Votes par correspondance:
Pour garantir la liberté de vote des citoyens et le secret du vote,
le gouvernement bernois a interdit le traitement des votes par
correspondance avant le début du dépouillement du contenu des urnes le
24 novembre à 12h00. Les communes de plus de 1000 électeurs pourront
toutefois débuter avec le dépouillement à 08h00 le jour du scrutin.
Pourquoi ces mesures ?
Car
de plus en plus de villes et cantons utilisent des scanners tellement
efficaces qu’ils peuvent lire les bulletins à travers les petites
enveloppes jaunes en Vaud, bleues à Genève, vertes à Fribourg…, avant
le dépouillement officiel et ce sans ouvrir les petites enveloppes
internes. Ils se sont donné le droit exorbitant d’ouvrir et de jeter les
grandes enveloppes avant le début du dépouillement du contenu des
urnes, ce qui facilite les fraudes et le fichage des votants car ils
rangent soigneusement dans l’ordre les deux piles et peuvent ainsi
rapprocher les votes des votants grâce à l’ordre d’arrivée et aux trop
nombreux codes-barres. Selon ces résultats qui économisent le prix très
coûteux des sondages, ils changent simplement les petites enveloppes
jaunes en Vaud, bleues à Genève, vertes à Fribourg…, avec le contenu
voulu par les fraudeurs, en puisant dans le matériel de réserve ou en
imprimant eux-même leur matériel. Tout greffe municipal peut ouvrir,
même sans scanner, l’enveloppe et voir par transparence avec une lampe
de poche à travers la deuxième enveloppe interne dans la plupart des
cantons, essayez pour voir dans une chambre sombre ou de nuit la petite
enveloppe, jaune en Vaud, bleue à Genève, verte à Fribourg… Le scanner
de bulletin de vote papier à lecture optique est électronique donc
manipulable sans laisser de traces.
http://desiebenthal.blogspot.ch/2013/11/votes-lecture-optique-fraudes-faciles.html
http://desiebenthal.blogspot.ch/2011/11/fraudes-electorales-secret-du-vote-une.html
Ces mesures sont incomplètes car ils peuvent tricher dans la poste et ouvrir les grandes enveloppes en les remplaçant et changer la petite enveloppe interne.
L’enveloppe extérieure n’a plus de code-barre ! Po…
- Fraudes; passes-partout pour les boîtes postales
- Fraudes: lecteur optique autorisé…
- Bravo, le Valais refuse les votes électroniques
- Votes à lecture optique, fraudes faciles.
- Bulletins de vote avec deux couleurs !
- Fraudes démocratiques et clés passe-partout.
- Démocratie ? Achats de voix pour deux millions ?
- Votes falsifiables, que faire ?
- Votes par correspondance et électroniques falsifia…
- Vérification des votes, RSVP
- Fraudes électorales à Reconvillier ?
Dossier jurassien: une volonté réaffirmée de mener une campagne digne.
Les délégations aux affaires jurassiennes des gouvernements bernois et
jurassien ont participé hier mardi 10 septembre à une conférence
tripartite Jura, présidée par la Conseillère fédérale Simonetta
Sommaruga, Cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP).
Elles ont réaffirmé leur volonté de mener une campagne respecteuse des
opinions d’autrui. Afin de garantir la transparence du déroulement du
scrutin du 24 novembre prochain, il a été décidé de déployer des
observateurs fédéraux.
Charte interjurassienne soit respectée scrupuleusement, tout en
souhaitant que le débat qui s’instaure dans la région jurassienne
continue à se dérouler dans un climat serein, malgré certaines dérives
constatées récemment.
Les modalités du déploiement d’observateurs fédéraux dans la région
jurassienne lors du scrutin du 24 novembre prochain ont également été
discutées. Une quinzaine d’observateurs au maximum seront déployés. Ils
seront tous des collaborateurs du DFJP, le département chargé du suivi
du dossier jurassien pour la Confédération. Les observateurs ne seront
domiciliés ni dans le canton du Jura ni dans le canton de Berne. Ils
arriveront dans la région samedi après-midi 23 novembre déjà et pourront
procéder à un premier repérage et à un contrôle de différents bureaux
de vote et de leurs infrastructures. Le déploiement prendra fin dimanche
24 novembre après la communication des résultats par les chancelleries
cantonales. Basés à Moutier dans les locaux de l’Assemblée
interjurassienne, les observateurs choisiront en toute autonomie les
communes à visiter. Ce choix sera confidentiel, ce qui rendra cette
mission d’observation d’autant plus efficace et crédible.
Le 24 novembre, un scrutin aura lieu dans le canton du Jura sur une
modification constitutionnelle, et dans le Jura bernois sur l’octroi
d’un mandat au gouvernement en vue du lancement d’un processus tendant à
la création d’un nouveau canton couvrant les territoires du Jura
bernois et de l’actuel canton du Jura.
Jean-Christophe Geiser, Office fédéral de la justice, T +41 31 322 53 99 , Contact
http://www.ejpd.admin.ch/content/ejpd/fr/home/dokumentation/mi/2013/2013-09-11.html
Question jurassienne: le vote sous surveillance fédérale
Des observateurs fédéraux ont été déployés dans le Jura et le Jura bernois pour surveiller les votations du 24 novembre.
La Confédération et les cantons de Berne et du Jura ont pris
une série de mesures pour éviter des irrégularités lors de la votation
du 24 novembre sur la Question jurassienne. La plus spectaculaire est
l’envoi d’observateurs neutres sur le terrain.
Une telle surveillance des opérations de vote est inédite en Suisse.
C’est pour garantir la régularité du scrutin et pour éviter toute
contestation que les gouvernements jurassien et bernois se sont entendus
pour demander des observateurs à la Confédération.
Ces observateurs, une quinzaine au maximum, ne sont domiciliés ni
dans le canton du Jura ni dans celui de Berne. Ils seront stationnés à
Moutier (BE) dans les locaux de l’Assemblée interjurassienne (AIJ) et
choisiront en toute liberté les communes à visiter. Ce choix sera
confidentiel pour rendre cette mission efficace et crédible.
Ces collaborateurs du Département fédéral de justice et police
(DFJP), le département chargé du suivi du dossier jurassien pour la
Confédération, arriveront le 23 novembre. Ils pourront ainsi procéder à
un premier repérage. Ce déploiement prendra fin une fois les résultats
annoncés par les chancelleries.
Vote par correspondance
Pour garantir la liberté de vote des citoyens et le secret du vote,
le gouvernement bernois a interdit le traitement des votes par
correspondance avant le début du dépouillement du contenu des urnes le
24 novembre à 12h00. Les communes de plus de 1000 électeurs pourront
toutefois débuter avec le dépouillement à 08h00 le jour du scrutin.
Le matériel de vote sera conservé par la préfecture du Jura bernois
aussi longtemps que le résultat pourra être contesté. Ces mesures
figurent dans un arrêté du Conseil-exécutif relatif à l’organisation du
vote du 24 novembre. Le canton du Jura n’a lui pas procédé à des
modifications législatives pour ce scrutin.
Le canton de Berne veut ainsi éviter toute contestation. Il a aussi
en mémoire l’affaire des caisses noires qui a entaché le plébiscite de
1975. Le gouvernement avait versé de manière illégale des centaines de
milliers de francs aux mouvements antiséparatistes.
Présence policière
La police cantonale bernoise sera présente sur le terrain le jour du
scrutin. L’ampleur de son dispositif sera fonction du climat des
derniers jours de campagne. “Nous analyserons continuellement la
situation”, a indiqué son porte-parole Nicolas Kessler. La police a des
contacts avec les différents groupements concernés par cette journée.
La police se veut confiante et compte sur le fait que les parties
respecteront la volonté populaire. Lors des deux plébiscites de 1975,
des échauffourées avaient opposé à Moutier des séparatistes et des
grenadiers bernois. Aujourd’hui, la police entend bien éviter toute
attitude qui puisse être interprétée comme une provocation.
Source: ATS
Pour comprendre la teneur des débats, voir les arguments proposés dans les sites pour la campagne:
7 Novembre 2013 Une question de milliards
francs, soit 9780 francs par habitant. En comparaison, le Canton du Jura
gère une dette de 488 millions, soit 3972 par habitant. Le Canton de
Berne n’a plus de capital propre et se trouve donc avec Neuchâtel et le
Tessin en situation de faillite selon les chiffres de l’Administration
fédérale des finances. Mais un Etat ne peut être mis en faillite et il
est indéfiniment responsable de sa dette. Pour sa part, le Canton du
Jura dispose d’un capital propre de 208 millions. Il peut entamer une
baisse des impôts.
Dans notre tous-ménages du mois de novembre 2013 distribué dans le Jura
bernois et le Canton du Jura, nous avons indiqué pour le Canton de
Berne une dette de 9633 milliards de francs. Nous nous excusons de cette
erreur. En effet, sa dette ne se situe qu’à hauteur de 9633 millions
comme on l’a vu plus haut, ce qui constitue déjà un record négatif.
Ces chiffres vérifiés sur une période de 20 ans sont bien d’une grande
sécurité et la situation comparée des deux cantons constitue un
exceptionnel gage d’avenir pour les habitants du Canton du Jura et du
Jura bernois qui veulent construire ensemble leur avenir dans un nouveau
canton romand.
Construire ensemble
Le système
bancaire force les gouvernements à fouetter
le peuple avec toutes sortes de taxes et de dettes !
-
François de Siebenthal: Fraudes démocratiques et clés passe-partout.
desiebenthal.blogspot.com/…/fraudes-democratiques-et-cles-passe.htmlIl y a 4 jours – Or, vu notre recours lors du premier tour pour fraudes électorales, une séance avait été organisée par vous-même avec Mme Bücher, MM …
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François de Siebenthal: Fraudes électorales à Reconvillier ?
desiebenthal.blogspot.com/2013/11/fraudes-electorales-reconvillier.html3 nov. 2013 – Il y a 3 jours – Rappel de fraudes démocratiques à Lausanne. François de Siebenthal 14, chemin des Roches 1010 Lausanne LSI Préfecture …
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desiebenthal.blogspot.com/2013/…/porrentruy-fraudes-democratiques.ht…24 oct. 2013 – Porrentruy, fraudes démocratiques généralisées. Les urnes sont-elles transparentes ? alors que les enveloppes le sont ! à rebours du bon …
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desiebenthal.blogspot.com/2013/…/fraudes-democratiques-genevoises.ht…6 oct. 2013 – Fraudes démocratiques genevoises, nouveau refus. Nouveau refus du procureur genevois daté du 4.10, recours possible dans les jours qui …
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ne pas plier le bulletin ! Pour mieux tricher… Dans le Canton de
Vaud, en tous cas à Lausanne, le matériel de vote précité est même … -
François de Siebenthal: Fraudes: lecteur optique autorisé…
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lecteur optique autorisé… Dans les communes autorisées à utiliser un
lecteur optique pour le dépouillement des bulletins de vote, … -
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desiebenthal.blogspot.com/2013/10/fraudes-democratiques-si-faciles.html12 oct. 2013 – Fraudes
démocratiques si faciles… C’est un gaspillage scandaleux pour les
contribuables vaudois que de faire imprimer près de 100’000, … -
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-
François de Siebenthal: E-voting. Fraudes genevoises, refus du …
desiebenthal.blogspot.com/…/e-voting-fraudes-genevoises-refus-du.html7 sept. 2013 – Jean Chucri Canaan, seul recourant pour fraudes démocratiques à Genève lors du vote RFID, passeports biométriques et cartes d’identité …
RÉPUBLIQUE ET CANTON DU JURA
TRIBUNAL CANTONAL
COUR CONSTITUTIONNELLE
CST 1 à 45 / 2013
Président : Jean Moritz
Juges : Daniel Logos et Philippe Guélat
Greffière : Nathalie Brahier
ARRET DU 28 JUIN 2013
dans la procédure liée entre
Thomas Schaffter, rue du Fahy 5, 2900 Porrentruy,
– représenté par Me André Gossin, avocat à Moutier,
et 44 consorts,
recourants,
et
1. Michel Saner, Rue du Mont-Terri 39, 2900 Porrentruy,
– représenté en justice par Me Alain Steullet, avocat à 2800 Delémont,
2. Commune municipale de Porrentruy, agissant par son Conseil communal, Hôtel de Ville,
Rue Pierre-Péquignat 2, 2900 Porrentruy,
– représentée en justice par Me Manuel Piquerez, avocat à 2900 Porrentruy,
intimés,
relative à la décision de la juge administrative du 25 mars 2013 dans la cause Michel
Saner en tant qu’elle se rapporte au 2ème tour de l’élection à la mairie de Porrentruy le
11 novembre 2012.
_________
CONSIDERANT
En fait :
A. Les élections communales ont eu lieu à Porrentruy le 21 octobre 2012 pour le
renouvellement du Conseil de ville, du Conseil communal et pour le premier tour à la
mairie. Le deuxième tour de l’élection à la mairie s’est déroulé le 11 novembre 2012.
2
Au premier tour de l’élection à la mairie, le candidat Pierre-Arnaud Fueg (PDC) a
obtenu 1’048 voix, le candidat Thomas Schaffter (PCSI) 1’026 et le candidat Julien
Loichat (PS) 585 voix.
Au second tour, Thomas Schaffter a été élu maire de Porrentruy pour la législature
2013-2017 avec 1’522 voix, soit par 28 voix d’avance sur son concurrent Pierre-Arnaud
Fueg qui en a obtenu 1’494, ainsi que cela ressort de la publication parue dans le
Journal officiel du 14 novembre 2012 (JO no 40 du 14 novembre 2012, p. 825, corrigée
dans le JO no 41 du 21 novembre 2012, p. 843, sur un point concernant le nombre de
bulletins rentrés).
La participation au scrutin du second tour s’est élevée à 61,65 % et 2’041 citoyens sur
3’129 ont utilisé le vote par correspondance, selon le procès-verbal du scrutin du 11
novembre 2012.
B. L’élection à la mairie au deuxième tour a été attaquée par un premier recours, celui de
Jean-Jacques Pedretti, que la juge administrative a rejeté le 25 mars 2013
Un deuxième recours a été introduit le 14 décembre 2012 par Michel Saner dont les
conclusions tendaient à l’annulation des élections du Conseil de ville, du Conseil
municipal et de la mairie de Porrentruy, recours complété les 28 décembre 2012 et 14
avril 2013. S’appuyant sur le dossier de la procédure pénale ouverte après les
élections pour fraude électorale et captation de suffrages, Michel Saner faisait valoir
que 347 enveloppes de vote par correspondance avaient été détournées à l’occasion
du scrutin du 21 octobre 2012 et 289 lors de celui du 11 novembre 2012 et que ces
irrégularités avaient eu une influence déterminante sur le résultat des élections dont il
demandait l’annulation.
C. Par jugement rendu le 25 mars 2013, la juge administrative a admis partiellement le
recours de Michel Saner, en ce sens qu’elle a annulé le scrutin électoral pour l’élection
au second tour de la mairie de Porrentruy du 11 novembre 2012 et l’a rejeté pour le
surplus.
Dans ses motifs, la juge administrative indique tout d’abord que le Service des
communes a procédé à un recomptage des bulletins du deuxième tour et, qu’à cette
occasion, un bulletin considéré comme nul qui était attribué au candidat Fueg a été
soustrait du nombre des voix obtenues par ce dernier, accroissant ainsi l’écart avec
Thomas Schaffter d’une voix (29 au lieu des 28 constatées dans le Journal officiel).
Procédant pour sa part au contrôle des 3’124 bulletins rentrés au deuxième tour, la
juge administrative a ajouté deux bulletins nuls supplémentaires à ceux répertoriés par
le bureau de vote, soit 1 pour chaque candidat ; ainsi, l’écart séparant les deux
candidats au deuxième tour n’était pas modifié. Pour annuler l’élection de Thomas
3
Schaffter, la juge administrative s’est fondée, pour l’essentiel, sur le dossier de la
procédure pénale ouverte le 5 décembre 2012 par le Ministère public à l’encontre de B.
pour fraude électorale et captation de suffrages (cf. dossier MP/06015/2012, B.1), puis
étendu le 19 décembre 2012 à l’encontre de M. (B.2), dossier pénal dont elle a
ordonné l’édition. La juge administrative a en particulier admis que les enregistrements
des déclarations des deux prévenus effectués par le journaliste Arnaud Bédat devaient
être pris en compte dans la procédure administrative, après que la procureure a décidé
de les verser au dossier pénal, décision confirmée par la Chambre pénale des recours
du Tribunal cantonal.
En substance, le jugement attaqué retient que les soupçons qui pèsent sur B. et M.
d’avoir capté des voix en récoltant des enveloppes de vote par correspondance
revêtent une telle gravité qu’ils ne peuvent pas être ignorés et que les dénégations de
ces deux prévenus formulées devant la procureure ne sont pas sérieuses. Elle
considère comme établi que des règles essentielles du droit de vote ont été violées,
que les soupçons de violation du secret du vote et de la liberté de vote, “concrétisés
par la récolte de plusieurs dizaines, voire davantage d’enveloppes pour un seul
candidat à la mairie au deuxième tour ne peuvent pas simplement rester sans effet au
vu du faible écart de voix entre les candidats”.
En conclusion de son analyse, la juge administrative estime que les éléments contenus
dans le dossier d’instruction et les forts soupçons qui pèsent sur les deux prévenus la
conduisent à reconnaître que le résultat du scrutin du 11 novembre 2012 ne traduit pas
de manière fidèle et sûre la volonté du corps électoral et qu’au vu du résultat serré, le
deuxième tour de l’élection à la mairie de Porrentruy doit être annulé.
En revanche, elle a renoncé à annuler les élections à la mairie au premier tour et au
Conseil municipal ainsi qu’au Conseil de ville, pour des motifs qu’il n’y a pas lieu
d’indiquer, dès lors que son jugement sur ce point n’a pas été contesté.
D. Le jugement du 25 mars 2013 de la juge administrative a été frappé de 45 recours
interjetés entre les 10 et 15 avril 2013, notamment celui de Thomas Schaffter dont
l’élection a été annulée.
Tous les recours tendent à l’annulation du jugement attaqué et à la confirmation du
résultat des élections communales à la mairie de Porrentruy, soit à l’élection de
Thomas Schaffter en qualité de maire. Thomas Schaffter, seul recourant représenté
par un avocat devant la Cour constitutionnelle, conclut en outre et à titre principal au
renvoi de la cause à l’autorité de première instance.
Les recourants font griefs au premier juge d’être entré en matière sur le recours de
Michel Saner, alors que celui-ci était, selon eux, tardif, partant irrecevable. Sur le fond,
les recourants reprochent, en substance, à la juge administrative d’avoir pris en
4
considération les enregistrements effectués par Arnaud Bédat à l’insu de B. et M., alors
qu’il s’agit de moyens de preuve illicites. Ils mettent en cause l’appréciation de la juge
administrative au sujet de la crédibilité des déclarations de ces deux individus.
Finalement, ils font grief à la juge d’avoir assis son jugement sur de simples soupçons
et non sur des faits établis.
E. Les 45 recours ont été joints par ordonnances des 12 et 18 avril 2013. En outre, à
l’invitation du président de la Cour constitutionnelle, 38 recourants non représentés par
un avocat ont désigné un représentant commun en la personne du recourant no 24.
Les recourants nos 9, 14, 15, 17 et 43 n’ont pas répondu ou n’ont pas souhaité être
représentés.
F. Dans son mémoire de réponse du 29 avril 2013, l’intimé no 1 conclut au rejet de tous
les recours.
Quant à l’intimée no 2, à savoir la Municipalité de Porrentruy, elle laisse le soin à la
Cour constitutionnelle de statuer ce que de droit.
G. Par ordonnance présidentielle du 19 avril 2013, le Ministère public a été invité à
produire son dossier (MP 6015/2012, comprenant en annexes les dossiers MP 17/13,
19/13, 550/13 et 670/13). Par rapport à l’état où se trouvait l’instruction au moment du
jugement de la juge administrative, le dossier de la procédure pénale a été complété
notamment par trois procès-verbaux d’auditions effectuées le 17 avril 2013 par la
police judiciaire, ainsi que par les procès-verbaux d’auditions et de confrontations
effectuées par la procureure les 11 et 14 juin 2013.
H. Le recourant no 45, Thomas Schaffter, a fourni un mémoire de réplique le 13 mai 2013.
I. Les parties ont été invitées à se prononcer au sujet de l’examen de l’affaire au fond
sous l’angle du droit à une protection juridique rétrospective.
L’intimé no 1 et le recourant no 45 se sont déterminés à ce sujet le 13 mai, ainsi que
dans leurs remarques finales du 27 mai 2013.
Dans ses remarques finales, Thomas Schaffter précise ses conclusions en ce sens
que le recours de l’intimé no 1 devait être rejeté en tant qu’il constituait une demande
de réexamen de la validité du scrutin du 11 novembre 2013.
Quant à l’intimé no 1, il demande, à titre subsidiaire, au cas où la juge administrative
n’aurait pas été compétente pour traiter l’affaire sous l’angle du réexamen, que la Cour
constitutionnelle transmette le dossier à l’autorité compétente pour rendre une nouvelle
décision.
5
J. Les parties ont encore eu la possibilité de s’exprimer sur les derniers développements
de la procédure pénale, suite aux auditions et aux confrontations effectuées par le
Ministère public les 11 et 14 juin 2013, ce qu’elles ont fait en date du 21 juin 2013.
K. Invité à se prononcer sur sa participation à la procédure, le candidat non élu Pierre-
Arnaud Fueg a informé la Cour constitutionnelle, le 13 mai 2013, qu’il ne souhaitait pas
être appelé en cause.
L. . Jean-Jacques Pedretti a interjeté recours le 17 avril 2013 auprès de la Cour
constitutionnelle contre le jugement de première instance rejetant son recours. La
procédure relative à ce recours (Cst 46/2013) a été suspendue jusqu’à droit connu
dans la présente procédure.
M. Les faits de la cause et l’argumentation des parties seront examinés ci-après dans la
mesure utile.
En droit :
1.
1.1 La Cour constitutionnelle est compétente pour connaître des recours déposés contre la
décision de la juge administrative du 25 mars 2013, puisqu’ils concernent la matière
électorale (cf. art.112 al. 1 LDP). Les recours ont été introduits en temps utile, soit dans
les dix jours qui suivent la décision attaquée (art. 112 al. 1 LDP). En effet, le délai en
question n’a pas couru durant les féries de Pâques (art. 44a al. 1 litt. a Cpa), dès lors
que la décision attaquée a été rendue le 25 mars 2013, soit durant les sept jours avant
Pâques le 31 mars 2013.
1.2
1.2.1 Tous les recourants fondent leur qualité pour recourir sur l’article 61 al. 2 LCom et,
pour certains, aussi sur l’article 120 litt. a Cpa.
Le recourant Thomas Schaffter motive en outre sa qualité pour recourir par le fait qu’il
aurait dû être obligatoirement appelé en cause en première instance, selon ce que
prévoit l’article 11 al. 2 Cpa, et que ne l’ayant pas été, il a été privé de la possibilité de
participer à la procédure devant la juge administrative. Ainsi qu’on va le voir, cette
démonstration est vaine, car Thomas Schaffter a de toute façon la qualité pour recourir
auprès de la Cour constitutionnelle, à l’instar des autres recourants.
1.2.2 Contrairement à ce que soutiennent les recourants, Thomas Schaffter y compris, leur
qualité pour recourir ne découle pas de l’article 61 al. 2 LCom ni de l’article 120 litt. a
Cpa.
6
L’article 61 al. 2 seconde phr. LCom prévoit bien que “si le juge administratif a annulé
une décision prise par le corps électoral, toute personne ayant le droit de vote dans la
commune est en outre légitimée à recourir” ; cette disposition n’est toutefois pas
applicable pour définir la qualité pour recourir auprès de la Cour constitutionnelle
contre les décisions de première instance en matière d’élections ou de votations
populaires.
De manière générale, la loi sur les communes n’est en principe pas applicable en
matière d’exercice des droits politiques, malgré certaines de ses dispositions qui
pourraient faire penser le contraire. Les dispositions en question se trouvent parmi les
articles 56 à 64 LCom qui règlent la procédure du recours en matière communale. Or,
le recours en matière communale n’est en principe pas la voie appropriée pour
contester le résultat d’élections ou de votations populaires, ni par conséquent les
décisions du juge administratif rendues en ce domaine, étant par ailleurs constaté que
dans le recours en matière communale, les décisions de première instance sont
déférées à la Cour administrative et non à la Cour constitutionnelle (cf. art. 61 LCom).
Aussi, il convient de limiter la portée de l’article 61 al. 2 seconde phr. LCom aux
décisions du corps électoral prises en assemblée communale ; sauf éventuelles
exceptions non réalisées en l’espèce (cf. à ce sujet BROGLIN/WINKLER DOCOURT, Le
recours en matière communale, RJJ 2012, p. 9ss/p. 19), celles prises dans un scrutin
populaire aux urnes ne tombent pas sous le coup de la loi sur les communes. Lorsque
le résultat d’un scrutin populaire ou des actes en relation avec ce type de scrutin sont
attaqués, la loi sur les droits politiques est applicable, en tant que loi spéciale, ainsi que
cela résulte de son article 1er al. 1 qui définit son champ d’application.
Sur le vu de ce qui précède, la qualité pour recourir contre les décisions du juge
administratif dans les litiges concernant l’exercice des droits politiques découle
spécifiquement de la législation cantonale sur les droits politiques. En outre, la qualité
pour recourir ne saurait non plus être fondée sur l’article 120 litt. a Cpa. Cette
disposition, qui subordonne la qualité pour recourir à un intérêt personnel digne de
protection, est une norme générale du recours de droit administratif. Elle cède le pas
aux dispositions spéciales de la loi sur les droits politiques.
1.2.3 A teneur de l’article 112 al. 2 LDP, le droit de recourir auprès de la Cour
constitutionnelle appartient aux personnes et aux autorités qui ont participé à la
procédure devant le juge administratif.
Aucun des recourants n’a participé à la procédure de première instance à l’issue de
laquelle le second tour de l’élection à la mairie de Porrentruy a été annulé. Pour autant,
on ne peut leur dénier la qualité pour recourir. En effet, seuls les électeurs qui
contestaient l’élection de Thomas Schaffter à la mairie de Porrentruy devaient
obligatoirement participer à la procédure devant la juge administrative pour pouvoir
ensuite attaquer sa décision devant la Cour constitutionnelle au cas où elle n’aurait pas
7
admis leur recours. En revanche, dès lors que les électeurs favorables à l’élection de
Thomas Schaffter n’avaient évidemment aucune raison de demander l’annulation de
cette élection, ils ont qualité pour recourir auprès de la Cour constitutionnelle contre la
décision qui annule l’élection du candidat qui avait leur préférence (cf. dans le même
sens TF 1C_302/2012 et 1C_303/2012 du 27 février 2013 consid. 2.1).
La portée de l’article 112 al. 2 LDP, en tant qu’il exige la participation à la procédure
devant le juge administratif dans les litiges concernant des élections ou des votations
populaires au plan communal, doit ainsi être relativisée. Au surplus, la qualité pour
recourir auprès de la Cour constitutionnelle dépend étroitement de celle qui prévaut
devant le Tribunal fédéral. En effet, l’alinéa 1 de l’article 111 LTF, intitulé “Unité de la
procédure”, stipule que la qualité de partie à la procédure devant toute autorité
cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le
Tribunal fédéral. Or, l’article 89 al. 3 LTF reconnaît la qualité pour recourir en matière
de droits politiques à “quiconque a le droit de vote dans l’affaire en cause”. Selon la
doctrine et la jurisprudence, la qualité pour recourir en matière de droits politiques est
définie de manière spécifique et exhaustive à l’article 89 al. 3 LTF. Elle dépend
exclusivement de la titularité des droits politiques (ATF 134 I 208 172 consid. 1.3.3) et
non des conditions de l’article 89 al. 1 LTF (Gerold STEINMANN, in Commentaire bâlois,
2ème éd. 2011, n. 71 ad art. 89 ; Alain WURZBURGER, in
Corboz/Wursburger/Ferrari/Frésard/Girardin, Commentaire de la LTF, n. 57 et 59 ad
art. 89) qui subordonne la qualité pour former un recours en matière de droit public
notamment à l’exigence d’un intérêt digne de protection, ainsi qu’à la participation à la
procédure devant l’autorité précédente ou au fait d’avoir été privé de la possibilité de le
faire. La participation à la procédure devant l’instance précédente est, certes,
obligatoire quand le droit cantonal prévoit une voie de recours appropriée auprès d’une
instance cantonale (KIENER/RÜTSCHE/KUHN, Öffentlisches Verfahrensrecht, 2012, p.
407, no 1705 ; Michel BESSON, Legitimation zur Beschwerde in Stimmrechtssachen, in
Revue de la société des juristes bernois, RSJB/ZBJV 2011, p. 843 ss/851). Cette règle
ne vaut cependant que pour le recourant qui a un intérêt à recourir au départ et, le cas
échéant, à poursuivre la procédure. Dans la mesure où les droits politiques d’un
électeur seraient violés pour la première fois par la décision rendue par l’instance
précédente, celui-ci peut la contester devant le Tribunal fédéral (cf. BESSON, op. cit., p.
851, note de bas de page no 25). Autrement dit, la règle de l’épuisement des voies de
droit internes qui découle de l’article 88 LTF et, au plan cantonal jurassien, celle de la
double instance prévue par les articles 104 al. 2 litt. c CJU, 110 et 112 LDP ne
concernent que les titulaires du droit de vote qui s’en prennent à l’acte initial
susceptible de donner lieu à la première procédure de recours ; en vertu du principe de
la double instance, ceux-ci ne peuvent recourir contre cet acte directement devant la
Cour constitutionnelle sans passer par la voie de la juridiction administrative de
première instance. En revanche, on ne peut exiger des électeurs qui recourent auprès
de la Cour constitutionnelle qu’ils aient préalablement saisi le juge administratif s’ils
n’avaient aucun intérêt à le faire pour la protection de leurs droits politiques. Pour ces
8
citoyens, la seule voie de droit qui est ouverte est le recours à la Cour constitutionnelle,
dans la mesure où la décision prononcée en première instance porte atteinte, selon
eux, à leurs droits d’électeurs.
Tel est bien le cas des recourants dans la présente espèce, de sorte que la qualité
pour recourir doit leur être reconnue, étant au surplus constaté qu’ils sont tous
électeurs de la commune de Porrentruy.
1.3 Toutes les conditions de recevabilité étant réunies, il convient d’entrer en matière sur
les recours.
2. Dans le contentieux relatif à l’exercice des droits politiques, en particulier à la validité
des élections, les règles de la procédure relative au recours de droit administratif (art.
108 à 145 Cpa) s’appliquent par analogie (art. 204 Cpa). La Cour constitutionnelle ne
peut donc aller au-delà des conclusions des recourants (art. 143 al. 1 Cpa). L’objet du
litige dont la Cour constitutionnelle est saisie est, en l’espèce, exclusivement le point
de la décision de la juge administrative du 25 mars 2013 qui annule le deuxième tour
de l’élection à la mairie de Porrentruy. En effet, le litige ne porte plus, en seconde
instance, sur l’élection au Conseil communal, au Conseil de ville et à la mairie au
premier tour, puisque la décision de la juge administrative de ne pas annuler lesdites
élections n’a pas fait l’objet d’un recours. Il convient donc de constater que le jugement
de la juge administrative est entré en force et est revêtu de l’autorité de la chose jugée
s’agissant de la validité des élections du 21 octobre 2012.
3.
3.1 Les recourants estiment que le recours déposé par Michel Saner le 14 décembre 2012
auprès de la juge administrative, soit plus d’un mois après le scrutin du 11 novembre
2012, était tardif et devait, par conséquent, être déclaré irrecevable. D’autres
recourants considèrent que le recours de Michel Saner était tardif du fait que ce dernier
connaissait les motifs de son recours, à savoir les accusations de fraude contenues
dans le dossier pénal, avant le 6 décembre 2012. Ils contestent ainsi le point de départ
du délai de recours retenu par la juge administrative.
Pour sa part Michel Saner persiste à considérer que son recours a été formé dans le
délai utile, soit dans les dix jours après avoir eu connaissance de l’ouverture d’une
procédure pénale pour fraude électorale dont la presse a fait état le 6 décembre 2012.
A cet égard, il interprète l’article 108 al. 3 LDP en ce sens que si le motif de recours est
découvert après la publication des résultats du scrutin, le délai de dix jours prévu par
cette disposition est applicable et part de la découverte de ce motif.
3.2 La juge administrative est entrée en matière sur le recours déposé le 14 décembre
2012 par Michel Saner en se fondant, d’une part, sur l’article 108 al. 3 LDP et, d’autre
part, sur la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la possibilité de réexaminer le
9
résultat d’un vote populaire lorsque celui-ci a été entaché de graves irrégularités
découvertes après l’expiration du délai de recours. L’instance précédente a ainsi admis
que le délai de recours de dix jours de l’article 108 al. 3 LDP a commencé à courir dès
que le recourant a découvert, dans les médias du 6 décembre 2012, l’ouverture d’une
instruction pénale contre un citoyen de Porrentruy pour fraude électorale, tout en
considérant que ces faits étaient inconnus pendant le délai de recours ordinaire de dix
jours, respectivement de trois jours dès la publication au Journal officiel et qu’ils ne
pouvaient pas non plus être invoqués avant (cf. consid. 1.2.3 in fine du jugement
attaqué). Ce faisant, la juge administrative n’a pas fait la distinction qui s’impose entre
les deux voies de droit permettant de contrôler la régularité d’une élection ou d’une
votation, à savoir entre la voie du recours ordinaire selon l’article 108 al. 3 LDP et celle
du contrôle juridique rétrospectif susceptible d’être ouverte lorsque le délai de recours
ordinaire n’est plus disponible.
Il sied de préciser, à cet égard, que ces deux voies de droit sont alternatives. L’une
exclut l’autre : soit le recours ordinaire est recevable lorsqu’il est déposé dans les
délais prévus par la loi, soit il est tardif, partant irrecevable, et, dans ce cas, la voie du
réexamen, sous la forme du contrôle juridique rétrospectif, peut alors entrer en
considération. Cette alternative doit être examinée d’office, d’autant plus que la
procédure du contrôle juridique rétrospectif soulève la question de la compétence de
l’autorité appelée à statuer, ce sur quoi la juge de première instance ne s’est pas
prononcée.
3.3
3.3.1 L’article 108 al. 3 LDP est applicable, par renvoi de l’article 111 al. 2 LDP, au délai de
recours dans les litiges concernant l’exercice des droits politiques dont connaît le juge
administratif. Il prévoit :
“Le recours doit être déposé dans les dix jours qui suivent la découverte du motif du recours ;
s’il est dirigé contre le scrutin même, il peut encore être déposé dans les trois jours qui suivent
la publication du résultat du scrutin dans le Journal officiel.”
La juge administrative a jugé que cette disposition n’empêchait pas qu’un délai de dix
jours coure dès la découverte du motif du recours, si cette découverte est postérieure à
la publication des résultats au Journal officiel. Il est vrai que l’article 108 al. 3 LDP n’est
pas clair. Son libellé ne permet pas de déterminer avec la sécurité nécessaire si le
délai de trois jours qui suit la publication au Journal officiel est un délai de péremption,
comme le soutient Thomas Schaffter devant l’autorité de céans, ou si la découverte
ultérieure d’un motif de recours fait encore courir un délai de dix jours comme l’a retenu
la juge administrative, avis qui est aussi celui de Michel Saner.
3.3.2 L’article 108 LDP a été modifié le 8 juin 1994. Cette modification a porté à la fois sur
l’alinéa 1 et sur l’alinéa 3 de cet article en raison de l’imbrication étroite de ces deux
10
alinéas. Elle faisait suite à un arrêt de la Cour constitutionnelle du 4 novembre 1991
(RJJ 1992, p. 106). Dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 août 1994, l’alinéa 1 de
l’article 108 LDP prévoyait que peuvent être portées devant la Cour constitutionnelle
les décisions relatives aux élections, initiatives, votes populaires, etc. Quant à l’alinéa
3, il énonçait :
“Le recours doit être interjeté dans les dix jours qui suivent la décision attaquée ; en cas de
scrutin, il doit être interjeté dans les dix jours qui suivent ; lorsque les résultats du scrutin sont
publiés dans le Journal officiel, on peut encore recourir dans les trois jours suivant cette
publication même si le délai de dix jours susmentionné est écoulé.”
La Cour constitutionnelle et, à sa suite, le Tribunal fédéral (arrêt du 1er mai 1992, publié
in RJJ 1992, p. 99) avaient jugé que le terme de “décision” figurant dans la version
alors en vigueur de l’article 108 LDP ne devait pas être compris dans le sens strict de
l’article 2 Cpa, de sorte qu’un acte préparatoire à une votation tel que la publication
d’un message du Gouvernement constituait une décision au sens de l’article 108 al. 3
LDP et qu’un recours contre le message devait être formé dans les dix jours dès sa
publication. C’est la raison pour laquelle le législateur jurassien a modifié la phrase
introductive de l’article 108 al. 1 LDP en ajoutant aux décisions les “autres actes”, et a
reformulé l’alinéa 3 en supprimant la référence à la “décision attaquée”. Dans son
message du 8 février 1994 relatif à la modification de la loi sur les droits politiques, le
Gouvernement faisait état des difficultés rencontrées dans la pratique pour déterminer
le jour du départ du délai de recours, compte tenu aussi que l’article 108 LPD ne parlait
pas des actes préparatoires, d’où la proposition de mentionner les “autres actes
relatifs” à l’alinéa 1. La modification visait ainsi à préciser le début du délai de recours
en fonction de la nature de l’acte attaqué (cf. JDD no 7 du 25 mai 1994, p. 199 et 203).
La modification de l’article 108 LDP adoptée par le Parlement en 1994 n’avait pas
d’autres buts que celui exposé ci-dessus. Certes, la nouvelle teneur de l’article 108 al.
3 LDP semble lacunaire dans la mesure où, contrairement à la version antérieure, elle
ne précise pas que le recours peut être interjeté dans les dix jours lorsqu’il est dirigé
contre le scrutin, respectivement encore dans les trois jours qui suivent la publication
des résultats du scrutin dans le Journal officiel “même si le délai de dix jours
susmentionné est écoulé”. Il n’apparaît cependant pas que le législateur ait voulu
supprimer cette possibilité, l’adverbe “encore” ayant été maintenu. A l’inverse, rien ne
permet de dire qu’en modifiant l’article 108 al. 3 LDP, il a voulu en plus offrir la
possibilité d’introduire un recours dans les dix jours lorsqu’un motif est découvert après
l’échéance du délai supplémentaire de trois jours. Ainsi, la publication officielle des
résultats donne bien lieu à une prolongation du délai initial de dix jours, mais dans les
seules hypothèses où le motif de recours contre le scrutin est découvert avant la
publication des résultats au Journal officiel ou à l’occasion de cette publication. Il faut
conclure de ce qui précède que le délai de trois jours suivant la publication des
résultats du scrutin dans le Journal officiel est l’ultime délai dans lequel il est encore
11
possible de faire recours. Il s’agit donc d’un délai de péremption. Une autre
interprétation créerait d’ailleurs une grave insécurité juridique, car en admettant la
possibilité de recourir ultérieurement à l’occasion de la découverte d’un nouveau motif
de recours, il serait possible de remettre en cause le scrutin sans limite temporelle,
quelle que soit l’importance des vices invoqués. Le législateur qui a modifié l’article 108
LDP en 1994 n’a certainement pas voulu une telle possibilité.
3.4 Sur le vu de ce qui précède, force est de considérer, à l’instar de ce que soutiennent
les recourants, que le recours de Michel Saner du 14 décembre 2012 dirigé contre le
résultat de l’élection à la mairie de Porrentruy le 11 novembre 2012 était tardif, de
même que ses recours ultérieurs du 28 décembre 2012 et du 14 janvier 2013
complétant son recours initial.
3.5 Cette conclusion ne signifie cependant pas que Michel Saner est privé du droit
d’obtenir un contrôle de la validité du résultat du deuxième tour de l’élection à la mairie
de Porrentruy.
Dans deux arrêts au moins (ATF 113 Ia 146 et 138 I 61), le Tribunal fédéral a reconnu
que le résultat d’un vote pouvait être remis en cause après l’échéance des délais de
recours. Selon la jurisprudence, les citoyens ont droit à une protection juridique
rétrospective en cas d’irrégularités massives découvertes ultérieurement. Ce droit est
conféré directement par l’article 29 al. 1 Cst., en lien avec l’article 29a Cst. (ATF 138 I
61).
Dans son mémoire de réplique du 21 janvier 2013 déposé spontanément auprès de la
juge administrative, Michel Saner se réfère expressément à cette jurisprudence. Il
considère – certes à tort – que l’article 108 al. 3 LDP permet de procéder au contrôle
juridique rétrospectif en cas d’irrégularités découvertes postérieurement et que, même
si ça n’est pas le cas, il peut se prévaloir du droit constitutionnel à un tel contrôle
découlant des articles 29 et 29a Cst.
En l’espèce, il faut se demander si la décision de la juge administrative annulant le
second tour de l’élection à la mairie de Porrentruy pouvait être prononcée dans le
cadre d’un contrôle juridique rétrospectif plutôt que dans celui d’une procédure
ordinaire de recours. Invitées à se prononcer à ce sujet, les parties ne se sont pas
opposées à l’examen de l’affaire sous cet angle.
Au vu de ce qui précède, aucune objection ne s’oppose à examiner si les griefs de
Michel Saner pouvaient être traités dans le cadre d’une procédure de réexamen. Il
s’agira dès lors de voir de quelle manière le droit à une protection juridique
rétrospective peut être mis en oeuvre dans le canton du Jura (consid. 4), de déterminer
quelle est l’autorité compétente pour procéder au contrôle juridique rétrospectif en
première instance (consid. 5), de voir si les conditions de ce contrôle sont réunies en
12
l’espèce et, le cas échéant, si l’examen de l’affaire au fond doit être renvoyé à l’autorité
de première instance compétente ou s’il peut être mené par la Cour constitutionnelle
(consid. 6).
4.
4.1 L’arrêt du Tribunal fédéral du 18 mars 1987 (ATF 113 Ia 146 = JT 1989 I 209) porte sur
le refus du Grand Conseil bernois d’entrer en matière sur le recours déposé le 3
septembre 1985 par quatre citoyens du Laufonnais qui demandaient l’annulation de la
votation du 11 septembre 1983 relative au rattachement du district de Laufon au
canton de Bâle-Campagne. Le recours était motivé par les révélations relatives à
l’affaire des caisses noires bernoises. Le Tribunal fédéral a considéré que le recours
en matière de droit de vote adressé le 3 septembre 1985 à la Chancellerie d’Etat à
l’attention de l’organe de décision compétent était en réalité une demande de
réexamen ou de révision, fondée sur des faits et des moyens de preuve nouveaux qui
ne pouvaient pas être connus des recourants avant l’expiration du délai de recours
(consid. 3 ab initio). Le Tribunal fédéral constate que le droit bernois prévoit un nouvel
examen ou une révision aux articles 75ss de la loi sur la justice administrative (LJA),
mais il considère que ces dispositions ne peuvent pas s’appliquer en matière
d’élections et de votations, car la loi bernoise sur les droits politiques de 1980 règle de
façon exhaustive la procédure en cette matière. Cependant, il est dans la nature des
choses qu’une telle possibilité doive exister, même en l’absence de dispositions légales
expresses. Le Tribunal fédéral déduit directement de l’article 4 de l’ancienne
Constitution fédérale la règle selon laquelle les citoyens concernés ont le droit de faire
contrôler la régularité de l’élection ou de la votation lorsqu’il apparaît après coup qu’une
influence a été exercée de façon massive sur le résultat. Selon le Tribunal fédéral, il
serait choquant et inadmissible qu’en cas d’irrégularités ou de falsifications importantes
qui ont exercé une influence sur le résultat d’un scrutin, on ne puisse plus procéder à
un réexamen du décret de validation pour le simple motif que les faits et moyens de
preuve n’ont été découverts qu’après l’expiration du délai de recours (arrêt précité,
consid. 3 b, p. 215 du JT).
Cette jurisprudence a été développée dans un arrêt du 20 décembre 2011 concernant
les irrégularités, découvertes après l’issue du délai de recours, ayant affecté la votation
fédérale du 24 février 2008 sur la réforme de l’imposition des entreprises (ATF 138 I 61
= JT 2012 I 171). Selon le Tribunal fédéral, si des irrégularités viennent à être
découvertes après l’éventuelle procédure de recours et après l’arrêté de validation du
Conseil fédéral, un droit au contrôle de la régularité d’une votation est conféré
directement, en présence de circonstances pertinentes, par l’article 29 al. 1er Cst et,
depuis le 1er janvier 2007, également par l’article 29a Cst. L’arrêt relève que la loi
fédérale sur les droits politiques est entachée d’une lacune manifeste en ce qu’elle ne
prévoit aucune protection juridique rétrospective. Elle doit en conséquence être
interprétée conformément à la Constitution, de manière à ce que les délais de recours
13
énoncés à l’article 77 al. 2 LDP n’excluent pas la possibilité d’une reconsidération ou
d’une révision (cf. arrêt précité, consid. 4.3, p. 181 à 183 du JT).
4.2 Il convient de voir si le droit jurassien contient des dispositions qui garantissent le droit
à une protection juridique rétrospective.
La Constitution jurassienne prévoit, à son article 104 al. 2 litt. c, que la Cour
constitutionnelle juge dans les limites de la loi “les litiges relatifs à l’exercice des droits
politiques, à la validité des élections et votes cantonaux et, sur recours, à celle des
élections et votes organisés dans les districts et les communes”. On relèvera d’ores et
déjà que cette norme utilise l’expression de “litige” – et non de “recours” – pour lesquels
la Cour constitutionnelle est directement compétente lorsqu’il s’agit de l’exercice des
droits politiques au plan cantonal ; elle est également compétente, sur recours, pour
juger les “litiges” relatifs à la validité des élections communales.
La loi dans les limites de laquelle la Cour constitutionnelle statue sur ces litiges est
d’abord la loi cantonale sur les droits politiques. Cette loi désigne l’autorité compétente
pour juger les litiges qui concernent les élections communales, à savoir le juge
administratif (art. 110 LDP), mais restreint simultanément la portée de l’article 104 al. 2
litt. C CJU en utilisant les expressions “recours au juge administratif” dans l’intitulé de
l’article 110 et “droit de recours” dans celui de l’article 111 LDP. Du reste, la loi
jurassienne sur les droits politiques règle, à son Titre XVI, les “voies de recours” (art.
108 à 112 LDP). Le contrôle de la régularité des élections et des votations est ainsi
assuré exclusivement par la voie du recours ordinaire.
Cette conclusion n’est pas infirmée par le Code de procédure administrative qui traite
également du contentieux électoral aux articles 202 à 204. L’article 202 Cpa reprend la
substance de la norme constitutionnelle citée ci-dessus et, comme on a déjà eu
l’occasion de le voir, l’article 204 Cpa prescrit, en se référant expressément aux articles
118 à 145, que la procédure relative au recours de droit administratif s’applique par
analogie. L’article 145 Cpa rend également applicables à la procédure de recours les
dispositions du Titre deuxième, soit les articles 30 à 89 Cpa. Or, les voies de droit
spéciales permettant le réexamen des décisions – passées en force ou non – sont
réglées aux articles 90 Cpa (modification et révocation), 91 Cpa (demande en
reconsidération) et 208ss Cpa (révision). Il suit de là que les prescriptions de
procédure qui s’appliquent au contentieux électoral sont exclusivement celles du
recours de droit administratif et que les délais pour engager la procédure sont fixés
spécifiquement par la loi sur les droits politiques.
Reste encore à examiner si les articles 90, 91 et 208ss Cpa peuvent s’appliquer par
analogie, quand bien même la loi ne le prévoit pas. La réponse est d’emblée négative.
Ces articles ont ceci de commun que le mode de réexamen qu’ils prévoient est
effectué par une autorité administrative, à savoir celle qui a pris la décision initiale ou
14
celle qui lui est supérieure, ou aussi par une autorité judiciaire dans le cadre de la
révision. Or, sous réserve de sa validation, le résultat d’une élection ou d’une votation
n’est pas le fait d’une autorité administrative mais est donné par le corps électoral.
Celui-ci est bien entendu dans l’impossibilité de décider de son propre chef de revoir la
décision par laquelle il a exprimé sa volonté politique et ne peut pas non plus être
amené à le faire directement sur simple requête d’un électeur. En outre, l’autorité
exécutive, en particulier le conseil communal ou l’autorité de surveillance, n’est pas
compétente, dans le canton du Jura, pour statuer sur une demande de réexamen du
résultat d’un scrutin populaire, ainsi que cela sera démontré ci-après.
La législation jurassienne en matière de droits politiques présente dès lors une lacune,
de sorte que le droit à une protection juridique rétrospective découle, dans le canton du
Jura également, du droit constitutionnel.
5. Il convient à présent de déterminer quelle est l’autorité compétente pour garantir
concrètement le droit constitutionnel à une protection juridique rétrospective et donc
pour procéder, en première instance, au contrôle rétrospectif de la validité des
élections et des votations dans le canton du Jura, singulièrement lorsque le scrutin est
communal.
L’intimé no 1 est d’avis que la juridiction administrative est compétente à ce sujet et
requiert, dans le cas où l’autorité de céans n’aboutirait pas à cette conclusion, que le
dossier soit transmis à l’autorité compétente pour rendre une nouvelle décision. Les
autres parties ne se sont pas exprimées sur ce point.
5.1 Dans l’affaire du Laufonnais, les résultats de la votation du 11 septembre 1983 par
laquelle une majorité de citoyens s’était prononcée contre le rattachement de ce district
au canton de Bâle-Campagne ont été constatés par le Conseil exécutif du canton de
Berne et validés par le Grand Conseil qui, à l’époque, était aussi autorité de recours en
matière de votations et d’élections. Le Tribunal fédéral a annulé la décision du Grand
Conseil bernois du 18 novembre 1985 de ne pas entrer en matière sur le recours et lui
a retourné la cause, considérant qu’il était lui-même l’autorité compétente pour statuer
sur le fond de la demande de réexamen, par application analogique de l’article 93 al. 2
de la loi bernoise sur les droits politiques alors en vigueur, article relatif à la procédure
de recours en matière de votation et d’élection (ATF 113 Ia 146 consid. 3f = JT 1989 I
2009, p. 217).
Dans l’affaire de la votation fédérale sur la réforme de l’imposition des entreprises dont
le résultat a été contesté postérieurement à l’échéance du délai ordinaire de recours, le
Tribunal fédéral relève que par sa requête au Conseil exécutif bernois, la recourante a
suivi la voie prévue pour les recours en matière de votations par la loi fédérale sur les
droits politiques (ATF 138 I 61 consid. 2 = JT 2012 I 171, p. 176). En vertu de l’article
77 al. 1 litt. b LDP, un recours peut être déposé auprès du gouvernement cantonal en
15
cas d’irrégularités lors de votations fédérales dans un délai de trois jours à compter de
la découverte du motif de recours, au plus tard cependant le troisième jours après la
publication des résultats cantonaux dans la feuille officielle cantonale (art. 77 al. 2
LDP). La décision du gouvernement cantonal peut être contestée dans un délai de cinq
jours devant le Tribunal fédéral pour violation des droits politiques (art. 80 al. 1 LDP en
lien avec les art. 88 al. 1 litt. b et 100 al. 3 litt. b LTF). Après l’achèvement de la
procédure devant le Tribunal fédéral, le Conseil fédéral constate le résultat définitif de
la votation et publie l’arrêté de validation dans la Feuille fédérale en se référant au
résultat de la procédure devant le Tribunal fédéral (arrêt précité, consid. 4.1). Le
Conseil fédéral ajourne ainsi la validation des résultats de la votation jusqu’à
l’achèvement de la procédure devant le Tribunal fédéral et il adopte ensuite l’arrêté de
validation (même arrêt, consid. 3.2 in fine et réf. cit., p. 179 dans le JT). On en déduit
que la validation suit la décision judiciaire et que les autorités politiques sont liées par
les décisions de justice (ibidem, p. 178 du JT).
5.2 Dans le canton du Jura, la procédure de contestation en matière de droits politiques
diverge sensiblement de celle en vigueur dans le canton de Berne à l’époque des
plébiscites et de celle qui prévaut dans les votations et élections fédérales. D’une part,
il n’y a pas confusion entre l’autorité de validation et l’autorité de recours comme dans
le canton de Berne. D’autre part, la validation ne suit pas la décision judiciaire.
5.2.1 L’article 27 LDP attribue aux autorités exécutives la compétence de constater le
résultat des scrutins, sauf celui de l’élection du Parlement, celui-ci procédant lui-même
à cette constatation (al. 1). Le Gouvernement est compétent pour constater le résultat
des scrutins cantonaux et des autres élections du Canton (al. 2) et le conseil
communal, celui des scrutins communaux (al. 3). La constatation a lieu
indépendamment d’éventuels recours pour lesquels les autorités exécutives n’ont
aucune compétence particulière. Tout au plus faut-il réserver le cas où un recours est
introduit auprès d’une autorité judiciaire avant que l’autorité exécutive compétente ait
constaté le résultat du scrutin. Dans un tel cas, il paraîtrait logique que l’autorité
compétente ajourne sa décision de constatation dans l’attente de l’issue de la
procédure judiciaire, même si la loi ne le prévoit pas.
La situation était différente avant le 1er octobre 1984. En effet, l’article 26 LDP, abrogé
le 5 juillet 1984, prévoyait la possibilité pour tout électeur d’élever une réclamation
contre le scrutin auprès de l’autorité compétente pour en constater le résultat. De plus,
l’alinéa 4 de l’article 27 LDP, également abrogé le 5 juillet 1984, prescrivait à l’autorité
de statuer sur les réclamations avant de constater le résultat des scrutins. C’était à
partir de ce moment-là que courait le délai de recours (cf. déclaration Paul Moritz,
président de la commission législative I de l’Assemblée constituante, JOAC no 42, p.
41). Ainsi, jusqu’à la modification de la loi sur les droits politiques en 1984, l’autorité de
validation du scrutin était la même que l’autorité statuant sur les réclamations, ce
16
qu’avait d’ailleurs constaté la Chambre administrative du Tribunal cantonal dans un
arrêt du 23 décembre 1982 (FJJ B 6/3 consid. 1, p. 5).
Si cette concentration de la compétence de validation et de celle de statuer sur les
réclamations dans les mains de la même autorité avait perduré, il n’aurait pas été
inconcevable d’admettre que ladite autorité était aussi compétente pour procéder à un
réexamen en première instance. Néanmoins, dans le même arrêt, la Chambre
administrative a jugé qu’un conseil communal n’avait pas la compétence d’annuler un
vote du corps électoral communal et qu’il n’avait pas non plus la possibilité de le faire
en vertu des articles 90 Cpa ou 134 Cpa, car le conseil communal ne peut pas être
considéré comme “l’autorité qui a pris la décision”. Il ne saurait lui être reconnu un
véritable droit de contrôle et de sanction des décisions du corps électoral qui est
l’organe supérieur de la commune (FJJ B 6/3 consid. 1, p. 4 et 5).
5.2.2 L’impossibilité pour le conseil communal de procéder au réexamen d’un vote populaire
est en tout cas clairement renforcée depuis que le législateur a renoncé à la procédure
de réclamation.
Dans son message du 20 mars 1984 relatif à la révision de la loi sur les droits
politiques, le Gouvernement propose de supprimer purement et simplement la
procédure de réclamation, car il lui apparaît que les voies de droit ouvertes par les
articles 108ss LDP protègent suffisamment l’électeur. Il expose qu’il est difficile de
savoir exactement ce que recouvre la réclamation et, en particulier, qu’il n’est pas
possible de voir quelle en est la sanction précise, raison pour laquelle il estime plus
judicieux de s’en référer directement aux dispositions concernant le recours (JDD no 8
du 7 juin 1984, p. 193).
L’autorité compétente n’ayant plus à statuer sur des réclamations simultanément à la
constatation du résultat des scrutins, cette seconde opération n’apparaît plus, depuis
l’entrée en vigueur de la novelle de 1984, comme un véritable acte de validation. En
effet, s’il s’agissait, par la constatation du résultat, d’admettre la validité du scrutin, la
décision de validation serait alors inséparable du recours et ne pourrait intervenir que
si le recours était rejeté, l’autorité exécutive compétente constatant alors qu’il n’a y pas
d’obstacle à la validation (cf. en ce sens Bénédicte TORNAY, La démocratie directe
saisie par le juge, 2008, p. 29 ; Etienne GRISEL, Initiative et référendum populaires,
2004, no 343). GRISEL relève par ailleurs que recours et validation sont deux choses
presque toujours tranchées, dans les cantons, par la même autorité (loc. cit.), ce qui
n’est pas le cas dans le canton du Jura. En conséquence, la constatation du résultat
des scrutins telle qu’elle est conçue par l’article 27 LDP depuis 1984 est une formalité
indépendante de la validation matérielle de l’élection ou de la votation. Elle remplit une
fonction purement procédurale, à savoir celle d’ouvrir la voie du recours dans les trois
jours qui suivent la publication des résultats constatés par l’autorité compétente,
17
respectivement celle de prolonger le délai de recours initial si la découverte du motif
intervient avant la publication, même si ce délai est échu à ce moment.
5.2.3 La constatation du résultat des scrutins ne pouvant être assimilée à une décision de
validation ayant pour effet de constater la régularité du scrutin, la remise en cause
ultérieure d’une élection ou d’une votation par la voie du contrôle juridique rétrospectif
ne saurait donc être confiée à l’autorité exécutive. Cela étant, lorsque le recours
ordinaire n’est plus disponible et que les conditions d’un contrôle juridique rétrospectif
sont réunies, ce contrôle ne peut être que de nature judiciaire. A l’instar de ce que le
Tribunal fédéral a jugé dans la demande de réexamen de la votation de 1983 relative
au rattachement du Laufonais au canton de Bâle-Campagne (ATF 113 Ia 146 = JT
1989 I 209), il faut appliquer par analogie les dispositions relatives à la procédure de
recours en matière de droits politiques, en l’occurrence l’article 110 LDP lorsqu’est en
cause une élection communale comme en l’espèce. Il incombe ainsi au juge
administratif de procéder à ce contrôle en première instance.
Cette solution est du reste celle qui paraît la plus conforme au droit constitutionnel
jurassien. On a vu ci-dessus (consid. 4.2) que l’article 104 al. 2 litt. c CJU confie aux
organes judiciaires la responsabilité de juger les “litiges” relatifs notamment à la validité
des élections. L’article 202 Cpa, qui reprend la substance de la norme
constitutionnelle, figure au chapitre du “contentieux électoral” pour lequel la juridiction
constitutionnelle est compétente (chapitre IV du Titre cinquième du Cpa). Appréhendés
dans leur sens large, ces termes englobent non seulement les recours ordinaires, mais
aussi les autres moyens de droit à disposition des citoyens pour contester les résultats
d’une élection. Il était bien dans la volonté de l’Assemblée constituante d’attribuer à la
justice la compétence de statuer dans les litiges relatifs à l’exercice des droits
politiques. Dans l’optique de la protection des droits individuels, elle estimait cette
solution bien supérieure au système qui confiait ce pouvoir aux organes exécutifs de
l’Etat (cf. déclaration Jacques Saucy, président de la commission III de l’Assemblée
constituante, JOAC n° 4, p. 23).
5.2.4 Un dernier motif, propre au cas d’espèce, conduit enfin à reconnaître la compétence de
la juge administrative en première instance.
Si l’affaire devait être transmise au Conseil communal de Porrentruy afin qu’il
réexamine le résultat de l’élection du 11 novembre 2012, sa décision serait de toute
façon sujette à recours devant la juridiction administrative de première instance, puis,
le cas échéant, auprès de l’autorité de céans, sans compter que certains membres du
Conseil communal dont fait partie Thomas Schaffter pourraient être récusés, ce qui
compliquerait encore la procédure (cf. art. 41 al. 2 litt. a et 42 al. 2 Cpa). Une
procédure aussi longue ne serait pas compatible avec le principe de diligence (art. 29
Cst.). Ce principe est essentiel dans les litiges concernant l’exercice des droits
politiques. Il a conduit le législateur jurassien à raccourcir les délais de recours de
18
trente à dix jours lors de la révision de la loi sur les droits politiques en 1984 (cf. JDD n°
8 du 7 juin 1984, p. 195). La sécurité du droit et la confiance nécessaire au bon
fonctionnement des institutions démocratiques postulent que ces litiges soient tranchés
rapidement.
5.2.5 Sur le vu de ce qui précède, il doit être admis que la juge administrative était
compétente en première instance pour voir si un réexamen du résultat du scrutin relatif
au deuxième tour de l’élection à la mairie de Porrentruy était possible et, le cas
échéant, pour procéder au contrôle rétrospectif que le recours de Michel Saner
impliquait.
6.
6.1 Un contrôle judiciaire rétrospectif est possible aux conditions suivantes. Il faut tout
d’abord que soient dénoncées des irrégularités graves ayant influencé l’élection de
manière massive et décisive, propres à mettre la procédure électorale en doute. Il est
en outre nécessaire que les faits et moyens de preuve avancés soient demeurés
inconnus avant l’élection et pendant le délai de recours qui a suivi, qu’ils n’aient pas pu
être invoqués pour des raisons de droit ou de fait, ou qu’ils n’aient pas dû être invoqués
parce qu’il n’y avait pas de motifs de le faire. Doivent donc être invoqués des faits
nouveaux improprement dits. Ensuite, pour des raisons de sécurité du droit, des limites
temporelles doivent être posées au contrôle rétrospectif. A défaut de dispositions
législatives, le délai doit être au besoin fixé au cas par cas, par analogie avec les
règles établies dans d’autres domaines et en application des principes généraux (cf.
ATF 138 I 61 consid. 4.5 et réf. cit. = p. 184 du JT 2012 I 171). Selon la jurisprudence,
ces conditions doivent être appliquées strictement, car en raison de l’importance du
maintien des décisions prises en démocratie directe et pour des motifs de sécurité du
droit, on ne saurait revenir trop facilement sur une procédure de vote terminée ou sur
un résultat de votation validé (consid. 4.5 précité = pp. 185 et 186 du JT). La
jurisprudence ajoute une dernière condition, à savoir que les faits et moyens de preuve
nouvellement découverts doivent être invoqués immédiatement (ATF précité, consid.
4.6 = p. 185 du JT).
Le contrôle judiciaire rétrospectif s’exerce selon les modalités qui sont celles d’un
réexamen, en particulier celles de la révision procédurale. Si les conditions requises
pour procéder au contrôle rétrospectif sont confirmées, l’élection doit alors être
soumise à un nouvel examen au fond, en considération des faits et preuves nouveaux.
Il faut alors examiner si des irrégularités, le cas échéant lesquelles, sont réellement
survenues, quelle était leur gravité et quelle signification doit leur être reconnue dans
un processus de décision démocratique. La procédure se subdivise par conséquent en
deux étapes selon ce qui est classique en matière de révision (ATF 138 I 61 consid.
4.5 in fine = p. 185 du JT ; ATF 113 I a 146 consid. 3c = JT 1989 I 209, p. 215).
6.2
19
6.2.1 Au cas d’espèce, dans sa première requête du 14 décembre 2012, Michel Saner ne
fait pas état de vices particulièrement importants. Ainsi que le relève le recourant
Thomas Schaffter, l’intimé no 1 se borne à invoquer ce qu’il a appris à la lecture de la
presse, à savoir l’ouverture d’une procédure pénale à l’encontre d’un citoyen de
Porrentruy suspecté de fraude électorale ; il suppose qu’il n’est pas exclu que cette
fraude puisse avoir influencé le résultat des élections municipales tant au premier
qu’au second tours. S’agissant du deuxième tour à la mairie, vu la faible différence de
voix entre les deux candidats, il écrit qu’il est certain que la fraude électorale, qui, selon
la presse, portait sur quelques dizaines de bulletins de vote, a pu changer le résultat
(pp. 1 et 2 du dossier de la juge administrative, ci-après, dossier JA). Dans son
deuxième recours du 28 décembre 2012, Michel Saner n’apporte pas plus de
précisions, sinon qu’il a appris que la procédure pénale a été étendue à un second
citoyen de Porrentruy, accusé d’avoir recueilli un certain nombre d’enveloppes de vote
et rempli des bulletins. Ces faits, qu’il qualifie de nouveaux, justifient selon lui
l’annulation des élections dans la mesure où, cumulés avec ceux faisant l’objet de la
première affaire pénale, ils ont été de nature à influencer les résultats des scrutins
concernés (dossier JA, pp. 10 et 11). Dans sa troisième requête du 14 janvier 2013,
qui complète les requêtes précédentes, Michel Saner apporte plus de détails, fondés
sur les éléments dont il a pris connaissance dans le dossier pénal qu’il a pu consulter
et qu’il qualifie de nouvellement découverts (dossier JA, pp. 36 à 38). C’est le 21
janvier 2013, dans sa réplique spontanée au mémoire de réponse de la municipalité de
Porrentruy, que Michel Saner fait pour la première fois état de l’existence de 300
bulletins de vote frauduleux ayant eu une incidence non seulement sur l’élection à la
mairie, mais encore sur celle du Conseil municipal et sur celle du Conseil de ville
(dossier JA, pp. 55 et 56). Les irrégularités qu’il invoque ne semblent donc pas
concerner le deuxième tour de l’élection à la mairie, si ce n’est qu’il rappelle que la
différence de voix entre les candidats Schaffter et Fueg a été de 29 et qu’il suffisait
ainsi de 15 bulletins frauduleux pour l’avoir influencée (p. 56). C’est surtout dans les
remarques finales de l’intimé du 20 mars 2013 que de graves soupçons sont articulés
au sujet des irrégularités commises lors des élections communales de Porrentruy et
que le lien avec le résultat de ces élections est effectué (dossier JA, pp. 98ss). L’intimé
fait en particulier état, de manière précise, des captations de suffrage qui ont porté, au
premier tour, sur 347 enveloppes dont 200 détournées par B. et 147 par M., et, au
deuxième tour, sur 289 enveloppes détournées par B. et M. respectivement à raison de
150 et de 139.
Il suit ce qui précède que, dans un premier temps, Michel Saner n’a pas dénoncé des
irrégularités massives, de sorte qu’au départ, un réexamen de l’élection à la mairie
n’était guère envisageable. Il faut toutefois relativiser cette appréciation sous un double
point de vue. D’une part, les premières interventions de Michel Saner ont eu lieu peu
de temps après la fin du délai de recours, de sorte que l’exigence d’une dénonciation
portant sur des irrégularités massives susceptible d’être opposée au principe de la
sécurité du droit doit être appréciée moins strictement. En effet, l’importance de
20
maintenir le résultat des élections en application de ce principe augmente avec le
temps, mais s’affaiblit considérablement lorsque les irrégularités sont dénoncées peu
après l’expiration du délai de recours ordinaire, comme c’est le cas en l’occurrence.
D’autre part, les seules informations dont Michel Saner disposait lors de ses premières
interventions manquaient de consistance. En décembre 2012, peu d’informations
étaient à disposition des citoyens de Porrentruy sur l’importance des irrégularités. Il
était donc impossible pour l’intimé no 1 d’alléguer une violation massive de ses droits
politiques. Celui-ci a pris connaissance des nouveaux éléments par la suite. C’est
véritablement à l’occasion de la communication de ses remarques finales, rédigées sur
la base du dossier pénal complété, qu’il a fait valoir que la régularité des élections
communales à Porrentruy en automne 2012, en particulier l’élection à la mairie au
second tour, était sérieusement douteuse.
6.2.2 Les faits dénoncés étaient demeurés inconnus avant les élections et pendant le délai
de recours ; ils ne pouvaient donc être invoqués auparavant. Il s’agit de faits nouveaux
improprement dits, puisqu’ils existaient déjà au moment de l’élection.
6.2.3 Enfin, en rapport avec le délai dans lequel Michel Saner a fait valoir ses griefs, il faut
relever qu’à la différence d’une votation, les résultats d’une élection ne restent valables
que pour la législature à laquelle l’élection se rapporte. En l’espèce, la durée de la
législature est de cinq ans (art. 65 al. 1 CJU, en vigueur depuis le 1er juillet 2010). Cela
étant, il n’y aurait pas de sens à remettre en cause les résultats d’une élection lorsque
la période de fonction des élus est déjà largement entamée. Plus on s’approche de la
date du renouvellement des autorités politiques, plus le principe de la sécurité du droit
fait obstacle au réexamen des résultats de la dernière élection. La limite temporelle
dans laquelle le contrôle juridique rétrospectif d’une élection peut être effectué ne
devrait en principe pas dépasser la moitié ou les deux tiers de la période en cours, à
moins que les élections n’aient été affectées de vices particulièrement graves et
massifs, au point d’anéantir la légitimité des élus. Au cas particulier, Michel Saner a
dénoncé d’importantes irrégularités dans ses remarques finales du 20 mars 2013, soit
environ quatre mois après l’expiration du délai de recours, et dans une moindre
mesure en janvier 2013 déjà, dans sa réplique spontanée. Il s’ensuit que le délai dans
lequel il a fait valoir des motifs importants justifiant un contrôle juridique rétrospectif est
relativement bref. De la sorte, l’intérêt au maintien du résultat de l’élection à la mairie
de Porrentruy que postule le principe de la sécurité juridique n’est pas primordial. Pour
le surplus, force est de constater que Michel Saner est intervenu aussitôt qu’il a eu
connaissance des éléments décisifs de sa requête.
6.2.4 Les conditions d’un réexamen étant réalisées, la juge administrative aurait ainsi pu
traiter le recours de l’intimé no 1 sur le fond comme une requête tendant au contrôle
judiciaire rétrospectif de l’élection au deuxième tour à la mairie de Porrentruy.
21
6.3 Avant d’examiner au fond l’existence des irrégularités dénoncées par Michel Saner et
leur importance, il convient de statuer sur la demande du recourant Thomas Schaffter
de renvoyer la cause en première instance. A l’appui de cette demande, le recourant
considère qu’il n’a pas pu défendre ses intérêts personnels sur pied d’égalité avec les
autres parties en première instance. Quand bien même il est membre du Conseil
municipal de Porrentruy, il n’a eu connaissance de l’intégralité du dossier de la juge
administrative que durant le délai de recours. Il fait valoir qu’il n’a pas pu bénéficier du
même temps nécessaire que les autres parties pour la défense de ses intérêts vu le
bref délai de recours à disposition. Ainsi son droit d’être entendu a été violé, de même
que son droit à un procès équitable.
6.3.1 En premier lieu, il faut rappeler que la procédure relative au recours de droit
administratif s’applique en l’espèce (cf. art. 204 Cpa). C’est le cas en particulier de
l’article 122 Cpa concernant les motifs qui peuvent être invoqués, à savoir la violation
du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (litt. a), ainsi que la
constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (litt. b). La Cour
constitutionnelle dispose ainsi du même pouvoir d’examen que l’instance précédente.
Le droit d’être entendu est garanti au recourant dans tous ses aspects en seconde
instance. Il ne résulte donc aucun préjudice pour lui du fait qu’il n’a pas participé à la
procédure devant la juge administrative, sans qu’il soit du reste nécessaire de trancher
la question de savoir s’il aurait dû être appelé en cause. Une éventuelle violation de
son droit d’être entendu consécutive à sa non-participation à la procédure de première
instance peut, en tout état de cause, être réparée devant la Cour constitutionnelle (sur
la réparation de la violation du droit d’être entendu en procédure de recours, cf. Pierre
BROGLIN, Manuel de procédure administrative jurassienne, 2009, p. 110 et 111 et réf.
cit., en particulier RJJ 2006, p. 73, consid. 2).
6.3.2 La demande du recourant de renvoyer l’affaire en première instance doit être rejetée
pour un autre motif. On a vu que la qualité pour recourir lui est reconnue du seul fait
qu’il est électeur dans l’élection en cause et non en raison d’une atteinte à ses intérêts
personnels. Le droit de vote duquel le recourant tire sa qualité pour recourir ne
consiste pas seulement en un droit individuel, mais également en l’exercice d’une
compétence organique et, partant, de fonctions publiques (ATF 116 Ia 359 consid. 3b
et arrêt cité = JT 1992 I 98, p. 102). Les droits politiques présentent en effet une double
nature juridique : d’un côté, le citoyen exerce un droit individuel ; d’un autre, dans sa
fonction d’organe partiel de la collectivité publique, il exerce une fonction publique en
prenant part à l’activité de celle-ci (cf. BESSON, op. cit., p. 848 ; Jean MORITZ,
Commentaire de la Constitution jurassienne, volume II, 2007, n. 20 ad section 2). En
l’espèce, la problématique n’est en rien différente que ce soit Thomas Schaffter qui
intervienne dans l’affaire ou n’importe quel autre électeur ou organe représentatif de la
commune. On ne voit pas quels moyens spécifiques Thomas Schaffter pourrait faire
valoir, autres que ceux soulevés en première instance par le Conseil communal de
Porrentruy dont il est d’ailleurs membre. Le Conseil communal, agissant pour le
22
compte de la Municipalité de Porrentruy, exerçait, en tant qu’intimé dans la procédure
précédente, la même compétence organique que Thomas Schaffter en seconde
instance. On remarque d’ailleurs que les griefs et l’argumentation que ce dernier
oppose au jugement de première instance sont similaires à ceux que le Conseil
communal de Porrentruy a soulevés à l’encontre du recours de Michel Saner devant la
juge administrative. Thomas Schaffter n’invoque aucune circonstance propre à sa
personne à l’appui du maintien de son élection. Enfin, l’importance des moyens de
“défense” développés dans son mémoire de recours et dans ses autres écritures
démontre qu’il a eu amplement connaissance du dossier et a disposé du temps
nécessaire pour faire valoir ses droits en procédure de recours.
6.3.3 Sur le vu de ce qui précède, un renvoi de la cause en première instance n’est pas
justifié. Un renvoi serait au surplus contraire aux principes de célérité et d’économie de
procédure. Il revient dès lors à la Cour constitutionnelle d’examiner l’affaire au fond.
7.
7.1
7.1.1 L’article 34 al. 1 Cst. garantit de manière générale et abstraite les droits politiques, que
ce soit sur le plan fédéral, cantonal ou communal. La liberté de vote est un droit
fondamental consacré par l’article 34 al. 2 Cst., disposition qui protège la libre
formation de l’opinion des citoyens et des citoyennes et l’expression fidèle et sûre de
leur volonté. Elle garantit ainsi qu’aucun résultat de vote ne soit reconnu s’il ne traduit
pas de façon fidèle et sûre l’expression de leur libre volonté (ATF 138 I 61 consid. 6.2 =
JT 2012 I 171, p. 190 ; ATF 132 I 104 consid. 3.1 ; TF 1C_123/2008 consid. 4.1 et
arrêts cités, publié in SJ 2008 I 441, p. 445). La jurisprudence a notamment déduit de
la liberté de vote le droit pour les électeurs de se former une opinion sur la base la plus
libre et la plus complète possible (ATF 138 I 61 consid. 6.2 = JT 2012 précité p. 190 ;
ATF 131 I 126 consid. 5.1 ; 129 I 185), le droit de voter dans le secret et à l’abri de
toute pression ou influence extérieure (ATF 131 I 126 consid. 5.1) et le droit à une
exécution régulière du scrutin (SJ 2008 I 441 consid. 4.1 et réf. cit.). Les prescriptions
de forme ressortissent au droit cantonal, qui fixe notamment la procédure du vote par
correspondance (ibidem et réf. cit.).
7.1.2 Sur recours, un scrutin peut être annulé, sans qu’il soit nécessaire de prouver qu’un
vice de procédure a effectivement influencé le scrutin de façon décisive ; il suffit que
cela ait été possible. L’annulation n’interviendra toutefois que si le vice est important et
de nature à influer sur le résultat du scrutin. La jurisprudence considère en particulier
que la collecte par les représentants d’un parti de bulletins d’électeurs non astreints à
la remise personnelle de leur vote est en soit inadmissible et qu’un tel comportement
peut conduire, suivant son ampleur, à l’annulation de l’élection. Lorsque les
irrégularités ne peuvent pas être chiffrées, il suffit que les circonstances fassent
apparaître l’influence sur le résultat du scrutin comme possible. Il faut alors prendre en
considération notamment l’importance de l’écart des voix, la gravité du vice constaté et
23
son influence sur le vote dans son ensemble (SJ 2008 I 441 consid. 4.1 p. 445 et 446,
jurisprudence et doctrine citées).
7.1.3 Le système du vote par correspondance est problématique sous l’angle du droit à la
composition exacte du corps électoral. La liberté de vote garantit en effet que tous les
titulaires des droits politiques, et eux seuls, sont admis à prendre part aux élections et
aux votes populaires (MORITZ, op. cit., n. 15 ad art. 71 ; TORNAY, op. cit., p. 186). La
procédure du vote par correspondance doit donc être réglée de manière à éviter que
des personnes qui n’ont pas la qualité d’électeurs participent au scrutin et à empêcher
qu’un électeur vote plusieurs fois en utilisant le matériel électoral remis aux autres
ayants droit. Dans le canton du Jura, la qualité d’électeur est établie par la présentation
de la carte d’électeur (art. 13 al. 1 LDP). Pour que le vote par correspondance soit
valable, l’électeur doit apposer sa signature manuscrite sur sa carte d’électeur, appelée
aussi carte de légitimation (art. 21 al. 2 et 24 al. 1 litt. b ODP). Lors du dépouillement,
le bureau de vote procède ainsi à un double contrôle de l’identification de la qualité
d’électeur, en vérifiant, d’une part, que l’enveloppe de transmission contient la carte de
légitimation et, d’autre part, que celle-ci contient la signature de l’électeur concerné.
Aucune autre formalité n’est prévue pour identifier le votant. Selon la jurisprudence, la
possibilité d’identifier l’électeur votant par correspondance apparaît comme une
nécessité. La signature remplace, dans une certaine mesure, la présentation
personnelle de la carte d’électeur au bureau de vote. Cette modalité ne permet certes
pas de prévenir tout abus du droit de vote, mais cela devrait réduire les risques de
façon importante (cf. ATF 121 I 187 consid. 3d-f, résumé in JT 1997 I 1982 p. 87).
7.2 En l’espèce, les éléments permettant de juger si des abus massifs du droit de vote ont
affecté le second tour à la mairie de Porrentruy le 11 novembre 2012 sont contenus
dans le dossier pénal. Il s’agit notamment de la lettre manuscrite de B., des auditions
de celui-ci et de M. par la police et par la procureure, ainsi que des enregistrements
des deux prénommés à leur insu par Arnaud Bédat.
7.2.1 Concernant ces enregistrements, les recourants sont d’avis qu’ils ne sont pas
exploitables, parce qu’il s’agit de moyens de preuve obtenus de manière illicite, ayant
été effectués à l’insu des intéressés.
Le Code de procédure administrative ne règle pas directement l’utilisation des moyens
de preuve acquis illicitement. Selon l’article 69 Cpa, les dispositions de procédure civile
sont applicables par analogie à la production des moyens de preuve. A teneur de
l’article 152 CPC, le tribunal ne prend en considération les moyens de preuve obtenus
de manière illicite que si l’intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant. Cette
formulation, qui laisse au juge un large pouvoir d’appréciation (ATF 139 II 95 consid.
3.1), découle du droit à un procès équitable au sens des articles 29 al. 1 Cst et 6 § 1
CEDH. La jurisprudence en a déduit l’interdiction de principe d’utiliser des preuves
acquises illicitement (ATF 136 V 117 consid. 4.2.2). L’exclusion de tels moyens n’est
24
toutefois pas absolue et, le cas échéant, le juge doit opérer une pesée des intérêts en
présence (ATF 131 I 272 consid. 4). Ces règles sont applicables également aux
procédures régies par la maxime d’office. L’utilisation de moyens de preuve acquis en
violation de la sphère privée ne doit par ailleurs être admise qu’avec une grande
réserve (ATF 139 II 7 consid. 6.4.1, résumé in SJ 2013 I 179). Dans la pesée des
intérêts, il s’agit de mettre en balance, d’une part l’intérêt public à la manifestation de la
vérité et, d’autre part, l’intérêt de la personne concernée à ce que le moyen de preuve
ne soit pas exploité (ATF 139 II 95 consid. 3.1 et réf. cit.).
En l’espèce, il faut d’emblée relever que l’intérêt des recourants à ce que les
enregistrements illicites soient écartés du dossier de la présente procédure est sans
rapport avec la protection de leur sphère privée. Les agissements illicites de Bédat
n’ont pas eu lieu au détriment des recourants qui ne sont en rien lésés dans leur
personnalité. Leur intérêt à ce que le contenu des conversations de B. et de M. avec
Bédat ne soit pas exploité réside uniquement dans l’issue de la procédure qui pourrait
leur être défavorable. En ce sens, l’exploitation de ces moyens de preuve illicites ne
diffère pas, pour eux, de l’utilisation qui peut être faite de ceux qui ont été recueillis
régulièrement. Cela étant, l’intérêt public à l’utilisation des enregistrements réalisés par
Arnaud Bédat est déterminant, dans la mesure où ces moyens de preuve peuvent
peser, conjointement avec les autres éléments du dossier pénal, sur l’issue de la
présente procédure. L’enjeu de celle-ci, qui est de déterminer si le résultat de l’élection
à la mairie de Porrentruy reflète de manière fiable la volonté exprimée par le corps
électoral, présente manifestement un intérêt public de haute importance. Il convient
donc d’admettre ces enregistrements comme moyens de preuve.
7.2.2 Dans son recours, Thomas Schaffter requiert l’audition des parties ainsi que celle de
B., de M. et d’Arnaud Bédat. Cette requête de moyens de preuve n’a pas été
renouvelée ultérieurement. Dans ses dernières remarques du 21 juin 2013, Michel
Saner requiert l’audition en tant que témoins de la serveuse de la colonie italienne et
celle de Laurent Schaffter. Ces requêtes doivent être rejetées. En effet, le dossier de la
Cour constitutionnelle, qui comprend le dossier pénal du Ministère public, est, comme
on va le voir ci-après, suffisamment instruit pour statuer sur les recours. Les auditions
requises ne sont pas de nature à apporter de plus amples informations que les
déclarations des personnes qui ont déjà déposé dans l’affaire pénale devant la police
judiciaire et la procureure, ni à modifier la conviction de la Cour constitutionnelle (sur
l’appréciation anticipée de la pertinence d’un moyen de preuve, cf. TF 8C_943/2011 du
26 novembre 2012 consid. 3.1, publié in RDAF 2013 I 69, p. 72 ; ATF 134 I 40 consid.
5.3 et arrêt cité).
On relèvera, en outre, que les auditions requises par Thomas Schaffter ont été
effectuées dans l’intervalle par la procureure les 11 et 14 juin 2013. B. et M. ont été
confrontés à Arnaud Bédat à ces occasions.
25
8.
8.1
8.1.1 Il ressort de l’écrit de B. du 20 novembre 2012 figurant dans le dossier pénal du
Ministère public (A.5 et 6) ce qui suit :
– B. écrit avoir fait campagne à la mairie pour le candidat PSCI dans le but de se
venger de Pierre-Arnaud Fueg suite à son licenciement du Service des
contributions (dont celui-ci était le chef) ;
– tant au premier qu’au second tour, il a contacté un nombre important d’électeurs en
faveur du candidat Schaffter et a ainsi pu obtenir “pas mal d’enveloppes de vote par
correspondance” qu’il faisait transmettre au père du futur maire ou qu’il glissait luimême
dans la boîte aux lettres de la commune ;
– au premier tour, il mettait “les 3 listes PSCI” – c’est-à-dire les listes pour le Conseil
de ville, pour le Conseil communal et le bulletin pour la mairie – dans les
enveloppes qu’il apportait au bureau de la commune ;
– il faisait signer les cartes d’électeur ou les signait lui-même ;
– il a procédé de la même manière pour le deuxième tour ;
– plusieurs “rabatteurs” ont été engagés par le PCSI dont il cite les noms ;
– il a reçu de l’argent pour cette activité qui lui a permis de vivre décemment depuis le
12 juin ;
– il a été invité le soir de la victoire à la fête organisée à la patinoire par le PCSI où il a
été chaleureusement remercié par la famille Schaffter qui savait quel rôle il avait
joué ; il précise son rôle en écrivant avoir collecté “à leur demande certainement
plus d’une centaine (d’enveloppes de vote par correspondance) au second tour”.
Le contenu de cette lettre confirme les propos que B. a tenus à Bédat le même jour et
que celui-ci a enregistrés à l’insu de celui-là, en présence de Jean-Jacques Pedretti.
Dans cet entretien, qui a été retranscrit par la police judiciaire (K.1.40 à 45), B. raconte
qu’au premier tour, il allait chez les gens récupérer des enveloppes qu’il apportait
ensuite à Laurent Schaffter. Aux questions de Bédat, il répond avoir “réussi 200 listes
PCSI pour les municipales” (c’est-à-dire pour le Conseil de ville, le Conseil communal
et la mairie) et 150 pour la mairie au deuxième tour (K.1.42). Il précise avoir cherché
ces 150 enveloppes auprès de personnes qu’il connaissait pour leur avoir rendu
service ou qu’il connaissait “comme ça”. Il dit avoir été “encensé” lors de la fête le
dimanche soir du scrutin ; dans l’après-midi, des gens l’applaudissaient comme pour
remercier “le président de la propagande du PCSI”. Il déclare que c’était une belle
revanche sur le candidat Pierre-Arnaud Fueg et qu’il était assez fier de lui (K.1.43). A
une question de Pedretti, il précise que les cartes étaient signées et les bulletins
remplis par les personnes auprès de qui il récupérait les enveloppes qu’il allait ensuite
porter dans la boîte aux lettres de la commune (K. 1.43) ou qu’il ramenait à Laurent
Schaffter (K.1.42). Il lui est arrivé également de signer lui-même des cartes d’électeurs
(K. 1.43). D’autres personnes, des “recruteurs électoraux” du PCSI, ont également
récupéré des enveloppes (K.1.44).
26
8.1.2 Selon les recourants, les propos enregistrés de B. ne seraient pas dignes de foi. Le
véritable objet pour lequel il est allé discuter avec Bédat ne concernait pas les
élections, mais son licenciement, ainsi que cela ressort des premières déclarations qui
ont été faites lors de cette discussion. C’est Bédat qui serait intervenu sur le sujet des
élections en lui posant la question provocante : “J’ai entendu dire en ville que tu avais
bien bossé pour Schaffter ?”, alors qu’il y avait déjà deux pages complètes
d’enregistrement retranscrit. B. ne se serait donc pas exprimé spontanément, mais
aurait été amené à faire ses déclarations au sujet de son activité en faveur du PCSI sur
provocation de Bédat qui était intéressé à nuire à Thomas Schaffter avec qui il était en
litige au sujet du projet de rénovation de l’Inter à Porrentruy. Les propos de B. seraient
des “fanfaronnades”, sur lesquelles l’intéressé s’est expliqué en détail devant la
procureure, à qui il a en outre déclaré que son manuscrit du 20 novembre 2012
correspondait à “un endoctrinement de M. Arnaud Bédat” et que tout était faux dans ce
document.
8.1.3 Entendu par la procureure le 6 décembre 2012, B. s’est exprimé sur les circonstances
dans lesquelles il a été amené à rédiger le document manuscrit du 20 novembre 2012.
Il déclare en effet que le contenu de ce document est faux, qu’il l’a rédigé sur un
“endoctrinement de M. Arnaud Bédat”, ajoutant qu’il l’a fait “par vengeance pour défier
M. Fueg qui se présentait comme maire”, pour mettre de l’huile sur le feu et pour attirer
l’attention sur lui. Il a nié avoir récolté ou rempli des bulletins de vote de différents
électeurs de Porrentruy. Suite à la suspension de l’audience pour lui permettre de
s’entretenir avec son avocate, B. réitère que le document manuscrit ne contient que
des inventions de sa part, qu’il l’a écrit en étant influencé par Bédat “qui est un
journaliste véreux”. Celui-ci a profité de la situation dans l’intention d’écrire un article
choc sur les élections. Bédat l’a par exemple “poussé à utiliser le mot rabatteur”. B.
reconnaît toutefois avoir “signé” et envoyé par courrier A trois bulletins de vote au
premier tour et quatre bulletins qu’il a amenés au bureau communal au deuxième tour.
Il s’agissait du matériel de vote des membres de sa famille (E.11 à E.16). Pour
l’essentiel et avec quelques nuances, B. est resté sur cette position lors de son
audition par la procureure le 11 juin 2013 et de sa confrontation à cette occasion avec
Bédat (E. 60ss et 67ss).
8.1.4 Les rétractations de B. ne sont pas crédibles.
Il affirme à la procureure avoir décidé d’écrire certaines choses ne correspondant pas à
la réalité pour tester la crédibilité de Bédat qui lui avait promis un article choc sur sa
situation professionnelle (E.12). Cette explication est incompréhensible. B. a écrit son
manuscrit après l’enregistrement de ces propos par Bédat ; on verra ci-après que la
première partie de la discussion, qui correspond aux deux premières pages de la
retranscription qui en compte quatre et demie, est consacrée à la situation personnelle
et professionnelle de B. (K.1.40 et K.1.41). Si celui-ci avait voulu tester Bédat, il l’aurait
fait sans doute dès le début de la discussion pour saisir rapidement la réaction de ce
27
dernier, afin de savoir s’il pouvait espérer de Bédat un article sérieux sur l’affaire de
son licenciement. Il n’aurait en tout cas pas attendu que l’entretien arrive à son terme
pour rédiger ensuite un écrit dans lequel il résume ses propos concernant son activité
dans la campagne électorale, en inventant sciemment un certain comportement afin de
tester Bédat. Il faut encore relever que lorsque B. est auditionné par la procureure le 6
décembre 2012, il ne sait pas que ce qu’il a dit de sa participation à la victoire de
Thomas Schaffter dans sa conversation avec Bédat avait été enregistré.
Il explique avoir écrit ce document – qu’il décrit comme un faux – par vengeance, pour
défier le candidat Fueg (E.12 et E. 13). Cette justification ne tient pas la route et est
contraire à la véritable volonté de B., car c’est bien par le fait de récolter des
enveloppes de vote par correspondance en faveur de Schaffter qu’il défie Fueg, de
même en rédigeant par la suite un écrit dans lequel il se vante de ses exploits, mais
évidemment pas si cet écrit est mensonger. B. ajoute avoir écrit ce document parce
qu’il voulait “donner de faux espoir à M. Fueg qui aurait pu imaginer que le scrutin allait
être annulé et qu’il pourrait être élu” (E.14). Ici également l’explication est
incompréhensible, voire contradictoire : pourquoi écrire un texte qui peut nuire à
l’élection de Schaffter au bénéfice de celui par lequel B. a été trahi, à savoir le candidat
Fueg ? En réalité, ce n’est pas de faux espoir qu’il donne au candidat Fueg en
rédigeant son manuscrit, mais une véritable perspective de voire l’élection de son
adversaire annulée. B. a certainement pris conscience de l’inanité de cette version, sur
laquelle il est revenu lors de son audition du 11 juin 2013 pour déclarer à la procureure,
de manière tout-à-fait contradictoire, que, depuis le 6 décembre 2012, date de sa
précédente audition, il avait réfléchi et s’était rendu compte “que M. Fueg n’est pas
aussi mauvais que ça en a l’air”, qu’il n’a plus de rancoeur à son encontre, qu’avec le
recul il voit mieux les choses et qu’en fait il en veut à Laurent Schaffter qui n’aurait pas
tenu les promesses convenues avec lui, ce que Bédat savait, raison pour laquelle il a
décidé d’écrire le document du 20 novembre 2012 sur les conseils de celui-ci (E. 62 et
63).
A la question de savoir pourquoi il a été encensé par les partisans de Thomas
Schaffter et par la famille Schaffter elle-même lors de la fête à la patinoire le soir de
l’élection, il répond à la procureure que ces personnes l’ont félicité parce que “j’avais
raconté des choses vraies à propos de mon ancien chef M. Fueg. J’ai fait en quelque
sorte la campagne de Thomas Schaffter en expliquant comment j’avais été lésé par M.
Fueg” (E.14). Cette explication des remerciements qu’il a reçus le soir de l’élection de
Thomas Schaffter est invraisemblable. C’est évidemment en raison de son activité de
“rabatteur” durant la campagne électorale qu’il a été remercié. Il utilise ce terme lors de
son audition par la procureure en alléguant que c’est Bédat qui lui a soufflé ce mot, mot
qu’il ne prononce pas dans la discussion avec ce dernier ; en revanche, il parle
spontanément de “recruteurs électoraux ” (K.1.44), puis admet, lors de son audition du
11 juin 2013, que quand il parle des rabatteurs du PCSI dans son manuscrit, cela
correspond à la réalité (E.63).
28
Les dénégations de B. paraissent ainsi fantaisistes, dépourvues de sens et
contradictoires. L’explication de ces dénégations incohérentes réside dans le fait qu’il a
pris conscience des conséquences pénales de ce qu’il rapporte dans son manuscrit du
20 novembre 2012 lorsque, au début de son audition du 6 décembre 2012, la
procureure lui annonce l’ouverture d’une procédure préliminaire pour fraude électorale
et captation de suffrages (E.11).
8.1.5 Les circonstances dans lesquelles a eu lieu la discussion enregistrée entre Bédat et B.
montrent au contraire que les déclarations de ce dernier et le contenu de son
manuscrit peuvent être pris en considération. Jean-Jacques Pedretti et Arnaud Bédat
ont été entendus à ce sujet en qualité de personnes appelées à donner des
renseignements, respectivement par la police judiciaire et par la procureure.
Il ressort de l’audition de Pedretti que B. est allé le trouver le 20 novembre 2012 pour
son affaire de licenciement du Service des contributions. Il cherchait un journaliste pour
mettre son histoire en évidence. Pedretti l’a emmené chez Bédat, en face de qui B.
s’est assis et a commencé à raconter son renvoi du Service des contributions par
Pierre-Arnaud Fueg. Pedretti est resté en retrait, mais s’est rendu compte à un moment
donné que la discussion avait changé de sujet et que la question des élections était
abordée. D’après Pedretti, B. disait fièrement avoir participé aux résultats obtenus par
Thomas Schaffter, ce qui fait dire à Pedretti que B. “s’appropriait une partie de ce
résultat”. B. racontait également avoir participé au banquet du soir de l’élection. Selon
Pedretti, comme Bédat trouvait que l’histoire devenait compliquée, B. s’est mis à
rédiger spontanément sa lettre, sans être influencé par Bédat dans les termes utilisés.
Pedretti précise que B. n’a pas réfléchi pour rédiger ce papier et déclare: “ll n’y avait
pas de quoi l’influencer. Cela ne gênait pas B. d’écrire cela et il voulait que M. Fueg
sache cela” (E.24 à E. 25).
Ce qui précède est confirmé par ce que Bédat décrit de la discussion qu’il a eue le
20 novembre 2012 avec B. lorsque celui-ci lui a raconté son licenciement (E. 29ss) : “A
un moment donné, il (B.) a dit : “D’ailleurs je me suis bien vengé”. Il a commencé à
raconter son histoire de captation de suffrages. Il était très calme, il racontait les
choses spontanément”. Bédat répète que B. lui a dit qu’il s’était bien vengé de Fueg et
il rapporte les précisions de B. sur la manière dont il s’y est pris (E.30). Bédat s’est
étonné des détails qu’il rapportait (E.31) et se dit convaincu que B. “ne savait pas que
tout cela était illégal” (E.30). A la question de la procureure de savoir s’il avait influencé
B. sur le contenu de ce document, notamment quant aux termes utilisés, Bédat répond
:”Jamais, tout ce qui est écrit dans cette lettre, il l’a dit plutôt deux fois qu’une”, tout en
précisant qu’il l’a aidé à résumer son propos. Bédat ajoute, en réponse à une autre
question de la procureure, qu’il n’a pas soufflé les termes de “rabatteur du PCSI” à B.,
que c’était les propres termes de B. et que la seule hésitation que ce dernier a eue
concernait le mot “transmettait” s’agissant des enveloppes remises au père de Thomas
29
Schaffter, mot qu’il a biffé sur le document, car il ne voulait pas écrire qu’il transmettait
directement ses enveloppes, alors qu’il l’avait dit auparavant (E.30 et 31). Bédat a
finalement précisé qu’au vu des rumeurs qui circulaient dans le cadre de la campagne
électorale, qui “n’était pas très saine”, il n’a pas été étonné des révélations de B. (E.30
et 31). Arnaud Bédat n’a pas varié dans ses déclarations lorsqu’il a été confronté à B.
le 11 juin 2013 (E. 68ss). A cette occasion, il précise que c’est par l’entremise de
Jean-Jacques Pedretti qu’il a appris que B. avait raconté “une histoire d’enveloppes”,
et que c’est ça qui l’intéressait (E. 69 et 70). Il précise également avoir suggéré à B. la
première phrase du document manuscrit, car celui-ci ne savait pas comment
commencer (E.71).
8.1.6 L’analyse de la retranscription de l’enregistrement de B. et l’audition du cd-rom de cet
enregistrement, remis par Bédat au Ministère public le 17 décembre 2012, soit après
son audition du 11 décembre et de celle de Pedretti du 7 décembre, corroborent
globalement ce qu’en ont rapporté les deux prénommés s’agissant du déroulement de
la discussion.
On constate en effet que la première partie de la discussion a trait aux déboires
professionnels de B. (K.1.40 et 41), sauf au début lorsque Bédat lui demande ce qu’il a
pensé des élections en faisant allusion à la différence de 28 voix entre les candidats à
la mairie, question restée sans réponse, B. continuant à parler des suites de son
licenciement. C’est ensuite B. lui-même qui enchaîne sur le thème de la campagne
électorale en faisant allusion à une plainte que Pierre-Arnaud Fueg aurait déposée à
son encontre parce qu’il aurait endommagé ses affiches électorales (K.1.41 en bas).
C’est après que B. lui a raconté cet épisode que Bédat pose la question :”J’ai entendu
dire en ville que tu avais bien bossé pour Schaffter ?” (K.1.42 en haut) à laquelle B.
répond: “Exactement, voilà (…)”, que celui-ci commence ses explications sur ses
activités en faveur du PCSI. Les questions et les remarques de Bédat s’enchainent
alors naturellement, en fonction des réponses de B., comme dans une conversation à
bâtons rompus. Rien de sournois ni de captieux ne transparaît dans les interventions
de Bédat. Les questions qu’il pose ne sont pas suggestives ni orientées de manière à
ce que B. réponde dans un sens ou dans un autre ; elles sont formulées simplement et
directement. B. se montre au contraire malicieux à certaines occasions – ce qui faire
rire Bédat –, par exemple lorsque la discussion porte sur l’argent que B. aurait reçu de
Laurent Schaffter et qui lui aurait permis d’aller en Ukraine voir son amie ; B. s’exprime
ainsi : “Je ne dirai rien (rires de A.B.) j’ai droit au silence ou bien ? Ah mais mon Chef y
regrette” (K. 1.42 en bas). Les questions de Pedretti sont également limpides et B. y
répond d’ailleurs de manière précise et avec moult détails, par exemple sur les
électeurs qu’il sollicitait pour obtenir des enveloppes (K.1.42 en bas et 43 en haut). Aux
questions ou remarques de Bédat et Pedretti, B. apporte des explications sur le
nombre important d’enveloppes qu’il a récoltées et comment il procédait pour les
obtenir (K.1.43). Ses interlocuteurs paraissent parfois interloqués sur ce qu’il prétend
avoir fait pendant la campagne. B. explique alors sa motivation à nuire à son ancien
30
chef et semble assez fier de ce qu’il a fait (K.1.43 en bas et 1.44 en haut). Lorsque les
protagonistes abordent la rétribution qu’il a obtenue, B. déclare clairement qu’il recevait
l’argent de Laurent Schaffter et non de Thomas Schaffter, tout en faisant allusion au
fait que du côté du candidat Fueg, beaucoup plus d’argent était dépensé. Bédat lui fait
alors remarquer qu’il n’a pas la preuve de ce qu’il avance s’agissant de Fueg, ce
qu’admet B., tout en pensant que ça va sortir dans la presse, quelqu’un lui ayant dit
que ça se saurait après les élections (K.1.45).
On constate ainsi que les déclarations de B. sont circonstanciées et riches en détails.
De tels propos ne peuvent manifestement provenir que d’un vécu réel et non pas d’un
discours fallacieux monté de toutes pièces que B. n’aurait de toute façon pas eu l’idée
de préparer, puisqu’il pensait initialement se confier à Bédat uniquement sur ses
déboires professionnels.
8.1.7 Il y a lieu de retenir de tout ce qui précède que, contrairement à ce qu’allèguent les
recourants, Arnaud Bédat n’a pas manipulé B. pour que celui-ci déclare ou écrive ce
qui est contenu dans l’enregistrement de la conversation et dans le manuscrit du 20
novembre 2012. Les questions qui lui sont posées sont ouvertes et ne laissent
transparaître aucune machination de la part de Bédat. C’est B. lui-même qui, à
l’occasion de la conversation, revient spontanément sur la campagne électorale et
expose avec précision et force détails qu’elles ont été ses activités. Les explications
qu’il donne sur ce qu’il a fait ne contiennent aucune contradiction et paraissent
cohérentes, si l’on garde à l’esprit sa motivation à vouloir régler des comptes avec son
ancien chef au Service des contributions, le candidat Pierre-Arnaud Fueg. A l’inverse,
ses rétractations devant la procureure sont, on l’a vu, jalonnées d’explications
embarrassées et parfois contradictoires. Dans ces conditions, on ne saurait admettre
que les propos enregistrés et les écrits de B. sont ceux d’un affabulateur comme les
recourants cherchent à le faire accroire. Il y a probablement des exagérations dans le
récit de B., dues sans doute à sa façon de se vanter auprès de ses interlocuteurs de la
manière dont il a réussi à faire capoter, par vengeance, la candidature de Pierre-
Arnaud Fueg à la mairie de Porrentruy. Par ailleurs, ses propos concernant l’argent
qu’il aurait reçu de Laurent Schaffter sont contredits par ce dernier qui nie de manière
véhémente avoir versé le moindre franc à B. (dossier MP 19/13, p-v d’audtion, p. 3).
Enfin. comme le relèvent les recourants, on trouve aussi des invraisemblances dans
certaines déclarations enregistrées de B., par exemple lorsque celui-ci relate que des
partisans de Pierre-Arnaud Fueg ont acheté des machines à laver à de vieilles dames
pour qu’elles votent en faveur de celui-ci ou offert deux semaines de vacances à
Lanzarote (K.1.42). A ce sujet, il faut constater que B. fait allusion à des agissements
qu’il a appris de tiers – mais dont il admet qu’il n’en n’a pas la preuve (K.1.45) – et qui
n’ont donc aucun rapport avec ce qu’il a fait lui-même. Or, s’agissant des faits qui lui
sont imputables, le récit de B. est constant, précis, dénué de contradictions et donc
globalement crédible.
31
Pour le surplus, la valeur probante des déclarations enregistrées de B. et de son
manuscrit n’est en rien amoindrie par le fait que Bédat, qui ne s’en cache pas (E.70),
s’est montré plus intéressé à l’écoute du récit de son interlocuteur concernant son
activité durant la campagne électorale que sur ce qui concernait ses déboires
professionnels. Peu importe également que Bédat aurait incité B. à résumer par écrit
ce que ce dernier lui a raconté dans le but d’exploiter ses révélations. Les mobiles
ayant conduit Bédat à transmettre au Service des communes, le 4 décembre 2012, le
manuscrit de B. et ainsi à l’utiliser à l’encontre de Thomas Schaffter ne jouent pas un
rôle déterminant. Seul est décisif de savoir si ce manuscrit et l’enregistrement des
propos de B. peuvent être retenus dans la présente procédure en tant que preuves des
irrégularités dénoncées par l’intimé.
8.2
8.2.1 L’entretien enregistré entre M. et Arnaud Bédat a eu lieu le 28 octobre 2012, soit entre
les deux tours de l’élection à la mairie de Porrentruy. Il en ressort ce qui suit :
– on peut inférer de la retranscription que l’enregistrement commence en cours de
conversation ; on y lit que celle-ci a trait à la somme d’argent que M. verse aux
personnes auprès de qui il sollicite la remise d’enveloppes de vote par
correspondance, ce qui devait faire l’objet de l’entretien avant que celui-ci ne soit
enregistré. A la question de Bédat de savoir qui donne les CHF 20.- par enveloppe,
M. répond que ce n’est pas lui, car il ne veut pas payer pour les autres, sauf une fois
où il a dépensé CHF 15.- de boisson pour une fille ; il n’a pas demandé à être
remboursé (K.1.46 en haut) ;
– M. ainsi que d’autres personnes ont récolté des enveloppes pour Thomas Schaffter,
mais les autres candidats en ont également bénéficié (K.1.46 au milieu) ;
– des enveloppes ont été récoltées en faveur du candidat Fueg au sein de la
communauté des ex-Yougoslaves et des Albanais ; dans le clan albanais, des
enveloppes avaient été promises à M., mais elles ne lui ont pas été données et il n’a
pas demandé deux fois (K.1.46) ;
– “Z.” (PDC) l’a appelé et l’a convoqué au tea-room Maurer ; M. précise : “Il faut qu’il
donne des bons … ” (K.1.47 en bas) ;
– M. a récupéré 146 ou 147 enveloppes au premier tour ; il ne se rappelle plus si la
dernière personne sollicitée lui a donné ou non son enveloppe (K.1.47 en bas) ;
– pour le deuxième tour, il n’est pas certain de pouvoir récupérer le même nombre
d’enveloppes, mais il est sûr d’en obtenir 138 ou 139 (K.1.47 en bas) ;
– en remerciement des services rendus, M. ne reçoit pas d’argent, mais il lui a été
promis qu’en cas de victoire de Thomas Schaffter, il organisera la fête et vendra les
boissons et le manger (K.1.47).
8.2.2 M. a été entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements une
première fois par la police judiciaire le 18 décembre 2012, puis le lendemain devant la
procureure. Il ressort ce qui suit de ces auditions :
32
– M. nie avoir rempli d’autres bulletins de vote que les siens, avoir signé des cartes
d’électeur qui ne portaient pas son nom ou fait signer des cartes d’électeur après
avoir rempli lui-même les bulletins de vote (E.40 et 46 au milieu). S’il a raconté à
Bédat qu’il avait récolté pas mal d’enveloppes, c’était pour le taquiner, parce qu’il
savait qu’il n’aimait pas Thomas Schaffter. Il déclare n’avoir pas donné de précisions
à Bédat sur le nombre d’enveloppes qu’il lui a dit avoir récoltées (E.44 en haut). Il
nie avoir dit à Bédat qu’il avait récolté 147 voix et prétend que c’est celui-ci qui a dit
“que j’ai fait 147” (E.43) ; toutefois, après audition de son enregistrement, il ne nie
plus, puisqu’il explique avoir parlé à Bédat de 146 ou 147 enveloppes “pour le
taquiner” et c’est pour le même motif qu’il lui a dit “que cela fait deux ans qu’ils me
sont derrière” (E. 46) ;
– M. savait que Bédat était opposé à la candidature de Schaffter à cause de l’affaire
de l’Inter. Comme Bédat pensait qu’il avait récolté des enveloppes pour Schaffter, il
lui a proposé de les racheter pour CHF 1’200.- une quinzaine de jours avant le
deuxième tour. M. a répondu à Bédat qu’il n’avait pas d’enveloppes (E.41) ; à la
procureure, il déclare avoir tout de suite dit “non” à Bédat (E.44 au milieu) ; à la
question de savoir pourquoi celui-ci lui a demandé s’il avait récolté des enveloppes,
M. répond que Bédat, qui est journaliste, “s’est imaginé cela”, et aussi parce qu’il l’a
vu deux ou trois fois en compagnie d’un candidat PCSI sur la liste du Conseil de
ville (E.44 au milieu) ;
– l’ex-maire de Chevenez (Z., PDC) lui a demandé de lui donner des enveloppes
(E.41) ; à la procureure, il relate que Z. lui a dit un jour, au tea-room Maurer, “que
pour gagner, il lui manquait 300 enveloppes” (E.44 en bas) ; M. précise ce qui suit:
“M. Z., quand il m’a dit qu’il manquait 300 enveloppes, il m’a demandé si je pouvais
faire quelque chose pour eux, si je voulais par exemple donner les enveloppes,
mais il ne m’a pas forcé. Il m’a dit qu’il avait entendu que j’étais payé par les autres
pour donner des enveloppes. Je lui ai demandé s’il pensait que c’était légal. Je lui ai
dit que Porrentruy est petit et que si on est payé cela se saurait” (E.45 en haut) ; M.
ajoute: “M. Z. a imaginé que je pouvais aller chercher des enveloppes. J’ai répondu
que pour l’instant je ne savais pas, que j’allais réfléchir” (E. 45 en haut);
– la patronne de l’usine …, X. (membre du PDC local), a convoqué M. pour que celuici
lui donne des enveloppes ; il lui a répondu : “on verra” ou, “comme à M. Z., que
pour l’instant je ne faisais rien” (E.41 et 45) ;
– le patron de l’entreprise du gaz (Y., président du PDC local), qui est arrivé pendant
la discussion qu’il avait avec Mme X. après que celle-ci l’a fait venir par téléphone,
lui a aussi demandé de lui donner des enveloppes et de faire de la propagande pour
eux (E.41 et 45) ;
– à la question de la procureure de savoir pourquoi les personnes précitées lui ont
demandé de récolter des enveloppes, M. répond que c’est parce que les années
précédentes, “j’avais trouvé des enveloppes, en fait les gens m’avaient donné des
enveloppes (…) Une fois, une personne qui travaille actuellement à la commune et
qui fait partie du PDC m’avait demandé des enveloppes. Dans les partis, ils savent
que les Italiens représentent une grande communauté”. A la fin de son audition par
33
la procureure, il dit ne pas se souvenir du nom de la personne qui travaille à la
commune et qu’il ne sait plus si cette personne soutenait le candidat du PDC ou
celui du PS (E.48). Il déclare également que les gens le connaissaient et venaient
lui demander des enveloppes quand il tenait un restaurant (E.45 en bas) ;
– il déclare avoir répondu “non” à la question de Bédat qui voulait savoir s’il avait
donné des enveloppes au PDC (E.44 en haut), mais il précise, devant la procureure:
“Je n’ai pas dit que je n’allais pas récolter des enveloppes à ces personnes (du
PDC), elles attendaient jusqu’à la fin que j’en donne, j’ai simplement dit que je
verrai” (E.45 en bas) ;
– il confirme à la procureure ce qu’il a dit à Bédat au sujet des enveloppes récoltées
au sein de la communauté yougoslave et albanaise en faveur du candidat Fueg en
précisant : “Ce ne sont pas des bobards” ; il ajoute qu’il sait que Fueg “a fait venir le
maire de Delémont avec la communauté des Yougoslaves de Delémont. Je n’ai pas
vu qu’ils donnaient des enveloppes mais je sais qu’ils en ont données. Je livre
souvent chez M. Maurer, j’ai vu des choses de gens qui passaient un journal,
croyez-vous qu’à l’intérieur il y avait de la poésie. Moi je pense que des deux côtés il
y a eu de la récolte d’enveloppes, vous le savez déjà”. Il précise, en outre, qu’au
premier tour, “les enveloppes étaient cherchées pour les trois partis. Ensuite, au
deuxième tour, c’était pour deux partis” (E.47) ;
– il admet qu’on lui avait dit qu’il organiserait le banquet en cas de victoire de Thomas
Schaffter et que la marchandise viendrait de Prodega, société pour laquelle il a la
représentation ; c’est un candidat PCSI au Conseil de ville qui lui en a parlé (E.40
en bas et 46 au milieu) ;
– en fin d’audition, il avoue avoir récolté six enveloppes au premier tour et cinq au
second tour auprès de membres de sa famille et avoir “voté les listes PCSI dans
ces enveloppes”, mais nie toujours en avoir obtenu 147 (E.48) ;
– devant la police, M. a admis qu’il était connu comme rabatteur pour le PCSI de
Porrentruy, et qu’en fait il faisait campagne pour tous les partis selon les demandes
de ses copains et de ses clients et que, les années précédentes, il a récolté des
voix (E.41 en bas).
8.2.3 Les trois membres du PDC de Porrentruy mis en cause par M. pour lui avoir demandé
des enveloppes ont été entendus par la police judiciaire.
X. admet avoir fixé un rendez-vous dans son usine à M. pour lui demander de soutenir
la candidature de Pierre-Arnaud Fueg et de faire passer le message au sein de la
communauté italienne (E.51). Elle admet également que, durant l’entrevue avec M.,
elle a fait venir Y. pour qu’il appuie, en sa qualité de président du parti, sa requête
auprès de M. (E.52). X. nie cependant avoir demandé à M. de se procurer des
enveloppes contenant du matériel de vote (E.51) et de faire voter les Italiens en faveur
du candidat Fueg (E.52). Elle-même n’a pas récupéré d’enveloppes contenant du
matériel de vote auprès de tiers ni signé des cartes d’électeurs qui ne portaient pas
son nom ou avoir rempli des bulletins de vote (E.52).
34
Y. a confirmé les déclarations de X., en précisant qu’il a lui-même demandé à cette
dernière de contacter M.. Il déclare qu’à aucun moment il n’a demandé à celui-ci de
leur fournir des enveloppes contenant du matériel de vote. Il lui a en revanche
demandé son soutien personnel et de faire de la propagande au sein de la
communauté italienne en faveur du candidat Fueg (E.55). Lui non plus n’a pas
récupéré d’enveloppes contenant du matériel de vote auprès de tiers ni signé de cartes
d’électeur ou rempli des bulletins de vote (E.56).
Quant à Z., il reconnaît avoir rencontré M. à quelques reprises, notamment au tearoom
Maurer, mais il nie formellement lui avoir demandé des enveloppes (E.58). A la
question de savoir s’il avait dit à M. qu’il manquait 300 enveloppes pour que le candidat
Fueg puisse être élu à la mairie de Porrentruy, Z. explique que M. confond le terme
“enveloppe” avec le terme “électeur”. Il précise avoir interpellé M. lorsqu’il a appris que
seuls trois ou quatre ressortissants italiens ont assisté à la réunion organisée au sein
de la colonie italienne à laquelle le candidat Fueg et quelques membres du parti ont
participé, se rendant ainsi compte qu’il y avait un problème politique ; il déclare
qu’après analyse avec M., “j’ai effectivement parlé, d’après mes projections politiques,
du manque de 300 électeurs environ pour que M. Fueg soit élu, en proportion du
centre droit et du centre gauche” (E.58 et 59). Pour le surplus, Z. nie avoir récupéré
des enveloppes contenant du matériel de vote auprès de tiers et avoir signé des cartes
d’électeur ou rempli lui-même des bulletins de vote (E.59).
8.2.4 Le recourant Thomas Schaffter considère que seules les déclarations de M. devant la
police et devant le Ministère public ont une valeur probante. Quant aux déclarations
enregistrées de M. par Bédat, elles ne seraient pas crédibles, car la discussion entre
ces deux personnes est faite de provocations réciproques et de taquineries qui
n’auraient pas été de mise si la discussion avait été d’emblée celle d’un journaliste visà-
vis d’une personne qui se sait enregistrée. En outre, Arnaud Bédat ne se serait pas
contenté d’être un interlocuteur neutre lors de cette discussion, mais il aurait aussi
dirigé ses questions ; selon le recourant, il ressort de l’enregistrement que Bédat a sorti
de sa seule imagination l’idée selon laquelle 147 enveloppes auraient été récupérées
par M. et qu’il a ainsi introduit lui-même des éléments de nature à faire croire qu’il y
aurait eu des captations de suffrages.
8.2.5
8.2.5.1 Contrairement à ce que soutient Thomas Schaffter, le fait que l’enregistrement a eu
lieu à l’insu de M. a pu donner lieu à une discussion libre, dans laquelle l’intéressé
n’avait aucune appréhension à parler de la réalité de ses agissements. Ne se sachant
pas enregistré, M. a pu s’exprimer en confiance, face à celui qu’il considère comme
son ami, sans la crainte que ses propos soient utilisés à son encontre. Le contexte de
l’entretien qu’il a eu avec Bédat est ainsi bien différent de celui d’une audition par les
autorités de poursuites pénales au cours de laquelle la personne poursuivie ou celle
35
appelée à fournir des renseignements peut avoir intérêt à occulter certains de ses
actes, à mentir ou à nier l’existence de faits de nature à asseoir l’accusation.
L’enregistrement non autorisé de la conversation de M. n’est en tout cas pas une
circonstance permettant de douter la véracité de ses révélations.
8.2.5.2 A examiner de plus près la partie de la conversation qui a été enregistrée, on constate
que, comme dans le cas de l’entretien enregistré à l’insu de B., Bédat pose des
questions simples qui n’appellent pas de réponses dont le contenu est particulièrement
sollicité.
En ce qui concerne singulièrement l’aveu de M. concernant les 146 ou 147 enveloppes
de vote par correspondance récupérées auprès de tiers (K.1.47 en bas), il est exact
que, dans la retranscription, la première indication au sujet de ce fait émane de Bédat
lorsque celui-ci fait allusion au nombre de billets de CHF 20.- que M. devra donner aux
personnes auprès de qui il a obtenu des enveloppes (K.1.47). La déclaration de M. à la
procureure à ce sujet semble ainsi confirmée (E.44). Il convient toutefois de rappeler
que la conversation n’a pas été enregistrée dès le début et qu’il n’est ainsi pas exclu
que M. ait préalablement informé Bédat qu’il avait obtenu 147 enveloppes de vote par
correspondance à l’occasion du premier tour de l’élection; lors de leur confrontation
devant la procureure, Bédat déclare d’ailleurs avoir enclenché l’enregistrement lorsque
M. a commencé à lui raconter l’histoire des 147 enveloppes (E.87 et 90). On relèvera
ensuite qu’en réponse à la remarque de Bédat, M. ne nie pas avoir obtenu 147
enveloppes, mais seulement le fait d’avoir à les payer de sa propre poche, à
l’exception de celle obtenue de la fille dont il parlé précédemment et à qui il a offert à
boire pour CHF 15.- (K.1.47 en haut). De plus, relancé par Bédat au sujet de ce
nombre d’enveloppes, alors que la discussion était partie sur un autre point, M. déclare
ne plus savoir s’il en a récupéré 146 ou 147. A aucun moment de la discussion il ne
prend le contre-pied de ce que les questions de Bédat supposent ; au contraire, sa
manière de répondre confirme à tout le moins implicitement les agissements qui lui
sont prêtés.
Comme on l’a vu, les 147 enveloppes que Bédat prend apparemment l’initiative de
mentionner concernaient le premier tour de l’élection à la mairie. En revanche, pour le
second tour, Bédat demande si, comme il le pense, M. va récupérer le même nombre
d’enveloppes. Or, celui-ci répond qu’il ne le pense pas, car il n’a pas encore pu
rencontrer deux ou trois personnes, mais il affirme qu’il est sûr d’en obtenir 138 ou 139
(K.1.47 en bas). Ce nombre ne lui est en aucun cas soufflé par Bédat et la manière
précise avec laquelle il s’exprime renforce la crédibilité de cette déclaration qui est
déterminante dans le cadre de la présente procédure.
8.2.5.3 Abstraction faite des dénégations de M. concernant ce qu’il a déclaré à Bédat au sujet
du nombre des enveloppes de vote par correspondance qu’il a détournées au premier
et au second tours, dénégations sur lesquelles on reviendra ci-dessous, force est de
36
constater non seulement que les dépositions de M. devant la police judiciaire et devant
le Ministère public corroborent les propos qu’il a tenus à Bédat, mais vont aussi plus
loin lorsqu’il décrit les pratiques de membres de partis politiques à Porrentruy, en
particulier de ceux liés au PCSI et au PDC lors des élections municipales de 2012. En
outre, les précisions données par M. au sujet de la manière dont il s’y prend pour
obtenir des enveloppes auprès des électeurs qu’il sollicite ou pour décrire la manière
dont, tant du côté du candidat Schaffter que du côté du candidat Fueg, il était procédé
à la récolte d’enveloppes démontrent qu’il est à la fois un habitué et un observateur
avisé de ces pratiques. Ce que dit M. dans l’entretien enregistré est corroboré et
développé sur les points suivants dans ses déclarations devant les autorités de
poursuite pénale :
– il a la réputation de récolter des enveloppes de vote, en particulier comme rabatteur
du PCSI, mais également au bénéfice d’autres partis qui le sollicitent en raison de
ses liens avec la communauté italienne et de son ancienne profession de
restaurateur et de gérant de la colonie italienne ;
– en cas de victoire du candidat PCSI Thomas Schaffter, il était prévu qu’il organise le
banquet de la fête en rétribution des services qu’il a rendus ;
– ses déclarations concordantes faites tant à la procureure qu’à Arnaud Bédat
permettent de penser que la communauté albanaise et celle des ressortissants d’ex-
Yougoslavie ont été sollicitées par les partisans de Pierre-Arnaud Fueg afin que des
enveloppes soient récoltées en faveur de ce candidat, raison pour laquelle M. n’a
pas pu obtenir les enveloppes qui, selon lui, lui avaient été promises ;
– les quelques propos sibyllins qu’il tient dans l’enregistrement concernant la
convocation au tea-room Maurer que lui a adressée Z. sont largement explicités
devant la procureure sur les motifs de cette rencontre. M. expose non seulement
qu’il a été sollicité par Z. pour fournir des enveloppes, mais que d’autres
responsables du PDC en ont fait de même, en particulier le président du PDC de
Porrentruy. Indépendamment des dénégations des politiciens intéressés dont il sera
question ci-après, les sollicitations dont M. fait état démontrent une fois encore qu’il
était connu pour pratiquer à large échelle le détournement des enveloppes de vote
par correspondance pour le compte de divers partis ;
– on remarque au surplus, à la lecture des descriptions précises qu’il donne sur la
manière d’aborder les personnes auprès de qui des voix peuvent être obtenues, que
sa technique en ce domaine est éprouvée. A la procureure, il explique que, “quand
vous allez demander des enveloppes aux gens, il faut leur téléphoner, leur offrir des
verres (…) les gens ne vous donnent pas les enveloppes comme ça” (E. 45). A
Bédat, il raconte comment s’y prendre : il ne faut pas dire à la personne dont on
sollicite la voix “tu me donnes l’enveloppe”, il faut “le faire à l’envers” et lui
demander “t’as voté déjà ?” ; si cette personne répond oui, ça veut dire qu’elle a
déjà donné l’enveloppe à quelqu’un d’autre et si elle dit non, il faut lui proposer de l’
“aider”. Il termine son explication en lançant à Bédat : “T’as compris ?” (K.1.46).
37
On relèvera enfin que M. affiche un cynisme certain lorsque, après avoir déclaré que
des enveloppes étaient recherchées pour les trois partis intéressés par le premier tour
à l’élection à la mairie, puis pour deux partis au deuxième tour, il se demande si le vote
par correspondance est une bonne chose et annonce à la procureure : “Peut être
grâce à nous cela fera bouger les choses et ça réveillera les gens. Le vote par
correspondance pousse à la triche” (sic!) (E.47 au milieu).
8.2.5.4 Sur le vu de ce qui précède, les dénégations de M. concernant son activité de
récupération des enveloppes de vote par correspondance lors des élections
municipales de l’automne dernier à Porrentruy pèsent de bien peu de poids. Les motifs
qu’il avance pour justifier avoir raconté à Bédat des choses fausses, à savoir que
c’était pour le taquiner et parce qu’il savait que celui-ci n’aimait pas Thomas Schaffter,
paraissent non seulement controuvés, mais sont surtout incompréhensibles. Dans le
contexte de la conversation enregistrée, on ne voit pas en quoi le fait que Bédat soit
son ami le conduit à le taquiner.
Il y a de plus des incohérences dans les rétractations que M. formule devant la
procureure. Il dit avoir répondu “non” à Bédat qui lui proposait de lui acheter des
enveloppes pour CHF 1’200.-, au motif qu’il n’avait pas d’enveloppes, alors que,
confronté à la même demande émanant de Z. et de X., il déclare avoir répondu qu’il
allait réfléchir et qu’il verrait, laissant par là entendre à ses interlocuteurs PDC qu’il était
à même de leur fournir des enveloppes, ce qui tranche avec le refus catégorique qu’il
dit avoir opposé à la demande de Bédat. En revanche, il utilise la même expression
tant à l’égard de Bédat que d’Z. qui, tous deux, se sont “imaginés” qu’il était en mesure
de leur fournir des enveloppes.
8.2.5.5 Il est également intéressant de relever que peu de temps après que les déclarations
écrites de B. ont fait l’objet de la une des journaux et après l’ouverture d’une instruction
pénale, mais avant que Bédat ne remette ses enregistrements à la procureure le 17
décembre 2012 (K.1.12), respectivement que M. ne soit impliqué, ce dernier a menacé
Bédat de parler en lui disant que cas échéant il parlerait aussi, soit qu’il ferait état de la
proposition de Bédat de lui acheter des enveloppes pour CHF 1’200.- (E.48). Le fait de
menacer ainsi son ami, sans la pression que peut constituer une procédure pénale,
accrédite la réalité de ses propos.
8.2.6 En définitive, l’analyse interne de l’ensemble des déclarations de M. démontre que ce
qu’il raconte à Arnaud Bédat doit être tenu globalement pour véridique, compte tenu
des récits circonstanciés qu’il apporte aux autorités de poursuite pénale et de
l’invraisemblance de ses rétractations. Cela vaut en particulier pour sa déclaration
portant sur le fait qu’il obtiendra à coup sûr 138 ou 139 enveloppes de vote par
correspondance en vue du deuxième tour de l’élection à la mairie.
38
La conclusion tirée de l’analyse interne est corroborée par des éléments externes. En
effet, les dépositions de X., de Y. et de Z. renforcent la fiabilité des révélations de M.,
quand bien même ces trois membres du PDC local contestent l’avoir sollicité pour qu’il
leur fournisse du matériel de vote par correspondance. Conformément à ce que M.
relate, il y a bien eu réunions entre ces personnes pour discuter de la manière dont il
pourrait favoriser l’élection du candidat Fueg. La convocation de M. à l’usine où
travaille son épouse un matin à 7h30, les félicitations que X. lui adresse au sujet du
travail de sa femme (déclarations M. à la procureure, E. 45 au milieu), l’intercession de
X. dans le conflit conjugal des époux M. – la patronne de l’usine propose lors de cette
rencontre de faire descendre Mme M. pour une conciliation (déclaration M. à la police
judiciaire E. 41) -, le téléphone au président du PDC local et l’arrivée de celui-ci durant
la rencontre sont autant d’éléments contextuels qui accréditent la version de M. au
sujet des sollicitations dont il a été l’objet, ce d’autant que, de son aveu même, il était
connu pour récolter des enveloppes, quel que soit le parti qui est intéressé. On ne
comprend pas, pour le surplus, quel intérêt aurait eu M. à mettre ces personnes
faussement en cause, en particulier X. qui, ainsi qu’elle le déclare (E.51), l’a parrainé
dans le cadre de l’organisation du concours du plus grand tiramisu du monde. Quant à
l’explication de Z. au sujet de sa conversation avec M. portant sur les 300 voix qui
risquent de manquer au candidat Fueg, à savoir que M. a confondu le terme
“enveloppe” avec celui d'”électeur”, elle paraît peu convaincante au vu des détails que
rapporte M. sur cet entretien (E. 45 en haut). On relèvera finalement que M. a
confirmé, pour l’essentiel, avoir été sollicité pour collecter des enveloppes en faveur du
PDC lorsqu’il a été auditionné une nouvelle fois par la procureure le 14 juin 2013 et
que celle-ci lui a fait part des dénégations de X., Y. et Z. (E.79).
Dans leur ensemble, les déclarations de M. paraissent fiables. Il n’y a donc aucune
raison de considérer qu’il n’est pas crédible lorsqu’il admet devant Arnaud Bédat avoir
détourné 147 enveloppes de vote par correspondance au premier tour et lorsqu’il lui
déclare être sûr d’en obtenir 138 ou 139 au deuxième tour de l’élection à la mairie. Par
ailleurs, comme on l’a vu, la manière dont il a formulé ses rétractations à ce sujet
empêche que celles-ci soient prises sérieusement en considération.
8.3 Finalement, la crédibilité du témoignage de M. est renforcée par celle de B. et
inversement. En effet, leurs déclarations faites avant l’ouverture de la procédure
pénale sont cohérentes et concordantes. Il s’agit de deux personnes provenant de
milieux différents qui toutes deux, sans s’être concertées, font part d’une même
pratique, ce qui ne peut clairement pas relever de la simple coïncidence. Si les
révélations que ces deux individus font à Arnaud Bédat au sujet de leurs activités
durant la campagne sont crédibles, leur manière à chacun de justifier leurs
rétractations devant les autorités de poursuite pénale est invraisemblable. Il y a, dans
leur comportement respectif, un parallélisme qui ne doit rien au hasard.
8.4
39
8.4.1 Il est ainsi établi, à suffisance de preuve, d’une part que B. a détourné 200 enveloppes
de vote par correspondance à l’occasion des élections municipales de Porrentruy le 21
octobre 2012 en faveur du PCSI et 150 à l’occasion du deuxième tour de l’élection à la
mairie le 11 novembre 2012, d’autre part que M. en a fait de même à raison de 146 ou
147 enveloppes en vue du scrutin du 21 octobre 2012 et à raison d’au moins 138 ou
139 à l’occasion du deuxième tour de l’élection à la mairie. On peut tenir pour
hautement vraisemblable que les voix récupérées par M. ont toutes bénéficié au PCSI
et à son candidat à la mairie Thomas Schaffter. Il était, en effet, dans l’intérêt de M.
que Thomas Schaffter soit élu maire de Porrentruy, puisqu’il était envisagé qu’il
organise le banquet destiné à célébrer la victoire de ce candidat en contrepartie de
l’activité qu’il a déployée durant la campagne. En outre, M. a expressément reconnu
devant la procureure avoir voté en faveur des candidats PCSI au moyen des 6
enveloppes qu’il avait obtenues au premier tour et donc en faveur de Thomas Schaffter
avec les 5 enveloppes qu’il a récoltées au second tour. Cette haute vraisemblance
confine ainsi à la certitude.
En l’occurrence, on ne peut pas s’en tenir à la thèse des recourants, à savoir qu’on se
trouve en présence de simples soupçons d’irrégularités en relation avec l’agissement
des deux prénommés. En effet, comme cela résulte de l’analyse qui précède, les écrits
et les déclarations de B. et M. sont clairement corroborés par le dossier pénal, de sorte
que celui-ci leur confère pleine valeur probante. Contrairement à ce qu’allèguent les
recourants, les investigations faites par la police n’ont pas permis d’établir, d’une part,
l’inexistence de fausses signatures sur les cartes d’électeur de la part de M. et, d’autre
part, l’inexistence de la signature de B. sur d’autres cartes d’électeur que la sienne.
Rien, dans le rapport de la police, n’est établi à ce sujet. Le fait qu’à l’inverse les
recherches policières n’ont pas permis d’établir l’existence de fausses signatures est
par ailleurs sans pertinence. En effet, l’essentiel des actes reprochés à ces deux
individus ne consiste pas à avoir signé les cartes de légitimation des électeurs dont ils
ont obtenu le matériel de vote, de sorte que l’absence de signatures pouvant être
imputées à B. et à M. ne constitue même pas un indice qui permettrait d’apprécier de
manière critique ce qu’ils affirment avoir fait. S’il est vrai que B. dit avoir signé lui-même
certaines cartes d’électeur, il n’est pas surprenant que la police n’en ait pas trouvé
trace, puisque, dans une telle situation, il se peut que B. ait apposé le nom du titulaire
en prenant la précaution de l’écrire de manière à ce que sa signature ne puisse être
identifiée. On relèvera enfin que dans le rapport technique de la police cantonale (G.1
à G.10), où il est précisé au demeurant que les examens effectués ne représentent pas
une expertise scientifique des signatures (G.3), aucune analyse graphologique n’a été
effectuée. Selon l’auteur du rapport, même si les caractéristiques communes des
signatures figurant sur les cartes d’électeur des membres de la famille B. permettent
de poser l’hypothèse qu’une seule personne peut en être à l’origine, il est impossible
de se déterminer sans matériel de comparaison (G.3), étant rappelé que B. a admis
devant la procureure avoir utilisé le matériel de vote des membres de sa famille en
signant leur carte d’électeur (E.13).
40
8.4.2 Les circonstances de l’affaire laissent enfin à concevoir des soupçons d’irrégularités
qui auraient été commises aussi en faveur du candidat Fueg au sein de son équipe de
campagne avec la collaboration de M.. Toutefois, contrairement à ce qui a été retenu
concernant les agissements de M. en faveur du candidat Schaffter, on ne saurait
considérer qu’il est établi que le candidat Fueg a bénéficié d’un détournement de voix
dont M. serait à l’origine. D’une part, ce dernier ne déclare pas avoir remis des
enveloppes de vote par correspondance à X., à Y. et à Z., mais seulement qu’il allait
réfléchir à leur demande, celle-ci constituant ainsi tout au plus une tentative. D’autre
part, aucun autre indice ne permet de conforter le soupçon d’irrégularités que font
naître les déclarations de M..
Par ailleurs, on ne peut écarter l’hypothèse que la candidature de Pierre-Arnaud Fueg
ait bénéficié de voix détournées d’électeurs membres des communautés d’ex-
Yougoslavie. Cette hypothèse résulte des déclarations fiables de M. dont la valeur
probante a été reconnue. Cependant, en l’absence d’autres indices, ces irrégularités
ne peuvent pas être prouvées de manière irréfutable, même si Arnaud Bédat y fait
aussi allusion (E.73). Au demeurant, on ignore si les enveloppes qui ont été promises à
M. par des membres de ces communautés et qu’il n’a pas obtenues ont été
effectivement utilisées en faveur du candidat Fueg et, le cas échéant, quelle en aurait
été l’ampleur.
8.4.3 En définitive, c’est essentiellement sur la base des irrégularités imputables à B. et à M.
ayant bénéficié à Thomas Schaffter qu’il doit être décidé si le deuxième tour de
l’élection à la mairie de Porrentruy a été faussé au point de conduire à son annulation.
9.
9.1 Pour qu’une élection soit annulée dans une procédure de réexamen, les conditions
sont plus strictes que celles qui conduisent à cette issue dans une procédure de
recours ordinaire. La sécurité du droit implique que les résultats d’une décision
électorale ne peuvent en principe pas être remis en cause lorsque les délais pour les
contester sont écoulés. Exceptionnellement, ils peuvent être attaqués postérieurement
lorsque le caractère démocratique de l’élection populaire est gravement compromis.
Ainsi qu’on l’a vu ci-dessus, l’annulation d’une élection dans une procédure de
réexamen n’est prononcée qu’en présence d’irrégularités graves ayant influencé le
résultat de manière massive et décisive. Ces conditions peuvent, d’une part, être
assouplies lorsque la période qui s’est écoulée entre la fin du délai de recours et le
moment où les irrégularités sont découvertes et constatées est brève. D’autre part,
lorsque la législature est déjà très avancée et que le renouvellement ordinaire de
l’autorité concernée est prévu à plus ou moins court terme, l’élection ne peut être
annulée que si elle été entachée de vices extrêmement graves et qu’il existe encore un
intérêt à la répéter.
41
9.2 En l’espèce, l’élection à la mairie de Porrentruy a eu lieu il y a à peine un peu plus de
sept mois, étant rappelé qu’une première décision d’annulation est intervenue le 25
mars 2013 déjà et que les irrégularités ont été dénoncées avant même l’entrée en
fonction du nouveau maire. L’ampleur des abus du droit de vote imputables aux
agissements de B. et de M. est considérable. A eux deux, ils ont détourné les voix de
plus de 280 électeurs en récoltant auprès d’eux leur bulletin de vote et en en faisant
usage au profit du candidat Thomas Schaffter. Pour le deuxième tour de l’élection à la
mairie le 11 novembre 2012, sur les 3’129 cartes rentrées, 2’041 électeurs ont voté par
correspondance, soit environ 65%. Les quelques 280 voix détournées représentent
environ 13,7% des votes par correspondance et presque 9% du nombre de bulletins
rentrés (3’124). Force est donc de constater que les irrégularités cumulées commises
par B. et M. sont très importantes, indépendamment même du résultat obtenu par les
deux candidats présents au second tour. Si l’on tient compte du faible écart de voix
entre ceux-ci, nul doute que ces irrégularités ont été décisives dans l’élection de
Thomas Schaffter.
Il suit de l’examen global des circonstances qui ont conduit au résultat serré de
l’élection à la mairie de Porrentruy le 11 novembre 2012 que la liberté de vote garantie
par l’article 34 al. 2 Cst. a été gravement violée et que cette violation a eu une
influence décisive sur l’élection de Thomas Schaffter. Dans ces conditions, le
deuxième tour de l’élection doit être annulé et le scrutin doit être répété.
Les recours sont ainsi rejetés.
10. En matière de contentieux électoral, la procédure devant la Cour constitutionnelle n’est
pas gratuite (art. 231 al. 1 Cpa). Les frais de la procédure doivent donc être mis à la
charge des recourants qui succombent (art. 219 al. 1 Cpa), solidairement entre eux
(art. 220 al. 3 Cpa).
Les recourants doivent en outre être condamnés à payer les dépens de l’intimé no 1
qui obtient gain de cause (art. 227 al. 1 Cpa). Quant à l’intimée no 2, elle ne réclame
pas de dépens pour l’intervention de son mandataire.
PAR CES MOTIFS
LA COUR CONSTITUTIONNELLE
constate
que le jugement de première instance est entré en force de chose jugée en ce qui concerne
l’élection, le 21 octobre 2012, du Conseil de ville et celle du Conseil communal de Porrentruy,
ainsi qu’en ce qui concerne le premier tour de l’élection à la mairie de Porrentruy ;
42
pour le surplus,
rejette
les recours; partant,
dit
que le deuxième tour de l’élection à la mairie de Porrentruy le 11 novembre 2012 est annulé ;
ordonne
la répétition du scrutin ;
met
les frais de la procédure par CHF 2’500.- à la charge des recourants, solidairement entre eux ;
alloue
à l’intimé no 1 une indemnité de dépens de CHF 9’798.-, débours et TVA compris, à verser par
les recourants, solidairement entre eux ;
n’alloue pas
de dépens à l’intimée no 2 ;
informe
les parties des voies et délai de recours selon avis ci-dessous.
Porrentruy, le 28 juin 2013
AU NOM DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
Le président : La greffière :
Jean Moritz Nathalie Brahier
(notification : …)
43
Communication concernant les moyens de recours :
Le présent arrêt peut faire l’objet, dans les trente jours suivant sa notification, d’un recours au Tribunal fédéral. Le
recours en matière de droit public s’exerce aux conditions des articles 82ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal
fédéral (LTF – RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire aux conditions des articles 113 ss LTF. Le mémoire
de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; il doit être rédigé dans une langue officielle,
indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement
en quoi l’acte attaqué viole le droit. Si le recours n’est recevable que s’il soulève une question juridique de principe, il
faut exposer en quoi l’affaire remplit cette condition. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être
jointes au mémoire, pour autant qu’elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.
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