Le franc suisse doit revenir aux suisses qui en sont les propriétaires, un propriétaire ne doit pas louer son propre bien, c’est du VOL au profit de quelques banquiers, politiciens et actionnaires…

Chers amis d’une BNS coopérative citoyenne à tous,

La BNS investit notamment dans les armes nucléaires, sic, et dans le gaz de schiste polluant, resic, ou dans Apple, concurrent de notre horlogerie, mais le pire est la création monétaire faite contre les citoyens suisses, par centaine de milliards…

Nous pouvons changer ces politiques hasardeuses…

Si vous voulez vous joindre à notre action, vous pouvez acheter une action, ou vous la faire sponsoriser, et donner l’instruction suivante à la banque. 
Ceci est valable pour tous, même pour les étrangers, le plus grand actionnaire est allemand, sic…Suite à notre téléphone, concernant l’action de la  BNS.
Exemple:

Je vous prie de transférer l’action directement à la BNS selon l’article 6 ci-dessous, en leur demandant de m’inscrire immédiatement au rôle des actionnaires et en me tenant au courant..


Réponse de la banque: Afin de compléter le document de transfert pouvez-vous svp me transmettre votre date de naissance, nationalité, lieu d’origine et adresse postale.

Extrait:


Tout actionnaire peut faire garder sans frais ses actions nominatives par la BNS. Les modalités sont réglées dans les conditions régissant l’administration de dépôts d’actions nominatives de la BNS.

Art. 6 Droits-valeurs La BNS émet des actions nominatives sous forme de droits-valeurs (art. 25, al. 2, LBN). Celles-ci sont transférées dans un système de conservation intermédiée et deviennent ainsi des titres intermédiés au sens de la loi fédérale sur les titres intermédiés. L’actionnaire n’est pas en droit de demander l’impression et la livraison de titres pour ses actions nominatives. Il peut cependant demander en tout temps à la BNS d’établir une attestation pour les actions nominatives qui lui reviennent. Cette attestation, destinée exclusivement à servir de preuve, n’est pas un papier-valeur. Tout actionnaire peut faire garder sans frais ses actions nominatives par la BNS. Les modalités sont réglées dans les conditions régissant l’administration de dépôts d’actions nominatives de la BNS.



BNS 1.0



La BNS de papa, son symbole, St Martin qui donne la moitié de son manteau à un pauvre, l’autre moitié appartenant à l’empire…

Les actions de la Banque nationale sont cotées en Bourse. Des cantons, des communes suisses et des banques cantonales détiennent la majorité des actions. Le reste des actions est en mains de particuliers et d’entreprises. La Confédération ne possède aucune action.


La transformation de la BNS en une fédération de Coopératives Monétaires Cantonales et communales constitue certainement le plus sûr moyen de s’assurer d’une part que nous maîtrisons le flux d’émission et que celui-ci est assuré par la seule volonté du Souverain et en fonction de ses besoins propres. 


Si vous voulez changer le système pour le meilleur, alors coopérez à cette loi

Les solutions suisses:

http://desiebenthal.blogspot.ch/2015/12/projet-de-loi-dapplication-de-monnaie.html



François de Siebenthal: Monnaie-pleine, respect du Souverain ?

desiebenthal.blogspot.com/2016/11/monnaie-pleine-respect-du-souverain.html

23 nov. 2016 – Pour une Banque Nationale vraiment Suisse, BNS 3.0 … Ainsi remanié, l’article 39 passait le cap du référendum en octobre 1891. Près de …

François de Siebenthal: L’Europe doit assumer sa diversité

desiebenthal.blogspot.com/2016/11/leurope-doit-assumer-sa-diversite.html

25 nov. 2016 – Pour cette raison, le peuple suisse adécidé en 1891, par un vote populaire … La Banque Nationale Suisse ( BNS) créera désormais seule de la …

Annonce

21 décembre
2016



Le Conseil fédéral



e-parl 22.12.2016 11:24



Rapport du Conseil fédéral sur la
politique monétaire
en réponse aux postulats:
Bischof (15.3091) 
Rechsteiner (15.3367)
Bischof (15.4053) 
Cramer (15.3208)



Rapport sur
la
politique monétaire



e-parl 22.12.2016 11:24



Résumé ………………………………………………………………………………………………………….4
1     Contexte …………………………………………………………………………………………………5
2     Mandat et indépendance de la BNS
…………………………………………………………6



2.1
2.2



Cadre juridique
……………………………………………………………………………6
Mandat et tâches
………………………………………………………………………….6



2.2.1     Évolution des compétences de la BNS
……………………………………………6
2.2.2     Intérêt général du pays
…………………………………………………………………7
2.2.3     Garantie de la stabilité des prix
……………………………………………………..8
2.2.4     Prise en compte de l’évolution de la
conjoncture……………………………10
2.2.5     Tâches principales de la
BNS………………………………………………………10
2.2.6     Évolution des compétences depuis
2003……………………………………….12



2.3



Indépendance et obligation de rendre des comptes
…………………………14



2.3.1     Portée de
l’indépendance…………………………………………………………….14
2.3.2     Recherche d’un équilibre entre
indépendance et légitimité
démocratique
…………………………………………………………………………….15
2.3.3     Obligation de rendre des comptes
………………………………………………..16



2.4



Conclusions concernant le mandat et l’indépendance de la BNS
……..19



3     Fondements de la politique monétaire de
la Suisse
…………………………………21



3.1
3.2



Repères historiques
……………………………………………………………………21
Principes régissant la politique monétaire
……………………………………..23



3.2.1     Stratégie de politique monétaire de la BNS
…………………………………..23
3.2.2     Prise en compte de la conjoncture
………………………………………………..25
3.2.3     Rôle du cours de change dans la politique
monétaire ……………………..26
3.2.4     Comparaison internationale des objectifs
de politique monétaire ……..30
3.2.5     Mesures de politique monétaire
…………………………………………………..31



3.3



Politique monétaire autonome de la Suisse
……………………………………33



3.3.1     Cours de change flottants nécessaires à
une politique monétaire
autonome
………………………………………………………………………………….33
3.3.2     Motifs d’une politique monétaire autonome
………………………………….33
3.3.3     Importance de l’euro pour la politique
monétaire suisse …………………35
3.3.4     Surévaluation du franc
………………………………………………………………..36
3.3.5     Autres régimes de taux de change
………………………………………………..37



3.4



Conclusions sur les principes de la politique monétaire en Suisse
……38



4     Réglementation institutionnelle de la
politique
monétaire ………………………40



4.1



Forme juridique de la
BNS………………………………………………………….40



4.1.1     Société anonyme régie par une loi spéciale
……………………………………40
4.1.2     Surveillance et participation de la
Confédération à l’administration…40
4.1.3    
Conclusion………………………………………………………………………………..41



4.2



Organisation de la
BNS………………………………………………………………42



4.2.1     Les quatre organes de la BNS
……………………………………………………..42
4.2.2     Organisation interne de la BNS
……………………………………………………43
4.2.3    
Conclusion………………………………………………………………………………..44



4.3



Conseil de banque
……………………………………………………………………..44



4.3.1     Tâches
………………………………………………………………………………………44
4.3.2     Composition et
élection………………………………………………………………46



2/87



Rapport sur
la
politique monétaire
4.3.3     Révisions partielles du règlement
d’organisation en 2008, 2011 et



e-parl 22.12.2016 11:24



2016
…………………………………………………………………………………………46
4.3.4    
Conclusion………………………………………………………………………………..47



4.4



Direction générale
……………………………………………………………………..47



4.4.1     Tâches de la direction générale
……………………………………………………47
4.4.2     Processus décisionnel en matière de
politique monétaire ………………..48
4.4.3     Taille et composition de la direction
générale ………………………………..49
4.4.4     Nomination des membres de la direction
générale …………………………55
4.4.5    
Conclusion………………………………………………………………………………..57



4.5



La transparence, partie intégrante de l’obligation de rendre
compte …58



4.5.1     Importance de la transparence pour la
politique monétaire………………58
4.5.2     Mise en œuvre par la BNS de son obligation
de rendre compte ……….59
4.5.3     Publication des procès-verbaux
……………………………………………………60
4.5.4    
Conclusion………………………………………………………………………………..61
5     Conséquences des taux d’intérêt
négatifs
……………………………………………….63



5.1
5.2
5.3



Contexte:
des taux bas dans le monde entier………………………………….63
Application
du taux négatif par la BNS ………………………………………..64
Effets des taux négatifs sur le secteur financier et sur
l’économie
nationale
…………………………………………………………………………………..66



5.3.1     Effet
recherché…………………………………………………………………………..66
5.3.2     Effets secondaires des taux négatifs
……………………………………………..66



5.4



Conséquences des taux d’intérêt négatifs pour
différents acteurs……..67



5.4.1    Conséquences des taux négatifs pour les
institutions sociales et de
prévoyance
………………………………………………………………………………67
5.4.2     Conséquences des taux négatifs pour les
banques ………………………….72
5.4.3     Conséquences des taux négatifs pour les
assurances ………………………74
5.4.4     Conséquences des taux négatifs pour les
petits épargnants………………76
5.4.5     Conséquences des taux négatifs pour les
propriétaires de logements ..78
5.4.6     Conséquences des taux négatifs pour les
cantons …………………………..78



5.5



Conclusion………………………………………………………………………………..79



6     Vigueur du franc et tourisme d’achat
…………………………………………………….80



6.1
6.2



Causes du tourisme
d’achat…………………………………………………………80
Mesures
……………………………………………………………………………………81



6.2.1     Lutte contre les prix élevés en
Suisse……………………………………………81
6.2.2     Importations parallèles
……………………………………………………………….82
6.2.3     Limitation de la détaxe de marchandises
d’exportation à l’étranger….83
6.2.4     Abaissement de la
franchise-valeur………………………………………………83
6.2.5     Renforcement des contrôles à la frontière
……………………………………..84



6.3



Conclusion………………………………………………………………………………..84



7     Annexes: Textes des postulats
………………………………………………………………..85



3/87



Rapport sur
la
politique monétaire
Résumé



e-parl 22.12.2016 11:24



Ce
rapport rassemble les réponses à différents postulats déposés en 2015
concernant
la
politique monétaire: les postulats Bischof 15.3091 et 15.4053 sur les taux
négatifs
et
la gouvernance de la BNS, le postulat Rechsteiner 15.3367 sur le rôle du franc
suisse
et le postulat Cramer 15.3208 concernant le franc fort et le tourisme d’achat.
Le
chapitre 2 détaille le mandat légal de la Banque nationale suisse (BNS), à
savoir
une
politique monétaire au service de l’intérêt général du pays, la stabilité des
prix et
la
prise en compte de la conjoncture. Les compétences attribuées à la BNS, de même
que
leur développement depuis les années 2000, sont également expliquées. Le rap-
port
s’attarde ensuite sur l’importance de l’indépendance de la BNS, ainsi que de
son
pendant,
le devoir de rendre des comptes auprès du Conseil fédéral, du Parlement et
du
public.
Le
chapitre 3 présente les fondements de la politique monétaire suisse. Après un
bref
aperçu
historique, le rapport explique le concept de politique monétaire de la BNS et
les
mesures tant conventionnelles que non conventionnelles prises par la BNS pour
atteindre
ses objectifs. Le rôle du cours de change dans la politique monétaire suisse,
et
particulièrement le cas d’une petite économie ouverte, est ensuite expliqué en
dé-
tail.
Enfin, les fondements et justifications d’une politique monétaire autonome sont
abordés,
de même que l’importance de l’euro pour la politique monétaire suisse et la
surévaluation
du franc. Au final, il s’avère que la stratégie de politique monétaire
mise
en place par la BNS en 2000 est efficace et suffisamment flexible pour faire
face
à différents types de situation, comme une crise financière ou une appréciation
rapide
du franc suisse.
Tous
les aspects institutionnels relatifs à la BNS sont développés dans le chapitre
4 :
forme
juridique, organisation, conseil de banque, direction générale et transparence.
Les
questions relatives à la taille de la Direction générale et à la transparence
font
l’objet
de développements plus détaillés, comprenant notamment des
comparaisons
internationales
et des revues de littérature scientifique. Le Conseil fédéral parvient à
la
conclusion que le cadre institutionnel entourant la BNS a fait ses preuves et
qu’il
n’est
pas nécessaire de le changer.
Le
chapitre 5 traite des taux négatifs : leur agencement, leur but, ainsi que
leurs con-
séquences
sur différents types d’acteurs, comme les caisses de pensions et les
banques.
Les taux négatifs ont comme objectif de faire baisser la pression sur le franc
suisse
et de retrouver une inflation positive. Il est expliqué que les difficultés ac-
tuelles
de certains acteurs sont davantage dues au contexte actuel de taux extrême-
ment
bas plutôt qu’aux taux négatifs introduits par la BNS. D’éventuelles exceptions
à ce
taux négatif créeraient un précédent qui pourrait entraver l’action de la BNS.
La
problématique du tourisme d’achat lié au franc fort est abordée dans le
chapitre 6.
Les
différentes mesures possibles pour l’atténuer sont examinées.





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L’Île des naufragés

Écrit par Louis Even le lundi, 14 septembre 1936. Publié dans Crédit Social

FABLE QUI FAIT COMPRENDRE LE MYSTÈRE DE L’ARGENT

Sauvés du naufrage«L’Île des naufragés» fut l’un des premiers écrits par Louis Even, et demeure l’un des plus populaires pour faire comprendre la création de l’argent. Il est disponible sous forme de circulaire de 8 pages (format tabloïd), que vous pouvez commandez de Vers Demain, en plusieurs langues: français, anglais, espagnol, italien, allemand, polonais, portugais.

1. Sauvés du naufrage

Une explosion a détruit leur bateau. Chacun s’agrippait aux premières pièces flottantes qui lui tombaient sous la main. Cinq ont fini par se trouver réunis sur cette épave, que les flots emportent à leur gré. Des autres compagnons de naufrage, aucune nouvelle.
Depuis des heures, de longues heures, ils scrutent l’horizon: quelque navire en voyage les apercevrait-il? Leur radeau de fortune échouerait-il sur quelque rivage hospitalier?
Tout à coup, un cri a retenti: Terre! Terre là-bas, voyez! Justement dans la direction où nous poussent les vagues!
Et à mesure que se dessine, en effet, la ligne d’un rivage, les figures s’épanouissent. Ils sont cinq:
François, le grand et vigoureux charpentier qui a le premier lancé le cri: Terre!
Paul, cultivateur; c’est lui que vous voyez en avant, à gauche, à genoux, une main à terre, l’autre accrochée au piquet de l’épave;
Jacques, spécialisé dans l’élevage des animaux: c’est l’homme au pantalon rayé qui, les genoux à terre, regarde dans la direction indiquée;
Henri, l’agronome horticulteur, un peu corpulent, assis sur une valise échappée au naufrage;
Thomas, le prospecteur minéralogiste, c’est le gaillard qui se tient debout en arrière, avec une main sur l’épaule du charpentier.

2. Une île providentielle

Une île providentielleRemettre les pieds sur une terre ferme, c’est pour nos hommes un retour à la vie.
Une fois séchés, réchauffés, leur premier empressement est de faire connaissance avec cette île où ils sont jetés loin de la civilisation. Cette île qu’ils baptisent L’Île des Naufragés.
Une rapide tournée comble leurs espoirs. L’île n’est pas un désert aride. Ils sont bien les seuls hommes à l’habiter actuellement. Mais d’autres ont dû y vivre avant eux, s’il faut en juger par les restes de troupeaux demi-sauvages qu’ils ont rencontrés ici et là. Jacques, l’éleveur, affirme qu’il pourra les améliorer et en tirer un bon rendement.
Quant au sol de l’île, Paul le trouve en grande partie fort propice à la culture.
Henri y a découvert des arbres fruitiers, dont il espère pouvoir tirer grand profit.
François y a remarqué surtout les belles étendues forestières, riches en bois de toutes sortes: ce sera un jeu d’abattre des arbres et de construire des abris pour la petite colonie.
Quant à Thomas, le prospecteur, ce qui l’a intéressé, c’est la partie la plus rocheuse de l’île. Il y a noté plusieurs signes indiquant un sous-sol richement minéralisé. Malgré l’absence d’outils perfectionnés, Thomas se croit assez d’initiative et de débrouillardise pour transformer le minerai en métaux utiles.
Chacun va donc pouvoir se livrer à ses occupations favorites pour le bien de tous. Tous sont unanimes à louer la Providence du dénouement relativement heureux d’une grande tragédie.

3. Les véritables richesses

Les véritables richessesEt voilà nos hommes à l’ouvrage. Les maisons et des meubles sortent du travail du charpentier. Les premiers temps, on s’est contenté de nourriture primitive. Mais bientôt les champs produisent et le laboureur a des récoltes.
A mesure que les saisons succèdent aux saisons, le patrimoine de l’île s’enrichit. Il s’enrichit, non pas d’or ou de papier gravé, mais des véritables richesses: des choses qui nourrissent, qui habillent, qui logent, qui répondent à des besoins.
La vie n’est pas toujours aussi douce qu’ils souhaiteraient. Il leur manque bien des choses auxquelles ils étaient habitués dans la civilisation. Mais leur sort pourrait être beaucoup plus triste.
D’ailleurs, ils ont déjà connu des temps de crise au Canada. Ils se rappellent les privations subies, alors que des magasins étaient trop pleins à dix pas de leur porte. Au moins, dans l’Île des Naufragés, personne ne les condamne à voir pourrir sous leurs yeux des choses dont ils ont besoin. Puis les taxes sont inconnues. Les ventes par le shérif ne sont pas à craindre.
Si le travail est dur parfois, au moins on a le droit de jouir des fruits du travail.
Somme toute, on exploite l’île en bénissant Dieu, espérant qu’un jour on pourra retrouver les parents et les amis, avec deux grands biens conservés: la vie et la santé.

4. Un inconvénient majeur

Un inconvénient majeurNos hommes se réunissent souvent pour causer de leurs affaires.
Dans le système économique très simplifié qu’ils pratiquent, une chose les taquine de plus en plus: ils n’ont aucune espèce de monnaie. Le troc, l’échange direct de produits contre produits, a ses inconvénients. Les produits à échanger ne sont pas toujours en face l’un de l’autre en même temps. Ainsi, du bois livré au cultivateur en hiver ne pourra être remboursé en légumes que dans six mois.
Parfois aussi, c’est un gros article livré d’un coup par un des hommes, et il voudrait en retour différentes petites choses produites par plusieurs des autres hommes, à des époques différentes.
Tout cela complique les affaires. S’il y avait de l’argent dans la circulation, chacun vendrait ses produits aux autres pour de l’argent. Avec l’argent reçu, il achèterait des autres les choses qu’il veut, quand il les veut et qu’elles sont là.
Tous s’entendent pour reconnaître la commodité que serait un système d’argent. Mais aucun d’eux ne sait comment en établir un. Ils ont appris à produire la vraie richesse, les choses. Mais ils ne savent pas faire les signes, l’argent.
Ils ignorent comment l’argent commence, et comment le faire commencer quand il n’y en a pas et qu’on décide ensemble d’en avoir… Bien des hommes instruits seraient sans doute aussi embarrassés; tous nos gouvernements l’ont bien été pendant dix années avant la guerre. Seul, l’argent manquait au pays, et le gouvernement restait paralysé devant ce problème.

5. Arrivée d’un réfugié

Arrivée d'un réfugiéUn soir que nos hommes, assis sur le rivage, ressassent ce problème pour la centième fois, ils voient soudain approcher une chaloupe avironnée par un seul homme.
On s’empresse d’aider le nouveau naufragé. On lui offre les premiers soins et on cause. On apprend qu’il a lui aussi échappé à un naufrage, dont il est le seul survivant. Son nom: Martin Golden.
Heureux d’avoir un compagnon de plus, nos cinq hommes l’accueillent avec chaleur et lui font visiter la colonie.
— «Quoique perdus loin du reste du monde, lui disent-ils, nous ne sommes pas trop à plaindre. La terre rend bien; la forêt aussi. Une seule chose nous manque: nous n’avons pas de monnaie pour faciliter les échanges de nos produits.»
— «Bénissez le hasard qui m’amène ici! répond Martin. L’argent n’a pas de mystère pour moi. Je suis un banquier, et je puis vous installer en peu de temps un système monétaire qui vous donnera satisfaction.»
Un banquier!… Un banquier!… Un ange venu tout droit du ciel n’aurait pas inspiré plus de révérence. N’est-on pas habitué, en pays civilisé, à s’incliner devant les banquiers, qui contrôlent les pulsations de la finance?

6. Le dieu de la civilisation

Le dieu de la civilisation— «Monsieur Martin, puisque vous êtes banquier, vous ne travaillerez pas dans l’île. Vous allez seulement vous occuper de notre argent.»
— «Je m’en acquitterai avec la satisfaction, comme tout banquier, de forger la prospérité commune.»
— «Monsieur Martin, on vous bâtira une demeure digne de vous. En attendant, peut-on vous installer dans l’édifice qui sert à nos réunions publiques?»
— «Très bien, mes amis. Mais commençons par décharger les effets de la chaloupe que j’ai pu sauver dans le naufrage: une petite presse, du papier et accessoires, et surtout un petit baril que vous traiterez avec grand soin.»
On décharge le tout. Le petit baril intrigue la curiosité de nos braves gens.
— «Ce baril, déclare Martin, c’est un trésor sans pareil. Il est plein d’or!»
Plein d’or! Cinq âmes faillirent s’échapper de cinq corps. Le dieu de la civilisation entré dans l’Ile des Naufragés. Le dieu jaune, toujours caché, mais puissant, terrible, dont la présence, l’absence ou les moindres caprices peuvent décider de la vie de 100 nations!
— «De l’or! Monsieur Martin, vrai grand banquier! Recevez nos hommages et nos serments de fidélité.»
— «De l’or pour tout un continent, mes amis. Mais ce n’est pas de l’or qui va circuler. Il faut cacher l’or: l’or est l’âme de tout argent sain. L’âme doit rester invisible. Je vous expliquerai tout cela en vous passant de l’argent.»

7. Un enterrement sans témoin

Un enterrement sans témoinAvant de se séparer pour la nuit, Martin leur pose une dernière question:
— «Combien vous faudrait-il d’argent dans l’île pour commencer, pour que les échanges marchent bien?»
On se regarde. On consulte humblement Martin lui-même. Avec les suggestions du bienveillant banquier, on convient que 200 $ pour chacun paraissent suffisants pour commencer. Rendez-vous fixé pour le lendemain soir.
Les hommes se retirent, échangent entre eux des réflexions émues, se couchent tard, ne s’endorment bien que vers le matin, après avoir longtemps rêvé d’or les yeux ouverts.
Martin, lui, ne perd pas de temps. Il oublie sa fatigue pour ne penser qu’à son avenir de banquier. A la faveur du petit jour, il creuse un trou, y roule son baril, le couvre de terre, le dissimule sous des touffes d’herbe soigneusement placées, y transplante même un petit arbuste pour cacher toute trace.
Puis, il met en œuvre sa petite presse, pour imprimer mille billets d’un dollar. En voyant les billets sortir, tout neufs, de sa presse, il songe en lui-même:
— «Comme ils sont faciles à faire, ces billets! Ils tirent leur valeur des produits qu’ils vont servir à acheter. Sans produits, les billets ne vaudraient rien. Mes cinq naïfs de clients ne pensent pas à cela. Ils croient que c’est l’or qui garantit les piastres. Je les tiens par leur ignorance!»
Le soir venu, les cinq arrivent en courant près de Martin.

8. A qui l’argent frais fait?

A qui l'argent frais fait?Cinq piles de billets étaient là, sur la table.
— «Avant de vous distribuer cet argent, dit le banquier, il faut s’entendre.
«L’argent est basé sur l’or. L’or, placé dans la voûte de ma banque, est à moi. Donc, l’argent est à moi… Oh! ne soyez pas tristes. Je vais vous prêter cet argent, et vous l’emploierez à votre gré. En attendant, je ne vous charge que l’intérêt. Vu que l’argent est rare dans l’île, puisqu’il n’y en a pas du tout, je crois être raisonnable en demandant un petit intérêt de 8 pour cent seulement.
— «En effet, monsieur Martin, vous êtes très généreux.
— «Un dernier point, mes amis. Les affaires sont les affaires, même entre grands amis. Avant de toucher son argent, chacun de vous va signer ce document: c’est l’engagement par chacun de rembourser capital et intérêts, sous peine de confiscation par moi de ses propriétés. Oh! une simple garantie. Je ne tiens pas du tout à jamais avoir vos propriétés, je me contente d’argent. Je suis sûr que vous garderez vos biens et que vous me rendrez l’argent.
— «C’est plein de bons sens, monsieur Martin. Nous allons redoubler d’ardeur au travail et tout rembourser.»
— «C’est cela. Et revenez me voir chaque fois que vous avez des problèmes. Le banquier est le meilleur ami de tout le monde… Maintenant, voici à chacun ses deux cents dollars.»
Et nos cinq hommes s’en vont ravis, les piastres plein les mains et plein la tête.

9. Un problème d’arithmétique

Un problème d'arithmétiqueL’argent de Martin a circulé dans l’île. Les échanges se sont multipliés en se simplifiant. Tout le monde se réjouit et salue Martin avec respect et gratitude.
Cependant, le prospecteur, est inquiet. Ses produits sont encore sous terre. Il n’a plus que quelques piastres en poche. Comment rembourser le banquier à l’échéance qui vient?
Après s’être longtemps creusé la tête devant son problème individuel, Thomas l’aborde socialement:
«Considérant la population entière de l’île, songe-t-il, sommes-nous capables de tenir nos engagements? Martin a fait une somme totale de 1000 $. Il nous demande au total 1080 $. Quand même nous prendrions ensemble tout l’argent de l’île pour le lui porter, cela ferait 1000 pas 1080. Personne n’a fait les 80 $ de plus. Nous faisons des choses, pas des piastres. Martin pourra donc saisir toute l’île, parce que tous ensemble, nous ne pouvons rembourser capital et intérêts.
«Si ceux qui sont capables remboursent pour eux-mêmes sans se soucier des autres, quelques-uns vont tomber tout de suite, quelques autres vont survivre. Mais le tour des autres viendra et le banquier saisira tout. Il vaut mieux s’unir tout de suite et régler cette affaire socialement.»
Thomas n’a pas de peine à convaincre les autres que Martin les a dupés. On s’entend pour un rendez-vous général chez le banquier.

10. Bienveillance du banquier

Bienveillance du banquierMartin devine leur état d’âme, mais fait bon visage. L’impulsif François présente le cas:
— «Comment pouvons-nous vous apporter 1080 $ quand il n’y a que 1000 $ dans toute l’île?»
— «C’est l’intérêt, mes bons amis. Est-ce que votre production n’a pas augmenté?»
— «Oui, mais l’argent, lui, n’a pas augmenté. Or, c’est justement de l’argent que vous réclamez, et non pas des produits. Vous seul pouvez faire de l’argent. Or vous ne faites que 1000 $ et vous demandez 1080 $. C’est impossible!»
— «Attendez, mes amis. Les banquiers s’adaptent toujours aux conditions, pour le plus grand bien du public… Je ne vais vous demander que l’intérêt. Rien que 80$. Vous continuerez de garder le capital.»
— «Vous nous remettez notre dette?»
— «Non pas. Je le regrette, mais un banquier ne remet jamais une dette. Vous me devrez encore tout l’argent prêté. Mais vous ne me remettrez chaque année que l’intérêt, je ne vous presserai pas pour le remboursement du capital. Quelques-uns parmi vous peuvent devenir incapables de payer même leur intérêt, parce que l’argent va de l’un à l’autre. Mais organisez-vous en nation, et convenez d’un système de collection. On appelle cela taxer. Vous taxerez davantage ceux qui auront plus d’argent, les autres moins. Pourvu que vous m’apportiez collectivement le total de l’intérêt, je serai satisfait et votre nation se portera bien.»
Nos hommes se retirent, mi calmés, mi-pensifs.

11. L’extase de Martin Golden

L'extase de Martin GoldenMartin est seul. Il se recueille. Il conclut:
«Mon affaire est bonne. Bons travailleurs, ces hommes, mais ignorants. Leur ignorance et leur crédulité font ma force. Ils voulaient de l’argent, je leur ai passé des chaînes. Ils m’ont couvert de fleurs pendant que je les roulais.
«Oh! grand banquier, je sens ton génie de banquier s’emparer de mon être. Tu l’as bien dit, illustre maître: “Qu’on m’accorde le contrôle de la monnaie d’une nation et je me fiche de qui fait ses lois”. Je suis le maître de l’Ile des Naufragés, parce que je contrôle son système d’argent.
«Je pourrais contrôler un univers. Ce que je fais ici, moi, Martin Golden, je puis le faire dans le monde entier. Que je sorte un jour de cet îlot: je sais comment gouverner le monde sans tenir de sceptre.»
Et toute la structure du système bancaire se dresse dans l’esprit ravi de Martin.

12. Crise de vie chère

Crise de vie chèreCependant, la situation empire dans l’Île des Naufragés. La productivité a beau augmenter, les échanges ralentissent. Martin pompe régulièrement ses intérêts. Il faut songer à mettre de l’argent de côté pour lui. L’argent colle, il circule mal.
Ceux qui paient le plus de taxes crient contre les autres et haussent leurs prix pour trouver compensation. Les plus pauvres, qui ne paient pas de taxes, crient contre la cherté de la vie et achètent moins.
Le moral baisse, la joie de vivre s’en va. On n’a plus de cœur à l’ouvrage. A quoi bon? Les produits se vendent mal; et quand ils se vendent, il faut donner des taxes pour Martin. On se prive. C’est la crise. Et chacun accuse son voisin de manquer de vertu et d’être la cause de la vie chère.
Un jour, Henri, réfléchissant au milieu de ses vergers, conclut que le «progrès» apporté par le système monétaire du banquier a tout gâté dans l’Ile. Assurément, les cinq hommes ont leurs défauts; mais le système de Martin nourrit tout ce qu’il y a de plus mauvais dans la nature humaine.
Henri décide de convaincre et rallier ses compagnons. Il commence par Jacques. C’est vite fait: «Eh! dit Jacques, je ne suis pas savant, moi; mais il y a longtemps que je le sens: le système de ce banquier-là est plus pourri que le fumier de mon étable du printemps dernier!»
Tous sont gagnés l’un après l’autre, et une nouvelle entrevue avec Martin est décidée.

13. Chez le forgeur de chaînes

Chez le forgeur de chaînesCe fut une tempête chez le banquier:
— «L’argent est rare dans l’île, monsieur, parce que vous nous l’ôtez. On vous paie, on vous paie, et on vous doit encore autant qu’au commencement. On travaille, on fait de plus belles terres, et nous voilà plus mal pris qu’avant votre arrivée. Dette! Dette! Dette par-dessus la tête!»
— «Allons, mes amis, raisonnons un peu. Si vos terres sont plus belles, c’est grâce à moi. Un bon système bancaire est le plus bel actif d’un pays. Mais pour en profiter, il faut garder avant tout la confiance dans le banquier. Venez à moi comme à un père… Vous voulez d’autre argent? Très bien. Mon baril d’or vaut bien des fois mille dollars… Tenez, je vais hypothéquer vos nouvelles propriétés et vous prêter un autre mille dollars tout de suite.»
— «Deux fois plus de dette? Deux fois plus d’intérêt à payer tous les ans, sans jamais finir?»
— «Oui, mais je vous en prêterai encore, tant que vous augmenterez votre richesse foncière; et vous ne me rendrez jamais que l’intérêt. Vous empilerez les emprunts; vous appellerez cela dette consolidée. Dette qui pourra grossir d’année en année. Mais votre revenu aussi. Grâce à mes prêts, vous développerez votre pays.»
— «Alors, plus notre travail fera l’île produire, plus notre dette totale augmentera?»
— «Comme dans tous les pays civilisés. La dette publique est un baromètre de la prospérité.»

14. Le loup mange les agneaux

Le loup mange les agneaux— «C’est cela que vous appelez monnaie saine, monsieur Martin? Une dette nationale devenue nécessaire et impayable, ce n’est pas sain, c’est malsain.»
— «Messieurs, toute monnaie saine doit être basée sur l’or et sortir de la banque à l’état de dette. La dette nationale est une bonne chose: elle place; les gouvernements sous la sagesse incarnée dans les banquiers. A titre de banquier, je suis un flambeau de civilisation dans votre île.»
— «Monsieur Martin, nous ne sommes que des ignorants, mais nous ne voulons point de cette civilisation-là ici. Nous n’emprunterons plus un seul sou de vous. Monnaie saine ou pas saine, nous ne voulons plus faire affaire avec vous.»
— «Je regrette cette décision maladroite, messieurs. Mais si vous rompez avec moi, j’ai vos signatures. Remboursez-moi immédiatement tout, capital et intérêts.»
— «Mais c’est impossible, monsieur. Quand même on vous donnerait tout l’argent de l’île, on ne serait pas quitte.»
— «Je n’y puis rien. Avez-vous signé, oui ou non? Oui? Eh bien, en vertu de la sainteté des contrats, je saisis toutes vos propriétés gagées, tel que convenu entre nous, au temps où vous étiez si contents de m’avoir. Vous ne voulez pas servir de bon gré la puissance suprême de l’argent, vous la servirez de force. Vous continuerez à exploiter l’île, mais pour moi et à mes conditions. Allez. Je vous passerai mes ordres demain.»

15. Le contrôle des média

Le contrôle des médiaComme Rothschild, Martin sait que celui qui contrôle le système d’argent d’une nation contrôle cette nation. Mais il sait aussi que, pour maintenir ce contrôle, il faut entretenir le peuple dans l’ignorance et l’amuser avec autre chose
Martin a remarqué que, sur les cinq insulaires, deux sont conservateurs et trois sont libéraux. Cela paraît dans les conversations des cinq, le soir, surtout depuis qu’ils sont devenus ses esclaves. On se chicane entre bleus et rouges.
De temps en temps, Henri, moins partisan, suggère une force dans le peuple pour faire pression sur les gouvernants… Force dangereuse pour toute dictature.
Martin va donc s’appliquer à envenimer leurs discordes politiques le plus possible.
Il se sert de sa petite presse et fait paraître deux feuilles hebdomadaires: «Le Soleil», pour les rouges; «L’Étoile», pour les bleus. «Le Soleil» dit en substance: Si vous n’êtes plus les maîtres chez vous, c’est à cause de ces arriérés de bleus, toujours collés aux gros intérêts.
«L’Étoile» dit en substance: Votre dette nationale est l’œuvre des maudits: rouges, toujours prêts aux aventures politiques.
Et nos deux groupements politiques se chamaillent de plus belle, oubliant le véritable forgeur de chaînes, le contrôleur de l’argent, Martin.

16. Une épave précieuse

Une épave précieuseUn jour, Thomas, le prospecteur, découvre, échouée au fond d’une anse, au bout de l’île et voilée par de hautes herbes, une chaloupe de sauvetage, sans rame, sans autre trace de service qu’une caisse assez bien conservée.
Il ouvre la caisse: outre du linge et quelques menus effets, son attention s’arrête sur un livre-album en assez bon ordre, intitulé:

Première année de Vers Demain

Curieux, notre homme s’assied et ouvre ce volume. Il lit. Il dévore. Il s’illumine:
«Mais, s’écrie-t-il, voilà ce qu’on aurait dû savoir depuis longtemps.
«L’argent ne tire nullement sa valeur de l’or, mais des produits que l’argent achète.
«L’argent peut être une simple comptabilité, les crédits passant d’un compte à l’autre selon les achats et les ventes. Le total de l’argent en rapport avec le total de la production.
«A toute augmentation de production, doit correspondre une augmentation équivalente d’argent… Jamais d’intérêt à payer sur l’argent naissant… Le progrès représenté, non pas par une dette publique, mais par un dividende égal à chacun… Les prix, ajustés au pouvoir d’achat par un coefficient des prix. Le Crédit Social…»
Thomas n’y tient plus. Il se lève et court, avec son livre, faire part de sa splendide découverte à ses quatre compagnons.

17. L’argent, simple comptabilité

L'argent, simple comptabilitéEt Thomas s’installe professeur:
«Voici, dit-il, ce qu’on aurait pu faire, sans le banquier, sans or, sans signer aucune dette.
«J’ouvre un compte au nom de chacun de vous. A droite, les crédits, ce qui ajoute au compte; à gauche, les débits, ce qui le diminue.
«On voulait chacun 200 $ pour commencer. D’un commun accord, décidons d’écrire 200 $ au crédit de chacun. Chacun a tout de suite 200 $.
«François achète des produits de Paul, pour 10 $. Je retranche 10 à François, il lui reste 190. J’ajoute 10 à Paul, il a maintenant 210.
«Jacques achète de Paul pour 8 $. Je retranche 8 à Jacques, il garde 192. Paul, lui, monte à 218.
«Paul achète du bois de François, pour 15 $. Je retranche 15 à Paul, il garde 203; j’ajoute 15 à François, il remonte à 205.
«Et ainsi de suite; d’un compte à l’autre, tout comme des piastres en papier vont d’une poche à l’autre.
«Si l’un de nous a besoin d’argent pour augmenter sa production, on lui ouvre le crédit nécessaire, sans intérêt. Il rembourse le crédit une fois la production vendue. Même chose pour les travaux publics.
«On augmente aussi, périodiquement, les comptes de chacun d’une somme additionnelle, sans rien ôter à personne, en correspondance au progrès social. C’est le dividende national L’argent est ainsi un instrument de service.

18. Désespoir du banquier

Désespoir du banquierTous ont compris. La petite nation est devenue créditiste. Le lendemain, le banquier Martin reçoit une lettre signée des cinq:
«Monsieur, vous nous avez endettés et exploités sans aucune nécessité. Nous n’avons plus besoin de vous pour régir notre système d’argent. Nous aurons désormais tout l’argent qu’il nous faut, sans or, sans dette, sans voleur. Nous établissons immédiatement dans l’île des Naufragés le système du Crédit Social. Le dividende national remplacera la dette nationale.
«Si vous tenez à votre remboursement, nous pouvons vous remettre tout l’argent que vous avez fait pour nous, pas plus. Vous ne pouvez réclamer ce que vous n’avez pas fait.
Martin est au désespoir. C’est son empire qui s’écroule. Les cinq devenus créditistes, plus de mystère d’argent ou de crédit pour eux.
«Que faire? Leur demander pardon, devenir comme l’un d’eux? Moi, banquier, faire cela?… Non. Je vais plutôt essayer de me passer d’eux et de vivre à l’écart.»

19. Supercherie mise à jour

Supercherie mise à jourPour se protéger contre toute réclamation future possible, nos hommes ont décidé de faire signer au banquier un document attestant qu’il possède encore tout ce qu’il avait en venant dans l’île.
D’où l’inventaire général: la chaloupe, la petite presse et… le fameux baril d’or.
Il a fallu que Martin indique l’endroit, et l’on déterre le baril. Nos hommes le sortent du trou avec beaucoup moins de respect cette fois. Le Crédit Social leur a appris à mépriser le fétiche or.
Le prospecteur, en soulevant le baril, trouve que pour de l’or, ça ne pèse pas beaucoup: «Je doute fort que ce baril soit plein d’or», dit-il.
L’impétueux François n’hésite pas plus longtemps. Un coup de hache et le baril étale son contenu: d’or, pas une once! Des roches — rien que de vulgaires roches sans valeur!…
Nos hommes n’en reviennent pas:
— «Dire qu’il nous a mystifiés à ce point-là, le misérable! A-t-il fallu être gogos, aussi, pour tomber en extase devant le seul mot OR!
— «Dire que nous lui avons gagé toutes nos propriétés pour des bouts de papier basés sur quatre pelletées de roches! Voleur doublé de menteur!»
— «Dire que nous nous sommes boudés et haïs les uns les autres pendant des mois et des mois pour une supercherie pareille! Le démon!»
A peine François avait-il levé sa hache que le banquier partait à toutes jambes vers la forêt.

20. Adieux à l’Île des Naufragés

Adieux à l'Île des NaufragésNul n’a plus entendu parler de Martin depuis l’éventrement de son baril et de sa duperie.
Mais, à quelque temps de là, un navire écarté de la route ordinaire, ayant remarqué des signes d’habitation sur cette île non enregistrée, a jeté l’ancre au large du rivage.
Nos hommes apprennent que le navire vogue vers l’Amérique. Ils décident de prendre avec eux leurs effets les plus transportables et de s’en retourner dans leur pays.
Ils tiennent, par-dessus tout, à emporter le fameux album «Première Année de Vers Demain», qui les a tirés de la griffe du financier Martin et qui a mis dans leur esprit une lumière inextinguible.
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… Le postulat Bischof 15.3091 demande quelles sont les conséquences des taux négatifs introduits par la BNS sur différents types d’acteurs: caisses de pension, banques, petits épargnants, cantons, etc. Le postulat Rechsteiner 15.3367 demande un rapport sur le franc suisse et son rôle actuel et futur pour l’économie. L’auteur considère que le franc suisse fait actuellement face à des défis considérables et qu’en conséquence, il est nécessaire d’analyser le cadre légal de la politique monétaire et son adéquation aux défis actuels. Le postulat Bischof 15.4053 souhaite que la gouvernance de la BNS (compétences, direction générale, communication, etc.) soit analysée et adaptée au besoin. Enfin, le postulat Cramer 15.3208 «Franc fort et tourisme d’achat» demande au Conseil fédéral d’examiner l’opportunité d’un plan de mesures pour lutter efficacement contre le tourisme d’achat. L’initiative parlementaire 15.401 «Direction générale de la Banque nationale suisse. Élargir le cercle de ses membres et les faire élire par l’Assemblée fédérale» (T. Minder) a également été déposée en 2015. La commission compétente a chargé le Département fédéral des finances (DFF) de procéder à un examen préalable des problématiques (taille et modalités de nomination de la direction générale de la BNS) abordées par cette initiative parlementaire. En raison de la proximité des thèmes abordés dans ces postulats et des liens entre les différents thèmes, il a été décidé de rassembler ces réponses dans un rapport unique, complet et détaillé sur la politique monétaire suisse. Ce rapport est composé de cinq chapitres principaux. Le chapitre 2 décrit le mandat actuel de la BNS et son rôle d’institution indépendante. Le chapitre 3 analyse les fondements de la politique monétaire et de la monnaie en Suisse. Le cadre institutionnel de la politique monétaire, ainsi que sa pertinence, font l’objet du chapitre 4. Le chapitre 5 est consacré aux objectifs et aux incidences des taux négatifs. La problématique du tourisme d’achat en lien avec le franc fort est abordée dans le chapitre 6. Des conclusions thématiques sont proposées dans chaque chapitre. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 6/87 2 Mandat et indépendance de la BNS 2.1 Cadre juridique Le mandat de la BNS est défini dans la Constitution et dans la loi. En vertu de l’art. 99, al. 2, de la Constitution fédérale (Cst.)1 , la BNS mène, «en sa qualité de banque centrale indépendante, […] une politique monétaire servant les intérêts géné- raux du pays» et «elle est administrée avec le concours et sous la surveillance de la Confédération». Ce mandat constitutionnel est précisé dans la loi sur la Banque nationale (LBN)2 en ce sens que la BNS doit assurer la stabilité des prix en tenant compte de l’évolution de la conjoncture (art. 5 LBN). À cet égard, la direction géné- rale de la BNS décide de façon autonome de l’engagement de tous les instruments de politique monétaire qui ont été mis à sa disposition. La BNS a donc un mandat constitutionnel clair qui délimite simultanément le cadre de ses activités. L’indépendance de la BNS est concrétisée dans la LBN par le fait que, dans l’accomplissement des tâches de politique monétaire, la BNS et les membres de ses organes «ne peuvent ni solliciter ni accepter d’instructions du Conseil fédéral, de l’Assemblée fédérale ou d’autres organismes» (art. 6 LBN). En guise de contrepoids à cette indépendance3 , le législateur a prévu une obligation d’informer et de rendre des comptes (art. 7 LBN). Ainsi, avant de prendre des décisions importantes en matière de politique économique et monétaire, le Conseil fédéral et la BNS doivent s’informer mutuellement de leurs intentions, ce qui ne restreint pas pour autant l’autonomie décisionnelle de la BNS. 2.2 Mandat et tâches 2.2.1 Évolution des compétences de la BNS Les tâches de la BNS ont profondément changé depuis sa création en 1907. Au dé- but, la BNS devait assumer des tâches qui étaient principalement de nature technique, telles que l’approvisionnement de l’économie suisse en billets de banque et l’encouragement du trafic des paiements sans numéraire avec son système de virement. La stabilité de la valeur de la monnaie était d’abord garantie par la parité-or du franc suisse. Puis, dans le système de cours de change fixes de Bretton Woods, la BNS devait acheter et vendre des dollars américains selon un schéma prédéfini, afin de maintenir la parité du franc suisse. Avec le passage à des cours de change flexibles, en 1973, la BNS a eu pour la première fois la possibilité de piloter les taux d’intérêt et, indirectement, l’évolution de 1 RS 101 2 RS 951.11 3 Message 02.050 concernant la révision de la loi du 26 juin 2002 sur la Banque nationale, 5742 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 7/87 l’économie à court terme, dans le cadre de son mandat légal. De ce fait, son autonomie en matière de politique monétaire a sensiblement augmenté. L’obligation faite à la banque centrale d’assurer la stabilité des prix s’est substituée au rattachement du franc à l’or après la suppression formelle de la parité-or4 . Globalement, la BNS a vu ses tâches évoluer d’une activité bancaire technique et réglementée vers un mandat de politique monétaire et économique. Son pouvoir d’appréciation et par conséquent sa responsabilité envers le public ont augmenté5 . Le mandat et les tâches de la BNS étaient au cœur de la révision totale de la LBN de 2003. Il s’agissait principalement de préciser le contenu de l’art. 99, al. 2, Cst. dans la loi. Pour concrétiser le mandat constitutionnel de la BNS, le groupe d’experts de l’époque avait proposé d’inscrire dans la loi un objectif prioritaire de stabilité des prix, en obligeant toutefois aussi la BNS à tenir compte de l’évolution de la conjoncture. Des fronts politiques se formèrent lors de la procédure de consultation et lors des débats parlementaires. Tandis que les partis de gauche et les syndicats souhaitaient que les objectifs de plein emploi et d’une croissance économique équilibrée soient mis au moins sur un pied d’égalité avec l’objectif de stabilité des prix, le PRD (actuel PLR), l’UDC et economiesuisse voulaient affirmer davantage le caractère prioritaire de la stabilité des prix et éliminer la notion d’intérêt général. Une majorité de cantons, le PDC, l’Union suisse des arts et métiers, l’Association suisse des banquiers ainsi que la BNS elle-même avaient soutenu la version du Conseil fédéral. La proposition médiane du Conseil fédéral finit par s’imposer à une nette majorité. Elle subit néanmoins une légère modification: dans l’avant-projet du groupe d’experts et du Conseil fédéral, la BNS devait «observer» l’évolution de la conjoncture, tandis que dans la version définitive elle doit en «tenir compte» pour mener une politique monétaire dans l’intérêt général du pays. 2.2.2 Intérêt général du pays La notion d’«intérêt général du pays» figure à la fois dans l’article constitutionnel sur la Banque nationale et dans la LBN. Dans le cas de la politique monétaire, l’intérêt général s’interprète, selon le message du Conseil fédéral, de la manière suivante: la BNS doit axer sa politique monétaire sur les besoins de l’économie suisse dans son ensemble et veiller à un cadre moné- taire optimal pour l’économie, sans se préoccuper des problèmes propres à une ré- gion ou à une branche particulière. Cette formulation souligne également la responsabilité globale de la BNS en matière de politique économique, et le fait que la politique monétaire s’inscrit dans le cadre général de la politique économique de la Confédération (art. 100 Cst.)6 . Elle indique également que la BNS doit résoudre au mieux de l’intérêt général du pays d’éventuels conflits entre l’objectif de stabilité des prix et la prise en compte de l’évolution de la conjoncture. La stabilité de la conjoncture et de l’emploi jouent un rôle majeur en relation avec l’article constitutionnel relatif à 4 Message (2002), 5732 5 Message (2002), 5665 s. 6 Message (2002), 5731 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 8/87 l’économie. De plus, la BNS doit tenir compte des effets à long terme de ses décisions sur l’intérêt général du pays et estimer de manière réaliste ses possibilités d’action lorsque de fortes turbulences secouent les marchés internationaux. 2.2.3 Garantie de la stabilité des prix Selon la loi, l’objectif prioritaire de la BNS consiste à garantir la stabilité des prix tout en tenant compte de l’évolution de la conjoncture. Dans les limites de ce cadre légal, la banque centrale définit elle-même ce qu’elle entend par «stabilité des prix» (cf. ch. 3.2.1). La stabilité des prix est une condition importante d’une croissance économique durable et de la prospérité. Tant l’inflation que la déflation (respectivement une hausse ou un repli durable du niveau des prix) entravent le bon développement de l’économie, parce qu’elles empêchent les consommateurs et les producteurs de décider sereinement de l’affectation des facteurs travail et capital, et qu’elles peuvent conduire à une réaffectation des revenus. En cherchant à garantir la stabilité des prix, la BNS contribue à créer des conditions favorables permettant à l’économie d’utiliser pleinement son potentiel de production. La politique monétaire vise ainsi une stabilité des prix à moyen et long termes. Il est judicieux d’obliger la BNS à garantir en premier lieu la stabilité des prix, car une inflation ou une déflation durable peut être la manifestation d’un déséquilibre de l’approvisionnement monétaire. Or, la banque centrale exerce une influence déterminante sur cet approvisionnement. De fait, la stabilisation des prix va généralement de pair avec une stabilisation de la conjoncture. Sur le court terme, il peut se produire des mouvements des prix que la BNS ne parvient à influencer que de manière limitée. Tel est par exemple le cas de fluctuations de change extrêmes ou de fortes variations des cours pétroliers. Depuis la dernière crise financière, ces facteurs ont eu un effet modérateur sur l’évolution des prix. La Suisse, petit pays à l’économie ouverte, est particulièrement exposée à des fluctuations du niveau des prix dues à des variations des cours de change, et la BNS ne parvient pas toujours à compenser entièrement ces facteurs d’influence passagers. Une politique monétaire prévoyante doit donc plutôt se concentrer sur le renchérissement et s’employer à le ramener dans une fourchette de stabilité des prix à moyenne échéance. Cette optique à moyen et long termes donne aussi à la BNS la marge de manœuvre dont elle a besoin pour tenir compte des effets de la politique monétaire sur l’évolution de la conjoncture. Une lutte trop vive contre l’inflation peut par exemple avoir des effets indésirables sur le marché du travail. Dans ce cas de figure, l’obligation de garantir la stabilité des prix sur le moyen et le long terme permet à la BNS de lutter progressivement contre le renchérissement. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 9/87 Encadré 1: Inflation et déflation L’inflation est problématique parce qu’elle entraîne des coûts. Dans le cas d’une inflation attendue ou anticipée, ces coûts sont les suivants: (i) les coûts de transaction et d’adaptation, par exemple l’adaptation fréquente des menus et des étiquettes de prix qui augmentent souvent; (ii) les coûts d’une forte variabilité, car plus le taux d’inflation est élevé, plus grande sera la variabilité des prix relatifs; (iii) les coûts relatifs aux lois sur les impôts, dont les taux ne prennent pas en compte l’inflation (progression à froid); (iv) les coûts de la perte du repère que constitue la valeur de la monnaie. Lorsque l’inflation est inattendue, ses effets sont plus pernicieux que ceux mentionnés ci-dessus. D’une part, l’inflation non anticipée entraîne des redistributions de richesses entre les individus. Par exemple, si l’inflation est plus élevée que prévu, les débiteurs sont gagnants et les créanciers perdants, parce que les débiteurs rembourseront leur prêt avec une monnaie qui a moins de valeur. Les épargnants sont aussi du côté des perdants. D’autre part, une inflation inattendue affecte les rentes non indexées versées aux individus, qui subissent alors une baisse de leur pouvoir d’achat. La diminution du niveau des prix, c’est-à-dire la déflation, peut également avoir des conséquences néfastes. La déflation peut en effet engendrer des spirales qui provoquent ou accentuent une récession et dont il est très difficile de sortir, principalement à cause des mécanismes suivants. Premièrement, les ménages, anticipant une baisse continue des prix, reportent leurs achats, contribuant ainsi à réduire la demande aux entreprises. Ces dernières, anticipant une diminution de leurs bénéfices, réduisent leur production, ce qui contribue à l’augmentation du chômage, à la baisse des salaires et à celle du revenu disponible des ménages. Il en résulte un impact négatif sur l’évolution économique. Deuxièmement, la déflation augmente mécaniquement le coût réel de la dette et détériore la situation des emprunteurs, tant des entreprises, qui réduisent leurs investissements, que des ménages, qui auront tendance à augmenter leur épargne, à diminuer leur consommation et donc la demande aux entreprises. La déflation peut entraîner l’insolvabilité des débiteurs. À l’instar de l’inflation, la déflation conduit donc aussi à une redistribution indésirable des richesses et à une distorsion des prix qui rend plus difficile leur appréciation correcte par les acteurs économiques. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 10/87 2.2.4 Prise en compte de l’évolution de la conjoncture Lorsqu’elle définit la direction à donner à sa politique monétaire, la BNS est tenue de prendre en compte la situation conjoncturelle7 . Elle doit résoudre d’éventuels conflits entre l’objectif de stabilité des prix et la prise en compte de l’évolution de la conjoncture dans l’intérêt général du pays (art. 5, al. 1, LBN)8 . Cela signifie que la BNS doit doser sa politique monétaire de manière à garantir la stabilité des prix à moyen et long termes. Ce faisant, elle dispose d’une marge de manœuvre suffisante pour tenir compte de l’évolution de la production et de l’emploi. Il ne fait aucun doute que la politique monétaire peut influer sur l’évolution de l’économie à court terme. La stabilisation de la conjoncture est importante car celle-ci a une incidence directe sur l’emploi et le chômage. Cela permet également d’éviter à long terme des coûts sur le marché du travail et en termes d’assurances sociales. La stabilisation de la conjoncture est d’autant plus importante dans un petit pays ouvert où les possibilités de politique budgétaire à des fins conjoncturelles sont limitées. Toutefois, la politique monétaire ne peut pas compenser intégralement les fluctuations conjoncturelles. 2.2.5 Tâches principales de la BNS Le mandat constitutionnel de la BNS est précisé à l’art. 5 LBN. En plus de la conduite de la politique monétaire à proprement parler, qui fait l’objet de l’al. 1, cette disposition énumère à l’al. 2 les tâches principales qui incombent à la BNS dans le domaine de la politique monétaire et qui concrétisent le mandat de la banque d’émission. Approvisionnement en liquidités: la BNS doit approvisionner le marché monétaire en francs suisses. Les instruments et les procédures que la BNS met en œuvre pour approvisionner en liquidités le marché monétaire en francs suisses sont définis dans les directives de la BNS sur la politique monétaire9 , qui sont édictées par la direction gé- nérale (art. 18, al. 2, let. b, du règlement d’organisation [ROrg]). Le mandat d’approvisionnement en liquidités recouvre aussi le rôle de prêteur ultime (lender of last resort) qui revient à la BNS en cas de crise: à certaines conditions, elle peut mettre des liquidités supplémentaires à la disposition d’une banque d’importance systémique, comme elle l’a fait dans le cadre des mesures adoptées en 2008 en faveur d’UBS SA. Approvisionnement en numéraire: la BNS assure l’approvisionnement en numéraire en Suisse et elle a le droit exclusif d’émettre les billets de banque suisses. Les détails sont réglés aux art. 7 à 9 de la loi fédérale sur l’unité monétaire et les moyens de paiement10. Sur mandat de la Confédération, la BNS met également des pièces de monnaie en circulation. Systèmes de paiement sans numéraire: la LBN oblige la BNS à faciliter et à assurer le bon fonctionnement de systèmes de paiement sans numéraire. La BNS joue un rôle 7 Message (2002), 5646, 5656 8 Message (2002), 5731 9 Directives générales de la Banque nationale suisse du 25 mars 2004 sur ses instruments de politique monétaire 10 RS 941.10 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 11/87 de premier plan dans le trafic des paiements sans numéraire en Suisse. Elle assume le rôle d’administrateur et de surveillant du système suisse de compensation interbancaire, le Swiss Interbank Clearing (SIC). Les paiements SIC sont exécutés au moyen des comptes de virement de la BNS. Gestion des réserves monétaires: la LBN confie également à la BNS la tâche de gé- rer les réserves monétaires, dont une part doit consister en or en vertu de l’art. 99, al. 3, Cst. Les actifs de la BNS remplissent d’importantes fonctions sur le plan moné- taire. En plus de la part d’or, ils sont formés principalement de placements en monnaies étrangères et, pour une faible part, d’actifs financiers en francs. Leur montant et leur composition dépendent du régime monétaire en vigueur et des besoins de la politique monétaire. Le placement des actifs obéit à des critères de sécurité, de liquidité et de rendement et repose sur des analyses approfondies des risques et des rendements. Il n’a pas la priorité sur la conduite de la politique monétaire. La BNS investit principalement les réserves monétaires en emprunts obligataires. Depuis 2005, elle en place aussi une partie dans des actions, mais elle n’agit pas en qualité d’investisseur stratégique. En 2013, elle a décidé «de ne pas investir dans des actions d’entreprises qui produisent des armes prohibées par la communauté internationale, qui violent massivement les droits humains fondamentaux ou qui causent de manière systé- matique de graves dommages à l’environnement»11. Les principes de la politique de placement, les instruments de placement ainsi que les processus de placement et de contrôle des risques sont décrits de manière détaillée dans les directives de la BNS sur la politique de placement12, qui sont édictées par la direction générale (art. 18, al. 2, let. c, ROrg). La BNS publie le résultat des placements des réserves monétaires et des placements en francs. Contribution à la stabilité du système financier: la LBN demande enfin à la BNS de contribuer à la stabilité du système financier. La BNS analyse à cette fin les développements observés sur les marchés financiers et ceux touchant aux infrastructures des marchés financiers. Elle assume cette fonction en créant un cadre approprié afin que les piliers du système financier (monnaie, banques, infrastructures des marchés financiers) soient robustes et puissent absorber les chocs, mais aussi en surveillant les infrastructures des marchés financiers qui sont importantes pour le bon fonctionnement du système (infrastructures des marchés financiers d’importance systémique; cf. art. 19 à 21 LBN et art. 22 ss LIMF). Cette tâche comporte aussi l’obligation, en cas de crise systémique, de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour protéger l’ensemble du système et son bon fonctionnement. Pour assumer cette tâche, la BNS contribue à des projets de réforme sur le plan national, en collaboration avec la Confédération et l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Elle est également active en permanence sur le plan international au sein du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB) et du Comité sur les systèmes de paiement et de règlement (CSPR) de la Banque des règlements internationaux (BRI). Elle participe aussi à plusieurs groupes de travail internationaux qui s’intéressent à la question de la stabilité du système financier (comme le Conseil de stabilité financière [Financial Stability Board, FSB]). Enfin, la fonction de prêteur ultime qui incombe à la BNS fait aussi partie des tâches visant à assurer la stabilité du système financier. La collaboration entre la BNS et la FINMA en matière de stabilité financière fait l’objet d’un protocole d’accord (Memorandum of Understanding) depuis 2007. En vertu de 11 BNS, Rapport de gestion 2013, p. 15 et 64 12 Directives générales de la Banque nationale suisse du 27 mai 2004 sur la politique de placement e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 12/87 ce document, la FINMA met l’accent sur la surveillance des acteurs qui interviennent sur le marché (surveillance des institutions, réglementation microprudentielle) tandis que la BNS veille au bon fonctionnement du système financier (surveillance systé- mique, réglementation macroprudentielle). L’art. 5 LBN attribue encore deux autres tâches à la BNS: d’une part, la participation à la coopération monétaire internationale en collaboration avec le Conseil fédéral et, d’autre part, la fourniture de services bancaires à la Confédération. Pour qu’elle puisse accomplir toutes ces tâches, le législateur a doté la BNS d’une sé- rie d’instruments opérationnels et d’instruments relevant de la puissance publique. La direction générale décide de façon autonome de l’engagement de tous les instruments de politique monétaire mis à sa disposition13. Les instruments opérationnels sont dé- finis aux art. 9 ss LBN et ceux relevant de la puissance publique aux art. 14 ss (statistiques), 17 s. (réserves minimales) et 19 ss (surveillance). Lors de la révision totale de la LBN de 2003, le législateur a volontairement fait table rase du catalogue dé- taillé des opérations que la BNS était autorisée à pratiquer, lui préférant une description souple et non exhaustive d’instruments opérationnels, en se fondant sur les tâches principales de la BNS14. Selon le message, il s’agissait d’étendre la marge de manœuvre de la BNS sur le plan des opérations afin «qu’elle puisse assumer ses tâches de manière optimale face à l’évolution des marchés financiers» sans qu’il soit nécessaire de réviser la loi à chaque nouveau développement15. Pour tenir compte de la marge discrétionnaire que lui confère cette description souple des instruments opé- rationnels, la BNS a précisé de quelle manière elle entendait les mettre en œuvre dans ses directives sur la politique monétaire et sur la politique de placement. Ces directives peuvent certes être modifiées en tout temps, et rapidement, par la direction générale. Néanmoins elles lient dans une certaine mesure la BNS en créant la transparence sur la conduite de la politique monétaire16 . 2.2.6 Évolution des compétences depuis 2003 Les tâches principales de la BNS n’ont pas changé depuis la révision totale de la LBN de 2003, mais quelques compétences supplémentaires s’y sont ajoutées. Too big to fail: en 2011, dans le sillage de la crise financière de 2008, de nouvelles exigences visant les banques d’importance systémique ont fait leur entrée dans la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d’épargne (loi sur les banques, LB; RS 952.0) 17. Les compétences en la matière sont partagées entre la BNS et la FINMA: tandis que la BNS désigne les banques d’importance systémique et les fonctions de ces banques qui ont une importance systémique (art. 8, al. 3, LB), la FINMA définit les exigences particulières que chaque banque doit remplir (art. 10, al. 1, LB). Ces dernières années, la BNS a qualifié d’établissements d’importance systémique les deux plus grandes banques de Suisse – UBS SA et Credit Suisse 13 Message (2002), 5677 14 Kuhn, in: Mélanges 1907-2007, p. 549 15 Message (2002), 5746 16 Kuhn, in: Mélanges 1907-2007, p. 548 ss 17 Loi fédérale du 30 septembre 2011 (Renforcement de la stabilité dans le secteur financier), FF 2011 4365 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 13/87 Group SA –, de même que la Banque cantonale de Zurich (ZKB), le Groupe Raiffeisen et PostFinance SA. L’attribution de cette compétence à la BNS repose explicitement sur sa tâche légale consistant à contribuer à la stabilité du système financier ainsi que sur sa fonction de prêteur ultime, qui est étroitement liée à la définition de l’importance systémique, étant donné qu’une aide exceptionnelle sous forme de liquidités ne peut être accordée qu’aux banques d’importance systémique18 . Volant anticyclique de fonds propres: depuis juillet 2012, le Conseil fédéral peut, sur proposition de la BNS, activer le volant anticyclique de fonds propres prévu à l’art. 44 de l’ordonnance du 1er juin 2012 sur les fonds propres et la répartition des risques des banques et des négociants en valeurs mobilières (ordonnance sur les fonds propres, OFR). Le volant anticyclique vise, premièrement, à protéger le secteur bancaire des conséquences d’une croissance excessive du crédit en renforçant sa capacité d’absorber des pertes. Deuxièmement, il entend combattre les risques d’une telle croissance en rendant l’octroi de crédits moins attrayant. Composante importante de Bâle III, le volant anticyclique sera activé seulement si des déséquilibres semblent s’accumuler sur le marché du crédit. Il sera instauré dans la plupart des pays au cours des prochaines années. Conformément à l’art. 44 OFR, la BNS consulte la FINMA sur son appréciation de la situation avant de soumettre officiellement une proposition au Conseil fédéral. Ce dernier prend la décision finale concernant l’activation, le niveau, l’ajustement ou la désactivation du volant anticyclique de fonds propres ainsi que les délais dont les banques disposent pour ajuster leurs fonds propres. La FINMA supervise la mise en œuvre au niveau des banques prises individuellement. Ces exigences peuvent viser soit l’ensemble des actifs pondérés en fonction des risques (volant étendu) soit une partie seulement des actifs, comme les cré- dits hypothécaires, à concurrence de leur pondération en fonction des risques (volant sectoriel). Au début de 2013, la BNS a demandé pour la première fois au Conseil fé- déral d’activer le volant anticyclique de fonds propres, puis, en 2014, elle lui a proposé de relever le volant sectoriel pour le porter de 1 % à 2 % des positions des banques garanties par des gages immobiliers et pondérées en fonction des risques (prêts hypothécaires). Le Conseil fédéral a donné suite aux deux propositions de la BNS. Jusqu’à présent, le volant anticyclique de fonds propres n’a été activé que de manière sectorielle, dans le but de contrer de manière ciblée certains développements du marché hypothécaire. Un volant anticyclique plus étendu aurait touché les fonds propres couvrant d’autres types de crédits, en particulier les crédits commerciaux, mais cette mesure n’a pas encore été envisagée. Droit d’obtenir des renseignements d’ordre macroprudentiel: la BNS peut collecter des données statistiques auprès des intervenants des marchés financiers en vertu des art. 14 ss LBN. Ces informations sont certes importantes pour garantir le suivi macroprudentiel des marchés financiers, mais elles ne suffisent pas. Notamment à la lumière de la crise des marchés financiers, l’expérience a montré que la BNS avait besoin de données quantitatives, mais pas d’informations standardisées sur l’exposition des banques à certains facteurs de risque ou sur leur capacité de résistance (telle qu’elle ressort des tests de résistance). De même, pour assurer sa tâche d’observation du secteur bancaire, la BNS a besoin d’informations qualitatives, dont fait partie l’évaluation des banques quant à certaines évolutions constatées dans leur environnement. La révision partielle de la LBN de 2015 a donc créé une nouvelle disposition 18 Message du 20 avril 2011 concernant la révision de la loi sur les banques (Renforcement de la stabilité du secteur financier, too big to fail), FF 2011 4365, 4394 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 14/87 (art. 16a) qui confère à la BNS le droit d’exiger des intervenants du marché, en sus des informations statistiques, tous renseignements et documents de nature «non statistique» pour autant qu’elle en ait besoin pour accomplir son mandat légal. 2.3 Indépendance et obligation de rendre des comptes 2.3.1 Portée de l’indépendance Lors de la révision totale de la Constitution fédérale, en 1998, le constituant suisse a décidé d’inscrire explicitement l’indépendance de la BNS dans la loi fondamentale. Il voulait assurer la position de la banque centrale comme organe indépendant de la Confédération chargé de mener la politique monétaire19 . L’indépendance d’une banque centrale consiste généralement en une indépendance institutionnelle, une indépendance fonctionnelle, une indépendance financière et une indépendance des membres de l’organe dirigeant. Ces quatre aspects se retrouvent aussi dans la LBN20 . L’indépendance institutionnelle trouve son expression dans le fait que la banque centrale est dotée d’une personnalité juridique et d’une organisation propres. Cela permet de s’assurer que l’État n’interfère pas dans les décisions de politique monétaire ou n’affecte pas le patrimoine de la BNS à des tâches sans lien avec celles d’une banque d’émission. Plusieurs formes juridiques auraient été possibles, mais le législateur a décidé que le statut de société anonyme régie par une loi spéciale (art. 1, al. 1, LBN) était le plus approprié pour garantir l’indépendance de la BNS21 . L’indépendance fonctionnelle de la BNS est concrétisée dans la LBN par le fait que, dans l’accomplissement des tâches de politique monétaire, la BNS et les membres de ses organes «ne peuvent ni solliciter ni accepter d’instructions du Conseil fédéral, de l’Assemblée fédérale ou d’autres organismes» (art. 6 LBN). Cela permet de s’assurer que la BNS accomplit ses tâches essentielles sans tenir compte des influences de la politique, qui poursuit souvent des objectifs à court terme. L’indépendance financière a deux facettes. La première est l’autonomie financière et budgétaire de la BNS, qui facilite la mise à disposition optimale, par la banque centrale, des ressources dont elle a besoin pour remplir sa mission. Dans ce cadre, le conseil de banque a notamment pour tâche d’édicter un règlement régissant la rémunération des organes de surveillance et de direction de la BNS ainsi qu’un règlement régissant les salaires du personnel de la BNS (cf. art. 42, al. 2, let. j et k, LBN). La seconde facette de l’indépendance financière de la BNS est l’interdiction formelle d’accorder des crédits et des facilités de découvert à la Confédération, de même que d’acquérir, à l’émission, des titres de la dette publique (art. 11, al. 2, LBN), ce qui est censé éviter que l’État recoure à la planche à billets pour rembourser ses dettes. 19 Message (2002), 5657 20 Message (2002), 5657 ss 21 Nouvelle loi sur la Banque nationale, Rapport et projet du groupe d’experts «Réforme du régime monétaire» du 16 mars 2001, p. 27 s. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 15/87 L’indépendance des membres de l’organe dirigeant est garantie par la durée fixe de leur mandat (six ans) et par des possibilités très limitées de les révoquer. En effet, le Conseil fédéral ne peut révoquer un membre du conseil de banque ou de la direction générale, ou même un suppléant, pendant la durée de son mandat que s’il ne remplit plus les conditions nécessaires à l’exercice de son mandat ou s’il a commis une faute grave (art. 41, al. 3, et 45, al. 1, LBN). On s’assure de la sorte que les organes dirigeants, et en premier lieu la direction générale, peuvent agir et prendre leurs décisions sans être soumis à aucune influence politique, puisqu’ils n’ont pas à craindre d’être destitués pour cause de divergences de vues avec le Conseil fédéral. 2.3.2 Recherche d’un équilibre entre indépendance et légitimité démocratique L’indépendance de la BNS est en quelque sorte en porte-à-faux avec la conception démocratique des institutions dans un État de droit: la BNS dispose en effet de nombreuses compétences et responsabilités, elle doit accomplir une mission publique dé- finie dans la Constitution et jouit pour cela d’une très ample autonomie, mais elle n’est pas subordonnée à l’administration centrale. De plus, ses décisions sont prises par un petit comité qui n’est pas élu par le peuple. Dans le contexte de crise (financière) de ces dernières années, la politique monétaire a gagné en importance et en visibilité, ce qui soulève des questions quant à la légitimité démocratique de la BNS et de ses organes dirigeants, bien que le cadre institutionnel de la BNS n’ait pas changé. Cela pourrait s’expliquer par le fait que, depuis l’éclatement de la crise financière, la BNS, à l’instar d’autres banques centrales à travers le monde, a été contrainte de recourir à des mesures de politique monétaire dites non conventionnelles, en plus des instruments de politique monétaire classiques, et ce dans des proportions encore iné- dites. La politique monétaire menée par les banques centrales a contribué à éviter un effondrement de l’économie mondiale et c’est la raison pour laquelle elles sont aujourd’hui plus que jamais sous les feux de la rampe. Une banque centrale doit pouvoir prendre ses décisions sans tenir compte des influences politiques, car les modifications des taux d’intérêt se répercutent d’abord sur la conjoncture et seulement dans un deuxième temps sur le niveau des prix. L’expé- rience montre que les banques centrales qui ne sont pas indépendantes fixent le niveau des taux de façon à stimuler la conjoncture à court terme, souvent sous la pression du politique, et que l’objectif de stabilité de prix passe alors inévitablement au second plan. Il s’ensuit une hausse rapide et une volatilité des prix qui se traduit par des pertes d’efficacité et, à long terme, par une croissance atone. C’est justement parce que les banques centrales sont amenées à prendre leurs décisions plus rapidement que la politique et parce que ces décisions peuvent avoir une influence capitale sur l’économie qu’elles risqueraient d’être instrumentalisées par la politique si elles n’étaient pas indépendantes. L’indépendance aide ainsi, en quelque sorte, la banque centrale à poursuivre son objectif de politique monétaire22. Dans l’accomplissement de ses tâches, la BNS a elle aussi besoin de l’indépendance nécessaire pour mener une politique monétaire axée sur la stabilité et servant les intérêts généraux du pays. 22 Pour un aperçu de la littérature sur ce sujet, cf. Berger, H., De Haan, J. et Eijffinger, S. C.W. (2001), Central Bank Independence: An Update of Theory and Evidence. Journal of Economic Surveys, 15: p. 3 à 40 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 16/87 Pour donner une légitimité démocratique à l’indépendance d’une banque centrale, deux conditions doivent être remplies: premièrement, il faut un mandat clair, qui limite la marge de manœuvre et la marge discrétionnaire de la banque centrale (cf. ch. 2.2). Deuxièmement, la banque centrale doit rendre des comptes de manière détaillée sur ses activités et sur les objectifs qu’elle a atteints (cf. ch. 2.3.3), afin de garantir la transparence de son action vis-à-vis des tiers. Cette transparence garantit la légitimité démocratique de l’indépendance de la banque centrale. 2.3.3 Obligation de rendre des comptes L’obligation de rendre compte (art. 7 LBN) est étroitement liée à l’indépendance de la BNS: le législateur l’a voulue comme un contrepoids à l’indépendance. Cette obligation se fonde sur la notion d’«indépendance liée à une obligation de rendre compte» (accountable independence) 23 de la banque centrale: en obligeant la BNS à expliquer régulièrement sa politique et à rendre compte de ses décisions, son statut d’organe indépendant acquiert la légitimité démocratique nécessaire dans un État de droit et son activité devient transparente24. Le principe de l’obligation de rendre des comptes est inscrit à l’art. 7 LBN et s’inspire des statuts du Système européen de banques centrales. Il s’articule autour de trois axes: l’information préalable du Conseil fédéral (al. 1), les comptes rendus à l’Assemblée fédérale (al. 2) et l’information du public (al. 3). 2.3.3.1 Obligation de rendre des comptes au Conseil fédéral L’obligation de rendre des comptes au Conseil fédéral comporte trois éléments: (i) l’examen régulier de la situation, (ii) l’obligation de s’informer mutuellement avant de prendre des décisions importantes et (iii) l’approbation du rapport annuel et des comptes annuels par le Conseil fédéral. Examen régulier de la situation: la BNS examine régulièrement avec le Conseil fé- déral la situation économique, la politique monétaire et les questions d’actualité en relation avec la politique économique de la Confédération. Il s’agit d’échanges d’informations entre la direction générale de la BNS et la délégation du Conseil fédéral pour les questions financières et fiscales internationales. Ces échanges ont généralement lieu trois fois par an. En outre, le président de la direction générale est convié à un entretien avec le collège gouvernemental en fin d’année, afin de faire le point sur la situation conjoncturelle et sur les perspectives économiques. Cela n’affecte pas l’autonomie décisionnelle de la BNS. Si c’était le cas, l’obligation de rendre des comptes au Conseil fédéral serait inévitablement en conflit avec le principe de l’indé- pendance à l’égard de toute instruction. Information mutuelle: avant de prendre des décisions importantes en matière de politique économique et monétaire, le Conseil fédéral et la BNS s’informent mutuellement de leurs intentions. Cette obligation avait été créée lors de la révision de la 23 Concernant cette notion, cf. Lastra Rosa Maria, Central Banking and Banking Regulation, Londres 1996, p. 49 ss 24 Message (2002), 5658 s. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 17/87 LBN de 1978. À l’époque, elle ne prévoyait pas uniquement la réciprocité de l’information, mais également une concertation entre la BNS et le Conseil fédéral25. La nouvelle disposition avait été justifiée par le rôle nouveau que devait assumer la BNS en matière de politique monétaire: alors que, dans le système des taux de change fixes de Bretton Woods, la BNS devait avant tout garantir la stabilité extérieure de la monnaie, le passage au système des taux de change flottants, en 1973, s’est traduit par un élargissement des compétences décisionnelles de la direction générale. En permettant à la BNS de piloter désormais l’offre de francs suisses en toute autonomie, on a transféré à la BNS des compétences du Conseil fédéral pour déterminer la valeur extérieure de la devise. Les tâches de la BNS, de nature plutôt technique, se sont transformées en un mandat de politique économique, avec pour corollaire un renforcement de sa responsabilité à l’égard du public. Lors de la révision de 1978, l’introduction d’une obligation pour la BNS et le Conseil fédéral de s’informer réciproquement et de se concerter visait à prendre en compte l’évolution du contexte26 . Lors de la révision totale de la LBN de 2003, l’obligation de se concerter n’a volontairement pas été reprise dans la loi afin de garantir l’indépendance fonctionnelle de la BNS27. Si ce devoir de concertation avait été maintenu, cela aurait pu signifier que le degré de rigueur de la politique monétaire nécessitait l’aval du Conseil fédéral, ce qui aurait été en contradiction avec l’indépendance à l’égard de toute instruction28 . Depuis la révision de 2003, la BNS a durablement à sa disposition tous les instruments opérationnels et ceux relevant de la puissance publique qui sont nécessaires à la conduite de la politique monétaire. La BNS assume l’entière responsabilité des tâches qui lui sont confiées et le Conseil fédéral est seul responsable des décisions de politique économique fédérale qu’il prend dans sa sphère de compétence29 . Approbation du rapport annuel et des comptes annuels: le rapport annuel et les comptes annuels de la BNS sont soumis à l’approbation du Conseil fédéral avant d’être présentés à l’assemblée générale. Si l’examen de la situation économique et de la politique monétaire représente le contrepoids à l’indépendance fonctionnelle de la BNS, l’approbation du rapport annuel et des comptes annuels est le contrepoids à son indépendance financière, notamment sur le plan budgétaire. Elle est ainsi l’expression du concours des autorités fédérales à l’administration de la BNS et de la surveillance qu’exerce la Confédération30 . 2.3.3.2 Obligation de rendre des comptes à l’Assemblée fédérale La BNS présente chaque année à l’Assemblée fédérale un rapport formel rendant compte de l’accomplissement de ses tâches. Ce compte rendu d’activité est publié par la BNS en tant que partie intégrante de son rapport de gestion. En outre, les membres de la direction générale exposent régulièrement la situation économique et 25 Art. 2, al. 2, aLBN (1978): «Lorsqu’il s’agit de prendre d’importantes décisions en matière de politique conjoncturelle et monétaire, le Conseil fédéral et la Banque nationale s’informent de leurs intentions et se concertent préalablement.» 26 Message (2002), 5667 s. 27 Message (2002), 5677 28 Message (2002), 5743 29 Message (2002), 5677 et 5743 30 Message (2002), 5743 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 18/87 la politique monétaire de la BNS aux commissions de l’Assemblée fédérale compé- tentes. Les débats sur le compte rendu d’activité étant soumis au secret des commissions, les parlementaires ont la possibilité de poser des questions et de mener des discussions critiques avec les membres de la direction générale. L’Assemblée fédérale représente le peuple et joue à ce titre un rôle important dans la légitimation démocratique de la politique monétaire de la BNS. Le compte rendu d’activité adressé à l’Assemblée fédérale est toujours «rétrospectif», afin que les parlementaires ne disposent pas d’informations avant le public et les marchés31. Si le Parlement devait mener des auditions publiques, il est probable que le compte rendu d’activité adressé aux chambres ne serait pas aussi approfondi, et les explications de la direction générale n’iraient probablement pas plus loin que ce qu’elle communique de toute manière lors de ses conférences de presse semestrielles et des appréciations de situation trimestrielles. 2.3.3.3 Information du public Le troisième axe de l’obligation de rendre des comptes consiste à informer régulièrement le public de la politique monétaire et de faire part des intentions de la BNS en la matière (art. 7, al. 3, LBN). De cette manière, la BNS garantit la transparence de sa politique monétaire et l’opinion publique peut apprécier si, sur le long terme, la banque centrale atteint l’objectif que lui assignent la Constitution et la loi. Dans ses communiqués de presse trimestriels sur la situation économique et moné- taire, la BNS explique ses décisions de politique monétaire en se fondant sur les pré- visions d’inflation et sur son appréciation de la situation économique. Deux fois par an, elle tient en outre une conférence de presse. Dans son rapport trimestriel sur la politique monétaire, la BNS publie les données détaillées sur lesquelles se fonde son appréciation de la situation. La communication, par la BNS, de son appréciation de la situation conjoncturelle en Suisse et à l’étranger ainsi que d’indicateurs monétaires doit permettre à l’opinion publique de mieux anticiper l’évolution future de l’approvisionnement en monnaie de l’économie suisse32. Par ailleurs, la BNS publie chaque semaine des données importantes de politique monétaire ainsi que les résultats des émissions d’emprunts de la Confédération et de créances comptables à court terme sur la Confédération. Elle publie mensuellement les taux d’intérêt et les cours de change, et commente les données recueillies dans des rapports. Les postes du bilan de la BNS ainsi que des données macroéconomiques se trouvent sur le site Internet de la BNS. La BNS publie en outre un bulletin trimestriel, qui comprend le rapport sur la politique monétaire et les tendances conjoncturelles du réseau économique ré- gional de la BNS, destinés à la direction générale pour l’examen trimestriel de la situation économique et monétaire. Dans le cadre de ses activités statistiques, la BNS propose également une vaste offre de données significatives pour la politique moné- taire et pour l’observation de l’économie. Enfin, le compte rendu d’activité annuel, dans lequel la BNS commente sa politique monétaire à l’intention de l’Assemblée fé- dérale, est publié en tant que partie intégrante du rapport de gestion de la BNS. La BNS dispose de représentations (bureaux des délégués) dans les villes de Bâle, Berne, Genève, Saint-Gall, Lugano, Lausanne, Lucerne et Zurich. Les délégués aux relations avec l’économie régionale représentent la BNS dans les régions de Suisse. 31 Message (2002), 5744 32 Message (2002), 5744 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 19/87 Ils ont pour tâche d’informer la direction générale de l’évolution économique des différentes régions, grâce aux contacts qu’ils entretiennent avec les entreprises locales. Par ailleurs, en tant qu’ambassadeurs de la BNS, ils expliquent la politique menée par la banque centrale à leurs interlocuteurs, qui sont issus des milieux économiques, des autorités locales et des associations, ainsi qu’à un plus large public. Les délégués sont aidés dans leurs tâches par des conseils consultatifs régionaux, qui se composent de trois ou quatre membres, selon la taille et la structure économique de la région. Ces membres sont issus des milieux économiques de la région concernée et sont élus par le conseil de banque pour un mandat de quatre ans. Ils évaluent, à l’intention de la direction générale, la situation économique et les répercussions de la politique monétaire dans leur région. Ils communiquent leur appréciation au délégué concerné lors d’entretiens qui ont lieu en général chaque trimestre. Enfin, les membres de la direction générale, leurs suppléants ainsi que les membres de la direction donnent de nombreuses conférences et interviews. Des rencontres ont lieu régulièrement entre la direction générale et des représentants des différents secteurs de l’économie ainsi que des associations économiques. La BNS entretient donc des relations soutenues avec l’économie et les associations économiques, ce qui lui permet d’expliquer sa politique monétaire à un large public. 2.4 Conclusions concernant le mandat et l’indépendance de la BNS Le mandat de la BNS est clairement défini dans la Constitution et dans la loi. En vertu de l’art. 99, al. 2, Cst., la BNS, en qualité de banque centrale indépendante, mène une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays. Ce mandat constitutionnel est précisé dans la loi. La BNS doit garantir la stabilité des prix en tenant compte de l’évolution de la conjoncture. La stabilité des prix est une condition essentielle de la croissance et de la prospérité. En cherchant à garantir la stabilité des prix, la BNS crée des conditions favorables permettant à l’économie d’utiliser pleinement son potentiel de production. Elle définit la stabilité des prix comme une hausse durable de l’indice national des prix à la consommation inférieure à 2 %. La déflation, c’est-à-dire une baisse persistante du niveau des prix, est contraire à l’objectif de stabilité des prix. Si la stabilité des prix n’est pas en péril à moyen et long termes, la BNS dispose d’une marge d’appréciation lui permettant de tenir compte de l’évolution de la production et de l’emploi. La BNS bénéficie d’un mandat juridique clairement défini, qui fixe également le cadre de toutes ses activités. Le mandat de politique monétaire ainsi que les tâches principales de la BNS définies à l’art. 5, al. 1 et 2, LBN n’ont pas changé depuis la révision totale de la loi en 2003. De nouvelles compétences lui ont certes été attribuées entre-temps, mais toutes peuvent être rattachées à l’une des cinq tâches principales, à savoir l’obligation de contribuer à la stabilité du système financier. Les instruments dont la BNS a été dotée pour accomplir ses tâches principales se sont révé- lés suffisamment flexibles pour ordonner les mesures exceptionnelles qui ont été né- cessaires pour faire face aux récentes situations de crise. On pense notamment au train de mesures adopté dans le cadre du sauvetage d’UBS SA, à l’introduction puis à la suppression du cours plancher avec l’euro, et enfin à l’instauration des taux négatifs. Dans le sillage de la crise financière, la BNS a reçu peu de compétences supplé- mentaires comparé à la Banque centrale européenne (BCE) ou à la Banque d’Angleterre. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 20/87 Même si l’indépendance est une condition essentielle à une politique monétaire efficace et efficiente, elle atteint ses limites lorsqu’elle ne permet plus à la BNS d’exécuter ses tâches principales. L’indépendance de la BNS se réfère non pas à l’objectif de politique monétaire fixé à la BNS par la Constitution ou par le législateur, mais davantage au choix et au dosage des différents instruments disponibles pour atteindre cet objectif. Dans ce cadre légal, la direction générale décide de manière autonome d’utiliser toute la gamme d’instruments de politique monétaire à sa disposition. Pour contrebalancer l’indépendance de la BNS, le législateur a ancré dans la loi une obligation de rendre compte. La BNS étant tenue d’expliquer régulièrement sa politique et de rendre compte des décisions qu’elle a prises, son indépendance a la légitimité démocratique nécessaire dans un État de droit, et son activité est transparente. De manière générale, il convient de souligner que la politique monétaire a sensiblement gagné en importance dans le monde entier ces dernières années à la suite de la crise financière. Dans l’ensemble, le mandat et les instruments de la BNS se sont ré- vélés suffisants pour réaliser les objectifs de la politique monétaire même dans des conditions particulièrement difficiles. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 21/87 3 Fondements de la politique monétaire de la Suisse 3.1 Repères historiques Dans la première phase qui a suivi sa création, en 1907, la BNS avait pour tâche fondamentale de garantir la convertibilité du franc en or et la libre circulation des capitaux. Mais le premier conflit mondial, la grande crise économique des années 1930 puis la Seconde Guerre mondiale menèrent progressivement à l’abandon de l’étalonor sur le plan international. Un nouvel ordre monétaire international vit le jour en 1944, lors de la conférence de Bretton Woods: un système de taux de change fixes dans lequel les membres devaient s’engager à déterminer la valeur de leur monnaie par rapport au dollar américain, lequel était à son tour convertible en or (système de l’étalon de change-or). Les fluctuations de change entraînaient donc des achats et des ventes d’or ou de devises convertibles en or, qui permettaient de maintenir la parité convenue. À l’époque, la Suisse avait renoncé à adhérer aux institutions de Bretton Woods. Mais comme la parité-or du franc était toujours en vigueur33, le franc était arrimé de facto au système des taux de change fixes de Bretton Woods34 . En 1971, les États-Unis supprimèrent la convertibilité-or du dollar. En réponse à cette mesure unilatérale, les membres de la Communauté économique européenne (CEE) fondèrent en 1972 le Serpent monétaire européen. En février 1973, le système des taux de change fixes de Bretton Woods s’effondra définitivement. Les principales monnaies se mirent alors aussi à flotter librement, tandis que le Serpent moné- taire tentait de maintenir des parités stables entre les monnaies des pays d’Europe de l’Ouest. En 1973, la Suisse fut invitée à rejoindre le Serpent monétaire, à l’instar de la Norvège et de la Suède, mais elle refusa. Il était plus important pour elle de mettre à profit cette nouvelle liberté monétaire pour lutter contre l’inflation35 . Avec le passage à un système de taux de change flottants, la BNS reprit le contrôle de sa politique monétaire alors que, précédemment, elle devait toujours l’adapter de façon à maintenir la parité du franc. Elle fit usage de son autonomie monétaire pour garantir la stabilité des prix par le biais du contrôle de la croissance de la masse monétaire. Elle formula ainsi fin 1974 un premier objectif de croissance de la masse monétaire M1. Cependant, les années 1970 furent aussi une longue période d’appréciation du franc suisse contre toutes les monnaies. Cette appréciation menaçait la compétitivité de l’économie d’exportation, ce qui engendra non seulement des protestations de la part des associations économiques et des syndicats, mais aussi des interventions politiques au Parlement fédéral. Après plusieurs tentatives d’atténuer la pression à la hausse sur le franc suisse par des interventions ciblées sur le marché, la 33 Art. 38, al. 3, aCst. (1848), art. 21, al. 1, aLBN (1953) et art. 2, al. 1, de l’ancienne loi sur la monnaie (1970) 34 Klauser, in: Mélanges 1907-2007, p. 507 35 T. Straumann (2010), Fixed Ideas of Money: Small States and Exchange Rates Regimes in the Twentieth-Century Europe, Cambridge, p. 289 à 291 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 22/87 BNS finit par fixer en 1978 un taux de change plancher avec le mark allemand, la monnaie du principal partenaire économique de la Suisse (cf. encadré 2) 36, abandonnant ainsi son objectif de croissance de la masse monétaire pendant environ un an: en 1979, un taux de change nettement supérieur à 80 francs pour 100 marks fut considéré comme l’objectif déterminant de la politique monétaire de la Suisse. En 1980, la pression sur le cours du franc contre le mark s’étant relâchée, le taux de change ayant atteint plus de 90 francs pour 100 marks, la BNS revint à son objectif de croissance de la masse monétaire, qui fut dès lors formulé en tant qu’objectif de croissance de la monnaie centrale. Au début des années 1980, l’inflation grimpa en flèche, en partie sous l’effet du deuxième choc pétrolier. Elle atteignit un pic de 7 % en 1981, suivi d’une accalmie qui dura environ cinq ans. La fin des années 1980 fut marquée par une surchauffe conjoncturelle. Le krach boursier d’octobre 1987 et le spectre de la récession qu’il fit planer sur l’économie mondiale conduisirent la BNS à assouplir la politique monétaire malgré l’évolution favorable de la conjoncture domestique, et retardèrent le moment d’opérer la correction restrictive qui s’imposait37 . Début 1988, les craintes de récession se dissipèrent, et la BNS durcit sa politique monétaire. En 1987 et 1988, deux changements institutionnels entraînèrent une diminution importante de la demande de monnaie centrale: l’introduction du clearing interbancaire électronique (SIC) et la réforme des exigences légales en matière de liquidités. La BNS, focalisée sur l’évolution de la masse monétaire38, eut des difficultés à anticiper l’ampleur de ce recul. Sa politique monétaire était trop expansionniste face à la baisse de la demande des banques au titre des réserves obligatoires. Les taux d’inté- rêt à court terme tombèrent à un niveau très bas au début de 1988 (environ 2 %, cf. graphique 1), alors que la conjoncture intérieure et les exportations étaient dynamiques. La politique monétaire expansionniste conduisit à une forte poussée de l’inflation à partir de 1989, entretenue par une surchauffe conjoncturelle et un important boom immobilier spéculatif39. Durant cette période, la BNS a augmenté les taux d’intérêt dans le but de réduire l’inflation. Cela a également permis d’empêcher une dé- préciation du franc, qui avait déjà atteint le cours de 90 francs pour 100 marks en 1989. Suite à l’expérience inflationniste de la fin des années 1980, la BNS ne fixa plus d’objectif de croissance annuelle de la monnaie centrale. Elle s’orienta dès 1990 sur le moyen terme pour son objectif de masse monétaire. Dans le sillage de la récession et de la crise immobilière, l’inflation baissa dès 1991 (elle avait atteint un niveau record de quelque 7 %) et se stabilisa en dessous de 2 % à partir de 1994. Cela s’accompagna pour l’économie suisse de fortes corrections des prix sur le marché immobilier et de lourdes charges pour le secteur bancaire. On estime aujourd’hui que la politique poursuivie par la BNS entre 1992 et 1995 a été plutôt restrictive. Face à la forte inflation, la BNS a hésité en 1994 à baisser davantage les taux d’intérêt pour combattre la récession. Elle a adapté sa politique au cours des années 1995 et 1996, au vu du ralentissement de plus en plus marqué de l’économie réelle, en abaissant les 36 Straumann (2010), p. 299 37 Baltensperger (2015), p.101 ss pour la suite du paragraphe 38 Idem 39 Georg Rich, Monetary targets as a policy rule: Lessons from the Swiss experience, Journal of Monetary Economics 39, June 1997, p. 113 à 41 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 23/87 taux. Au final, l’économie suisse a connu une décennie 1990 morose, dont la BNS a été considérée comme en partie responsable. D’autres facteurs y ont aussi fortement contribué. On peut citer à ce sujet la crise immobilière ou le manque d’ouverture de certains secteurs de l’économie ainsi qu’une politique budgétaire procyclique. Selon le rapport sur la croissance publié par le SECO en 2002, la faible productivité du travail constituait une cause majeure de la croissance apathique. En 1999, la BNS annonça qu’elle renonçait à ses objectifs en termes de masse moné- taire et mit en place la stratégie de politique monétaire que l’on connaît aujourd’hui (cf. ch. 3.2.1). Elle justifia ce changement en expliquant que la relation entre les variations de la masse monétaire et les variations du niveau des prix n’était pas suffisamment stable. Graphique 1: Inflation et taux d’intérêt à court terme en Suisse Source: Datastream 3.2 Principes régissant la politique monétaire 3.2.1 Stratégie de politique monétaire de la BNS La stratégie de politique monétaire de la BNS indique comment celle-ci entend remplir son mandat légal. Elle comporte trois éléments: une définition de la stabilité des prix, une prévision d’inflation conditionnelle pour les trois années suivantes et une marge de fluctuation assignée à un taux d’intérêt de référence, le Libor à trois mois en francs suisses. Entre le 6 septembre 2011 et le 15 janvier 2015, elle comprenait aussi un taux plancher vis-à-vis de l’euro (cf. encadré 3). Définition de la stabilité des prix La BNS assimile la stabilité des prix à une hausse annuelle de l’indice national des prix à la consommation (IPC) inférieure à 2 %. La déflation, c’est-à-dire une baisse durable du niveau des prix, est contraire à l’objectif de stabilité des prix. La BNS recherche donc un renchérissement positif de moins de 2 %. En définissant la stabilité des prix de cette manière, la BNS vise à moyen et long termes une légère hausse des prix des marchandises et des services que consomme un ménage suisse moyen. Ce faisant, elle tient compte du fait qu’elle ne peut pas piloter précisément l’inflation et e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 24/87 que l’IPC tend à exagérer légèrement le renchérissement. Le renchérissement visé ne se situe pas aux alentours de zéro, mais au-dessus de zéro, dans la zone positive. Lorsque l’inflation est positive, les acteurs économiques peuvent décider dans quelle mesure ils veulent adapter les prix et les salaires à l’inflation, ou s’ils veulent même renoncer à une adaptation au renchérissement. Si l’inflation est négative, ces adaptations sont plus difficiles à faire accepter. On peut par exemple imaginer les résistances que rencontrerait une baisse des salaires nominaux, même conforme à l’évolution négative des prix, alors qu’elle n’entraînerait aucune baisse du pouvoir d’achat réel. En cas d’inflation nulle ou négative, il devient aussi de plus en plus difficile d’abaisser les taux d’intérêt: un faible renchérissement s’accompagne souvent de taux nominaux bas. Si le renchérissement est très faible, les taux nominaux peuvent avoisiner zéro. Comme on le voit aujourd’hui, les taux d’intérêt peuvent même tomber sous zéro. La marge de manœuvre à la baisse est cependant limitée (cf. chap. 5). En cherchant à garantir la stabilité des prix, la BNS contribue à créer des conditions favorables permettant à l’économie d’utiliser pleinement son potentiel de production. La politique monétaire vise ainsi une stabilité des prix à moyen et long termes. En tant que petite économie ouverte, la Suisse est particulièrement exposée à des fluctuations temporaires du niveau des prix. En cas d’écarts par rapport à la stabilité des prix, la BNS s’emploie à ramener le renchérissement dans une fourchette de stabilité des prix à moyen terme, en tenant compte de l’évolution de la conjoncture. Prévision d’inflation conditionnelle La prévision d’inflation publiée trimestriellement par la BNS sert d’indicateur principal pour les décisions de politique monétaire et représente un élément central de la communication de la BNS. En pilotant sa politique monétaire à l’aide d’une prévision d’inflation à l’horizon de trois ans, la BNS adopte une attitude prospective et indique à l’opinion publique comment il faut interpréter ses intentions à plus long terme. Ses décisions ne se fondent pas uniquement sur la prévision d’inflation, mais tiennent aussi compte de nombreux autres indicateurs de l’évolution conjoncturelle et monétaire en Suisse et à l’étranger ainsi que d’indicateurs de la stabilité financière. La prévision d’inflation de la BNS se fonde sur l’hypothèse que le taux d’intérêt de référence annoncé au moment de la publication restera constant pendant les trois années à venir. Cette prévision est donc conditionnelle et reflète l’appréciation portée par la BNS sur l’évolution des prix à la consommation et la conjoncture au cas où le taux de référence resterait inchangé. Elle ne peut être comparée aux prévisions établies par des banques ou des instituts de recherche, qui intègrent généralement l’évolution attendue des taux d’intérêt. Marge de fluctuation assignée au Libor à trois mois La BNS essaie d’assurer la stabilité des prix en influant sur les taux d’intérêt par ses opérations de politique monétaire et en adaptant ces taux à la situation économique. En règle générale, une diminution des taux d’intérêt réels stimule la demande ainsi que les prix des biens et des services, tandis qu’une hausse des taux réels a un effet modérateur. Les banques centrales agissent sur les taux d’intérêt nominaux à court terme. Mais comme l’inflation varie peu sur le court terme, elles agissent donc aussi sur les taux réels. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 25/87 La BNS met en œuvre sa politique monétaire en assignant une marge de fluctuation à son taux de référence, le Libor à trois mois40 en francs suisses. Elle veille en principe à ce que le Libor à trois mois se situe au milieu de la marge de fluctuation, dont l’ampleur est généralement de 1 point de pourcentage. 3.2.2 Prise en compte de la conjoncture D’après son mandat, la BNS doit tenir compte de la conjoncture, c’est-à-dire de l’évolution économique à court terme, qui peut également influer sur la stabilité des prix. La plupart du temps, la conjoncture et l’inflation évoluent de telle manière que la réponse de la politique monétaire favorise leur stabilisation. Par exemple, une hausse du renchérissement s’accompagne en général d’un regain conjoncturel, de sorte qu’une augmentation des taux d’intérêt visant à atténuer le renchérissement contribue aussi à contrecarrer une surchauffe de l’économie. Selon les circonstances, le niveau des prix et la conjoncture peuvent toutefois afficher une évolution divergente et faire naître un conflit d’objectifs. Pour illustrer ces phénomènes, nous considérerons trois situations typiques, dont deux concernent la demande et une l’offre. En cas de perturbations de la demande globale, une politique monétaire axée sur la stabilisation du niveau des prix permet également de réduire les fluctuations de la production et de l’emploi. De telles perturbations peuvent être dues par exemple à une détérioration de la conjoncture mondiale entraînant une baisse de la demande de produits suisses. Le recul de la demande a tendance à freiner l’augmentation des prix, notamment à cause de la diminution du niveau des prix mondiaux et, par conséquent, des prix à l’importation. Il faut alors envisager un assouplissement de la politique monétaire, qui a pour effet de stabiliser aussi bien le niveau des prix que la conjoncture. L’affaiblissement du franc qui en découle renchérit les importations, ce qui permet de contrecarrer la hausse du niveau des prix. Une stimulation de la demande intérieure a également une incidence positive sur les prix. En outre, la tendance à la diminution des prix à l’exportation stimule aussi la conjoncture. La BNS n’est pas toujours en mesure de neutraliser entièrement les effets des perturbations de la demande sur les prix. Elle doit doser sa politique monétaire en tenant compte de l’évolution conjoncturelle. Si, par exemple, l’évolution favorable de la demande a entraîné une certaine surchauffe conjoncturelle et une hausse de l’inflation, elle doit resserrer sa politique monétaire avec précaution. Une forte hausse des taux permettrait certes de freiner rapidement la hausse du renchérissement, mais elle entraînerait un recul massif de la production et de l’emploi. Un resserrement bien dosé de la politique monétaire peut donc autoriser une hausse de l’inflation au-delà de la fourchette de stabilité des prix s’il est prévisible que cette stabilité sera rétablie à moyen terme. En d’autres termes, une poussée temporaire de l’inflation n’est pas en contradiction avec l’objectif de stabilité des prix si elle permet d’assurer un atterrissage en douceur sans ralentir l’activité économique. 40 Le principal marché international sur lequel s’échangent des francs suisses est Londres. Les taux de change pratiqués sur le marché londonien, que ce soit pour le franc suisse ou d’autres devises, sont appelés Libor (London Interbank Offered Rate). Pour gérer l’approvisionnement monétaire, la Banque nationale communique aux banques commerciales le niveau auquel elle veut maintenir le Libor pour les placements en francs suisses à trois mois. La BNS pilote le Libor au moyen des pensions de titres (opérations repo) qu’elle opère quotidiennement. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 26/87 Par contre, les banques centrales sont confrontées à un conflit d’objectifs en cas de perturbations du côté de l’offre, par exemple lors d’une hausse des prix du pétrole. Comme ces changements provoquent une augmentation des coûts de production, ils entraînent non seulement une hausse des prix à court terme, mais incitent surtout les entreprises à réduire la production et l’emploi. Dans ce cas, il est clair que la BNS ne peut pas compenser à la fois la hausse du niveau des prix (par une augmentation des taux) et le recul de la production et de l’emploi (par une baisse des taux). Si la stabilité des prix n’est pas menacée à moyen et long termes, la BNS peut utiliser la marge de manœuvre dont elle dispose pour contribuer à la stabilisation de la conjoncture. Les instruments de politique budgétaire offrent aux pouvoirs publics des possibilités limitées en la matière, car la Suisse est une petite économie à forte imbrication internationale. Le rôle de la BNS est donc primordial pour stabiliser l’économie. 3.2.3 Rôle du cours de change dans la politique monétaire L’économie suisse étant largement interdépendante de l’étranger, le cours de change exerce une grande influence sur la production, l’emploi et le niveau des prix. Le niveau des taux d’intérêt et le cours de change déterminent donc ensemble les conditions monétaires de l’économie. Les fluctuations de change influent sur le niveau des prix tant directement, par l’intermédiaire des prix à l’importation, qu’indirectement, à travers la demande d’exportations. La BNS en tient compte dans le cadre de sa prévision d’inflation et oriente sa politique monétaire en conséquence. Normalement, elle peut réagir aux dégradations des cours de change en modifiant les taux d’intérêt, sans intervenir directement sur le marché des changes. Tant que les taux d’intérêt restent positifs, cette approche éprouvée permet à la BNS de mener une politique monétaire axée sur les besoins de la Suisse. Dans certaines situations, il est cependant nécessaire que la BNS influe immédiatement sur l’évolution du cours de change, notamment lorsque les taux d’intérêt ne suffisent pas à endiguer une menace pour la stabilité de l’économie suisse (par exemple lorsqu’ils sont déjà très bas ou proches de zéro en raison d’une inflation et d’une croissance faibles et ne peuvent guère être baissés davantage). Depuis le passage aux taux de change flottants dans les années 1970, la BNS n’a gé- néralement pas influencé directement le cours de change, mais piloté les conditionscadres monétaires tout d’abord grâce à sa politique de masse monétaire puis, à partir de 2000, par l’intermédiaire de sa politique de taux. En 1978, elle a mis en place un objectif de cours de change par rapport au mark allemand pour lutter contre l’appré- ciation du franc à cette période (cf. encadré 2). En septembre 2011, elle a introduit un cours plancher de 1,20 franc pour 1 euro; il a été supprimé en janvier 2015 (cf. encadré 3). Dans les deux cas, ces mesures visaient à combattre la forte surévaluation du franc. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 27/87 Encadré 2: L’objectif de cours de change de 197841 À partir de 1977, le franc suisse s’apprécia par rapport à toutes les monnaies, menaçant la compétitivité des entreprises d’exportation. Un contexte international de stagflation, la politique monétaire expansionniste des États-Unis qui affaiblissait le dollar, ainsi que l’annonce par l’Allemagne, lors du sommet du G7 à Bonn en juillet 1978, de mesures budgétaires de soutien à son économie entraînèrent d’importants mouvements spéculatifs vers la Suisse. La BNS tenta d’intervenir en août; elle augmenta fortement les liquidités afin de faire baisser les taux. Mais le franc continua son ascension. En septembre, il était question au sein de la BNS de durcir à nouveau les mesures administratives de contrôle des capitaux, mais l’idée ne convainquit pas. La BNS élabora en son sein plusieurs propositions destinées à fixer un objectif de cours de change par rapport au mark allemand. Fin septembre, le Conseil fédéral convoqua la direction générale de la BNS et la chargea de faire le nécessaire pour stopper l’appréciation du franc42. La BNS prit sa décision le 29 septembre et l’annonça publiquement le 1er octobre: elle maintiendrait le cours du mark bien au-dessus de 80 francs pour 100 marks. La BNS intervint sur les marchés des changes en achetant des dollars afin d’affaiblir le franc suisse. En l’espace de quelques jours, le cours du mark remonta audessus du seuil visé. L’opération de la BNS avait fonctionné. Au fil du temps, la pression sur le franc suisse diminua, aidée aussi par la politique monétaire restrictive mise en place par la Réserve fédérale américaine dès la fin des années 1970 qui contribua à renforcer le dollar par rapport aux autres monnaies. La politique monétaire suisse resta relativement expansionniste, ce qui, conjugué au deuxième choc pétrolier de la fin des années 1970, entraîna une recrudescence de l’inflation. Après 1978, aucun rapport ou document publiés par la BNS ne fait mention de cet objectif de taux de change. Les marchés étaient toutefois convaincus que la BNS n’accepterait pas que le mark passe sous la barre des 80 francs pour 100 marks. Dans son ouvrage de référence sur l’histoire du franc suisse, Ernst Baltensperger écrit: «Les événements survenus entre 1978 et 1981 influèrent fortement et durablement sur le rôle des cours de change dans la politique monétaire suisse. Après la réaction pragmatique de la BNS face à la crise des cours de change de 1978, les marchés furent convaincus pendant de nombreuses années que la Banque nationale n’accepterait pas que le mark allemand passe sous la barre des 80 francs pour 100 marks.»43 Cette attente fut confirmée à plusieurs reprises par la politique concrète de la BNS, comme en atteste l’analyse des procès-verbaux de la direction gé- nérale de la BNS jusqu’au milieu des années 1980. L’objectif de cours de change de 80 francs pour 100 marks était au cœur des discussions dès que le mark se dé- préciait fortement (procès-verbaux de la direction générale des 7 et 14 janvier 1982). La stabilité du cours de change bénéficia du fait que la banque centrale 41 E. Baltensperger (2015) p. 221 ss; Lambelet J.-C. (2016), Le franc fort, la politique de la Banque nationale et sa fortune, éd. Slatkine, p. 20 ss; Straumann (2010), p. 276 ss 42 Notons que dans les années 1970, les bases légales étaient différentes. Il n’est actuellement pas possible pour le Conseil fédéral de donner des ordres ou des instructions à la BNS. Cela serait contraire à l’art. 99 Cst. et à l’art. 6 LBN (indépendance de la BNS). 43 Ernst Baltensperger, Le franc suisse. L’histoire d’un succès, Lausanne, 2015, p. 228 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 28/87 allemande et la BNS poursuivaient des objectifs de politique monétaire comparables et que les économies des deux pays affichaient une évolution similaire. Concernant cette courte période, on ne saurait toutefois affirmer que la BNS aurait dé- fendu cette limite si cette dernière avait été sérieusement mise à mal. Les informations figurant dans les procès-verbaux sont contradictoires (procès-verbaux de la direction générale du 5 novembre 1981, du 2 décembre 1982 et du 18 août 1983). La direction générale était a priori opposée à défendre cette limite, mais on ignore si elle aurait appliqué ce principe dans la pratique. Graphique 2: Évolution du cours CHF-DM/EUR depuis 1972 Source: Datastream; représentation: AFF Graphique 3: Bilan de la BNS (actifs) Source: données fournies par la BNS; représentation: AFF e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 29/87 Encadré 3: Le cours plancher de 2011 à 2015 Le franc suisse a connu une forte appréciation quasi-continue depuis 2008 (cf. graphique 2), en raison notamment de la crise des subprimes, qui fragilisa l’économie américaine et provoqua une crise financière mondiale, et de la crise de la dette souveraine des pays européens qui s’ensuivit dès 2010. Les incertitudes relatives à l’évolution de l’économie mondiale et des marchés financiers étaient grandes. Afin d’empêcher la transmission de la crise financière à l’économie réelle, les politiques monétaires devinrent expansionnistes aux États-Unis et dans la zone euro. Toutes les conditions étaient réunies pour que les acteurs se précipitent sur une monnaie refuge. Dès 2009 la BNS décida d’intervenir directement sur les marchés des devises, étant donné la forte détérioration de la situation économique et le risque de déflation. Début 2011, l’appréciation s’accéléra encore. En août, la BNS augmenta ses liquidités et conclut également des swaps sur devises. Elle ne parvint pas à stopper la hausse du franc suisse, dont l’accélération prenait des proportions rarement vues jusqu’alors, menaçant gravement la place économique suisse. Cette appréciation et le resserrement important des conditions-cadres monétaires qui en aurait découlé risquaient d’engendrer de fortes turbulences dans l’économie réelle. Le 6 septembre 2011, la BNS annonça comme mesure exceptionnelle la fixation d’un cours plancher de 1,20 franc pour 1 euro, s’exprimant en ces termes: «La Banque nationale suisse (BNS) vise par conséquent un affaiblissement substantiel et durable du franc. Dès ce jour, elle ne tolérera plus de cours inférieur à 1,20 franc pour 1 euro sur le marché des changes. La Banque nationale fera prévaloir ce cours plancher avec toute la détermination requise et est prête à acheter des devises en quantité illimitée.»44 Pendant cette période, le cours plancher servait d’objectif opérationnel pour la mise en œuvre de la politique monétaire et devait également contribuer à éviter un développement déflationniste. Le bilan de la BNS reflète ces mesures de politique monétaire qui se sont principalement traduites par une forte augmentation des placements en devises à partir de 2009 (cf. graphique 3), après que les taux d’intérêt aient presque atteint zéro. Le 15 janvier 2015, la BNS annonça la suppression du cours plancher; elle adapta également à la baisse le taux d’intérêt négatif, le fixant à – 0,75 %, et la marge de fluctuation du Libor, désormais comprise entre – 1,25 % et – 0,25 %. La BNS expliqua à cette occasion que le cours plancher avait été conçu comme une mesure provisoire et que l’économie avait pu profiter de cette phase pour s’adapter. Depuis, la politique monétaire s’appuie sur deux éléments: le taux d’intérêt négatif et la volonté d’intervenir sur le marché des changes. Tous deux permettent de réduire la pression exercée sur le franc – et dans le même temps sur l’économie – et de stabiliser ainsi l’évolution des prix. Fin 2014, les acteurs du marché s’étaient préparés à un resserrement de la politique monétaire aux États-Unis et s’attendaient à un nouvel assouplissement dans la zone euro. L’euro perdit de sa valeur face au dollar. Le franc se déprécia également vis-à-vis du dollar, mais se renforça par rapport à l’euro et se rapprocha du cours plancher. Compte tenu de ces évolutions, la BNS fut contrainte d’intervenir 44 Communiqué de presse de la BNS, 6 septembre 2011 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 30/87 de plus en plus sur les marchés des changes en janvier 2015. Elle parvint à la conclusion que, compte tenu des divergences de politique monétaire de part et d’autre de l’Atlantique, des achats de devises toujours plus importants auraient été nécessaires pour maintenir le cours plancher, sans qu’une stabilisation soit durablement garantie. La suppression du cours plancher se traduisit par une appréciation immé- diate du franc suisse, qui se stabilisa vers la fin de 2015 entre 1,08 et 1,10 franc pour 1 euro. Le franc suisse ne s’est pas apprécié durablement face aux autres monnaies importantes depuis cette suppression. 3.2.4 Comparaison internationale des objectifs de politique monétaire Le mandat légal de la BNS accorde davantage d’importance à la garantie de la stabilité des prix qu’à l’évolution de la conjoncture, ce qui n’est pas le cas de toutes les banques centrales des pays industrialisés. Aux États-Unis, la Réserve fédérale (Federal Reserve, Fed) poursuit trois objectifs d’importance égale, ancrés dans la loi: un taux d’emploi aussi élevé que possible, la stabilité des prix et des taux d’intérêt à long terme modérés. Le Conseil des gouverneurs considère actuellement que la stabilité des prix correspond à un taux d’inflation de 2 %45. Les banques centrales britannique et japonaise poursuivent également d’autres objectifs que celui de la stabilité des prix, notamment la stabilité monétaire et la stabilité financière, mais la conjoncture ou l’emploi n’en font pas partie. Plus précisément, la mission de la Banque d’Angleterre est de promouvoir le bien du peuple du Royaume-Uni en maintenant la stabilité monétaire et financière46. Si cet objectif est atteint, elle peut contribuer aux objectifs économiques du gouvernement (croissance et emploi). La stabilité des prix est fixée par le gouvernement à 2 % d’inflation. Les objectifs de la Banque du Japon sont la stabilité des prix et la stabilité du système financier47 . La stabilité des prix est définie en termes qualitatifs dans la loi. Le Conseil de direction (Policy Board) de la Banque du Japon l’a définie comme un taux d’inflation de 2 % devant être atteint «aussi rapidement que possible». En Suède, l’objectif prioritaire inscrit dans la loi est le maintien de la stabilité des prix48. Dans le même temps, si la cible d’inflation est atteinte, la politique monétaire peut soutenir les objectifs de politique économique générale afin d’atteindre une croissance durable et un haut niveau d’emploi. La «Riksbank», la banque centrale suédoise, interprète l’objectif de stabilité des prix comme un taux d’inflation bas et stable; elle se fixe l’objectif de garder l’inflation à un taux de 2 % environ49. L’objectif principal de la Banque centrale européenne (BCE) est de maintenir la stabilité des prix50. Sans mettre en danger cet objectif, la BCE apporte son soutien aux politiques 45 http://www.federalreserve.gov/newsevents/press/monetary/20120125c.htm 46 Bank of England Act 1998 et Bank of England Act 2012. Bref aperçu des objectifs: http://www.bankofengland.co.uk/about/Pages/legislation/default.aspx 47 Bank of Japan Act, 1998. Bref aperçu des objectifs: http://www.boj.or.jp/en/about/outline/index.htm/ 48 http://www.riksbank.se/en/The-Riksbank/Legislation/The-Sveriges-Riksbank-Act/ 49 http://www.riksbank.se/en/The-Riksbank/The-Riksbanks-role-in-the-economy/ 50 Bref aperçu des tâches et des objectifs: https://www.ecb.europa.eu/ecb/tasks/html/index.fr.html e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 31/87 économiques générales de l’Union européenne, notamment concernant un taux d’emploi élevé et un taux de croissance économique soutenable et non-inflationniste. Le modèle suisse est plus souple que celui de la zone euro. En instaurant la stabilité des prix comme objectif premier, la BCE lui accorde une importance plus grande que la BNS, qui, conformément à son mandat, est plus pragmatique dans la prise en compte de l’évolution conjoncturelle. La BCE définit également la stabilité des prix de manière plus restrictive que la BNS et fixe un objectif d’inflation qui est en dessous, mais proche de 2 %. La BNS ne poursuit pas d’objectif précis en matière d’inflation, mais uniquement une inflation positive inférieure à 2 %. Elle n’a aucune pré- férence particulière pour une valeur spécifique au sein de cette fourchette, ce qui accroît sa marge de manœuvre. Cette définition souple de la stabilité des prix en Suisse reflète le fait qu’un pilotage très précis de l’inflation n’est pas possible. 3.2.5 Mesures de politique monétaire 3.2.5.1 Mesures conventionnelles Les adaptations de taux directeurs par les banques centrales constituent un instrument classique de politique monétaire. On parle également de politique monétaire conventionnelle. En général, les banques centrales communiquent une valeur pour leur taux directeur et s’efforcent de la maintenir grâce à des opérations sur le marché moné- taire. Elles influent ainsi directement sur les taux d’intérêt à court terme et exercent dans le même temps une certaine influence sur les taux d’intérêt à long terme. En adaptant les taux, les banques centrales agissent sur l’économie réelle par le biais de plusieurs canaux: d’une part, les adaptations de taux font varier le différentiel de taux avec l’étranger ainsi que les cours de change. D’autre part, elles se répercutent le plus souvent sur les taux d’intérêt à long terme. Cela modifie le comportement d’épargne et la demande de crédits des ménages et des entreprises, et donc la demande agrégée. Une baisse du taux directeur stimule l’économie réelle, car elle tend à affaiblir la monnaie nationale et à diminuer le coût du crédit. En général, l’effet stimulateur se traduit par une hausse de l’activité économique, de l’emploi et des prix. À l’inverse, un relèvement du taux directeur pèse sur la conjoncture et les prix. 3.2.5.2 Mesures non conventionnelles Dans le sillage de la crise financière, les banques centrales des pays concernés ont abaissé leurs taux directeurs (pratiquement) jusqu’à zéro. Lorsqu’il s’est avéré que cet assouplissement de la politique monétaire ne permettrait pas de stimuler suffisamment l’économie réelle ni d’empêcher un recul indésirable de l’inflation, des mesures non conventionnelles de politique monétaire ont été prises. Elles visent également à stimuler l’économie réelle et l’évolution des prix par l’intermédiaire du crédit et du cours de change. Dans un premier temps, des titres domestiques ou des devises sont acquis et le volume de monnaie centrale augmente en conséquence, ce qui étend le bilan de la banque centrale. La demande accrue de ces titres fait progresser leur cours, diminuant ainsi les rendements à long terme. Cela réduit l’attrait des placements domestiques et fait baisser la valeur de la monnaie nationale. La Fed a acheté des titres américains en grande quantité (assouplissement quantitatif ou quantitative easing, QE) relativement tôt après l’éclatement de la crise financière e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 32/87 (trois programmes entre 2008 et 2014). La BCE recourt également à l’assouplissement quantitatif dans le cadre de son programme d’acquisition de titres depuis 2015. La BNS est intervenue sur le marché des changes depuis 2009, atténuant ou empê- chant une appréciation du franc grâce à l’achat de monnaies étrangères. Entre septembre 2011 et janvier 2015, ses interventions étaient axées sur un objectif annoncé, à savoir le cours plancher fixé à 1,20 franc pour 1 euro (cf. encadré 3). Une deuxième forme de mesures non conventionnelles vise à agir en influençant les attentes. Les mesures d’orientation des anticipations des taux futurs (forward guidance) consistent à lier la politique monétaire à des critères économiques fixés à l’avance. La Fed a notamment eu recours à cette technique en associant une éventuelle hausse des taux directeurs au passage du chômage en dessous d’un seuil annoncé. L’abaissement des taux directeurs dans la zone négative constitue une troisième mesure non conventionnelle adoptée par plusieurs banques centrales ces dernières années. Concrètement, un taux d’intérêt négatif est imputé sur les dépôts à vue des banques auprès de la banque centrale qui dépassent un certain montant exonéré. La zone euro a mis en place des taux d’intérêt négatifs en juin 2014 pour stimuler l’activité économique. Le 18 décembre 2014, la BNS a annoncé qu’elle prélèverait, dès le 22 janvier 2015, un intérêt de – 0,25 % sur les avoirs à vue que les banques et les autres acteurs du marché financier détenaient auprès d’elle afin de soutenir le cours plancher. Mesure non conventionnelle, un taux d’intérêt négatif diminue l’attrait des placements en francs et tend dès lors à réduire la pression à la hausse sur cette monnaie. En instaurant une rémunération négative des dépôts à vue ou des réserves bancaires, la BNS utilise un instrument de politique monétaire auquel elle n’avait pas encore eu recours pour agir sur le niveau des taux. Les réserves bancaires n’étaient jusqu’à présent pas rémunérées. 3.2.5.3 Mesures de politique monétaire actuellement appliquées par la BNS La politique monétaire actuelle de la BNS s’appuie sur deux éléments: le taux d’inté- rêt négatif et la volonté d’intervenir sur le marché des changes. Tous deux permettent de réduire l’attrait des placements en francs et donc la pression exercée sur le franc. Cet aspect est également important, car le franc est nettement surévalué pour le moment. En menant cette politique monétaire expansionniste, la BNS entend stabiliser l’évolution des prix et soutenir l’activité économique. Actuellement, les taux d’intérêt négatifs sont absolument indispensables en raison de la faiblesse des taux au niveau international. Des taux d’intérêt plus élevés en Suisse détérioreraient les conditions-cadres monétaires. Si la BNS relevait les taux, les placements en francs deviendraient encore plus intéressants. Une nette appréciation du franc (et ses conséquences pour l’économie suisse) ne pourrait alors guère être évitée. La BNS doit se laisser guider par l’intérêt général du pays même lorsqu’elle recourt à des mesures non conventionnelles de politique monétaire. Ce faisant, les avantages à court terme doivent être mis en parallèle avec les éventuels inconvénients à long terme. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 33/87 3.3 Politique monétaire autonome de la Suisse 3.3.1 Cours de change flottants nécessaires à une politique monétaire autonome Comme toute économie, la Suisse est confrontée à un problème fondamental, à savoir qu’il n’est pas possible, dans un régime de libre circulation des capitaux, de maintenir un cours de change fixe tout en menant une politique monétaire indépendante. Cette constatation s’appuie sur le fameux «trilemme de la politique moné- taire»51, selon lequel seuls deux objectifs sur trois (cours de change fixe, libre circulation des capitaux et politique monétaire autonome [avec sa propre définition de la stabilité des prix]) peuvent être atteints simultanément. Dans un régime de libre circulation des capitaux, des cours de change fixes impliquent l’abandon d’une politique monétaire autonome, car la banque centrale est obligée de maintenir à un niveau stable la valeur extérieure de la monnaie nationale grâce à sa politique de taux ou à des interventions directes sur le marché des changes. Cette valeur extérieure est influencée non seulement par la situation économique intérieure, mais également par l’évolution à l’étranger. Avec des cours de change fixes, la banque centrale ne peut donc pas axer sa politique monétaire sur la stabilisation du niveau des prix ou sur l’évolution conjoncturelle dans le pays. Il se peut alors que les écarts par rapport à la stabilité des prix et les fluctuations conjoncturelles soient davantage marqués que dans un régime de changes flottants. Le régime de changes flottants permet à la politique monétaire nationale de réagir aux perturbations venues de l’étranger en adaptant le taux de change aux différentes conjonctures. Dans l’idéal, il peut absorber ces perturbations. Dans un tel régime, la politique monétaire ne doit pas être axée sur la fixation du cours de change et peut répondre aux évolutions nationales. Toutefois, les cours de change varient souvent plus fortement que ne le justifient les politiques monétaires ou les économies réelles des différents pays. Ces fluctuations reflètent les attentes changeantes concernant l’évolution conjoncturelle ou la future politique monétaire de chaque État ainsi que les motivations spéculatives des investisseurs et les modifications intervenant dans l’appréciation des risques. Les changes flottants absorbent donc les chocs provenant de l’étranger, mais peuvent également engendrer des dysfonctionnements économiques. La banque centrale doit réagir lorsque ces chocs de change risquent de menacer les objectifs de politique monétaire inscrits dans la loi. Elle ne doit pas pour autant neutraliser toutes les fluctuations de change. Dans un régime de changes flottants, la capacité d’adaptation de l’économie doit être suffisamment importante pour pouvoir faire face à ces variations. 3.3.2 Motifs d’une politique monétaire autonome Le principal motif de la politique monétaire autonome de la BNS ressort du mandat constitutionnel, selon lequel la BNS conduit cette politique dans l’intérêt général du 51 Cf. par ex. Obstfeld, Maurice, Jay C. Shambaugh et Alan M. Taylor, 2004, «Monetary Sovereignty, Exchange Rates, and Capital Controls: The Trilemma in the Interwar Period», IMF Staff Papers, vol. 51 (édition spéciale), p. 75 à 108 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 34/87 pays. Dans un régime de libre circulation des capitaux, qui repose sur le principe constitutionnel de la liberté économique, le cours de change doit pouvoir être adapté afin que la politique monétaire poursuive un objectif national. Concrètement, cela signifie que, dans ce régime, la politique monétaire de la Suisse ne peut assurer la stabilité des prix et tenir compte de l’évolution conjoncturelle que si les cours de change sont flottants. Si le franc était lié à une autre devise dans un tel régime, aucune politique monétaire autonome ne pourrait être menée. Cette impossibilité d’axer la politique monétaire sur ses propres besoins s’exprime à travers deux aspects fondamentaux: Premièrement, il est rare que les différentes économies ou les différents espaces monétaires se trouvent simultanément dans la même phase du cycle conjoncturel. La pression exercée sur les prix dépend principalement de l’évolution économique et peut dès lors être plus ou moins élevée. Des mesures ayant un effet stabilisateur dans un pays à un moment donné peuvent être contreproductives dans un autre État. Le mandat de politique monétaire est donc réalisable uniquement si l’approvisionnement en monnaie peut être ajusté librement et à tout moment de manière à correspondre à l’évolution de l’économie du pays. Deuxièmement, l’effet d’une mesure de politique monétaire dépend essentiellement des structures économiques d’un espace monétaire. Par exemple, si une banque centrale abaisse son taux directeur, cet assouplissement pourra se répercuter sur les taux d’intérêt des crédits bancaires et stimuler les investissements ou la consommation plus ou moins rapidement. La vitesse et l’ampleur de l’adaptation des valeurs économiques réelles à cette impulsion monétaire découlent également de l’intensité de la concurrence dans le secteur bancaire et de la réaction plus ou moins forte des investisseurs et des consommateurs à l’ajustement des taux d’intérêt. Ces structures économiques variant sensiblement d’un pays à l’autre, l’impact des mesures de politique monétaire sera tout aussi varié. De manière générale, la recherche d’une stabilisation similaire et aussi rapide dans tous les pays grâce aux mêmes mesures de politique monétaire ou à un même dosage semble vouée à l’échec. En Suisse, la politique monétaire autonome et sur mesure ainsi que les cours de change flottants ont fait leurs preuves ces quarante dernières années. La BNS a pu maintenir l’inflation à un faible niveau en comparaison internationale et, notamment ces vingt dernières années, garantir la stabilité des prix. Même l’évolution conjoncturelle a été relativement stable par rapport aux autres pays, alors que l’interdépendance internationale de la Suisse favorise la propagation des dysfonctionnements sur le plan mondial et que le franc suisse est considéré comme une valeur refuge. La Suisse est donc parvenue à exploiter les avantages des cours de change flottants. L’efficacité des conditions-cadres institutionnelles, les bonnes relations entre les collaborateurs et les entreprises, qui permettent une flexibilité relativement élevée des prix et des salaires, ainsi que la grande capacité d’innovation y ont contribué de manière déterminante. L’autonomie de la politique monétaire est également d’une importance majeure dans la crise actuelle. La BNS a pu axer ses mesures de politique monétaire sur les besoins spécifiques de l’économie suisse et réduire considérablement les risques, par exemple en abaissant les taux d’intérêt à plusieurs reprises et de manière plus marquée que la BCE à l’automne 2008. Cela a contribué notablement au fait que la Suisse ait jusqu’à présent relativement bien surmonté la crise par rapport à d’autres États et soit l’un des premiers pays développés dont le produit intérieur brut (PIB) ait retrouvé dès 2010 un niveau supérieur à celui d’avant la crise. Dans le sillage de la e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 35/87 crise financière, toutefois, le franc a connu une appréciation d’une ampleur inégalée depuis les années 1970. Face au resserrement consécutif des conditions monétaires, la BNS a adopté différentes mesures (cf. ch. 3.2.5). Il faut toutefois relever que dans une petite économie ouverte, la politique monétaire est soumise à certaines limites. Elle ne peut pas toujours compenser toutes les perturbations, notamment lorsqu’une série de chocs internationaux se produisent. Depuis la crise financière, plusieurs facteurs ont eu pour effet d’atténuer la hausse des prix: l’appréciation du franc due à la crise européenne de la dette, la faible inflation au niveau mondial et la forte baisse du prix du pétrole. 3.3.3 Importance de l’euro pour la politique monétaire suisse Monnaie du principal partenaire commercial et concurrent à l’exportation, le mark allemand jouait traditionnellement un rôle important pour la Suisse. Après la création de l’Union monétaire européenne en 1999, l’euro est devenu pour la Suisse la principale monnaie étrangère. La stabilité remarquable qui avait prévalu durant les premières années de son existence s’est fissurée depuis le début de la crise de la dette souveraine dans la zone euro en 2010 (cf. graphique 2). La Suisse entretient de nombreux échanges commerciaux avec la zone euro, à laquelle elle est étroitement liée. La forte intégration des deux économies se reflétait dans l’orientation de la politique monétaire avant que la crise de la dette souveraine n’éclate dans la zone euro. Par exemple, les taux d’intérêt à court terme dans la zone euro et en Suisse affichaient une évolution largement parallèle jusqu’en 2008, même s’ils étaient infé- rieurs d’environ 1,5 point de pourcentage en moyenne en Suisse jusqu’à l’éclatement de la crise financière. Le cours de change entre l’euro et le franc était relativement stable, le niveau des taux un peu plus faible en Suisse atténuant le léger potentiel d’appréciation nominale du franc grâce à une inflation plus basse dans le pays. Comme le mandat de la BNS et celui de la BCE sont similaires dans l’ensemble, les anticipations d’inflation ne devraient générer aucune tendance haussière forte sur le cours de change entre l’euro et le franc. Des chocs tels que la crise financière de 2008 ou ses conséquences peuvent cependant se traduire par des fluctuations importantes, voire permanentes, des parités monétaires. Face à la forte appréciation du franc au cours des années qui suivirent le début de la crise financière, la BNS a pris en compte les relations étroites avec la zone euro en instaurant un cours plancher entre les deux monnaies après avoir épuisé les mesures conventionnelles de politique monétaire. De plus, le franc avait gagné de la valeur non seulement par rapport à l’euro, mais également aux autres monnaies. Le cours plancher entre le franc et l’euro a permis d’atténuer jusqu’à un certain point l’impact de cette appréciation sur l’évolution des prix et de la conjoncture en Suisse. La zone euro est un partenaire commercial majeur pour la Suisse (cf. graphique 4), mais l’importance de l’euro a constamment diminué ces dernières années. En 1999, année de création de l’Union monétaire européenne, 63 % des exportations suisses e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 36/87 étaient destinées à la zone euro, contre un peu moins de 50 % fin 201552. Cette baisse a été particulièrement marquée juste après le début de la crise financière et de la forte appréciation du franc par rapport à l’euro. Elle reflète en outre la dynamique relativement faible de l’évolution économique dans la zone euro et l’importance croissante de l’Asie, et en particulier de la Chine. La part des importations provenant de la zone euro est encore plus élevée pour la Suisse, mais elle a également fléchi. Graphique 4: Commerce extérieur: destination des exportations suisses Source: Administration fédérale des douanes 3.3.4 Surévaluation du franc Lorsque la crise financière a éclaté, le franc a eu tendance à s’apprécier par rapport aux principales monnaies. Cette appréciation était asynchrone et présentait des niveaux différents selon les devises. Dans l’ensemble, le franc a gagné de la valeur depuis 2008 face aux principales monnaies, mais à des degrés divers, de sorte que sa surévaluation peut être estimée différemment selon la devise. Le cours de change effectif réel permet d’estimer de manière générale la valeur du franc. Il pondère les monnaies des partenaires commerciaux de la Suisse selon la part des exportations. Cet indice de la valeur extérieure réelle du franc est présenté au graphique 5. Après correction du renchérissement et pondération en fonction du commerce extérieur, le franc s’est renchéri de 18 % par rapport à la décennie précé- dente (de 2000 à 2009). Son évolution varie selon les pays considérés: il s’est par exemple apprécié de 24 % par rapport à l’Allemagne, le principal partenaire commercial de la Suisse, alors qu’il a perdu 10 % face au dollar américain. Globalement, le cours de change pondéré par les échanges indique une importante surévaluation ré- elle du franc. L’indice révèle que la forte appréciation du franc a commencé après l’éclatement de la crise financière et a pu être stoppée grâce à la mise en place du cours plancher. La suppression de ce dernier en 2015 a entraîné une nouvelle appré- ciation, qui s’est toutefois résorbée pour moitié environ par la suite. Dans l’ensemble, 52 Source: Office fédéral de la statistique et calculs de la BNS e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 37/87 la valeur extérieure réelle du franc est supérieure de quelque 5 % à celle d’il y a cinq ans. Graphique 5: Indice du cours de change réel pondéré par les exportations Source: Datastream, BNS 3.3.5 Autres régimes de taux de change Un État peut concevoir sa politique monétaire de deux manières: (i) fixer son cours de change à celui d’un autre pays ou d’une union monétaire ou (ii) mettre en œuvre une politique de cours de change flottants. La politique monétaire d’un petit pays doit cependant atténuer les fluctuations extrêmes du taux de change, car ces turbulences pourraient entraver la réalisation de l’objectif d’inflation et avoir un effet dé- favorable sur l’évolution conjoncturelle. Arrimage à une autre monnaie La BNS pourrait se voir fixer un cours de change fixe par rapport à l’euro comme objectif de sa politique monétaire, sans adhérer formellement à la zone euro, c’est-à- dire suivre une politique similaire à celle du Danemark53. La politique monétaire devrait alors être entièrement axée sur la stabilisation du cours de change, ce qui nécessiterait de renoncer à son autonomie. Dans les faits, la Suisse serait amenée à adopter la politique monétaire de la BCE. Une telle option n’est pas envisageable car la BNS perdrait alors sa marge de manœuvre en matière de politique monétaire et ne serait donc plus en mesure d’influer sur les évolutions suisses qui divergent de celles de la zone euro. Un arrimage permanent du franc à une autre monnaie entrerait en conflit avec l’indé- pendance de la BNS qui est inscrite dans la loi. Un rattachement fixe et permanent du franc à l’euro ne serait donc possible qu’après une révision de la LBN. En revanche, 53 Le Danemark est cependant membre de l’UE et du mécanisme de taux de change européen. La Banque centrale du Danemark tout comme la BCE ont donc une obligation contractuelle d’appliquer le cours de change convenu. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 38/87 un rattachement temporaire visant à atteindre un but défini qui correspondrait au mandat de la BNS de poursuite de l’intérêt général serait possible. Cours de change flottants La deuxième possibilité consiste à mener une politique monétaire indépendante, avec des cours de change flottants et une libre circulation des capitaux. C’est ce que fait actuellement la BNS, qui tient compte du cours de change dans les différents aspects de sa politique monétaire. D’une part, le taux de change entre en tant que variable dans la définition de ses prévisions d’inflation conditionnelle. D’autre part, il est pris en compte lorsqu’il influe sur la conjoncture ou sur l’évolution des prix. Dans certaines circonstances, la BNS est également prête à intervenir sur le marché des changes pour exécuter son mandat. Cela vaut en particulier lorsque l’instrument des taux n’est pas disponible de manière illimitée. À l’exception de l’épisode de 1978 et du cours plancher instauré entre 2011 et 2015, la BNS ne poursuit pas d’objectif explicite de cours de change. 3.4 Conclusions sur les principes de la politique monétaire en Suisse La politique monétaire de la BNS sert à exécuter le mandat de cette dernière (garantie de la stabilité des prix en tenant compte de la conjoncture) dans l’intérêt général du pays. La stabilité des prix est une condition essentielle à la croissance et à la prospérité. En recherchant cette stabilité, la BNS crée des conditions-cadres permettant à l’économie d’exploiter pleinement son potentiel de production. Elle définit la stabilité des prix comme une hausse de l’indice suisse des prix à la consommation infé- rieure à 2 %. La déflation, c’est-à-dire une baisse durable du niveau des prix, contrevient à l’objectif de stabilité des prix. Avec cette définition, la BNS vise à moyen et long termes une légère augmentation des prix des biens et des services consommés par un ménage moyen suisse. Elle tient ainsi compte du fait qu’elle ne peut pas gérer l’inflation de manière exacte et que l’indice des prix à la consommation tend à exagérer légèrement le renchérissement. Lorsque l’on s’écarte de la stabilité des prix, la BNS s’efforce de ramener à moyen terme le renchérissement dans la zone correspondant à cette stabilité, en tenant compte de la conjoncture. En l’absence de risque d’inflation, elle peut ainsi utiliser sa marge de manœuvre monétaire pour prendre en compte la conjoncture. Le cours de change joue un rôle capital dans une petite économie ouverte comme la Suisse, car il a un impact direct et particulièrement fort tant sur l’inflation que sur la conjoncture. La Suisse dispose certes d’une structure économique flexible qui lui permet de surmonter des fluctuations de change. Toutefois, si ces variations dépassent une certaine ampleur, elles peuvent poser un sérieux problème. Compte tenu de la pression durable à la hausse sur le franc depuis 2008, le cours de change repré- sente un défi majeur pour l’autonomie de la politique monétaire. En Suisse, la marge de manœuvre pour une politique de taux conventionnelle est limitée, notamment en raison de la situation internationale (taux et croissance économique faibles). Dans ce contexte, la BNS a dû recourir à des mesures non conventionnelles pour combattre cette pression. Le fait que la BCE mène également dans la zone euro une politique monétaire expansionniste basée sur des mesures non conventionnelles constitue un défi supplémentaire pour la politique monétaire suisse. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 39/87 Une alternative possible à cette politique monétaire serait l’arrimage du franc suisse à une monnaie étrangère. Mais la BNS devrait alors impérativement abandonner sa politique monétaire autonome axée sur les intérêts généraux du pays et se soumettre à la politique monétaire de la banque centrale de la monnaie d’ancrage. Cela serait incompatible avec son indépendance. La stratégie actuelle de politique monétaire autonome a fait ses preuves jusqu’à pré- sent et n’a donc pas besoin d’être modifiée. Elle donne à la BNS une marge de manœuvre suffisante pour empêcher des variations extrêmes du cours de change et tenir compte de la conjoncture tant que cela ne compromet pas l’objectif de stabilité des prix visé à moyen terme. L’indépendance de la BNS garantit que cette marge de manœuvre n’est pas utilisée à des fins politiques et que la primauté de la stabilité des prix reste assurée à long terme. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 40/87 4 Réglementation institutionnelle de la politique monétaire 4.1 Forme juridique de la BNS 4.1.1 Société anonyme régie par une loi spéciale La BNS est une société anonyme du droit fédéral fondée sur une loi spéciale (art. 1, al. 1, LBN). Elle est administrée conformément à la loi qui la régit, avec le concours et sous le contrôle de la Confédération. L’organisation de la future banque centrale a été débattue de manière approfondie lors de la création de la BNS. Le législateur a finalement opté pour la structure d’une société anonyme, notamment afin d’éviter que les autorités politiques n’exercent une influence sur la direction de la BNS et de renforcer ainsi l’indépendance de la banque centrale. Celle-ci allie donc «le double caractère d’une banque privée et d’une banque d’État»54 . Les dispositions de la LBN font office de statuts pour la BNS. S’y ajoutent à titre subsidiaire les dispositions du code des obligations relatives à la société anonyme (art. 2 LBN). Le capital-actions de la BNS est de 25 millions de francs; il est divisé en actions nominatives de 250 francs qui sont entièrement libérées (art. 25, al. 1, LBN) et cotées sur SIX Swiss Exchange. Le capital-actions est détenu à près de 55 % par les pouvoirs publics (cantons, banques cantonales, etc.). Les autres actions se trouvent principalement aux mains de particuliers. La Confédération n’en possède aucune. La BNS utilise ses revenus pour constituer des provisions suffisantes afin de maintenir les réserves monétaires au niveau requis par la politique monétaire pour amortir les effets des variations de valeur qui peuvent apparaître sous forme de fluctuations des prix au niveau des réserves de devises et d’or55. Ce faisant, elle se fonde sur l’évolution de l’économie suisse (art. 30, al. 1, LBN). Le produit restant représente le bénéfice pouvant être versé sous forme de dividende, celui-ci revenant pour un tiers à la Confédération et pour deux tiers aux cantons (art. 30, al. 2, en relation avec l’art. 31, al. 1 et 2, LBN). Le DFF et la BNS conviennent pour une période donnée du montant annuel du bénéfice versé à la Confédération et aux cantons, dans le but d’assurer une répartition constante à moyen terme (art. 31, al. 2, LBN). 4.1.2 Surveillance et participation de la Confédération à l’administration Bien que la forme juridique externe de la BNS soit de droit privé, son organisation interne est fortement marquée par le droit public du fait du concours et de la surveillance de la Confédération, qui sont exercés en premier lieu par le Conseil fédéral. 54 Message du 13 juin 1904 à l’appui d’un projet de loi créant une banque centrale d’émission, en exécution de l’article 39 de la constitution fédérale («message de 1904»), FF 1904 IV 435 55 Message (2002), 5786 s. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 41/87 Celui-ci nomme les membres de la direction générale, les suppléants et la majorité des membres du conseil de banque. Le Conseil fédéral approuve le rapport annuel, les comptes annuels et le règlement d’organisation (ROrg) de la BNS56. Enfin, celleci lui rend régulièrement compte de sa politique monétaire. Le Conseil fédéral et l’Assemblée fédérale ne disposent cependant d’aucune compétence pour conduire ou mettre en œuvre la politique monétaire. Cette tâche relève exclusivement de la direction générale. Par cette réglementation, le législateur entendait garantir une position aussi forte et indépendante que possible pour la direction générale57 . Concernant les compétences des organes, les dispositions du droit de la société anonyme se superposent aux pouvoirs de la Confédération en matière de participation et de surveillance, qui découlent du droit administratif. Les droits des actionnaires divergent donc de ceux d’une société anonyme cotée en bourse, et la LBN restreint fortement les compétences de l’assemblée générale58. Contrairement au conseil d’administration d’une société anonyme privée, le conseil de banque n’a aucun pouvoir en ce qui concerne la gestion de la banque centrale. Ses compétences portent principalement sur la surveillance et le contrôle de la gestion des affaires de la BNS; le conseil de banque s’assure en particulier que les lois, les règlements et les directives sont respectés. Ainsi, la définition de la politique monétaire et l’activité opérationnelle dans le cadre du mandat de la BNS tel qu’il est fixé dans la LBN et dans des lois spéciales relèvent de la compétence exclusive de la direction générale. Les fonctions de surveillance et de contrôle sont strictement séparées des fonctions de direction59 . 4.1.3 Conclusion La forme juridique n’a jamais vraiment été remise en question depuis la création de la BNS. Le groupe d’experts chargé de la révision totale de la LBN en 2001 a conclu que l’organisation en tant que société anonyme régie par une loi spéciale accorde une large indépendance à la banque centrale par rapport aux autorités fédérales, de sorte que la structure d’une société anonyme devrait constituer l’élément prioritaire pour garantir l’indépendance de la BNS. Dans son message, le Conseil fédéral précise que, par rapport à un établissement de droit public, une organisation revêtant la forme d’une société anonyme présente l’avantage que «les voies pour les décisions concernant l’administration et la gestion sont en principe tracées d’avance». Chaque autorisation d’intervenir qui est accordée à une autorité externe doit expressément être pré- vue par une réglementation dûment motivée contenue dans la loi. Cette forme juridique est la mieux adaptée pour garantir la prise de décision en toute indépendance et pour protéger la fortune de la banque centrale contre une utilisation par l’État à des fins non conformes à sa mission. Dès lors, il ne fait aucun doute que la forme juridique de la société anonyme respecte au mieux la volonté du constituant que toute autre forme juridique envisageable60 . Dans l’ensemble, cette évaluation n’a pas changé depuis la révision totale de la LBN en 2003. Jusqu’à présent, l’interaction entre une forme organisationnelle de droit privé 56 Message (2002), 5659 s. 57 Message (2002), 5664 58 Message (2002), 5663 59 Message (2002), 5664 60 Message (2002), 5675 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 42/87 et la surveillance et la participation de la Confédération, qui relèvent du droit public, a fait ses preuves. 4.2 Organisation de la BNS 4.2.1 Les quatre organes de la BNS Les organes de la BNS ont été rationalisés et professionnalisés et son organisation a été réformée en profondeur dans le sillage de la révision totale de la LBN. Le comité de banque, les directions locales et les comités locaux ayant été abrogés, la BNS ne dispose plus que de quatre organes depuis 2004 (contre sept auparavant): l’assemblée générale des actionnaires, le conseil de banque, la direction générale et l’organe de révision (art. 33 LBN). 4.2.1.1 Assemblée générale Comme indiqué précédemment, les droits des actionnaires et les attributions de l’assemblée générale sont fortement limités par la nature juridique de la BNS, qui est marquée par le droit public, et par son organisation en tant que société anonyme régie par une loi spéciale. L’inscription d’un actionnaire est limitée à 100 actions, cette restriction ne s’appliquant pas aux collectivités et aux établissements suisses de droit public ni aux banques cantonales (art. 26, al. 2, LBN). Le droit aux dividendes repré- sente au maximum 6 % du capital-actions (art. 31, al. 1, LBN). L’assemblée générale élit cinq des onze membres du conseil de banque et l’organe de révision (art. 36, let. a et b, LBN). Les six autres membres du conseil de banque sont nommés par le Conseil fédéral. Celui-ci doit d’abord approuver le rapport annuel et les comptes annuels avant que l’assemblée générale ne puisse se prononcer sur ces documents (art. 7, al. 1, en relation avec l’art. 36, let. c, LBN). La répartition du bénéfice est ré- glementée en détail dans la LBN, de sorte que la décision de l’assemblée générale sur l’affectation du bénéfice porté au bilan (art. 31 en relation avec l’art. 36, let. d, LBN) est de nature purement formelle. La BNS n’ayant pas de statuts, l’assemblée générale ne peut pas les modifier ni exercer ainsi une influence sur l’orientation des activités ou sur l’organisation de la BNS. Elle peut cependant soumettre au Conseil fédéral, à l’intention de l’Assemblée fédérale, des propositions de révision de la LBN (art. 36, let. f, LBN). 4.2.1.2 Conseil de banque et direction générale Le conseil de banque surveille et contrôle la gestion des affaires de la BNS, mais ne dispose d’aucune compétence en relation avec la politique monétaire de la BNS (art. 42, al. 1, LBN, art. 10, al. 1, ROrg). La direction générale est l’organe exécutif suprême de la BNS. Elle décide de la politique monétaire de la BNS, représente cette dernière auprès du public et assume l’obligation de rendre compte prévue à l’art. 7 LBN (art. 46, al. 1, LBN, art. 18, al. 1, ROrg). La conduite de la politique monétaire relève de la compétence exclusive de la direction générale, mais cette dernière et le conseil de banque se partagent la responsabilité de toutes les questions opérationnelles (cf. ch. 4.3 et 4.4). e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 43/87 4.2.1.3 Organe de révision Les réviseurs sont élus pour un an par l’assemblée générale, mais leur mandat est renouvelable (art. 47, al. 1, LBN). La fonction d’organe de révision peut être assumée par des personnes physiques ou morales, qui doivent avoir des qualifications professionnelles particulières et être indépendantes du conseil de banque, de la direction générale et des principaux actionnaires (art. 47, al. 2, LBN). Depuis la révision totale de la LBN, l’une des principales sociétés de révision de Suisse a toujours fait office d’organe de révision. 4.2.2 Organisation interne de la BNS Le ROrg définit notamment les tâches du conseil de banque et de la direction géné- rale, l’organisation interne de la BNS ainsi que les tâches de la direction générale élargie et du collège des suppléants. La version en vigueur a été édictée par le conseil de banque le 14 mai 2004 et approuvée par le Conseil fédéral le 23 juin 2004. Le ROrg a fait l’objet d’un examen approfondi en 2008, qui a révélé la nécessité de délimiter clairement les compétences du conseil de banque et de la direction générale. Par ailleurs, depuis la révision totale de la LBN en 2003 et la publication du ROrg, le collège des suppléants s’est établi comme une instance dirigeante importante dans la conduite des affaires courantes. L’ancien ROrg ne lui conférait aucune base contraignante, ce qui a été modifié avec la révision partielle de 2008. Le ROrg a de nouveau été révisé partiellement en 2011 et en 2016 (cf. ch. 4.3.4). 4.2.2.1 Structure La BNS est structurée en trois départements, chacun d’entre eux ayant une sphère d’activité déterminée (art. 3, al. 1, en relation avec l’art. 4 ROrg). Les unités d’organisation des 1er et 3e départements sont en majorité à Zurich, alors que celles du 2 e département sont, pour la plupart, à Berne. La sphère d’activité du 1er département englobe les affaires économiques, la coopération monétaire internationale, les affaires juridiques et la communication. Celle du 2e département concerne les finances, la gestion des risques, le numéraire et la sécurité. La sphère d’activité du 3e département comprend les marchés financiers, la gestion des actifs, les opérations bancaires et l’informatique. Le secrétariat général est le service d’état-major de la direction gé- nérale et du conseil de banque. Il relève de la direction générale et est rattaché administrativement au 1er département. Chaque département est dirigé par un membre de la direction générale, le 1er département, par le président de cette dernière. Les suppléants sont intégrés dans la direction du département concerné et chargés de la gestion des affaires correspondantes (art. 3 ROrg). La BNS peut gérer des succursales et des représentations en Suisse et à l’étranger (art. 3 LBN, art. 7 ROrg). Depuis 2013, elle a une succursale à Singapour pour pouvoir mener plus efficacement ses activités en Asie et en Océanie. Cette succursale a été créée après la mise en place du cours plancher vis-à-vis de l’euro en raison de la forte augmentation des réserves de devises et de l’importance croissante des marchés financiers asiatiques; elle a notamment facilité les opérations sur le marché des changes 24 heures sur 24. Des représentations régionales observent l’évolution économique et transmettent des informations dans les régions suisses. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 44/87 4.2.2.2 Direction générale élargie La direction générale élargie se compose des trois membres de la direction générale et de leurs trois suppléants. Elle est chargée d’édicter les principes stratégiques affé- rents à la gestion des affaires, y compris la planification du personnel et les stratégies portant sur les ressources (art. 22, al. 2, let. a, ROrg), et approuve à l’intention du conseil de banque le budget annuel de la banque, la réserve de planification et le dé- compte sur l’utilisation du budget annuel (art. 22, al. 2, let. b, ROrg). Le conseil de banque exerce la surveillance sur la gestion des affaires par l’intermédiaire de la direction générale élargie. Son président peut assister, avec une voix consultative, aux séances de la direction générale élargie (art. 23, al. 3, ROrg) et en reçoit les procèsverbaux (art. 24, al. 3, ROrg). 4.2.2.3 Collège des suppléants Le collège des suppléants a été créé après la mise en œuvre de la révision totale de la LBN en 2003. Il s’appuie sur l’art. 22, al. 3, de l’ancien ROrg qui permettait de délé- guer aux suppléants certaines affaires de la direction générale élargie. Après l’entrée en vigueur de la nouvelle LBN, le collège des suppléants s’est établi à l’échelle de la banque comme un organe de conduite pour les affaires courantes. C’est la raison pour laquelle sa fonction a fait l’objet d’une base formelle lors de la révision du ROrg en 2008. En 2011, les tâches du collège des suppléants, qui est notamment responsable de la planification et de la mise en œuvre des principes stratégiques affé- rents à la gestion des affaires de la BNS, ont été légèrement étendues. Le collège des suppléants assure la coordination dans toutes les affaires relatives à l’exploitation qui ont une portée interdépartementale (informations détaillées à l’art. 24b ROrg). 4.2.3 Conclusion L’organisation interne et la répartition des tâches opérationnelles ont fait leurs preuves. En particulier, le renforcement de la direction générale élargie et du collège des suppléants a permis de décharger la direction générale des affaires courantes liées à la gestion opérationnelle. 4.3 Conseil de banque 4.3.1 Tâches À la différence du conseil d’administration dans une société anonyme de droit privé, le conseil de banque n’est pas chargé de la haute direction de la société mais de la surveillance de la banque. Il est responsable de la surveillance et du contrôle de la gestion des affaires de la BNS; il s’assure notamment que les lois, les règlements et les directives sont respectés (compliance, art. 42, al. 1, LBN, art. 10, al. 1 et 2, let. i du règlement d’organisation [ROrg]). Par ailleurs, le conseil de banque assume la responsabilité financière en ce sens qu’il adopte le budget annuel et une réserve de planification pour dépenses imprévues ainsi que les investissements et dépenses non inscrits au budget (art. 10, al. 2, let. c, ROrg), après que la direction générale élargie a approuvé, à l’intention du conseil de banque, le budget annuel de la BNS, la ré- serve de planification et le décompte sur l’utilisation du budget annuel (art. 22, al. 2, let. b, ROrg). e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 45/87 Le conseil de banque définit l’organisation interne de la BNS et adopte le règlement d’organisation61, qu’il soumet à l’approbation du Conseil fédéral (art. 42, al. 2, let. a, LBN, art. 10, al. 2, let. a, ROrg). Par ailleurs, il établit, à l’intention du Conseil fédé- ral, des propositions pour la nomination des membres de la direction générale et de leurs suppléants (art. 42, al. 2, let. h, LBN, art. 10, al. 2, let. g, ROrg). Il institue dans ses rangs quatre comités (comité d’audit, comité des risques, comité de rémunération et comité de nomination), qui surveillent certains processus de gestion conformément aux dispositions de règlements internes et soutiennent le conseil de banque dans l’exercice de ses tâches. Un rôle important échoit à ce titre au comité d’audit, qui aide le conseil de banque à surveiller la comptabilité et les rapports financiers, ainsi que le respect des lois et des directives prudentielles. Le comité d’audit évalue l’efficacité du système de contrôle interne (SCI) et surveille l’activité des organes externe et interne de révision (art. 11 ROrg). À cette fin, il a un droit de regard sur toute information dont il a besoin dans l’exercice de ses tâches. S’il soup- çonne des irrégularités graves ou un manque de maîtrise des risques, il peut, en accord avec le président du conseil de banque, mener des enquêtes spéciales et mobiliser à cette fin des spécialistes externes62. Le comité d’audit coordonne son activité avec celle du comité des risques, qui aide le conseil de banque à surveiller la gestion des risques et à évaluer la gouvernance du processus de placement (art. 12 ROrg). Le comité des risques dispose lui aussi d’un droit de regard et d’un droit à l’information63. Le comité de rémunération aide le conseil de banque à fixer les principes de la politique de la BNS en matière d’indemnités et de salaires. Il soumet aussi au conseil de banque une proposition concernant la rémunération des membres de la direction générale et de leurs suppléants (art. 13 ROrg). Quant au comité de nomination, il établit les propositions pour la nomination des membres du conseil de banque qui doivent être élus par l’assemblée générale ainsi que des membres de la direction géné- rale et de leurs suppléants (art. 14 ROrg). Enfin, le conseil de banque a compétence pour toutes les affaires qui ne sont pas attribuées à un autre organe (art. 42, al. 3, LBN). La direction générale met à la disposition du conseil de banque tous les documents dont il a besoin pour l’accomplissement de ses tâches et l’informe régulièrement de la situation économique, de la situation des marchés financiers, de la politique monétaire, de la stabilité du système financier et du placement des actifs (art. 15 ROrg). Le président du conseil de banque a le droit d’assister aux séances de la direction générale et de la direction générale élargie et reçoit leurs procès-verbaux respectifs (art. 19, al. 3 en relation avec l’art. 20, al. 3, l’art. 23, al. 3 et l’art. 24, al. 3, ROrg;). Seules font exception les séances de la direction générale qui portent sur la préparation et l’adoption des décisions de politique monétaire (art. 19, al. 3, ROrg). Le conseil de banque n’est associé ni à la définition de la politique monétaire ni à sa mise en œuvre opérationnelle64 . Seule la compétence du conseil de banque d’approuver le niveau des provisions sur proposition de la direction générale touche à une dé- cision importante pour la politique monétaire (art. 42, al. 2, let. d, LBN): le niveau 61 RS 951.153 62 Règlement relatif au Comité d’audit de la Banque nationale suisse du14 mai 2004 63 Règlement relatif au Comité des risques de la Banque nationale suisse du14 mai 2004 64 Message (2002), 5801 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 46/87 des provisions influe non seulement sur le montant des réserves monétaires mais encore sur la distribution du bénéfice de la BNS. 4.3.2 Composition et élection Dans le cadre de la révision totale de la LBN, le conseil de banque a été fortement ré- duit en nombre et renforcé dans sa responsabilité en matière de surveillance administrative de l’activité de la BNS. Depuis 2004, il se compose de onze membres, dont six nommés par le Conseil fédéral et cinq élus par l’assemblée générale (art. 39, al. 1, LBN). Le président et le vice-président sont désignés par le Conseil fédéral (art. 39, al. 2, LBN). La durée du mandat est de quatre ans (art. 39, al. 3, LBN). Une réélection est possible, la durée maximale du mandat étant de douze ans (art. 39, al. 4, LBN). Les membres du conseil de banque doivent être de nationalité suisse et bénéficier d’une réputation irréprochable. Du fait du renforcement de la responsabilité du conseil de banque en matière de surveillance, d’organisation et de finances, les exigences professionnelles auxquelles doivent satisfaire ses membres se sont accrues elles aussi. Ils doivent avoir des connaissances reconnues dans les domaines des services bancaires et financiers, de la gestion d’entreprises, de la politique économique ou des sciences (art. 40, al. 1, LBN). La composition du conseil de banque doit reflé- ter équitablement les différentes régions linguistiques et géographiques du pays (art. 40, al. 2, LBN). Les principes régissant la composition du conseil de banque ont été convenus dans un Memorandum of Understanding signé en 2011 par le DFF et la BNS. Les principes ainsi convenus s’appliquent aux deux autorités de nomination (le Conseil fédéral et l’assemblée générale) et visent à garantir, au sein du conseil de banque, les capacités et les compétences techniques importantes pour la BNS. Le conseil de banque se compose de personnalités issues des milieux économiques, scientifiques et politiques, chacun de ces milieux doit y être représenté pour environ un tiers et les représentants des milieux économiques doivent provenir de différentes branches. Dans la mesure du possible, une représentation équilibrée des partis politiques est prise en compte. 4.3.3 Révisions partielles du règlement d’organisation en 2008, 2011 et 2016 La révision totale de la LBN en 2003 a renforcé et redéfini en partie le rôle du conseil de banque de la BNS en tant qu’organe de surveillance de l’entreprise. Bien que le nouveau cadre ait fait ses preuves en termes de gestion, des incertitudes sont apparues quant à la délimitation exacte des responsabilités et des compétences entre le conseil de banque et la direction générale. Aussi la réglementation des compétences du conseil de banque dans le ROrg a-t-elle été redéfinie en 2008. La structure de la nouvelle version s’alignait sur l’art. 716a CO, qui énonce les attributions inaliénables du conseil d’administration. Le ROrg révisé livre un état complet (incluant les tâches visées à l’art. 42 LNB) et systématique des compétences, de sorte que le nouvel art. 10 ROrg règle l’ensemble des tâches du conseil de banque. Seul l’al. 2 énonce trois compétences qui présentent un caractère politique et n’ont pas d’équivalent dans les sociétés anonymes usuelles (approbation des conventions concernant la distribution des bénéfices, choix du graphisme des billets de banque et nomination des membres des conseils consultatifs régionaux). En 2011, la révision interne a été subordonnée au comité d’audit du conseil de banque (art. 6, 10 et 12 ROrg). Par ailleurs, le comité de nomination s’est vu confier e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 47/87 la compétence d’établir des propositions pour la nomination des membres du conseil de banque (art. 14 ROrg). La dernière révision partielle du ROrg remonte à 2016. Les modifications apportées à ce règlement ont mis en œuvre les recommandations des Commissions de gestion (CdG) du Conseil national et du Conseil des États, que celles-ci avaient formulées dans leur rapport du 15 mars 2013 intitulé «Gestion par le Conseil fédéral des événements ayant mené à la démission du président de la BNS: entre dimension politique et compétences de surveillance». Deux de ces recommandations demandaient une ré- vision formelle du ROrg. Il s’agissait, d’une part, d’intégrer explicitement dans le catalogue des tâches du conseil de banque l’obligation d’édicter un règlement relatif aux placements financiers et aux opérations financières des membres de la direction de la banque. D’autre part, les CdG avaient recommandé de faire en sorte que le rè- glement d’organisation de la BNS dote celle-ci d’une structure de surveillance interne claire et adéquate. La teneur du ROrg avait conduit jusqu’alors à des malentendus. 4.3.4 Conclusion Au final, le conseil de banque dispose de toutes les compétences requises pour exercer la surveillance et le contrôle sur la gestion des affaires de la BNS. Il est appuyé dans ces tâches par le secrétariat général et la révision interne. La répartition des tâches entre la direction générale et le conseil de banque existe pour l’essentiel depuis les débuts de la BNS, elle est bien rodée et a fait ses preuves jusqu’à ce jour. 4.4 Direction générale 4.4.1 Tâches de la direction générale La direction générale est l’organe exécutif suprême de la BNS. Elle représente la BNS auprès du public (art. 46, al. 1, LBN). La direction générale prend notamment les décisions de politique monétaire sur les plans stratégique et opérationnel, fixe la composition des réserves monétaires et statue sur le placement des actifs (art. 46, al. 2, let. a à c, LBN). Elle a compétence pour recourir aux instruments souverains de politique monétaire de la BNS (statistiques, réserves minimales, surveillance des infrastructures des marchés financiers d’importance systémique) et remplit les tâches de la BNS qui relèvent de la coopération monétaire internationale (art. 46, al. 2, let. d et e, LBN). Le ROrg régit, à l’art. 18, al. 2, d’autres compétences de la direction générale en rapport avec les tâches légales de la BNS. Ainsi, elle édicte les directives générales sur la politique monétaire par lesquelles la BNS recourt aux instruments et procédures lui permettant d’approvisionner en liquidités le marché monétaire en francs suisses, ainsi que les «directives générales sur la politique de placement» par lesquelles la BNS régit en détail les principes de sa politique de placement, les instruments de placement ainsi que le processus de contrôle des placements et des risques. Elle édicte les «conditions générales». Par ailleurs, la direction générale fixe la stratégie pour le placement des actifs. Dans le contexte du monopole d’émission des billets de banque (art. 4 LBN), la direction générale fixe la valeur nominale des billets de banque à émettre et statue sur l’émission et le rappel des types et des séries de billets. Enfin, il e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 48/87 est de la compétence de la direction générale de conclure des conventions régissant les prestations bancaires fournies à des services fédéraux et d’engager des procédures judiciaires. La direction générale étant seule responsable de la conduite de la politique monétaire, il lui incombe également d’en rendre compte (art. 46, al. 1, en relation avec l’art. 7 LBN). La direction générale est une autorité collégiale (art. 18, al. 1, ROrg) qui, à l’exté- rieur, fait preuve d’unité et parle d’une seule voix. Toutes ses décisions sont prises à la majorité des voix (art. 19, al. 4, ROrg). Le président préside les séances (art. 19, al. 1, ROrg) mais ne dispose pas d’un droit de veto. Il est d’usage que la direction gé- nérale se réunisse deux fois par mois, chacun de ses membres pouvant demander la convocation d’une séance extraordinaire (art. 19, al. 1, ROrg). En cas d’urgence, les décisions peuvent être prises par conférence téléphonique ou par voie de circulaire (art. 19, al. 5, ROrg). La direction générale délibère valablement si ses trois membres ou deux membres et le suppléant du membre absent sont présents (art. 19, al. 4, ROrg). Les suppléants prennent part aux décisions de politique monétaire avec voix consultative. En l’absence d’un membre, ils assurent sa suppléance, y compris pour les décisions de politique monétaire. C’est la raison pour laquelle les suppléants doivent satisfaire aux mêmes exigences professionnelles et personnelles que les membres de la direction générale (art. 44, al. 3, LBN; cf. aussi le rôle des suppléants dans le processus décisionnel en matière de politique monétaire, aux ch. 4.4.2 et 4.4.3.2). La BNS assume un mandat légal clairement défini, qui dessine d’ailleurs le cadre de l’ensemble de ses activités. À cet égard, la direction générale décide de façon autonome de l’utilisation de tous les instruments de politique monétaire à sa disposition. Ces instruments trouvent leur concrétisation dans les directives sur la politique monétaire, les directives sur les placements et les conditions générales. La marge de manœuvre et les compétences décisionnelles de la direction générale ne portent donc pas sur l’objectif de politique monétaire à atteindre – la stabilité des prix compte tenu de la conjoncture –, qui est assigné à la BNS par la Constitution ou, plus exactement, par le législateur, mais plutôt sur le choix et le dosage des divers instruments dont elle dispose pour atteindre cet objectif. En temps normal, la BNS met en œuvre sa politique monétaire en influant sur le niveau des taux d’intérêt du marché monétaire en francs suisses. La décision de politique monétaire inclut la définition d’une fourchette pour le Libor à trois mois. La direction générale détermine cette fourchette cible et fixe la valeur visée pour le Libor à trois mois. Elle prend généralement sa décision de politique monétaire dans le cadre de son appréciation trimestrielle de la situation. Cette décision est préparée en interne selon un processus structuré et prend en considération un large éventail de facteurs et d’analyses. Face à une situation de crise, qui oblige à déroger au processus normal, et en cas de recours à des mesures non conventionnelles, la marge de manœuvre de la direction générale s’accroît. Cette marge est toutefois restreinte par le fait que la politique monétaire de la BNS doit servir l’intérêt général du pays. 4.4.2 Processus décisionnel en matière de politique monétaire Les décisions de politique monétaire obéissent à un processus structuré qui a pour but de rendre les décisions compréhensibles. La direction générale peut s’appuyer à cet égard sur une vaste équipe d’économistes qui, avec les suppléants de ses e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 49/87 membres, participent aux appréciations de la situation en matière de politique moné- taire. Les appréciations ordinaires ont lieu une fois par trimestre et débutent deux jours avant la publication de la décision de politique monétaire. L’ensemble du processus préparatoire prend cinq à six semaines et commence par un débat approfondi sur la conjoncture, occasion d’examiner dans quelle mesure la situation a changé depuis la dernière appréciation. Les trois unités d’organisation du domaine Affaires économiques (analyses de politique monétaire, prévisions d’inflation, conjoncture) élaborent des rapports et des prévisions détaillés avant l’appréciation de la situation. Le premier jour de l’appréciation, les économistes des domaines Affaires économiques, Stabilité financière et Marchés monétaire et des changes présentent des analyses de la situation actuelle et diverses prévisions quant à l’évolution des prix et de la conjoncture. Une trentaine de personnes participent à cette première journée, au terme de laquelle la direction générale a une vue d’ensemble des informations pertinentes en vue de sa décision de politique monétaire. Le deuxième jour, outre les membres de la direction générale et leurs suppléants, c’est un cercle réduit de spécialistes qui prend part au processus de prise de décision. Les discussions portent sur les options de politique monétaire, les spécialistes pré- sents faisant office de conseillers. Les suppléants participent aux discussions mais ne disposent d’aucun droit de vote. Axées sur la recherche d’un consensus, les discussions s’achèvent sur les avis formulés par les membres de la direction générale et leurs suppléants. Si elles ne débouchent pas sur une décision unanime, un vote formel a lieu. Une fois prise la décision de politique monétaire, la direction générale adopte le communiqué de presse motivant cette décision. Environ deux semaines plus tard, des précisions sont données dans le rapport sur la politique monétaire qui est intégré au bulletin trimestriel de la BNS. En juin et décembre a lieu en outre une conférence de presse au cours de laquelle les trois membres de la direction générale présentent un exposé et répondent aux questions des journalistes. 4.4.3 Taille et composition de la direction générale La direction générale de la BNS se compose de trois membres, chacun d’eux étant pourvu d’un suppléant qui prend part à titre consultatif aux décisions de politique monétaire de la direction générale. La question de savoir s’il fallait modifier la taille et la composition de la direction générale a notamment fait l’objet d’un débat public. L’argument avancé est que les décisions prises par un groupe plus large ont une plus grande légitimation démocratique et sont donc mieux acceptées par la société. 4.4.3.1 Aperçu général des instances de politique monétaire au niveau international À l’échelle internationale, les décisions de politique monétaire sont souvent prises par des instances dirigeantes comptant davantage de membres qu’en Suisse (cf. tableau 1 à la fin du ch. 4.5.4). Seul le Danemark, avec trois membres, présente un nombre identique à celui de la Suisse, tandis qu’en Nouvelle-Zélande, le gouverneur de la banque centrale est l’unique décideur. En Suède et en Israël, autrement dit des pays dont la population est comparable à celle de la Suisse, les décisions de politique monétaire sont prises par le double de personnes (six). À relever à ce propos qu’en e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 50/87 Suisse, les trois suppléants des membres de la direction générale prennent part avec voix consultative aux décisions de politique monétaire (cf. ch. 4.4.3.2). Une vaste étude de 2006 portant sur les banques centrales a révélé la situation suivante: Berger, Nitsch & Lybek65 ont recensé et évalué la taille des instances de décision en matière de politique monétaire de quelque 84 banques centrales en place à fin 2003. La plupart (45) totalisaient de sept à neuf membres, 25 entre quatre et six, quinze plus de dix et cinq seulement en comptaient deux ou trois. Les modes d’élection en usage dans les différents pays sont décrits au ch. 4.4.4.2. Aux États-Unis, la responsabilité de la politique monétaire incombe au Federal Open Market Committee (FOMC), dont font partie douze personnes. Sept d’entre elles sont membres du Board of Governors. Les cinq autres représentent les Federal Reserve Banks régionales. Le président de la Federal Reserve Bank de New York, qui gère toutes les affaires importantes en matière de politique monétaire, jouit à cet égard d’un statut particulier puisqu’il occupe un siège permanent au sein du FOMC. Les onze autres présidents des Federal Reserve Banks régionales se partagent les quatre sièges restants selon un système de rotation. Leur droit de vote au sein du FOMC est limité à un an, leur mandat de directeur d’une Federal Reserve Bank régionale étant quant à lui de trois ans. Le FOMC prend ses décisions à la majorité simple, chacun de ses membres disposant d’une voix. À la Banque centrale européenne (BCE), les délibérations de politique monétaire sont du ressort du Conseil de la BCE, composé des six membres du directoire ainsi que des 19 gouverneurs actuels des banques centrales nationales associées à l’euro. Au total, le Conseil de la BCE compte ainsi 25 membres, dont seuls 21 disposent du droit de vote. Comme aux États-Unis, la taille de l’instance de politique monétaire est plafonnée. Les banques centrales nationales ne disposent que d’un nombre limité de droits de vote (15), attribués selon une procédure de rotation sophistiquée, en fonction de la taille des États. La durée du mandat de tous les gouverneurs des banques centrales nationales est cependant fixée à cinq ans au moins. Le Conseil de la BCE prend ses décisions à la majorité simple des voix, chacun des membres pré- sents et ayant le droit de vote disposant d’une voix. En cas d’égalité des voix, celle du président est prépondérante. Au Royaume-Uni, les décisions de politique monétaire appartiennent aux neuf membres du Monetary Policy Committee (MPC). Cinq d’entre eux sont employés par la banque centrale: le Governor, deux Deputy Governors, l’économiste en chef de la banque centrale et l’Executive Director for Markets. S’y ajoutent quatre membres du MPC hors de la Bank of England. Le gouverneur est élu pour huit ans avec une seule possibilité de réélection. La durée du mandat des deux sous-gouverneurs est de cinq ans, mais ils peuvent être réélus deux fois. Les quatre membres extérieurs à la banque centrale ont la durée de mandat la plus courte (trois ans). Le MPC prend ses décisions à la majorité simple, chacun de ses membres disposant d’une voix. Toutefois, pour sauvegarder l’intérêt public, le chancelier de l’Échiquier (c’est-à-dire le ministre des finances) a un droit de directive à l’égard de la Banque d’Angleterre. 65 Berger, Helge, Volker Nitsch et Tonny Lybek (2006), Central bank boards around the world: Why does membership size differ? IMF Working Paper 06/281 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 51/87 Au Canada, c’est le conseil de direction qui définit la politique monétaire de la Banque du Canada. Il compte actuellement six membres: le gouverneur de la Banque du Canada, le premier sous-gouverneur et quatre autres sous-gouverneurs. Le gouverneur et le premier sous-gouverneur sont élus pour sept ans, avec une possibilité de réélection. La durée du mandat des quatre autres sous-gouverneurs n’est pas fixée par la loi. Les décisions du conseil de direction sont prises par consensus. En cas de divergences d’opinions entre le ministre des finances et la Banque du Canada quant à la politique monétaire, le ministre peut, après consultation du gouverneur et confirmation par le premier ministre, édicter une directive en la matière. En Suède, la politique monétaire relève de l’Executive Board, qui se compose de six membres, dont un gouverneur et un sous-gouverneur, élus pour cinq à six ans. Les décisions de politique monétaire sont prises à la majorité simple. En cas d’égalité des voix, celle du gouverneur est prépondérante. Au Japon, la responsabilité de la politique monétaire incombe au Policy Board. Neuf personnes en font partie, dont le gouverneur et deux sous-gouverneurs. Leur mandat a une durée de cinq ans et peut être reconduit. Les neuf membres du Policy Board prennent les décisions de politique monétaire à la majorité simple, chacun d’eux disposant d’une voix. En Israël, les décisions de politique monétaire sont du ressort du Monetary Committee (MC). Celui-ci compte six membres: le gouverneur, le sous-gouverneur, un autre fonctionnaire de la banque centrale et trois représentants du public. Le gouverneur et le sous-gouverneur sont élus pour cinq ans. Le mandat peut être reconduit. L’autre fonctionnaire de la banque centrale est nommé par le gouverneur pour une durée de quatre ans. Les représentants du public sont élus par le gouvernement sur recommandation du Candidate Search Committee. Tout comme le fonctionnaire de la banque centrale, ils ont un mandat de quatre ans et sont rééligibles. Les décisions sont prises à la majorité des membres présents. En cas d’égalité des voix, celle du gouverneur est prépondérante. Avec trois membres, le Danemark dispose d’une instance de décision en matière de politique monétaire qui a la même taille que celle de la Suisse. Le mandat des trois gouverneurs est d’une durée illimitée mais ils doivent se démettre de leurs fonctions avant leur 70e anniversaire. En cas d’égalité des voix (par exemple en l’absence de l’un des gouverneurs), celle du gouverneur nommé par la reine est prépondérante. En Nouvelle-Zélande, enfin, le gouverneur de la Reserve Bank of New Zealand prend seul les décisions de politique monétaire. Le rôle du Board of Directors consiste pour l’essentiel à évaluer l’action du gouverneur. La durée du mandat est de cinq ans, avec la possibilité de réélections. 4.4.3.2 Rôle des suppléants dans le processus de décision de la BNS en matière de politique monétaire Les trois membres de la direction générale sont assistés de suppléants (art. 43, al. 1, LBN). Comme les premiers, les suppléants sont nommés par le Conseil fédéral sur proposition du conseil de banque pour six ans (art. 43, al. 2, LBN). Ils ne peuvent être révoqués pendant la durée de leur mandat que par le Conseil fédéral, sur proposition du conseil de banque (art. 45 LBN). Ce régime garantit à chacun des suppléants une certaine indépendance par rapport au membre de la direction générale qu’il représente et l’impossibilité d’être démis de ses fonctions par lui. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 52/87 Les suppléants représentent les membres de la direction générale à tous égards, y compris pour les décisions de politique monétaire, lorsque le membre concerné est dans l’impossibilité d’assister à la séance de la direction générale. Ils prennent part avec voix consultative aux décisions de politique monétaire de la direction générale. Il ressort clairement des procès-verbaux66 qu’ils participent activement aux discussions sur la politique à poursuivre. Les suppléants et, à titre exceptionnel, d’autres participants font également des propositions sur la future politique monétaire. Si les décisions de politique monétaire sont prises par les trois membres de la direction générale, leurs suppléants n’en jouent pas moins un rôle important dans le processus décisionnel. D’une part, ils conseillent les membres de la direction générale. De l’autre, ils se voient confier la direction de groupes de travail chargés de préparer des questions importantes de politique monétaire. Vu leur longue expérience – plusieurs années souvent –, la direction générale fait grand cas de leur avis. 4.4.3.3 Études théoriques et empiriques quant à la taille des instances dirigeantes La littérature scientifique compte un grand nombre d’études consacrées à la taille optimale d’instances dirigeantes en général et d’instances de politique monétaire en particulier. Il s’agit, au fond, de savoir si une décision prise au sein d’un groupe est plus pertinente qu’une décision individuelle et, dans l’affirmative, de déterminer le nombre de personnes qu’un collectif est censé compter. Théoriquement, et sous certaines conditions, un groupe prend des décisions qui sont d’une meilleure qualité que celles d’un individu. Les avantages d’une décision collective résident dans une somme de connaissances plus large et dans la possibilité d’une interaction. Toutefois, plus le groupe croît en nombre, moins ses décisions sont efficientes et plus la responsabilité individuelle s’estompe. Par conséquent, sa taille optimale se situe là même où l’utilité d’un membre supplémentaire (amélioration qualitative de la décision) compense le coût que celui-ci engendre (processus et prise de décision, problèmes d’incitation plus la taille du groupe augmente). Or tant l’utilité que le coût varient suivant l’objet de la décision, les informations disponibles et le mécanisme de décision (Kang 2004)67 . La littérature empirique recèle elle aussi quantité d’études traitant de la question de savoir si les décisions de politique monétaire arrêtées par un groupe de personnes sont vraiment meilleures que celles dont un individu prend seul la responsabilité. Blinder et Morgan (2000)68 ont démontré par des expériences de politique monétaire que les décisions des groupes de cinq personnes étaient significativement meilleures que les décisions individuelles. Lombardelli et al. (2002)69 ont observé, à la faveur d’une expérience similaire, que la décision collective était nettement meilleure que la moyenne des décisions personnelles de chacun de ses membres. Ils ont expliqué 66 Les affirmations énoncées dans la présente analyse reposent sur des extraits des procès-verbaux publiés depuis 2002 sur l’appréciation trimestrielle de la situation. 67 Kang, Sawoong (2004), The optimal size of committee, Journal of Economic Research 9, p. 217 à 238 68 Blinder, Alan S. & Morgan, John (2000) «Are Two Heads better Than One?: An Experimental Analysis of Group vs. Individual Decision-making», NBER Working Paper, No 7909, Cambridge 69 Lombardelli, Clare, James Proudman et James Talbot (2002) «Committees versus Individuals: An Experimental Analysis of Monetary Policy decision-Making», Bank of England, Working Paper, Nor. 165 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 53/87 l’avantage de qualité des décisions collectives par le fait que, dans un groupe, le «meilleur» décideur pèse davantage sur le débat que le «moins bon» décideur. Par ailleurs, si le groupe est à même de prendre de meilleures décisions, c’est parce qu’il partage les informations et profite de cet échange. Ainsi, ramenée au contexte de la politique monétaire, l’évidence empirique plaide clairement en faveur d’une instance décisionnelle collective et non d’un individu. Cela dit, la littérature empirique ne répond pas clairement à la question de la taille «optimale» du groupe. Berger (2006)70 évoque un «moderately large number», Lybek & Morris (2004)71 tendent plutôt vers une dizaine de personnes, tandis que Sibert (2006)72 évoque une moyenne de cinq personnes. Blinder & Morgan (2008)73 ont démontré qu’un groupe de huit personnes ne fait pas significativement mieux qu’un groupe de quatre membres. Une enquête74 menée auprès d’anciens membres et de membres actuels des Monetary Policy Boards respectifs de Norvège et de Suède ont révélé qu’un comité est préfé- rable à un décideur unique mais qu’il ne doit pas être trop important en nombre. La plupart des sondés se sont prononcés pour un groupe de cinq à sept personnes. Selon eux, la forme du comité permet d’éviter d’importantes erreurs de politique monétaire et de faire accepter dans l’opinion publique l’indépendance de la banque centrale. Il est intéressant de noter que les personnes interrogées lors de cette enquête d’Apel et al. ont toutes indiqué n’avoir guère été incitées par leurs collègues à changer d’avis. Au contraire, c’est en amont de la décision proprement dite de politique monétaire, en dialoguant avec les collègues économistes, que l’on forge son opinion. Le fait que les meilleures décisions soient prises en comité tient non pas au partage oral des informations mais au vote même des décisions. 4.4.3.4 Avantages et inconvénients d’un élargissement de la direction générale de la BNS Il est difficile de déterminer précisément la taille optimale d’une instance dirigeante. Mais d’une façon générale, les arguments que voici pourraient plaider en faveur d’un élargissement de la direction générale ou, plus exactement, de l’instance de décision en matière de politique monétaire de la BNS:  Amélioration de la qualité des décisions par une plus grande diversité d’opinions: la littérature scientifique empirique révèle, dans certaines conditions, que les décisions collectives sont de meilleure qualité que les décisions individuelles. La théorie conforte ce résultat dans la mesure où des membres sup- 70 Berger, Helge & Nitsch, Volker & Lybek, Tonny (2006) «Central Bank Boards Around the World: Why Does Membership Size Differ?», IMF Working Paper, 281 71 Lybek, T. & Morris, J. (2004) «Central bank Governance: A Survey of Boards and Arrangements», IMF Working Paper, 04/226 72 Sibert, Anne (2006) «Central Banking by Committee», De Nederlandsche Bank, Working Paper n° 91, February 2006 73 Blinder, Alan S. & Morgan, John (2008) «Leadership in Groups: A Policy Experiment» International Journal of Central Banking 4 (4), p. 117 à 150 74 Apel, Claussen, Lennartsdotter & Røisland et al. (2015) «Monetary Policy Committees: Comparing Theory and Inside Information from MPC Members », International Journal of Central Banking, vol. 11 n° 4, p. 47 à 89 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 54/87 plémentaires, au sein d’une instance dirigeante, génèrent un surplus d’informations pertinentes et ne sont pas enclins à faire des estimations largement erronées.  Acceptation de l’indépendance dans l’opinion publique: le public, les particuliers et les milieux économiques seraient sans doute plus disposés à accepter l’indépendance de la BNS si les décisions de politique monétaire étaient prises par un plus grand groupe.  Assurance contre des décisions extrêmes: plus l’instance responsable de la politique monétaire est forte en nombre, plus il est difficile à une seule personne d’y imposer des idées extrêmes. Les arguments suivants peuvent, en revanche, plaider contre un élargissement de la direction générale de la BNS  Dilution de la responsabilité: si l’instance de décision dépasse une certaine taille, sa responsabilité risque de se diluer. Un groupe important peut être enclin à prendre davantage de risques (plus le groupe compte de membres, plus la responsabilité individuelle diminue), ce qui n’est pas souhaitable dans le contexte de la politique monétaire.  Participation de l’état-major aux décisions de politique monétaire: les suppléants qui siègent à la direction générale ont leur mot à dire sur les décisions de politique monétaire et la direction générale dispose de toute une équipe d’économistes qui la conseille dans l’appréciation de la situation dans ce domaine. N’est-ce pas là l’assurance que tout le savoir de la BNS est d’ores et déjà mobilisé au profit de la décision et que chacun des éléments qui importent en vue de la décision fait l’objet d’une analyse différenciée? Ce sont donc bien davantage que trois avis qui, aujourd’hui, alimentent le processus décisionnel. La conception de ce processus marque de son empreinte la qualité des décisions de politique monétaire.  Efficience et objectivité des débats: des débats efficients et objectifs sont probablement plus faciles à mener en comité restreint qu’au sein d’une instance importante en nombre et, de ce fait, souvent lourde.  Nombre limité de candidats idoines: les candidats doivent posséder les connaissances techniques nécessaires, s’abstenir de poursuivre des intérêts particuliers et être parfaitement familiarisés avec la spécificité de la Suisse, petit pays à l’économie ouverte. Vu la taille du pays et les exigences auxquelles les candidats doivent satisfaire sur le plan professionnel ainsi que la nécessité de posséder la nationalité suisse, le nombre des personnes qui entrent en considération est restreint et assurément plus réduit que dans de grands pays tels que, par exemple, les États-Unis.  La qualification, garante de bonnes décisions: la qualité des décisions et, partant, leur acceptation au sein de la société devraient moins tenir à la taille de l’instance responsable qu’à la qualification de ses membres. Il semble dès lors d’autant plus important que les candidats potentiels répondent aux exigences sévères de la fonction de membre de la direction générale et puissent se prévaloir d’une expérience aussi vaste que possible. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 55/87 Enfin il ne faut pas oublier dans ce contexte qu’un éventuel élargissement de l’instance de décision pourrait entraîner un vaste mouvement de réorganisation au sein de la BNS. À l’heure actuelle, chacun des membres de la direction générale est à la tête d’un département. Suivant la forme que prendrait cet élargissement, il faudrait modifier fondamentalement un organigramme qui a fait ses preuves. 4.4.4 Nomination des membres de la direction générale 4.4.4.1 Nomination et conditions d’éligibilité en Suisse Les membres de la direction générale sont nommés pour six ans par le Conseil fédé- ral sur proposition du conseil de banque. Leur mandat est renouvelable (art. 43, al. 1 et 2, LBN). Une révocation par le Conseil fédéral – sur proposition du conseil de banque – est possible pendant la durée du mandat, mais seulement si la personne concernée ne remplit plus les conditions nécessaires à l’exercice de son mandat ou a commis une faute grave (art. 45, al. 1, LBN). Est exclue, par contre, une révocation en cours de mandat consécutive au fait que le Conseil fédéral n’approuverait pas la gestion de la politique monétaire de la direction générale. Chacun des membres de la direction générale est à la tête de l’un des trois départements. À la différence des membres d’une société anonyme de droit privé, les membres de la direction générale sont nommés non pas par le conseil de banque ou le conseil d’administration, mais par le Conseil fédéral en tant qu’organe politique. Le conseil de banque propose quant à lui au Conseil fédéral des candidats à la direction générale. La nomination par le Conseil fédéral de la direction générale de la BNS traduit la compétence constitutionnelle de la Confédération de participer à l’administration de la BNS. Le Conseil fédéral n’est cependant pas lié par les propositions du conseil de banque. Il peut rejeter les candidatures proposées et demander au conseil de banque d’en présenter d’autres. La nomination par le Conseil fédéral garantit l’influence politique sur la composition de la direction générale. Une influence plus marquée de la politique par le choix ou la confirmation de la direction générale par l’Assemblée fédérale pourrait entrer en conflit avec l’indépendance de la BNS ancrée dans la Constitution. La direction générale est une instance technocratique dont la tâche prioritaire consiste à accomplir le mandat que lui impose son statut légal de banque centrale, indé- pendamment de l’influence des partis politiques ou d’autres groupes d’intérêts. Le profil des exigences requises pour les membres de la direction générale et leurs suppléants est défini en conséquence: seules peuvent être nommées des personnalités à la réputation irréprochable et justifiant d’une expérience reconnue dans les domaines monétaire, bancaire et financier (art. 44, al. 1, LBN). Outre les candidats internes de la BNS, le choix porte sur des personnes issues des milieux scientifiques, financiers, économiques ou administratifs, qui remplissent les conditions requises. En ce qui concerne plus particulièrement les candidats externes, une attention particulière doit être accordée aux conflits d’intérêts potentiels. Les membres de la direction générale et leurs suppléants doivent en outre être de nationalité suisse et avoir leur domicile en Suisse (art. 44, al. 1, LBN). Toutes ces conditions permettent de s’assurer que les candidats disposent des connaissances professionnelles et techniques nécessaires et connaissent les particularités de la Suisse, petit pays à l’économie ouverte75. Le mandat de membre de la direction générale ou de suppléant est incompatible avec toute 75 Message (2002), 5656 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 56/87 fonction au service de la Confédération ou d’un canton, de même que toute activité économique. Les exceptions requièrent l’autorisation du conseil de banque et ne sont possibles que si l’exercice de tels mandats est utile à l’accomplissement des tâches de la BNS (art. 44, al. 2, LBN). Les règles rigoureuses d’incompatibilité auxquelles s’astreignent les membres de la direction générale et leurs suppléants visent à garantir leur indépendance et à prévenir des conflits d’intérêts potentiels76 . 4.4.4.2 Comparaison internationale quant au mode d’élection Les modes d’élection des organes dirigeant la politique monétaire dépendent des spé- cificités politiques des différents pays et peuvent varier. On trouve généralement trois modes d’élection: par le biais du gouvernement, par le biais du parlement, ou par le biais de l’organe interne élargi (par exemple l’équivalent du conseil de banque de la BNS). Il arrive souvent qu’un organe nomme des candidats qui sont validés ensuite par un autre organe. Aux États-Unis, le Board of Governors est nommé par le président américain avec l’assentiment du sénat. Le gouverneur et le sous-gouverneur sont désignés par le pré- sident américain parmi les membres de ce même Board, ce qui requiert également l’assentiment du sénat. Les gouverneurs des Federal Reserve Banks sont désignés par les neuf directeurs des Federal Reserve Banks avec l’assentiment du Board of Governors. Six des neuf directeurs sont nommés par les établissements membres des Federal Reserve Banks, et trois par le Board of Governors. Seuls six des 21 membres du directoire de la BCE sont sélectionnés et nommés par le Conseil européen à la majorité qualifiée, après audition du Parlement européen et du Conseil de la BCE. Les 21 gouverneurs des banques centrales nationales sont désignés selon la procédure applicable dans leurs pays respectifs. En Allemagne, par exemple, le gouverneur de la Bundesbank est nommé par le président de la République fédérale sur proposition du gouvernement fédéral. Au Royaume-Uni, le Governor est nommé par la reine sur proposition du premier ministre. Les sous-gouverneurs sont désignés par le ministre des finances et confirmés dans leurs fonctions par la souveraine. L’économiste en chef et le Director for Markets sont nommés par le gouverneur de la Banque d’Angleterre après consultation du ministre des finances. Les quatre membres externes du Monetary Policy Committee sont nommés directement par le ministre des finances. Au Canada, il existe un conseil d’administration composé du gouverneur, du premier sous-gouverneur et de douze administrateurs, ainsi que du sous-ministre des finances, qui n’a toutefois pas droit de vote. Le gouverneur et le premier sous-gouverneur sont nommés par les autres membres du conseil d’administration. Les quatre autres sous-gouverneurs au sein du conseil de direction sont désignés par le conseil d’administration, mais n’en font pas partie. Les membres du conseil d’administration sont nommés par le ministre des finances avec l’approbation du gouverneur en conseil. En Suède, les membres de l’Executive Board ainsi que le gouverneur et le sous-gouverneur sont nommés par le General Council (organe de surveillance et consultatif). 76 Message (2002), 5808 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 57/87 Les onze membres du General Council sont élus par le parlement suédois. Les membres du Council désignent leur président et leur vice-président dans leurs rangs. Au Japon, les membres du Policy Board sont nommés par le gouvernement avec l’assentiment de la House of Representatives et de la House of Councillors. En Israël, le président (gouverneur) du Monetary Committee (MC) est nommé par le chef de l’État sur recommandation du gouvernement. Son vice-président (sous-gouverneur) est nommé par le gouvernement sur recommandation du président du MC. Le fonctionnaire de la banque centrale est désigné par le président du MC. Les repré- sentants du public sont nommés par le gouvernement sur recommandation du Candidate Search Committee. L’un des gouverneurs de la Banque du Danemark est nommé par le roi ou la reine, les autres par le Board of Directors (conseil d’administration) sur recommandation du Committee of Directors (organe de surveillance). Ce dernier se compose de 25 membres, dont huit désignés par le parlement, deux par le Minister of Business and Growth et les quinze autres par le conseil d’administration. En Nouvelle-Zélande, c’est le ministre des finances qui, sur proposition du Board of Directors (conseil d’administration), nomme le gouverneur. Les cinq à sept membres du conseil d’administration sont eux aussi nommés par le ministre. En général, les membres des organes dirigeants des banques centrales sont donc nommés par les gouvernements respectifs. Seules la Fed et la BCE, qui sont à la tête d’une structure fédéraliste regroupant plusieurs banques centrales régionales ou nationales et dont l’organe dirigeant comprend plus de dix membres, ont des modes d’élection par le biais de leur parlement. Dans le cas de la Banque du Japon, le parlement doit approuver les nominations émanant du gouvernement. 4.4.5 Conclusion Les réflexions et travaux relatifs à la dernière révision totale de la LBN remontent à près de quinze ans (approbation du message en 2002, entrée en vigueur en 2003). Depuis, les crises financières, économiques et de la dette ont profondément modifié les attentes envers les banques centrales. Des compétences supplémentaires, notamment en matière de stabilité financière pour le cas suisse, leur ont été attribuées. En conséquence, il est légitime de s’interroger à nouveau sur les structures institutionnelles de la BNS, notamment concernant la direction générale, et leur adéquation aux tâches exigées. Les questions institutionnelles concernant la direction générale de la BNS revêtent deux aspects: son mode d’élection et sa composition. Le mode d’élection actuel de la direction générale – nomination par le Conseil fédé- ral sur proposition du conseil de banque – est adéquat. Une nomination par le biais de l’Assemblée fédérale politiserait davantage le processus. La direction générale se compose de trois membres, ce qui est peu en comparaison internationale. Si la littérature économique s’accorde à dire que les décisions prises par un groupe sont de meilleure qualité que les décisions prises par un seul individu, e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 58/87 le nombre optimal de ce groupe n’est pas défini de manière claire et unilatérale. De plus, plus le groupe est grand, plus les coûts de décision sont élevés. Plusieurs arguments plaident en faveur d’un élargissement de la taille de la direction générale. Si celle-ci comptait plus de membres, la diversité des opinions pourrait être améliorée. De plus, une instance dirigeante plus grande et diversifiée rendrait les dé- cisions prises plus acceptables pour le public. Enfin, plus le nombre de personnes au sein d’une instance est grand, moins il est possible à une personne d’imposer un point de vue extrême ou excessif. Cependant, d’autres arguments plaident en faveur du statu quo. La taille actuelle et les méthodes de travail de la direction générale allient l’efficacité d’une petite instance à une collecte et à une préparation des informations par les suppléants et les spécialistes qui sont solidement étayées. Cela garantit la prise en compte de diffé- rents points de vue dans les décisions de politique monétaire. Cependant, plus l’instance dirigeante est grande, plus la responsabilité de chacun de ses membres diminue, ce qui pourrait conduire à des décisions plus risquées. En outre, les suppléants de la direction générale sont déjà fortement impliqués dans la prise de décision, même s’ils ne possèdent pas de droit de vote. Plusieurs personnes participent donc au processus de décision. Par ailleurs, la discussion est plus efficiente et pertinente dans un petit groupe que dans un grand. Enfin, les qualifications techniques requises et l’exigence de la nationalité suisse pourraient limiter le nombre de candidats potentiels. Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral estime que la configuration actuelle a fait ses preuves et qu’il n’est pas nécessaire d’élargir la direction générale de la BNS. 4.5 La transparence, partie intégrante de l’obligation de rendre compte 4.5.1 Importance de la transparence pour la politique monétaire Au cours des trois dernières décennies, les banques centrales ont beaucoup gagné en transparence, tant au regard des objectifs poursuivis que des explications données sur la manière dont elles entendent les atteindre. Cette évolution trouve notamment son origine dans la redéfinition de la fonction des banques centrales. Alors qu’autrefois leur tâche consistait essentiellement à défendre un cours de change fixe, la plupart d’entre elles sont passées au cours des trente dernières années à une politique monétaire qui cherche, par la gestion des taux d’intérêt, à garantir la stabilité des prix et à stabiliser la conjoncture. Une telle politique permet d’accroître la transparence de la formation des taux sur les marchés financiers et, par là même, d’améliorer l’efficacité de la politique monétaire. Ce gain de transparence s’explique aussi par des attentes généralement accrues quant à la gouvernance des banques centrales et à leur responsabilité envers l’opinion publique. Il fait contrepoids à l’importance accrue qu’a acquise la politique monétaire ces dernières décennies. En expliquant sa politique monétaire et en rendant compte des décisions qu’elle prend, la banque centrale confère à son activité la légitimité démocratique qui doit être la sienne. Aussi l’obligation de rendre des comptes s’est-elle établie aujourd’hui dans le monde entier comme l’une des meilleures pratiques reconnues des banques centrales. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 59/87 La transparence se révèle au travers de quatre objectifs stratégiques77: (i) la transparence est ancrée dans les décisions de politique monétaire; (ii) elle fait partie d’une communication réussie, laquelle est pour sa part un préalable indispensable au succès de la politique monétaire; (iii) la transparence amène la banque centrale à assumer la responsabilité de ses décisions, faisant ainsi contrepoids à son indépendance; (iv) la transparence confronte les banques centrales à leur responsabilité historique et à leur responsabilité envers la population car l’histoire de l’économie nous enseigne bien davantage de choses que la théorie économique sur les pratiques de la politique et les conséquences concrètes des décisions politiques. Conformément au Code de bonnes pratiques pour la transparence des politiques monétaire et financière du FMI (IMF Code of Good Practices on Transparency in Monetary and Financial Policies), la transparence de la politique monétaire obéit à quatre principes: (1) une définition claire du rôle, des responsabilités et des objectifs des banques centrales en matière de politique monétaire; (2) la communication des décisions de la banque centrale à l’opinion publique; (3) l’accès du public aux informations et données relatives à la politique monétaire; (4) l’obligation pour les banques centrales de rendre compte et de garantir l’intégrité de leur opérations ainsi que de leurs fonctionnaires. Selon Crowe et Meade (2008), une plus grande transparence, en particulier celle liée à la publication des prévisions, est associée à une plus grande utilisation par le secteur privé des informations fournies par les banques centrales (une plus grande utilisation des informations publiques par rapport aux informations privées). Certains travaux montrent toutefois qu’une transparence accrue n’est pas toujours ce qu’il y a de mieux. Ainsi, Cukierman (2009) avance qu’il peut y avoir conflit d’objectifs entre une transparence complète et l’exploitation totale des informations lors de la fixation de la politique monétaire et qu’une trop grande transparence facilite l’exercice de pressions politiques sur les membres de l’instance de décision. Baeriswyl et Cornand (2014)78 concluent qu’une transparence restreinte peut aussi être un moyen pour les banques centrales de contrer des réactions excessives des marchés financiers, ce qui devrait être particulièrement pertinent pour un pays comme la Suisse, plus exposé que d’autres aux fluctuations de ces marchés. Selon Geraats (2014) et sa large revue de littérature, des études empiriques suggèrent qu’une plus grande transparence de la politique monétaire a rendu les anticipations d’inflation à long terme mieux ancrées et les décisions de politique monétaire plus prévisibles. Elle aurait également amé- lioré les résultats macroéconomiques. Dans l’ensemble, la transparence en politique monétaire s’avère largement bénéfique selon l’auteure. 4.5.2 Mise en œuvre par la BNS de son obligation de rendre compte En obligeant la BNS à expliquer régulièrement sa politique et à rendre compte de ses décisions, son statut d’organe indépendant acquiert la légitimité nécessaire dans un État démocratique et son activité devient transparente. L’obligation de rendre compte est inscrite à l’art. 7 LBN et s’articule autour de trois volets: la BNS doit rendre des 77 Warsh K. (2014), Transparency and the Bank of England’s Monetary Policy Committee 78 Romain Baeriswyl et Camille Cornand: Reducing overreaction to central banks’ disclosures: theory and experiment. Journal of the European Economic Association, vol. 12 (4), p. 1087 à 1126, 2014 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 60/87 comptes au Conseil fédéral, à l’Assemblée fédérale et au public. La mise en œuvre de l’obligation de rendre compte est décrite en détail au ch. 2.3.3. Le message sur la révision de la LBN précise que la BNS doit informer le public afin de permettre aux acteurs économiques de mieux appréhender l’évolution future de l’approvisionnement en monnaie de l’économie suisse. L’idée est de rendre la politique monétaire prévisible, c’est-à-dire de faire en sorte que les marchés croient en la politique monétaire poursuivie et la suivent. On parle d’ancrage des anticipations. La BNS est une institution transparente qui publie un grand nombre de documents, dont notamment le rapport de gestion, qui contient le compte rendu d’activité et le rapport annuel, le bulletin trimestriel (rapport sur la politique monétaire et les tendances conjoncturelles) et les communiqués de presse à l’issue des examens de la situation économique et monétaire (quatre fois par an, dont deux fois accompagnés d’une conférence de presse). En outre, la BNS publie une large palette de statistiques accessibles au public. Une question légitime qui se pose, notamment en raison des développements internationaux en la matière, est de savoir si la BNS devrait aller encore plus loin et publier d’autres informations comme les procès-verbaux des décisions de politique monétaire. 4.5.3 Publication des procès-verbaux Actuellement, la BNS ne publie pas les procès-verbaux des décisions de politique monétaire. Les procès-verbaux complets des séances de la direction générale sont consultables sur demande auprès de la BNS après un délai de protection de trente ans79. Les pratiques internationales diffèrent, certaines banques centrales publiant les procès-verbaux de leurs décisions et discussions, d’autres non (cf. tableau 1). Des demandes ont été faites afin que la BNS publie les procès-verbaux des décisions de politique monétaire, par exemple par le biais de l’initiative parlementaire 15.422. Cependant, le Conseil national a décidé, le 27 septembre 2016, de ne pas y donner suite. S’il existe une littérature foisonnante au sujet de la transparence des banques centrales, la littérature dédiée spécifiquement aux procès-verbaux est plus limitée et n’aboutit pas à des conclusions univoques et définitives. Par exemple, certains auteurs arguent que cela améliorerait la communication et faciliterait la mise en œuvre de la politique monétaire, alors que d’autres craignent un problème de cacophonie si des différences d’opinion étaient rendues publiques. Les partisans d’une telle publication pensent que cela pourrait renforcer l’obligation de la BNS de rendre des comptes, améliorer la transparence et permettre au public et aux marchés de mieux comprendre les décisions prises par la BNS. De plus, le délai actuel de protection de trente ans ne permet pas la tenue d’une discussion scientifique et critique sur la politique monétaire au sein de la même génération. Toutefois, une telle publication comporte également des inconvénients, surtout si elle intervient peu de temps après la prise de décision: risque que les discussions importantes ne soient plus tenues lors des séances officielles, incompatibilité avec la manière collégiale dont la direction générale de la BNS prend ses décisions, peu de valeur ajoutée par 79 Loi fédérale sur l’archivage, art. 9, RS 152.1 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 61/87 rapport aux documents déjà publiés. Enfin, la communication externe de la BNS pourrait perdre en unité et donc être plus difficile. 4.5.4 Conclusion La transparence participe de l’obligation de rendre des comptes de la BNS, qui fonctionne comme un contrepoids à son indépendance. La BNS est déjà une institution très transparente qui publie un grand nombre de documents et de statistiques. Parmi ceux-ci figurent notamment les communiqués de presse et le rapport sur la politique monétaire, qui paraissent chaque trimestre, ainsi que les discours publiés des membres de la direction générale. Tous ces documents servent à expliquer les décisions de politique monétaire. Une publication rapide des procès-verbaux répondrait certes à une certaine tendance internationale, mais nécessite d’être appréciée dans le contexte suisse, notamment au regard du principe de collégialité. La publication des procès-verbaux n’améliorerait guère la transparence, mais compliquerait la communication. En outre, elle pourrait nuire à la franchise des discussions internes et donc entraver la prise de décision. C’est pourquoi le Conseil fédéral juge la pratique actuelle adéquate. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 62/87 Tableau 1: Direction générale et procès-verbaux en comparaison internationale Pays / zone monétaire Instance dirigeante Nombre d’habitants et taille du secteur financier* Nombre de membres de l’instance dirigeante Procès-verbaux: a) publication: oui/non b) fréquence c) moment États-Unis Federal Open Market Committee 322 millions d’habitants Secteur financier: 7,8 % du PIB 12 membres a) oui b) 8 fois par an c) 3 semaines après la séance (avant la suivante) Union européenne Conseil de la BCE 340 millions d’habitants Secteur financier: 5,0 % du PIB 25 membres a) oui b) environ 12 fois par an c) 1 mois après la séance (avant la suivante) Royaume-Uni Monetary Policy Committee 65 millions d’habitants Secteur financier: 7,9% du PIB 9 membres a) oui b) 12 fois par an c) immédiatement Canada Conseil de direction (organe de décision) 35 millions d’habitants Secteur financier: 6,5 % du PIB 6 membres a) non Suède Executive Board 9,7 millions d’habitants Secteur financier: 4,6 % du PIB 6 membres a) oui b) 6 fois par an c) 2 semaines après la séance (avant la suivante) Japon Policy Board 127 millions d’habitants Secteur financier: 4,4 % du PIB 9 membres a) oui b) 14 fois par an c) 1 mois après la séance (avant la suivante) Israël Monetary Committee 8,4 millions d’habitants Secteur financier: 5 % du PIB 6 membres a) oui b) 6 fois par an c) 2 semaines après la séance (avant la suivante) Danemark Board of Governors 5,8 millions d’habitants Secteur financier: 6,4 % du PIB 3 membres a) non Suisse Direction géné- rale 8,3 millions d’habitants Secteur financier: 9,8 % du PIB 3 membres a) non Nouvelle-Zé- lande Governor 4,5 millions d’habitants Secteur financier:5,8 % du PIB 1 membre a) non * Part du secteur financier dans le PIB nominal80 80 Données tirées le 11 février 2016 à 20 h 20 GMT de la statistique de l’OCDE. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 63/87 5 Conséquences des taux d’intérêt négatifs 5.1 Contexte: des taux bas dans le monde entier Au cours des vingt dernières années, les taux d’intérêt nominaux de la plupart des économies développées ont suivi une courbe globalement descendante (cf. graphique 6). Par ailleurs, les principales banques centrales ont réussi, depuis la fin des années 1980, à réduire l’inflation puis à la juguler. Comme les taux d’intérêt nominaux ont baissé plus rapidement que l’inflation, les taux réels, puis le rendement réel des investissements, ont eux aussi eu tendance à baisser. Cette tendance s’explique par différents facteurs. Tout d’abord une croissance économique faible essentiellement due à une faible croissance de la productivité, laquelle tient d’une part au ralentissement du progrès technique, et d’autre part au transfert, auquel on assiste dans les économies développées, du secteur de la production vers le secteur des services, où les gains de productivité étaient faibles dans le passé. Il est probable que cette évolution perdurera. En effet, la plupart des économies développées sont confrontées au vieillissement de leur population, qui accroît la demande de services dans le secteur de la santé et donc le développement du secteur des services. Un autre facteur qui explique le bas niveau des taux à l’échelle mondiale est l’offre accrue de fonds d’épargne. Dans les sociétés vieillissantes, on constate un excédent d’épargne accompagné d’une faible propension à investir. La demande de placements sûrs est élevée dans le monde, par exemple de la part de caisses de pension dont la tolérance au risque est limitée. Ce facteur, conjugué à l’offre réduite de placements sûrs, a contribué à la baisse des rendements des emprunts d’État. Graphique 6: Taux d’intérêt de différents pays – rendement des emprunts d’État à 10 ans Source: Datastream *) Allemagne avant sept. 1999: mark allemand, ensuite: euro Depuis la crise financière de 2008/2009, la politique monétaire expansionniste qui persiste dans le monde entier se traduit elle aussi par des taux d’intérêt bas. Cette crise a incité les banques centrales des pays concernés à abaisser nettement leurs taux directeurs afin de réduire le coût de la recherche de liquidités pour les institutions fi- e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 64/87 nancières. Dans les pays développés, elle a débouché sur un effondrement conjoncturel qui a provoqué un allégement supplémentaire de la politique monétaire, alors que les taux directeurs étaient déjà très bas. Avec des taux directeurs à zéro ou presque, les banques centrales de nombreuses zones monétaires se sont vu contraintes de prendre des mesures non conventionnelles telles que l’achat de titres de créance publics et privés afin d’abaisser la prime de risque de ces titres et d’exercer une influence déterminée sur les taux, en particulier ceux des échéances longues. Le but de cette politique monétaire non conventionnelle était et reste de maintenir bas le niveau général des taux afin d’accélérer la normalisation de la conjoncture et de l’inflation. Graphique 7: Taux CHF pour différentes échéances (rendements) Source: Datastream Sur les marchés financiers, les taux d’intérêt sont actuellement à un niveau historiquement bas, y compris en Suisse. Les taux d’intérêt au comptant81 publiés par la BNS n’ont cessé de baisser pour les échéances de 1 à 30 ans (cf. graphique 7). Par rapport à leur niveau d’avant la crise (2006), ils ont atteint un pic en juillet 2007 avant de perdre 3 points de pourcentage. Le 6 juillet 2016, le taux au comptant à dix ans atteignait son plus bas historique à – 0,60 %. En Suisse, les taux sont, dans une perspective à long terme, plus bas que pour d’autres monnaies, car les emprunts en francs suisses sont associés à une sécurité lé- gèrement plus élevée que ceux en bon nombre d’autres monnaies. L’investisseur paie cette sécurité relative par un rendement plus faible. De plus, les prévisions concernant l’inflation sont généralement plus basses en Suisse que dans d’autres pays. 5.2 Application du taux négatif par la BNS Le 18 décembre 2014, la BNS a annoncé l’introduction d’un taux d’intérêt négatif sur les avoirs en comptes de virement détenus auprès d’elle par les banques et d’autres acteurs des marchés financiers. Cette mesure visait à accroître l’écart de taux par rapport à l’étranger et à atténuer la pression à la hausse exercée sur le franc. L’in- 81 Rendement des obligations de la Confédération, spot journalier e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 65/87 térêt prélevé sur les avoirs en comptes de virement dépassant un certain montant exonéré a été fixé à – 0,25 %. Lors de la suppression du cours plancher, le 15 janvier 2015, la BNS a encore abaissé le taux d’intérêt négatif à – 0,75 % et adapté vers le bas la marge de fluctuation du Libor à trois mois, dès lors comprise entre – 1,25 et – 0,25 %. L’intérêt négatif prélevé sur les avoirs en comptes de virement détenus auprès de la BNS est entré en vigueur le 22 janvier 2015. Conformément au but recherché, l’abaissement du taux d’intérêt a eu des répercussions sur les placements en francs suisses quelle qu’en soit la durée, entraînant une certaine perte d’attrait de ces placements et contribuant à un affaiblissement du franc suisse (cf. ch. 5.4.1). La BNS n’était pas la première banque centrale à abaisser son taux directeur au-dessous de zéro. En juillet 2012, la Banque nationale du Danemark avait instauré des taux négatifs pour faire baisser la pression sur le cours de la couronne danoise par rapport à l’euro. La BCE avait fait de même pour sa facilité de dépôt en juin 2014. Par la suite, la Suède et le Japon ont eux aussi sauté le pas. La BNS prélève un intérêt négatif sur les comptes de virement que les banques et d’autres acteurs des marchés financiers détiennent chez elle lorsque les avoirs dépassent un certain montant exonéré. Seuls les comptes de l’administration fédérale centrale et du fonds de compensation AVS/AI/APG échappent à cette règle. La BNS administre les comptes de la Confédération non à des fins de politique monétaire mais en tant que banquier de la Confédération (art. 11 LBN). La Confédération, c’est-à- dire les différentes unités de l’administration centrale, n’étant pas dans un rapport de concurrence avec d’autres titulaires de comptes auprès de la BNS, l’application d’un taux d’intérêt nul ne lui confère aucun avantage. Il est indispensable de réduire les dérogations au strict minimum pour éviter que le principe des intérêts négatifs ne soit contourné en transférant les avoirs détenus sur des comptes de virement assujettis au taux négatif vers des comptes exonérés. Le montant exonéré est fixé par titulaire de compte et s’élève à au moins 10 millions de francs. Il peut être calculé selon deux méthodes. La première repose sur les ré- serves minimales imposées par la loi82. La seconde méthode consiste, pour la BNS, à déterminer un montant exonéré fixe pour les titulaires de compte qui ne sont pas soumis à l’obligation de détenir des réserves minimales, à savoir les banques étrangères, les entreprises de transport et de tri de numéraire, les centrales d’émission de lettres de gage, les compagnies d’assurance, les organisations internationales, les banques centrales et les unités de l’administration fédérale décentralisée. La BNS applique le taux négatif de manière à ce qu’il produise l’effet souhaité du point de vue de la politique monétaire. Son application généralisée à de rares exceptions près obéit au principe de l’égalité de traitement, et le montant exonéré permet de ne pas peser trop lourdement sur le système bancaire. Ce montant est calculé se- 82 Les banques suisses ont l’obligation de couvrir une proportion définie de leurs engagements en francs suisses par des espèces ou des avoirs en comptes de virement détenus à la BNS (art. 17 s. LBN). Le montant des réserves minimales requises durant la période allant du 20 octobre au 19 novembre 2014 sert de référence pour déterminer le montant exonéré. On le multiplie par 20, mais on prend également en compte la variation de la moyenne du numéraire détenu entre la période actuelle et la période de référence du 20 décembre 2013 au 19 décembre 2014. Le montant exonéré pour chaque titulaire correspond donc à la réserve minimale requise multipliée par 20 +/- la diminution ou l’augmentation du numéraire détenu. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 66/87 lon des règles claires, qui sont basées sur les dispositions de la LBN en matière de ré- serves minimales. Les dispositions en question se réfèrent aux engagements à court terme d’une banque, qui constituent une partie importante du passif du bilan bancaire, et sont aussi directement liées aux avoirs à vue détenus auprès de la BNS, puisque ces avoirs représentent en pratique la majeure partie des réserves minimales. Comme on peut s’y attendre aussi pour les mesures de politique monétaire courantes, les effets de l’application du taux négatif sur les différents acteurs du marché peuvent varier. 5.3 Effets des taux négatifs sur le secteur financier et sur l’économie nationale 5.3.1 Effet recherché La faiblesse des taux d’inflation à l’échelle mondiale et la baisse des taux directeurs autour de zéro opérée depuis 2008 ont fait chuter le niveau des taux d’intérêt. Étant donné que la baisse a commencé à des niveaux différents et s’est d’abord terminée à zéro, les écarts de taux entre les pays se sont également réduits, ce qui a encore accentué la pression à la hausse sur le franc suisse, lequel, de par sa fonction de valeur refuge, est convoité de toute façon par les investisseurs suisses et étrangers en temps de crise. Le taux d’intérêt négatif a tendance à réduire l’attrait des placements en francs suisses en ce qu’il contribue à accroître à nouveau l’écart de taux entre la Suisse et l’étranger. L’application de taux négatifs en Suisse ne vise pas en premier lieu à amé- liorer les conditions de financement des entreprises ou des emprunteurs hypothé- caires mais à affaiblir le franc. Sans les intérêts négatifs, le franc serait encore plus fort, ce qui pèserait d’autant plus sur l’économie tout en retardant davantage le retour à une évolution normale des prix et de la conjoncture. Le taux négatif dissuade clairement d’effectuer des opérations qui ont tendance à renforcer le franc. Il déploie ses effets sur les marchés monétaires et financier, même lorsque le montant exonéré est élevé. Le transfert du taux négatif fonctionne bien, cependant, et les taux du marché monétaire suivent de près le taux appliqué par la BNS aux comptes de virement, soit – 0,75 %. L’exploitation aujourd’hui quasi intégrale des montants exonérés fait que chaque franc supplémentaire généré est soumis au taux négatif, lequel agit ainsi sur les banques qui augmentent leurs avoirs à vue auprès de la BNS en achetant des francs contre des devises. 5.3.2 Effets secondaires des taux négatifs Les éventuelles distorsions résultant des intérêts négatifs peuvent se révéler néfastes pour l’ensemble de l’économie. Il convient cependant d’examiner ce coût par rapport à celui d’un scénario sans taux négatifs, qui entraînerait une nette pression à la hausse sur le franc suisse avec les conséquences correspondantes pour l’évolution des prix et de la conjoncture en Suisse. La persistance d’un contexte de taux bas confronte les économies à des problèmes fondamentaux. Lorsque les taux sont bas et que les investisseurs se réfèrent aux inté- rêts et aux rendements nominaux du passé, ceux-ci peuvent se tourner vers des place- e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 67/87 ments plus risqués. Il peut en résulter une exagération du prix des valeurs patrimoniales. Il faudrait mentionner ici les instruments macroprudentiels dont on dispose pour éviter de telles exagérations. Les rendements réels ont déjà été plus faibles qu’ils ne le sont aujourd’hui, généralement à cause de taux d’inflation plus élevés (cf. graphique 8). La différence, c’est qu’aujourd’hui, aussi bien les taux réels que les taux nominaux sont bas. Un problème se pose lorsqu’il faut respecter des obligations légales et contractuelles concernant les rendements nominaux. C’est notamment le cas pour le deuxième pilier (cf. ch. 5.4.1) et dans le secteur des assurances (cf. ch. 5.4.3). Graphique 8: Taux d’intérêt réels (déduction faite de l’inflation) Source: Datastream 5.4 Conséquences des taux d’intérêt négatifs pour différents acteurs 5.4.1 Conséquences des taux négatifs pour les institutions sociales et de pré- voyance Conséquences pour les institutions de prévoyance Les institutions de prévoyance comptent parmi les acteurs les plus sensibles au contexte de taux bas et aux intérêts négatifs. 40 % environ de leur fortune sont placés en obligations ou en d’autres valeurs à taux fixe. Dès qu’une obligation arrive à échéance, il n’est quasiment plus possible actuellement d’investir d’une manière rentable sans s’exposer simultanément à des risques plus élevés. La part que les institutions de prévoyance peuvent consacrer à des placements plus fructueux est limitée par leur capacité à supporter les risques. Cependant, la loi les oblige à obtenir, au moins sur le capital-vieillesse assuré obligatoire, un rendement minimal dont le Conseil fédéral fixe périodiquement le taux (taux minimal LPP). Ce rendement minimal est nettement supérieur à celui que le contexte de taux actuel permet d’atteindre sans risque. Résultat: près de la moitié de la fortune des institutions de prévoyance ne gé- nère plus aucun rendement à moyen ni à long termes, et plus le niveau des taux se maintient, plus la situation s’aggrave. L’instauration de taux négatifs a entraîné un déplacement de la courbe des taux vers le bas. Autrement dit, l’abaissement supplé- e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 68/87 mentaire du niveau des taux dû aux taux négatifs n’affecte pas seulement les liquidités à court terme des caisses de pension, mais également leurs placements sur plusieurs années. À cause de rendements passés en zone négative dans le secteur (largement) sans risque des créances à taux fixe, les institutions de prévoyance qui souhaitent placer de l’argent sans risque doivent payer des intérêts négatifs. Les placements risqués comme les actions, les obligations d’entreprise, les biens immobiliers ou certaines obligations étrangères permettent encore d’obtenir un rendement positif. Cependant, les volumes de placements immobiliers sont limités en Suisse. Les valorisations des actions étant plutôt hautes actuellement, les chutes de cours assorties de rendements négatifs sont devenues plus probables. L’écart entre les objectifs de rendement fixés par le Conseil fédéral et les taux bas met par conséquent à mal la performance du système de prévoyance professionnelle. Il en va de même non seulement pour la rémunération des avoirs de vieillesse des travailleurs soumis à la LPP mais aussi pour les rentes, car leur calcul implique la rémunération annuelle du capital de couverture des rentes existant. Les intérêts dits techniques correspondants, de 2 à 4 %, sont largement supérieurs au rendement actuel des placements. Les institutions de prévoyance les plus touchées sont celles ayant une forte proportion de retraités, celles ne couvrant que la partie obligatoire de la prévoyance professionnelle (c’est-à-dire celles qui doivent rémunérer le capital-vieillesse disponible au taux de conversion minimal) et celles dont la tolérance au risque est déjà limitée par un dé- couvert. Fin 2015, la fortune de la prévoyance professionnelle, y compris celle placée en assurances-vie, pesait près de 984 milliards de francs, soit plus lourd que le produit inté- rieur brut annuel, qui a atteint 646 milliards de francs la même année. Si les institutions de prévoyance sont obligées durablement de prendre des risques trop élevés, les conséquences négatives pour l’économie (par exemple nécessité, aussi bien pour les travailleurs que pour les entreprises, de verser des contributions d’assainissement) seront potentiellement considérables une fois que le risque (pertes de cours sur des actions, des obligations ou des biens immobiliers, défaillances sur des obligations, des hypothèques et des crédits, autres pertes sur placements alternatifs, etc.) se sera concrétisé. Conséquences pour les autres assurances sociales et pour le 3e pilier de la pré- voyance Le faible niveau des taux d’intérêt concerne toutes les assurances sociales qui gèrent des avoirs considérables. Les fonds de compensation AVS/AI/APG sont également concernés, quoique l’avoir de leur propre compte de virement à la BNS échappe aux intérêts négatifs. Mais tous les autres placements de ces fonds qui portent intérêts sont concernés par les taux bas. Le total des actifs s’élève à 35 milliards de francs (statistiques de la BNS, état de juin 2015), dont 5 milliards sont placés en obligations suisses et 9 milliards en obligations étrangères, obligations dont le rendement dépend des taux d’intérêt. Les revenus du capital du pilier 3a sont eux aussi sensibles aux taux d’intérêt. Ce pilier n’est pas lié à des objectifs de rendement nominaux et le rendement réel devrait en principe toujours être positif. Un rendement réel faible risquerait tout au plus d’inciter les investisseurs à opter pour des produits plus exposés. À ce stade, aucune banque n’a encore répercuté les taux négatifs sur les comptes du pilier 3a. Il en va de e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 69/87 même pour les produits d’assurance-vie des piliers 3a et 3b. Cela dit, un rendement nominal négatif réduirait certainement l’attrait de ces comptes pour les investisseurs (cf. ch. 5.4.4). La Suva possède une fortune de placement de 46 milliards de francs (rapport de gestion 2015 de la Suva). Elle encaisse chaque année pour 4,2 milliards de francs de primes, c’est-à-dire qu’elle place les primes encaissées pour une bonne dizaine d’années. Durant l’exercice 2015, la Suva a investi 46 % de sa fortune, soit quelque 21 milliards de francs, dans des obligations et a réalisé un bénéfice de 27 millions de francs (avant réduction du fonds de compensation). Il s’agit là d’une fraction de la diminution du produit des placements qui résulte déjà ou résultera de la baisse des taux. La situation financière de la Suva, comme celle des autres compagnies d’assurance, dépend fortement des taux d’intérêt. Les taux d’intérêt techniques utilisés pour calculer le capital de couverture des rentes sont de 2 % pour les nouvelles rentes et de 2,75 % pour les anciennes rentes. Ils sont moins élevés que par le passé, mais supérieurs aux rendements réalisables actuellement. En 2015, le rendement des placements à la Suva était de 1,2 %. Les provisions comptables de la Suva pour prestations de longue durée s’élèvent à près de 24 milliards de francs. Leur rémunération annuelle coûte donc à la Suva 480 millions de francs, sur la base d’un taux d’intérêt technique de 2 %. Stratégies de placement des caisses de pension et vigueur du franc Durant l’année de crise 2008, les institutions de prévoyance ont réduit leurs positions en devises et, partant, les risques de change auxquels elles sont exposées. Depuis le début de 2009, les positions en devises sont relativement stables, aux environs de 22 %. Ni l’instauration ni la suppression du cours plancher par rapport à l’euro n’y ont rien changé83. Les positions couvertes ne sont pas prises en compte. La part des devises (non couverte) dans le portefeuille des institutions de prévoyance est donc restée relativement stable ces dernières années (cf. graphique 9) 83 Les données les plus récentes montrent que la part des positions en devises non couvertes a de nouveau augmenté. Cette augmentation ne concerne toutefois pas l’euro ou d’autres devises classiques (dollar américain, yen japonais, livre sterling), mais les autres zones monétaires. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 70/87 Graphique 9: Allocation des devises des institutions de prévoyance du 2e pilier (part du franc suisse) Source: Indice Credit Suisse des caisses de pension L’allocation des devises a en revanche beaucoup changé. La part de l’euro est tombée de 10 % fin 2007 à quelque 3,3 % au troisième trimestre 2016, celle du dollar à environ 7%, soit une perte de 2 points de pourcentage. La part des autres devises a augmenté. Cette évolution est la marque d’une diversification accrue et d’incertitudes persistantes en Europe. Les institutions de prévoyance ne sont probablement pas les principales responsables de ce que les excédents de la balance des transactions courantes de la Suisse ont été moins compensées que par le passé par des retraits de capitaux privés et des investissements à l’étranger. Étant donné que le total du bilan, ou plutôt les actifs des institutions de prévoyance continuent de croître du fait de l’évolution démographique, la somme de leurs investissements en monnaies étrangères a plutôt augmenté en valeur absolue. Les institutions de prévoyance ne détiennent pas de comptes de virement auprès de la BNS. Par conséquent, celle-ci ne prélève pas non plus d’intérêts négatifs sur leurs comptes, et la question de savoir si la BNS doit ou non exonérer ces comptes des intérêts négatifs ne se pose pas. On peut tout au plus se demander s’il faudrait désormais permettre aux institutions de prévoyance de détenir des comptes de virement auprès de la BNS avec un certain montant exonéré. Selon l’art. 10 de la loi fédérale sur l’unité monétaire et les moyens de paiement (LUMMP), la BNS ne gère des comptes de virement que pour les agents du trafic des paiements. Cette règle ne s’applique pas à la Confédération, à qui la BNS doit fournir des prestations bancaires en vertu de la LBN. Quoi qu’il en soit, ces comptes de virement sont réservés au trafic des paiements et ne peuvent pas utilisés comme placements financiers. Même si on autorisait les institutions de prévoyance à détenir des comptes de virement – soit directement auprès de la BNS (ce qui n’est pas prévu par la loi), soit par le biais d’un compte global de la Confédération –, elles ne pourraient s’en servir que pour gérer les liquidités nécessaires à leurs paiements et non comme une autre possibilité de placement exonérée d’intérêts. Au meilleur des cas, seule une très petite partie des actifs des institutions de prévoyance bénéficierait de l’exception à la règle ci-dessus. On ne sait pas non plus si toutes les institutions de prévoyance se voient prélever des inté- rêts négatifs sur les comptes de paiements détenus actuellement auprès des banques, e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 71/87 et donc si le fait d’avoir accès à de tels comptes auprès de la BNS constituerait vraiment un allégement. Vu l’évolution stable des positions en devises ces dernières années, malgré les turbulences monétaires, il est permis de penser qu’une telle exonération aurait un effet limité sur les taux de change. Une exonération des caisses de pension, ne serait-ce que pour leurs liquidités nécessaires à l’exploitation, pourrait cependant donner l’impression que la politique monétaire est appliquée de manière sélective. Toute dérogation ouvrirait d’ailleurs la voie à l’expression de convoitises politiques. Conclusion Les taux d’intérêt bas concernent toutes les assurances sociales qui gèrent des avoirs considérables. Leurs conséquences pour le 1er pilier sont plutôt limitées, alors qu’elles sont lourdes pour le 2e pilier. Les assurances sociales qui doivent satisfaire à certaines exigences concernant leur rendement nominal sont très affectées par les faibles rendements. C’est notamment le cas de la Suva, où le taux technique applicable aux nouvelles rentes a déjà été abaissé au 1er janvier 2014. La situation touche principalement le système de la prévoyance professionnelle couverte par des capitaux, dont la performance à moyen et long termes est mise à mal du fait de la baisse des taux (et des primes de risque). Les institutions de prévoyance et les compagnies d’assurance privées doivent par ailleurs appliquer dans le domaine obligatoire le taux d’intérêt minimal LPP, qui est modifié régulièrement, et le taux de conversion minimal de la rente. Il est essentiel que ces taux reflètent les contextes économique et démographique. En d’autres termes, ils ne doivent pas amener à faire aux preneurs de prévoyance des promesses de prestations qui ne pourront pas être tenues à long terme. Le taux d’intérêt minimal a déjà été abaissé de 1,75 à 1,25 % par la décision du Conseil fédéral du 28 octobre 2015, et il passera à 1 % au 1er janvier 2017. Tous ces éléments rendent indispensable l’abaissement du taux de conversion minimal des avoirs obligatoires dans le cadre de la réforme Prévoyance vieillesse 2020. Les intérêts négatifs constituent certes une charge supplémentaire pour les institutions de prévoyance, mais il serait faux de voir dans le taux négatif appliqué aux comptes de virement par la BNS la cause principale des rendements trop faibles des caisses de pension. Les taux d’intérêt sont très bas dans le monde entier, et dans de nombreuses monnaies. Ce phénomène tient depuis longtemps à des taux d’inflation faibles, voire négatifs, et à une faible croissance économique, mais aussi aux programmes de rachat d’obligations lancés par certaines banques centrales. Le franc suisse ayant une fonction de valeur refuge, tous les taux d’intérêt sont plus bas en Suisse – comme d’ailleurs par le passé – que pour les autres monnaies. Le problème des rendements faibles est certes aggravé par les taux d’intérêt négatifs, mais il existerait sans eux. Une intervention du législateur visant à exonérer certains acteurs (par exemple les caisses de pension) des intérêts négatifs pourrait compromettre l’efficacité de la politique monétaire Une telle intervention créerait également un précédent, ce qui pourrait entraver la capacité d’action et l’indépendance de la BNS dans sa conduite de la politique monétaire. Il ne faut pas entraver la politique visant à prélever des intérêts négatifs. Elle constitue en effet l’un des deux piliers de la stratégie de la BNS pour endiguer la vigueur e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 72/87 du franc, l’autre étant des interventions précises sur les marchés des changes. Cette stratégie bénéficie non seulement à l’industrie exportatrice mais aussi à l’économie tout entière, puisqu’elle favorise une normalisation aussi rapide que possible de l’évolution des prix, des taux d’intérêt et de la croissance économique. 5.4.2 Conséquences des taux négatifs pour les banques Les banques sont affectées d’une part directement par le taux négatif appliqué à leurs placements auprès de la BNS et d’autre part par le fait que, selon le mode de financement adopté, les taux globalement bas contractent leur marge d’intérêt. Coût direct des intérêts négatifs La BNS prélève des intérêts négatifs sur les avoirs en comptes de virement des banques qui dépassent un certain montant exonéré. Ce montant correspond, pour les banques suisses, à vingt fois les réserves minimales que la loi les oblige à constituer, lesquelles s’élèvent actuellement à 15,1 milliards de francs. Le plafond du montant exonéré est par conséquent de 302 milliards. Les avoirs en comptes de virement des banques suisses s’élevant actuellement à 437 milliards de francs84, il en résulte une différence d’au moins 135 milliards, qui sont soumis au taux d’intérêt de – 0,75 %. Il en coûte chaque année aux banques, à taux d’intérêt égal, plus de 1 milliard de francs85. À noter toutefois que les avoirs en comptes de virement sont très inégalement répartis. Ils sont supérieurs au montant exonéré notamment dans les banques privées. Par ailleurs, toutes les banques n’exploitent pas la totalité de leurs montants exonérés. Coût indirect des intérêts négatifs L’une des principales tâches des banques réside dans l’octroi de crédits. Les crédits (de longue durée) ont pour contrepartie des dépôts de clients pouvant être retirés à court terme. Pour ce genre d’opération, une banque se couvre habituellement contre les fluctuations de taux d’intérêt. Cette couverture lui coûte une partie de l’écart de taux entre les intérêts des crédits à long terme et les intérêts des dépôts à court terme. Le montant restant est qualifié de marge d’intérêt et représente environ un tiers des revenus des banques suisses. Pour les banques cantonales, régionales et Raiffeisen, les intérêts nets représentent de 60 à 80 % des revenus totaux86. Les intérêts négatifs prélevés sur les comptes de virement par la BNS ont aussi eu des répercussions sur le 84 Données importantes de politique monétaire, BNS, 19 septembre 2016 85 Après les trois premiers trimestres de 2016, les intérêts négatifs prélevés sur les avoirs en comptes de virement ont rapporté à la BNS 1.1 milliard de francs. Rapport intermédiaire de la Banque nationale suisse au 30 septembre 2016. 86 Chamboulement des taux: Incidences des taux négatifs sur la Suisse, UBS, mars 2015 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 73/87 taux interbancaire et sur le coût des garanties contre les fluctuations des taux d’inté- rêt. Sans l’intervention des banques, ces conséquences des taux négatifs réduiraient les marges d’intérêt, donc la rentabilité87 . Conséquences à court et moyen termes Les banques ne peuvent répercuter que modérément les taux négatifs sur les déposants, sans quoi les particuliers seraient tentés d’effectuer des retraits massifs pour détenir davantage d’espèces. Aussi les banques, à une exception près88, ont-elles renoncé à prélever des intérêts négatifs sur les petits dépôts à vue. Certaines l’ont fait en revanche pour de plus gros clients. Pour contrer l’érosion de la marge d’intérêt, certaines banques ont relevé les taux hypothécaires à long terme à partir de 2015 (cf. graphique 10). Ces taux ont rebaissé légèrement depuis la mi-2015, sans doute du fait de la baisse générale des taux à long terme. Graphique 10: Conséquences des taux négatifs sur d’autres taux Source: Datastream Les banques couvrent généralement les risques de taux résultant de l’octroi d’hypothèques à long terme au moyen de dérivés financiers. Le coût de cette couverture est actuellement compris entre 50 et 70 points de base, ce qui n’est pas extrêmement élevé en comparaison historique89. Il est répercuté sur les emprunteurs et finit par faire monter les taux applicables aux crédits. Pour faire des économies, les banques pourraient être incitées à ne plus couvrir l’écart entre les échéances (c’est-à-dire le fait qu’elles financent les crédits de longue durée au moyen de dépôts à plus court terme), ce qui pourrait avoir un effet négatif sur la stabilité du système financier. Si les taux bas perdurent, a fortiori les taux négatifs, le rétrécissement des marges d’intérêt risque de réduire encore davantage les revenus des banques. Cette situation, jointe à la vigueur du franc et à un contexte économique globalement difficile, renforcerait les pressions à la consolidation sur les banques suisses, en particulier les 87 Il faut toutefois tenir compte du fait que la baisse des marges d’intérêt n’est pas uniquement due aux taux négatifs. À titre d’exemple, la marge d’intérêt médiane des banques de détail suisses était tombée de 124 points de base en 2013 à 119 en 2014 (Zinsmargenanalyse 2015, EY, octobre 2015). 88 En Suisse, à ce jour, seule la Banque alternative suisse applique des taux négatifs sur tous les comptes à vue des particuliers. 89 Swiss Strategy and Relative Value, Credit Suisse, mars 2015. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 74/87 plus petites d’entre elles. En outre, les banques en quête de rendements plus élevés pourraient opter pour des placements plus risqués, ce qui pourrait entraîner à terme des risques systémiques. Alors que dans certaines banques, les prêts aux emprunteurs ont presque exclusivement pour contrepartie des dépôts de clients, d’autres banques se tournent de plus en plus vers le marché des capitaux. Elles y lèvent des fonds de tiers, par exemple sur le marché interbancaire. Contrairement aux dépôts de clients, qui sont en général à l’abri des taux négatifs, le marché des capitaux applique des taux qui peuvent très bien être négatifs. Une banque hypothécaire qui se finance de cette manière profite ainsi du fait qu’à l’actif du bilan, elle touche des intérêts majorés pour ses hypothèques, et qu’au passif elle verse des intérêts négatifs pour la levée de fonds, c’est-à- dire que là aussi, les intérêts lui sont crédités. Dans un tel cas de figure, la marge d’intérêt de la banque est encore plus élevée qu’auparavant. Il en va tout autrement pour les banques qui, n’accordant ni hypothèques ni crédits, effectuent donc surtout des investissements financiers, et qui se financent essentiellement au moyen des dé- pôts de leurs clients. Celles-là n’ont pas la possibilité de recourir au financement croisé des dépôts de clients par les emprunteurs hypothécaires: leurs placements non risqués sont soumis à un taux d’intérêt négatif, et elles sont tenues de rémunérer les dépôts à un taux (non négatif) excessif. Leur marge d’intérêt est par conséquent plus mince qu’auparavant, voire négative. Les taux négatifs et le rendement moindre des emprunts pourraient par ailleurs inciter les compagnies d’assurance à s’engager davantage sur le marché hypothécaire. Contrairement aux banques, l’argent qu’elles investissent ne provient pas de dépôts susceptibles d’être retirés par les clients à tout moment mais de primes d’assurance. Il en résulte un moindre risque de financement et des taux hypothécaires d’autant moins élevés, même si les assureurs sont également exposés au risque de taux et au risque de défaillance hypothécaire. Cette évolution risque d’aggraver les déséquilibres sur les marchés hypothécaires et de créer de nouvelles difficultés quant à la stabilité financière. Conclusion Les taux bas et le caractère déflationniste du contexte économique constituent une ré- alité que même les banques doivent assumer. La BNS a défini les montants exonérés selon des critères transparents, qui s’appliquent de la même manière à tous les titulaires de comptes de virement. Tant que les règles n’entraîneront pas de distorsions nettes de la concurrence et ne généreront pas de risques systémiques, il n’y aura pas lieu de réglementer spécifiquement le secteur bancaire. Si des risques systématiques substantiels venaient à se manifester à moyen terme, il conviendrait de réévaluer la situation. 5.4.3 Conséquences des taux négatifs pour les assurances Assurances-vie Les produits d’assurance-vie permettent aux assureurs de percevoir des versements (primes) de leurs clients contre l’engagement d’effectuer des versements en leur faveur en cas de survenue du risque assuré. Dans l’intervalle, les assureurs placent le capital perçu. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 75/87 La chute des taux à laquelle on a assisté ces dernières années a augmenté la valeur actualisée des flux de versements futurs. Elle a aussi accru la valeur de marché des placements de capitaux à l’actif du bilan, car la valeur en bourse d’un placement à taux fixe, comme une obligation, monte quand les taux descendent. Cette augmentation de valeur est cependant inférieure à celle des engagements, et ce pour deux raisons: d’une part, les délais à l’actif sont plus courts que les délais de versement de la prestation d’assurance, d’autre part, le volume des actifs à taux fixe est plus faible que le passif. Résultat: la baisse des taux entraîne pour les assureurs-vie une perte de valeur économique nette, donc un coût direct. Selon les indications de la FINMA concernant le Test suisse de solvabilité (Swiss Solvency Test [SST])90, ce coût se situe dans une fourchette de 5 à 10 milliards de francs suisses par point de pourcentage de baisse des taux. Depuis juin 2007, les taux ont chuté d’au moins deux points de pourcentage; la perte peut donc être estimée à environ 20 milliards. Au 1er janvier 2014, le capital propre économique des assureurs-vie s’élevait à 48 milliards de francs91, et le taux de couverture moyen des assureurs-vie conformément au SST à environ 150 %, ce qui signifie que les exigences en matière de solvabilité sont largement remplies en moyenne. Les pertes liées à la baisse des taux d’intérêt concernent les affaires existantes et non les nouvelles affaires. Pour les nouvelles affaires, les assureurs devraient avoir fixé les primes et les prestations promises (garanties de taux, par exemple) en tenant compte du faible niveau actuel des taux, de manière à ce que les prestations convenues dans le contrat d’assurance puissent être financées. Dans ces conditions, les nouvelles affaires ne généreront pas de pertes. Les taux bas devraient affecter le chiffre d’affaires des assureurs car ils ont fait chuter la demande d’assurances- épargne. Bon nombre d’assureurs-vie ont modifié récemment leur gamme de produits pour tenter de vendre plus d’assurances-vie liées à des fonds sans garantie de taux, où le client participe aux fluctuations du marché, c’est-à-dire qu’il assume luimême les risques financiers. Les professionnels suisses étaient mieux préparés à cette situation que leurs concurrents étrangers car la Suisse a mis en place très tôt un système de solvabilité fondé sur les risques (SST), ce qui les a incités avant même la crise financière et la chute des taux à mettre en place une meilleure gestion de leurs actifs et de leurs passifs en harmonisant davantage leurs flux de paiements afin de ré- duire les risques de taux nets. Lorsque les taux se sont mis à baisser, les assureurs ont redoublé d’efforts dans ce sens, réduisant ainsi le risque de perte. La diversification sur d’autres marchés géographiques et dans d’autres segments au sein d’un groupe d’assurance est une autre façon de gérer le problème de taux actuel dans le secteur de l’assurance-vie. Assurances non-vie Dans ce segment, il est possible de traiter bon nombre de sinistres relativement vite, c’est-à-dire en quelques mois ou en quelques années, si bien que les effets des taux et des intérêts composés sont secondaires. Les assurances non-vie sont donc moins affectées par les taux bas. Cela dit, il existe dans les assurances non-vie des segments qui présentent, comme les assurances-vie, des durées longues. En font notamment 90 On dispose actuellement des valeurs SST au 1er janvier 2014. FINMA: SST 2014 Survey / FINMA Report on the Swiss Insurance Market, www.finma.ch/e/beaufsichtigte/versicherungen/schweizer-solvenztest/Documents/sst-ergebnisse-2014-e.pdf 91 FINMA: SST 2015 Survey, p. 5 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 76/87 partie les couvertures responsabilité civile et accidents de même que, plus généralement, tous les sinistres qui requièrent un règlement juridique long. Il peut s’écouler de dix à vingt ans entre le versement d’une prime et le traitement d’un sinistre. Dans l’intervalle, les primes versées et placées génèrent des intérêts. Ces revenus contribuent en partie au résultat financier des assureurs, mais elles peuvent aussi servir à réduire le montant des primes pour les clients à des fins de compétitivité. À l’inverse, les assureurs augmenteront les primes dans les segments non-vie de longue durée si les taux restent bas. Conclusion Lorsque les taux baissent, les assureurs-vie subissent des pertes. Plus la situation se prolonge, plus leurs bénéfices diminuent. Le fait que les taux deviennent négatifs n’a pas d’autre incidence sur la qualité des portefeuilles d’assurance que de constituer une baisse de taux supplémentaire. Les taux bas affectent lourdement le bilan des assureurs-vie, et ce depuis plusieurs années maintenant. S’ils remontaient à zéro, ils soulageraient les assureurs sans pour autant régler leur problème de taux bas. Le risque de taux fait partie des risques inhérents à l’activité des assureurs-vie. À eux de se préparer à un scénario où les taux sont durablement bas. Ils doivent maîtriser techniquement les produits qu’ils distribuent, c’est-à-dire être capables de gérer les risques qui y sont liés. Compte tenu de ces éléments et des adaptations de produits évoquées plus haut, il n’y a pas lieu de modifier la réglementation des assureurs en raison des taux bas. 5.4.4 Conséquences des taux négatifs pour les petits épargnants Selon la statistique annuelle Patrimoine des ménages de la BNS, les dépôts des épargnants auprès des banques suisses ont atteint en 2014 quelque 734 milliards de francs (y compris les comptes bancaires 3a) pour un patrimoine net de 3335 milliards. Ils se composent essentiellement d’avoirs détenus auprès des banques sous forme de comptes d’épargne, de comptes de transactions et de dépôts à terme. Le graphique 11 montre la répartition du patrimoine des ménages suisses. Graphique 11: Structure des actifs des ménages en Suisse (en milliards de francs) Source: BNS e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 77/87 En termes nominaux, les intérêts sur la plupart des comptes bancaires sont très faiblement positifs. L’instauration du taux négatif a fait chuter les taux des dépôts à vue et d’épargne à respectivement 0,01 et 0,08 % (cf. graphique 12). Le facteur déterminant pour l’épargne et pour sa valeur future est cependant le taux réel, c’est-à-dire le taux nominal corrigé de l’inflation, Or l’inflation est négative depuis plusieurs années et devrait le rester en 2016 (les prévisions tablent sur – 0,4 %). Le taux réel est donc encore positif. Les taux négatifs ont néanmoins des conséquences pour les petits épargnants car la rémunération des comptes privés est très basse, ce qui accroît d’autant le poids des frais de tenue de compte. L’éventuel report des taux négatifs sur les particuliers risquerait d’inciter les épargnants à conserver davantage d’argent liquide (cf. ch. 5.5.2) et à retirer leurs dépôts bancaires. Cette solution a elle aussi un coût car si le numéraire détenu dépasse de beaucoup la somme nécessaire pour la vie quotidienne, il faut en assurer le stockage, en investissant par exemple dans un coffre-fort ou dans un coffre de banque. En outre, les transactions en espèces coûtent plus cher que les opérations de paiement électroniques. Étant donné que la conservation de numéraire est plus compliquée pour les gros clients que pour les particuliers, plusieurs banques ont déjà instauré des taux d’intérêt négatifs pour ce segment de clientèle. Graphique 12: Taux d’intérêt appliqués aux dépôts bancaires (nouvelles opérations) Source: BNS S’agissant du pilier 3a, les taux négatifs et le contexte qu’ils génèrent entraînent également une baisse de la rémunération des épargnants. La faiblesse des taux ne devrait cependant pas avoir d’effet substantiel sur le montant des futurs dépôts du pilier 3a, la motivation principale des épargnants résidant dans l’optimisation fiscale. Conclusion pour les petits épargnants Aujourd’hui, ce sont surtout les gros clients et les emprunteurs, en particulier les emprunteurs hypothécaires, qui supportent les conséquences des taux négatifs. La marge d’intérêt passive négative découlant des dépôts (différence entre le taux appliqué aux clients et le taux du marché) est essentiellement répercutée sur les emprunteurs hypothécaires. Comme on vient de le dire, les taux négatifs ne devraient pas affecter outre mesure les placements du pilier 3a car la motivation principale des épargnants réside dans l’optimisation fiscale. La Suisse se distingue sur le plan mondial par un taux e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 78/87 d’épargne élevé. La baisse des incitations à l’épargne ne constitue donc pas un problème du point de vue économique. Mais si les taux négatifs étaient appliqués aux particuliers, il est probable qu’au-delà d’une certaine limite les clients se rabattraient sur l’argent liquide. 5.4.5 Conséquences des taux négatifs pour les propriétaires de logements D’une manière générale, les taux d’intérêt bas induisent une baisse des taux hypothé- caires. En conséquence, la demande pour l’immobilier augmente, entraînant une hausse des prix des biens immobiliers et une augmentation de l’endettement des mé- nages. Cette demande est également stimulée par la croissance de la population. Les taux bas ont également pour effet de diminuer les possibilités de placements à rendements intéressants. Les investisseurs sont ainsi amenés à se tourner vers la pierre, qui devient attractive. Ces deux phénomènes contribuent potentiellement à un risque de surchauffe du marché immobilier. La croissance de l’endettement hypothécaire et des prix des immeubles d’habitation peuvent diminuer la capacité de remboursement des propriétaires en cas de hausse des taux d’intérêt ou de baisse de revenus, ce qui peut représenter des risques pour la stabilité du secteur bancaire et donc de l’économie. C’est pourquoi les autorités ont pris différentes mesures. En 2012, la FINMA a approuvé de nouvelles exigences pour l’octroi de prêts hypothécaires: un apport en fonds propres de 10 % hors deuxième pilier ainsi que le raccourcissement de la durée d’amortissement des prêts hypothécaires. De plus, le Conseil fédéral a décidé en 2013, à la demande de la BNS, de prendre des mesures macroprudentielles et d’activer le volant anticyclique de fonds propres, qui obligeait les banques à détenir des fonds propres supplémentaires à hauteur de 1 % des crédits hypothécaires. En 2014, ce volant a été relevé à 2 %. Enfin, les banques ont révisé en 2014 leurs mesures d’autorégulation pour les financements hypothécaires: réduction de la durée de l’amortissement de vingt à quinze ans, introduction du principe de la valeur la plus basse lors de l’évaluation du bien et prise en compte des revenus du conjoint uniquement pour les cas de débiteurs solidaires. Dans ce contexte général de taux bas, les taux négatifs ont comme effet paradoxal d’augmenter les taux hypothécaires. En effet, puisque les banques ne répercutent pas directement les taux négatifs sur la plupart de leurs clients, elles subissent une compression de leur marge. Comme on peut le voir sur le graphique 10, les taux hypothé- caires ont augmenté à la suite de l’introduction des taux négatifs, mais ont continué à diminuer ensuite. Conclusion pour les propriétaires de logements En résumé, le secteur de l’immobilier est plus concerné par les taux bas que par les taux négatifs. Si les propriétaires sont avantagés par la baisse des taux hypothécaires, les propriétaires en devenir voient l’accès à un crédit hypothécaire rendu plus difficile en raison des différentes mesures visant à éviter une surchauffe. 5.4.6 Conséquences des taux négatifs pour les cantons Concernant les taux négatifs, leur effet direct sur les cantons est pour l’instant modeste. Les cantons ne possèdent pas de comptes de virement auprès de la BNS. Ils ne sont donc pas soumis aux taux négatifs par ce biais. En conséquence, ils ne peuvent e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 79/87 pas non plus faire l’objet d’exemptions des taux négatifs. Les cantons ne sont touchés par les taux négatifs que s’ils font partie des gros clients sur lesquels certaines banques répercutent les taux négatifs. Dans le contexte actuel des taux d’intérêt bas, les cantons voient leur charge d’intérêts passifs diminuer, ce qui leur donne une marge de manœuvre financière supplémentaire. Par ailleurs, on peut mentionner les effets de la réduction des déductions d’intérêts passifs et des produits financiers sur les recettes fiscales, qui sont toutefois difficilement quantifiables. Cependant, les cantons ne peuvent pas nécessairement profiter de l’attractivité actuelle du financement par l’emprunt pour augmenter leurs investissements. En effet, la plupart d’entre eux sont soumis à des règles budgétaires strictes (équilibre du compte de fonctionnement, frein aux dépenses ou à l’endettement). Ils ne pourraient pas nécessairement supporter les frais de fonctionnement supplémentaires engendrés par de nouveaux investissements. De plus, les décisions d’investissement des cantons sont moins influencées par des taux bas que par des besoins et des processus politiques. À plus long terme, les cantons pourraient souffrir des taux d’intérêt bas de manière indirecte, par le biais de leur caisse de pension. En raison de la faiblesse des taux d’intérêt et des rendements, les caisses de pension cantonales pourraient connaître des difficultés financières que les cantons devraient pallier, par exemple en les recapitalisant. Conclusion pour les cantons Une enquête menée en automne 2015 par la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances auprès de ses membres confirme le faible impact direct des taux négatifs sur les cantons. À noter que l’affaiblissement de la conjoncture dû au franc fort affecte de manière négative les recettes fiscales des collectivités publiques. Par leur effet stimulant sur la conjoncture, les taux négatifs permettent de limiter en partie l’effet de la conjoncture sur les finances des collectivités publiques, dont les cantons. 5.5 Conclusion Les taux d’intérêt sont très bas dans le monde entier, et la Suisse possède, avec le franc, une monnaie qui est largement surévaluée par rapport à l’euro. Le taux négatif est le résultat de ces deux phénomènes: il a pour rôle de réduire les pressions haussières exercées sur le franc afin d’éviter de nouvelles baisses de l’inflation en Suisse. Il contribue aussi à stabiliser la conjoncture intérieure. Compte tenu du contexte international (politique monétaire expansionniste de banques centrales importantes et bas niveau des taux d’intérêt), la BNS n’a pas d’autre choix pour le moment que de maintenir le taux négatif afin de préserver l’écart de taux avec l’étranger et d’éviter toute nouvelle valorisation du franc. Les taux bas posent avant tout problème aux investisseurs qui sont tenus de respecter des obligations de rendement nominales, comme les institutions de prévoyance, par exemple. Cela est vrai indépendamment du taux négatif, lequel ne fait qu’aggraver la situation. Sont actuellement exemptés du taux négatif la Confédération, le fonds de compensation AVS/AI/APG et les montants exonérés. Toute dérogation supplémentaire provoquerait un effet boule de neige. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 80/87 6 Vigueur du franc et tourisme d’achat 6.1 Causes du tourisme d’achat Par tourisme d’achat on entend les achats effectués à l’étranger par des particuliers domiciliés en Suisse. Ces personnes traversent la frontière dans le but d’y faire leurs courses. Le tourisme d’achat est particulièrement intéressant pour les consommateurs suisses, puisque leurs revenus leur donnent un pouvoir d’achat accru à l’étranger. Par contre, il accroît la pression concurrentielle qui pèse sur le commerce de détail suisse, lequel voit son chiffre d’affaires diminuer, surtout dans les régions frontalières. Selon une étude effectuée par la société GfK Switzerland AG pour la Communauté d’intérêt du commerce de détail suisse (CI CDS), les Suisses ont fait en 2015 pour 4,8 milliards de francs de courses à l’étranger. En y ajoutant les achats en ligne, d’un total de 1,4 milliard de francs, on arrive pour 2015 à 6,2 milliards de francs de dé- penses, ce qui représente un peu plus de 6 % du chiffre d’affaires global du commerce de détail suisse. Le montant est encore plus élevé si l’on y ajoute les dépenses effectuées lors de vacances ou de voyages d’affaires, qui ne relèvent pas directement du tourisme d’achat92 . Selon les études de GfK sur les achats à l’étranger, la principale motivation des consommateurs qui traversent la frontière réside dans le prix. Les horaires d’ouverture des magasins entrent également en ligne de compte, surtout dans les cantons qui imposent aux commerçants des horaires restrictifs. À l’étranger, les Suisses achètent avant tout des denrées alimentaires et des vêtements, mais aussi des objets pour l’aménagement de la maison, des produits d’hygiène et de soin, des chaussures, des articles de sport et des articles ménagers93 . Les écarts de prix tiennent essentiellement au niveau globalement plus élevé des prix en Suisse («îlot de cherté») et, depuis 2011, à la vigueur du franc. Dans son rapport en réponse au postulat Germann (05.3862) «Emplettes à l’étranger. Incidences sur l’économie suisse» rédigé en 2008, avant la valorisation du franc, le Conseil fédéral avait cependant établi que les écarts de prix en Europe avaient tendance à se réduire sous l’effet d’une intégration progressive des marchés. Il en concluait que ce resserrement finirait par réduire, à terme, l’attrait du tourisme d’achat. En 2009, une étude réalisée par Coop établissait elle aussi que le tourisme d’achat avait diminué par rapport à 200594. Mais l’appréciation du franc provoquée par l’éclatement de la crise 92 Cf. GfK, Achats à l’étranger en 2015. GfK compte dans les «achats à l’étranger» les dépenses effectuées lors de vacances, de voyages d’affaires, de visites et d’excursions (4,5 milliards de francs), et aboutit ainsi à un total de 10,7 milliards de francs. Par ailleurs, GfK a appliqué aux montants de 2015 un cours de 1,245 franc pour un euro, or selon la BNS, le cours moyen réel de l’euro n’était en 2015 que de 1,068 franc. 93 Cf. GfK, Achats à l’étranger en 2015 94 Cf. Coop, Étude sur le tourisme d’achat, 2009 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 81/87 économique et financière en 2008 a mis fin à cette tendance. Les écarts de prix entre la Suisse et l’étranger ne sont donc pas près de se réduire. Le nombre des certificats d’exportation allemands établis pour le remboursement de la TVA aux consommateurs est un indicateur du développement du tourisme d’achat. En effet, il est en hausse très nette depuis 2008: alors qu’il tournait autour des 6 millions depuis plusieurs années, il a amorcé en 2008 une hausse fulgurante, particuliè- rement marquée en 2011 (passant à 11 millions), pour frôler les 18 millions en 201595 . L’écart de prix est par ailleurs renforcé par le fait qu’un résident suisse peut effectuer une partie de ses achats à l’étranger hors taxe (l’UE prélevant au minimum 17 % de TVA). Ce système est particulièrement avantageux en Allemagne, où l’exonération fiscale ne dépend pas d’un montant plancher. 6.2 Mesures Pour atténuer la vigueur du franc, on pourrait envisager d’abord des mesures de politique monétaire avec des instruments que nous avons déjà évoqués (interventions sur le marché des changes, taux négatif, ou autres). On pourrait recourir aussi à des instruments de politique économique pour contrer le tourisme d’achat avec précision. Notons que les mesures évoquées font ou ont fait l’objet de diverses interventions parlementaires. 6.2.1 Lutte contre les prix élevés en Suisse Les raisons qui font que la Suisse est un îlot de cherté sont multiples et leur traitement constitue depuis de nombreuses années un défi de taille pour la politique économique. Le Conseil fédéral les a analysées en détail en 2008 dans son rapport en ré- ponse au postulat David (05.3816), proposant différentes mesures96, dont la suppression des entraves techniques au commerce, la suppression des protections douanières dans le domaine agricole, le renforcement de la concurrence sur le marché intérieur et un droit de la concurrence plus efficace. L’analyse sous-jacente est toujours valable aujourd’hui sur le fond97. Le 10 mars 2016, le Conseil des États a par ailleurs adopté le postulat Fournier (15.4159) «La Suisse, un îlot de cherté, pour quelles raisons? Et comment y remédier?». Le Conseil fédéral y est une nouvelle fois chargé d’analyser et d’exposer les raisons qui expliquent le haut niveau des coûts et des prix en Suisse. Il est également chargé de proposer des mesures visant à lutter contre ce phénomène. 95 Cf. Credit Suisse, Retail Outlook 2012-2016. Ces chiffres se réfèrent aux bureaux de douane de Singen et de Lörrach. 96 Cf. SECO/DEFR, Berichte in Erfüllung des Po. David (05.3816), Grundlagen der Wirtschaftspolitik, Nr. 16, 2008 97 Cf. Simon Jäggi/Markus Langenegger, Libre-échange ou prix élevés?, in: La Vie économique, no 4/2016, p. 18 à 21 e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 82/87 6.2.2 Importations parallèles Pour l’îlot de cherté qu’est la Suisse, les importations parallèles revêtent une grande importance98. D’une part, elles permettent d’acheter moins cher certains produits, faisant baisser les coûts de production ou d’approvisionnement des entreprises, d’autre part elles peuvent intensifier la concurrence sur le marché national et donc exercer des pressions sur les prix des autres fournisseurs. Elles ont probablement aussi pour effet d’accroître la sensibilité des consommateurs aux prix et contribuent donc à exercer des pressions sur le niveau en partie élevé des prix en Suisse. Le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) a été chargé, par le postulat 14.3014 de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national, de rédiger un rapport dans lequel il examinerait les obstacles juridiques et administratifs aux importations parallèles et proposerait des mesures pour les supprimer. Les droits de douane et les formalités douanières sont un premier domaine dans lequel on pourrait réduire les entraves au commerce. S’agissant des produits industriels, la suppression autonome de tous les droits d’importation faciliterait le commerce de manière substantielle. Le SECO s’est livré à un examen approfondi de cette mesure dans le cadre de la nouvelle politique de croissance 2016-2019: elle entraînerait, au-delà de la réduction des droits de douane, un allégement administratif et une simplification des procédures d’importation de produits qui sont importés en Suisse pour y être consommés (biens de consommation et d’investissement). Il ne serait plus nécessaire de fournir un certificat d’origine. Cela concerne aussi les marchandises utilisées comme intrants pour des biens qui seront ensuite dédouanés à l’étranger en dehors d’un accord de libre-échange (ALE). À l’heure actuelle, les protections douanières sont encore relativement élevées, surtout dans les secteurs de l’agriculture et des denrées alimentaires, qui sont très pré- sents dans le débat politique sur le haut niveau des prix en Suisse. Le conflit d’objectifs entre la protection de l’agriculture et les prix bas des denrées alimentaires est évident. Le seul moyen de faciliter le commerce serait ici de procéder à l’abaissement ou au relèvement autonomes de certains droits de douane (sur les produits relevant peu de la politique agricole) ou de supprimer ce qu’on appelle la protection de l’industrie. Les procédures douanières offrent d’autres moyens de réduire les entraves au commerce. En font notamment partie un portail Internet pour simplifier les déclarations en douane (cf. motion 14.3011), l’instauration d’une marge de manœuvre pour le passage de la frontière (cf. motion 14.3012) ou la simplification de la perception de la TVA lors de l’importation de marchandises (cf. motion 14.3015). Les importations parallèles peuvent aussi être entravées par des obstacles techniques, qui subsistent malgré la révision de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC) et l’instauration du principe du Cassis de Dijon. En effet, certaines prescriptions dérogatoires (notamment celles concernant le secteur alimentaire) et des procédures d’importation et d’autorisation spéciales (pour les médicaments, les aliments pour animaux, les produits phytosanitaires, etc.) acceptées sciem- 98 Par importations parallèles, on entend ici les importations réalisées en contournant la structure de distribution prévue ou organisée par le fabricant. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 83/87 ment lors de la révision de la LETC de même que l’autorisation obligatoire des aliments dans le cadre du principe du Cassis de Dijon, sont clairement en contradiction avec le souhait de voir les prix baisser en Suisse. Pour faciliter le commerce, on pourrait remplacer l’autorisation obligatoire par une déclaration obligatoire. De plus, il faudrait limiter les dérogations au principe du Cassis de Dijon. 6.2.3 Limitation de la détaxe de marchandises d’exportation à l’étranger La TVA est un impôt sur la consommation dans les pays voisins comme en Suisse. Elle frappe dans chaque pays la consommation des marchandises concernées. Les marchandises exportées ne sont pas soumises à la TVA dans leur pays d’origine, mais dans leur pays de destination, car c’est là qu’elles seront consommées. Par mesure d’économie administrative, la plupart des pays voisins n’accordent aux particuliers la détaxe sur les exportations qu’à partir d’un certain montant d’achats: 175 euros en France, 75 euros en Autriche et 155 euros en Italie (en Suisse, la franchise-valeur est de 300 francs). Seule l’Allemagne n’applique aucun seuil dans ce domaine. Il s’agit là d’une décision souveraine de chaque État, et la Suisse ne peut en aucune manière influencer ses voisins à ce sujet (cf. question Reimann (11.1103) «Remboursement de la TVA dans le petit trafic frontalier»). Il serait tout aussi difficile d’appliquer d’autres limitations, comme la proposition de n’accorder la franchise-valeur que pour les achats n’ayant pas fait l’objet d’une demande active de remboursement de la TVA étrangère (cf. réponse du Conseil fédéral du 20 mai 2015 à la motion Borer (15.3305) «Tourisme d’achat à l’étranger. Halte à la politique fiscale du Département fédéral des finances»). 6.2.4 Abaissement de la franchise-valeur La motion Hausammann (15.4172) «Ne pas encourager le tourisme commercial par des cadeaux fiscaux» exige l’abaissement de la franchise-valeur, qui est fixée à 300 francs par personne et par jour [pour les marchandises du trafic touristique99], estimant qu’elle est trop élevée et qu’elle incite les personnes résidant en Suisse à traverser la frontière pour acheter tout simplement en franchise de TVA les marchandises nécessaires à leur consommation quotidienne. Dans sa réponse à la motion, le Conseil fédéral précise que cette franchise vise à allé- ger la tâche de l’administration des douanes liée au tourisme. Un abaissement de la franchise-valeur aurait pour conséquence de faire payer à un particulier 24 francs maximum de TVA en plus par rapport à aujourd’hui. On peut se demander si cette charge fiscale supplémentaire aurait un effet sur le tourisme d’achat vu l’importance des écarts de prix. Elle alourdirait par contre d’une manière aussi considérable qu’injustifiable la charge de la douane et des citoyens pour le tourisme transfrontalier. Le Conseil fédéral estime que si la franchise-valeur était plus basse, il faudrait s’attendre à une augmentation du nombre des dédouanements et à une intensification de 99 Les marchandises du trafic touristique sont celles qu’une personne transporte avec elle lorsqu’elle passe la frontière douanière et qui ne sont pas destinées au commerce. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 84/87 la contrebande. Il ajoute qu’en raison de la lutte contre les migrations irrégulières et la criminalité, il serait impossible de consacrer une part plus importante des ressources limitées du Corps des gardes-frontière (Cgfr), qui fait partie de l’Administration fédérale des douanes (AFD), aux activités de contrôle du trafic commercial et à l’encaissement des redevances d’entrée. Il lui paraît en revanche probable que si la franchise-valeur était plus basse, les consommateurs se rendraient plus souvent à l’étranger, ce qui se solderait par une nouvelle augmentation du trafic, avec à la clé une aggravation des problèmes d’embouteillage aux bureaux de douane situés à la frontière. En fin de compte, le Conseil fédéral estime qu’une réduction de la franchise-valeur ne serait guère comprise par les consommateurs et que, du point de vue politique, le gouvernement se verrait en outre reprocher de chercher à protéger encore davantage l’îlot de cherté constitué par notre pays, ce qui ne ferait que désavantager encore plus les consommateurs suisses. Considérant, pour toutes ces raisons, qu’un abaissement de la franchise-valeur n’est pas judicieux, le Conseil fédéral propose de rejeter la motion Hausammann (15.4172). La motion n’a pas encore été traitée au Parlement. 6.2.5 Renforcement des contrôles à la frontière Les achats à l’étranger sont autorisés sous réserve que les dispositions du droit des douanes soient respectées. À cet égard, l’AFD constate que la plupart des consommateurs concernés respectent la législation et que le trafic de marchandises à titre privé, s’il n’est pas complètement anecdotique, reste tout de même une pratique marginale. Le Cgfr vérifie que les consommateurs respectent la franchise-valeur et les quantités maximales autorisées. Il n’est cependant pas possible d’effectuer un contrôle exhaustif, faute de ressources. Les activités de contrôle sont assurées en fonction du personnel dont dispose le Cgfr et se fondent sur des analyses du risque régulièrement pratiquées. La multiplication des contrôles entraînerait aussi un rallongement des temps d’attente et des embouteillages à la frontière. Étoffer l’effectif du Cgfr pour renforcer les contrôles de marchandises paraît peu réaliste vu d’une part la situation tendue en matière de migrations et de criminalité, d’autre part les mesures d’économies de la Confédé- ration, et n’aurait d’ailleurs aucun effet sur le tourisme d’achat légal. 6.3 Conclusion Les différentes mesures visant à lutter efficacement contre le tourisme d’achat ayant déjà fait l’objet de plusieurs interventions parlementaires liquidées ou en cours, le Conseil fédéral ne voit pas actuellement l’utilité d’un programme d’action spécifique. Des mesures pertinentes ont été mises sur les rails. D’autres sont en cours d’élaboration ou d’examen au Parlement ou, comme nous venons de l’expliquer, ne sont pas réalisables ni susceptibles de réunir une majorité. e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 85/87 7 Annexes: Textes des postulats 15.3091 Postulat Bischof Taux d’intérêt négatifs. Conséquences pour les caisses de pension, les petits épargnants et les cantons Le Conseil fédéral est chargé d’exposer dans un rapport les conséquences économiques qu’ont les taux d’intérêt négatifs introduits par la Banque nationale suisse (BNS) le 18 décembre 2014 dans un contexte de taux bas persistants. Il examinera notamment les questions suivantes: 1. Quelles conséquences les taux d’intérêt négatifs ont-ils pour la Suisse, notamment s’ils sont maintenus, ou si leur niveau est relevé, à plus long terme? Les caisses de pension seront-elles exposées à des risques plus grands? Les épargnants perdront-ils une partie de leur capital? Assistera-t-on à une ruée sur l’argent liquide? Quelles sont les alternatives? 2. Quels moyens peut-on mettre en œuvre pour que les taux d’intérêt négatifs ne soient pas appliqués aux avoirs de la prévoyance professionnelle (deuxième ou, éventuellement, troisième pilier) ni aux avoirs des assurances sociales (assurance-maladie et assurance-accidents y comprises)? La BNS peutelle leur ouvrir un compte de virement ou faut-il prendre des dispositions légales (comme en 1978)? 3. Comment peut-on garantir que le taux d’intérêt négatif ne sera pas appliqué demain aux petits épargnants disposant d’un capital inférieur à 100 000 francs? 4. Est-il exact que la Confédération elle-même, la caisse de pension Publica et un canton ne sont pas soumis aux taux d’intérêt négatifs? Que pense la Confédération de ce “modèle d’affaires”? Qu’en estil des autres cantons? 5. Serait-il possible, techniquement, de n’appliquer l’intérêt négatif qu’aux flux de capitaux étrangers? Cette mesure serait-elle d’ailleurs efficace? Quelles conséquences aurait-elle? 6. Le niveau élevé des montants exonérés pour les banques soumises à l’obligation de constituer des réserves minimales ne crée-t-il pas de distorsions de concurrence par rapport aux autres banques et assureurs? 7. Quels moyens le Conseil fédéral met-il en œuvre pour que les questions précitées soient examinées dans le respect de l’indépendance de la BNS? Juge-t-il nécessaire de prendre des dispositions législatives? 15.3367 Postulat Rechsteiner Paul Rapport sur le franc suisse Le Conseil fédéral est prié d’élaborer ou de faire élaborer un rapport sur le franc suisse et son rôle pour l’économie dans les circonstances actuelles ainsi que sur l’évolution future prévisible. Développement: L’histoire du franc suisse est considérée comme l’histoire d’une réussite (Ernst Baltensberger). Cela dit, il a régulièrement fallu adapter le cadre à la nouvelle donne, la dernière fois par la nouvelle loi sur la Banque nationale de 2003. Depuis lors, la situation a encore changé, notamment du fait de la numé- risation et de l’internationalisation des marchés financiers, des soubresauts liés à l’euro, mais aussi de l’importance croissante de la Chine et d’autres nouveaux pays industrialisés pour l’économie mondiale. Aujourd’hui, notre monnaie doit relever de nouveaux défis de taille. Il est donc urgent de revoir la donne. 15.4053 Postulat Bischof Banque nationale suisse. Revoir la gouvernance Le Conseil fédéral est chargé d’indiquer dans un rapport si et dans quelle mesure il y a lieu d’adapter la gouvernance de la Banque nationale suisse (BNS) aux réalités actuelles, ceci dans le respect de l’indépendance de la BNS. Il répondra notamment aux questions suivantes: 1. Les compétences que la BNS exerce dans les faits (le professeur Paul Richli parle d’”étirement” des compétences) répondent-elles encore aux normes légales et constitutionnelles actuelles? Faut-il adapter le mandat de la BNS et/ou les normes de droit? 2. Faut-il adapter le statut juridique de la BNS (société anonyme régie par une loi spéciale, actionnariat public et privé) ou le mode de nomination, la taille et la composition de la direction générale? e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 86/87 3. Faut-il revoir les règles sur le rapport d’activité et la communication? Faut-il compléter les informations informelles fournies aux Commissions de l’économie et des redevances des deux conseils par des auditions publiques? 4. Qu’en est-il de la situation juridique des banques centrales étrangères comparables sur ces diffé- rents points et y a-t-il lieu, compte tenu de cette comparaison, de prendre des mesures de bonne gouvernance? 15.3208 Postulat Cramer Franc fort et tourisme d’achat Il est demandé au Conseil fédéral d’examiner l’opportunité d’un plan de mesures pour lutter efficacement contre le tourisme d’achat. Cette problématique est particulièrement vive en zone frontalière, qui subit fortement les effets néfastes du franc fort, notamment dans les secteurs du commerce de la vente au détail, de l’hôtellerie et de la restauration. Cela pourrait se traduire par une intensification des collaborations avec les autorités chargées du contrôle des denrées alimentaires, par une plus grande information auprès des consommateurs et par une augmentation du nombre de gardes-frontière dans les ré- gions frontalières. Développement: Contrairement à la pratique de la libre circulation des personnes, la circulation des marchandises est réglementée. A cet effet, il s’agit de sensibiliser le consommateur aux règles en vigueur et d’effectuer des contrôles en la matière. De manière plus générale la contrebande porte atteinte à la place économique suisse sur trois niveaux: 1. celui du consommateur sous la forme de la tromperie sur la marchandise; 2. celui des entreprises par une distorsion notable de la concurrence; 3. celui de l’Etat au travers de pertes fiscales substantielles. On constate, dans toutes les régions du pays, un manque de gardes-frontière. Le rôle de ces derniers répond pourtant à un double enjeu: d’une part, faire respecter les lois régissant la circulation des marchandises en douane et, d’autre part, renforcer le dispositif visible de sécurité et de lutte contre les activités criminelles et terroristes. Le manque de douaniers a des conséquences directes. A titre d’illustration, le Corps des gardes-frontière a constaté en 2014 une augmentation substantielle – près de 75 pour cent – des infractions douanières dans le trafic touristique, ainsi que le doublement des enquêtes pénales en lien avec des activités de contrebande dans notre pays. Ces chiffres justifient pleinement l’importance d’un renforcement des contrôles douaniers en la matière et plaident clairement pour la mise en place de mesures rapides et adaptées. La situation s’est par ailleurs encore récemment détériorée, puisque à titre d’illustration, depuis le 15 janvier 2015, on estime que, selon le type de marchandises, la baisse du chiffre d’affaires dans le secteur du commerce de détail atteint entre 5 et 30 pour cent dans le canton de Genève. Une meilleure régulation constituerait un élément de réponse à ces effets négatifs et permettrait notamment d’augmenter les recettes fiscales de la Confédération. Ainsi, un renforcement du personnel en poste à la frontière, plutôt que de représenter un coût supplé- mentaire, serait susceptible d’augmenter les recettes fiscales de la Confédération. 15.401 Initiative parlementaire Minder Direction générale de la Banque nationale suisse. Élargir le cercle de ses membres et les faire élire par l’Assemblée fédérale Conformément à l’article 160 alinéa 1 de la Constitution et à l’article 107 de la loi sur le Parlement, je dépose l’initiative parlementaire suivante: La loi du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale (LBN) (et le cas échéant la loi sur le Parlement) sera modifiée afin que: 1. le nombre des membres de la direction générale soit augmenté, et 2. qu’ils soient élus par les Chambres fédérales réunies (ou que leur élection soit confirmée par les Chambres fédérales réunies). La direction générale de la Banque nationale suisse (BNS) se compose de trois personnes (art. 43 al. 1 LBN). Même si celles-ci sont flanquées d’autant de suppléants, et forment ainsi la direction générale e-parl 22.12.2016 11:24 Rapport sur la politique monétaire 87/87 élargie, les décisions importantes notamment “de politique monétaire sur les plans stratégique et opé- rationnel” (art. 46 al. 2 let. a LBN) sont prises par le triumvirat qui compose la direction générale. La décision prise par ces trois personnes, le 15 janvier 2015, d’abolir le taux plancher du franc par rapport à l’euro a révélé le pouvoir incomparable dont elles disposent et à quel point ce pouvoir est concentré en si peu de mains; les conséquences de leur décision en termes financiers et monétaires et subséquemment économiques ont eu une portée planétaire. Comme le confirment Georg Müller et Stefan Vogel, dans “Oberaufsicht der Bundesversammlung über die Schweizerische Nationalbank, SZW/RSDA 4/2010,277, la BNS dispose – comparée à d’autres banques centrales – d’une marge de manœuvre considérable. Or une mesure ayant une telle portée et aussi incisive, comme celle que vient de prendre la BNS, devrait être examinée et adoptée par un cercle plus large de personnes. Au Tribunal fédéral, les cours statuent à cinq juges si la cause soulève une question juridique de principe (art. 20 al. 2 LTF). Le Conseil fédéral se compose de sept membres et prend ses décisions dans cette composition (art. 175 al. 1, en relation avec l’art. 177 al. 1 Cst.). Les conseils d’administration des grandes entreprises comprennent souvent plus de neuf membres. Plus le nombre des décideurs au sein d’un organe est élevé, plus la légitimité de ses décisions est reconnue et mieux elles sont acceptées. Le nombre des membres de la direction générale devrait donc être augmenté. A cette fin, on pourrait envisager d’élever les trois directeurs suppléants au rang de directeur. L’autorité qui nomme la direction générale ne semble pas constituer non plus un cercle suffisamment large. Actuellement, la direction générale est nommée par le Conseil fédéral sur proposition du Conseil de banque. A l’avenir, c’est à l’Assemblée fédérale que devrait revenir cette compétence. Le Parlement fédéral procède aujourd’hui déjà à l’élection des membres d’autres organes importants, à savoir des conseillers fédéraux, des juges fédéraux, du procureur général de la Confédération et même du général (art. 168 Cst.). En vertu de l’article 140 LParl, l’Assemblée fédérale confirme par ailleurs l’élection d’autres personnes comme le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) ou le directeur du Contrôle fédéral des finances (CDF). Une modification de la Constitution ne s’imposerait pas sachant que l’article 168 alinéa 2 Cst. confère, aujourd’hui déjà, à l’Assemblée fédérale la compétence “d’élire d’autres personnes ou d’en confirmer l’élection”. L’indépendance de la Banque nationale n’aurait pas à en souffrir, et son organisation, ses effectifs et ses moyens financiers resteraient en l’état. Comme le soulignent Müller et Vogel, cette indépendance ne doit pas conduire à ce que la BNS devienne un “État dans l’État” qui n’assume pas la responsabilité de ses actes et de ses omissions, et qu’il soit renoncé de ce fait à un contrôle démocratique de ses décisions. Il conviendrait, en outre, de vérifier si l’expérience requise dans les “domaines monétaire, bancaire et financier” pour être nommé à la direction générale (art. 44 al. 1 LBN) ne devrait pas être complétée par des connaissances de l’économie ou par une expérience pratique en la matière. Il faudrait également s’interroger sur la nécessité de maintenir tel quel le Conseil de banque, qui propose et qui nomme les membres de la direction, ou d’opter pour une procédure de nomination relevant de la compétence d’une commission parlementaire (comme la Commission judiciaire). Le Conseil de banque comprend des représentants de grands groupes d’intérêts et des lobbyistes tels que Heinz Karrer (président d’Economiesuisse) ou Daniel Lampart (USS), qui n’ont pas manqué de faire connaître dans le public tout le mal qu’ils pensaient de la décision prise par “leur” direction. On peut d’ailleurs se demander si ces représentants confèrent une meilleure assise aux décisions de la BNS.

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