colloque sur la famille les 1er et 2 février à l’ICES, La Roche-sur-Yon

Il s’annonce passionnant et très complet du point de vue juridique et historique, il fallait bien cela tant le sujet est aujourd’hui brûlant.

Et se présente ainsi :

« Depuis quelques décennies, la famille est dans tous ses états. Des familles dites monoparentales, recomposées et même homoparentales ont vu le jour, dans les faits et dans le droit. Qui plus est, de récentes évolutions tant techniques (procréation médicalement assistée, gestation pour autrui) qu’idéologiques (théorie du genre) ont bouleversé l’univers familial. Mais, tous ces phénomènes ont-ils vraiment éclipsé la famille « traditionnelle » et fait éclater la notion ?
La famille est à la confluence de l’individuel et du collectif. Elle conjugue des motivations religieuses et des contraintes politiques. Elle articule vie privée et ordre public. Elle engage des sentiments et des patrimoines. Elle agrège autant des individus qu’elle associe des corps sociaux. Elle unit des ascendants à des descendants. Elle s’enracine dans le passé et se projette dans l’avenir. Dans la famille, le culturel s’entremêle avec le biologique.
« Si d’aucuns l’appréhendent comme une institution sociale, d’autres ne voient en elle qu’une rencontre de volontés individuelles. Si certains pensent qu’elle implique un lignage, d’autres l’envisagent centrée sur le couple. Au final, quelques uns déclarent la haïr, tandis que d’autres lui font des déclarations d’amour.
« Dans ces conditions, il était naturel que l’ICES consacre à la famille un colloque pluridisciplinaire où l’histoire et le droit, la philosophie et la théologie, l’économie et la sociologie marieraient leurs approches. »

Touts renseignements et inscription par ici.

Voici le programme :

1er février
8h45 Accueil des participants, M. Éric de LABARRE, président de l’ICES
9h00 Introduction, M. Jean-Didier LECAILLON, professeur à l’Université de Paris II, président du Conseil scientifique de l’ICES
L’histoire de la famille, sous la présidence de M. Pascal Gourgues
9h20 “La famille dans la tragédie grecque”, M. Stamatios TZITSIS, directeur de recherche CNRS, directeur-adjoint de l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris, chargé de cours à l’ICES, membre du comité d’honneur du CRICES
9h40 “La famille dans le droit romain”, Mme Dominique THIRION, maître de conférences (HDR) à l’Université de Paris II
10h00 Débat et pause
10h40 “La famille dans la théologie chrétienne”, Mgr Bernard ARDURA, docteur en théologie, docteur en histoire, président du Comité pontifical pour les sciences historiques
11h00 “La famille dans le droit canonique : l’institution de la famille dans les conciles gaulois et hispaniques et sa réception dans les manuscrits latins des collections canoniques du Haut Moyen-Âge (Ve-VIIIe siècles)”, M. Bernard CALLEBAT, professeur à l’Institut Catholique de Toulouse, directeur du cycle de doctorat
11h20 Débat
12h30 Pause déjeuner
14h00 “La famille dans le droit coutumier”, M. Nicolas WAREMBOURG, professeur à l’Université de Paris I
14h20 “La famille dans l’ancien droit français”,M. Arnould BETHERY de la BROSSE, docteur en droit, directeur des ressources humaines du Puy du Fou, chargé de cours à l’ICES
14h40 Débat
Les doctrines sur la famille, sous la présidence de Mgr Bernard Ardura
15h00 “La famille vue par le libéralisme”, M. Thomas SIRET, docteur en histoire, chargé de cours à l’ICES
15h20 “La famille vue par le collectivisme”, M. Jean-Pierre DESCHODT, maître de conférences HDR, directeur du département d’histoire de l’ICES, membre du Conseil scientifique de l’ICES, du CRICES et du CRIHAM (Poitiers)
15h40 Débat et pause
16 h00 “La famille vue par la doctrine sociale de l’Église”, M. Roberto DE MATTEI, professeur honoraire à l’Université de Cassino (Italie), ancien vice-président du Conseil national de la recherche (CNR), professeur à l’Université européenne de Rome
16h20 “La famille vue par l’islam(isme)”, M. Olivier HANNE, agrégé et docteur en histoire, professeur à l’ESM Saint-Cyr, chercheur associé au laboratoire Telemme, Université d’Aix-Marseille, chargé de cours à l’ICES, membre du CRICES
16h40 Débat

17h00 Fin de la 1ère journée

2 février
Les différents visages de la famille, sous la présidence de M. François Saint-Bonnet
9h00 “La famille face à la sociologie”, M. Julien DAMON, docteur en sociologie, professeur associé à Sciences-Po Paris
9h20 “La famille face à la psychologie”, Mme Vassiliki-Piyi CHRISTOPOULOU, docteur en psychopathologie fondamentale et psychanalyse, maître assistante à la faculté de philosophie à l’Institut catholique de Paris
9h40 “La famille face à la philosophie”, M. Jean-Marc JOUBERT, ancien élève de l’ENS, agrégé et docteur en philosophie, directeur du département de Lettres de l’ICES, membre du CRICES
10h00 Débat et pause
10h40 “La famille face à la l’économie”, M. Jean-Didier LECAILLON, professeur à l’Université de Paris II, président du Conseil scientifique de l’ICES
11h 00 “La famille face aux finances publiques”, M. Pierre-Édouard du CRAY, docteur en droit, consultant en finances publiques et fiscalité
11h20 Débat
12h30 Pause déjeuner
L’encadrement juridique de la famille, sous la présidence de M. Bernard Callebat
14h 00 “La famille et le droit civil”, Mme Aude MIRKOVIC, maître de conférences à l’Université d’Evry
14h20 “La famille et la bioéthique”, M. Jean-René BINET, professeur à l’Université de Rennes I, membre de l’Institut universitaire de France
14h40 “La famille et le droit social”, M. Éric VERHAEGHE, ancien élève de l’ENA, ancien président de l’APEC, directeur du cabinet Parménide.
15h00 Débat et pause
15h40 “La famille et le droit des libertés”, M. François SAINT-BONNET, professeur à l’Université de Paris II, directeur du CRICES
16h00 “La famille et le droit public interne”, M. Alexandre DESRAMEAUX, maître de conférences à l’Université de Besançon, chargé de cours à l’ICES
16h20 “La famille et le droit public international”, M. Éric POMÈS, chargé de cours à l’ICES et à l’ESM Saint-Cyr, secrétaire général du CRICES
16h40 Débat
17h00 Conclusions, M. Guillaume BERNARD, maître de conférences (HDR) à l’ICES, membre du CRICES
17h20 Fin du colloque


Intérêts, des pratiques insensées.

Famille et argent

Jean de Siebenthal

Généralités

Courbes si on fait le jeu des banquiers…, crédits “revolving”, revolvers…


La plupart des cartes de crédits ont des intérêts proches de 20 % dans le monde…


Celui qui vous parle est mathématicien ; il n’est pas financier.
Cependant, il ne peut s’empêcher d’être stupéfait en considérant certains
certains résultats : la télévision nous apprend par exemple que dans
l’affaire relative au crash de Swissair, un montant supérieur à 700
millions de francs figurait au titre d’une dette portant uniquement sur
des intérêts.
Cela étant, on a là l’indice d’un problème très profond, que
l’on peut considérer dans le cas de la famille qui songe à s’établir ou à
se développer, à bâtir, à acheter une voiture par exemple. Si elle n’arrive
pas à économiser en temps utile, elle se voit dans l’obligation de
contracter un emprunt, auprès d’une banque, ou autrement. Il y a là
matière à réflexion, car aujourd’hui, il est impossible d’emprunter, sans
recourir à un taux fixé par le prêteur, par une banque, avec un plan de
remboursement.
Prenons un exemple aussi simple que possible : M. A
emprunte 100 francs à M. B. La somme due se monte donc à 100 francs
; elle est normalement indépendante du temps ; M.A peut signer un
papier: je dois 100 francs à M. B. Mais B va exiger que le temps soit de
la partie, et qu’au bout d’une année, A lui fournisse 120 francs (intérêt
20 %). En composant, au bout de deux ans, la somme prétendûment due
se monte à 144 francs, etc. Sans rien faire, sans aucun travail de B, ce
dernier s’attend à empocher 44 francs de plus. Seul le calendrier a
fonctionné. B pratique ainsi l’usure, il recueille les fruits d’une terre
qu’il n’a pas cultivée. C’est un usurier. Si vous mettez 100 francs dans
un coffret, et attendez une année, vous retrouverez vos 100 francs :
l’argent, de soi, est stérile.
Réclamer plus a toujours été très mal qualifié par tous les
grands auteurs, par les philosophes, les Conciles (Nicée en 325, Reims
en 1583), les Pères de l’Eglise (Saint Grégoire de Nazianze), accusant
les usuriers de vol, de fraude, de rapine, d’idolâtrie, de simonie, de crime
même, de viol du septième commandement, etc.
Le catéchisme du Concile de Trente est catégorique :
– L’usure est tout ce qui se perçoit au delà de ce qui a été
prêté, soit argent, soit autre chose qui puisse s’acheter et s’estimer à prix
d’argent. – Il est écrit dans le Prophète Ezéchiel (15) : « Ne recevez ni
usure ni rien au delà de votre prêt. » Et Notre-Seigneur nous dit dans S.
Luc (16) : « Prêtez sans rien espérer de là. » Ce crime fut toujours très
grave et très odieux, même chez les païens. De là cette maxime : Qu’estce
que prêter à usure ? Qu’est-ce que tuer un homme ? pour marquer
qu’à leurs yeux, il n’y avait pas de différence. En effet prêter à usure,
n’est-ce pas, en quelque sorte, vendre deux fois la même chose, ou bien
vendre ce qui n’est pas ?
Notre civilisation, hélas caractérisée par le viol systématique
des dix commandements, n’en oublie aucun !
Réfléchissons, si A emprunte à B, c’est qu’il est en position de
faiblesse ; B va en profiter pour hypothéquer les efforts de A. ” Mon
cher, tu vas couvrir les risques que je cours, avec un intérêt, et plus le
temps s’écoule et plus tu me dois. C’est toi qui vas assurer le rendement
de mes 100 francs ; tes risques, je m’en moque. Ainsi A va s’épuiser à
couvrir les risques hypothétiques de B, qui prend ainsi les allures d’un
profiteur.
Notons que l’emprunteur A devient propriétaire des choses qui
lui sont prêtées, et que dans le prêt, celui qui emprunte demeure obligé,
tenu, de rendre la somme même empruntée. De plus, l’emprunteur,
maître de la chose prêtée, est seul chargé de tous les risques, et que le
profit toujours incertain doit lui appartenir.
Prenons divers exemples, avec intérêt 0 d’abord, puis divers
cas avec intérêt composé à 20%, puis un cas avec intérêt composé à 10 %

Situation «normale»




Les cartes de crédit sont souvent proches de 20 % par année… 





Famille et argent

Considérations diverses

En face du monde nouveau créé par les découvertes
scientifiques, les transformations industrielles et les révolutions sociales,
l’Eglise ne doit rien abandonner de la -doctrine que lui ont léguée les
siècles passés, les Pères de l’Eglise et les grands scolastiques du Moyen
Age sur la grave -question de l’usure. Elle a donné des solutions
pratiques pour les confesseurs, mais elle a refusé de se prononcer
doctrinalement, attendant de juger à ses fruits l’arbre économique
qu’avaient planté, hors de son champ, la Réforme et la Révolution.
Mais voici que ces fruits apparaissent et sont jugés de plus en
plus mauvais. Les économistes eux-mêmes commencent à se demander
avec angoisse quels épouvantables abus et quelles douloureuses misères
va créer le capitalisme moderne, dont l’une des affirmations
fondamentales est le droit absolu de l’argent à produire intérêt.
L’effondrement des deux tours du World Trade Center à New
York ne serait-il pas le signe d’une décadence ?
On commence à se retourner vers la doctrine de l’Eglise
comme vers une doctrine de salut. Il est temps de revenir vers des écrits
solides.

Encyclique Vix pervenit (Benoît XIV)

…l. – L’espèce de péché qu’on appelle usure réside
essentiellement dans le contrat de prêt (mutuum). La nature de ce contrat
demande qu’on ne réclame pas plus qu’on a reçu. Le péché d’usure
consiste pour le prêteur à exiger, au nom de ce contrat, plus qu’il n’a reçu
et à affirmer que le prêt lui-même lui donne droit à un profit, en plus du
capital rendu. Ainsi tout profit de ce genre, qui excède le capital, est
illicite et usuraire.
La raison qui rend juste ou injuste la perception d’un intérêt
dans le contrat de prêt, ce n’est pas tant que l’emprunteur en tire profit ou
non, mais plutôt que le prêteur se prive d’un profit estimable en argent.
Le titre, qui donne droit à un profit ou à une compensation, doit être
formellement cherché, non pas dans l’utilité que l’autre va tirer de mon
acte, mais dans l’utilité dont je me prive en faveur de cet autre, bien que
ces deux choses soient souvent unies et dépendantes l’une de l’autre.
Aussi formellement et directement le péché d’usure ne résulte pas, … de
ce que le contrat de prêt est un prêt de consommation ou de production
pour l’emprunteur, comme quelques-uns le pensent, mais de ce que, en
général, ou pour le prêteur dans des cironstances particulières où il se
trouve, l’argent est productif ou non. Telles sont les raisons pour
lesquelles celui qui donne de l’argent à un autre peut demander à cet
autre une compensation sans injustice. Il n’importe pas au point de -vue
de la justice que l’emprunteur perçoive un profit ou non ».
En résumé celui qui confie de l’argent à autrui sous la forme
d’un contrat de prêt ne doit vouloir un intérêt que pour se compenser des
pertes qu’il subit du fait de ce contrat. S’il a en confiant cet argent une
autre intention, celle de participer au bénéfice éventuel, réalisé par autrui
avec cet argent, il n’y a pas en réalité un contrat de prêt mais un contrat
dont on peut déterminer la nature. C’est l’intention du propriétaire de
percevoir, ou une indemnité pour pertes subies, ou un profit pour
bénéfice réalisé, qui détermine la vraie nature du contrat passé et les
devoirs qui en résultent.

Une absurdité

J’ai cautionné une somme de Fr 300’000.-que je dois
rembourser, en payant un intérêt fixé à 5% pour simplifier, avec un
amortissement insignifiant. Chaque année, je verse à la banque un intérêt
de 15 000 Fr. En 20 ans, je verse à la banque Fr 300’000, et je n’ai rien
remboursé. La banque empoche sans rien faire, et elle peut continuer
cette opération fructueuse. N’est-ce pas aussi un vol ? Le principe selon
lequel le temps, c’est de l’argent, n’est-il pas immoral ?
Une mutation de civilisation devient urgente. Arrêtons ces
pratiques insensées.


Jean de Siebenthal

UNE FRAUDE GLOBALE ET SUBTILE CONTRE TOUTES LES FAMILLES.
LE CRÉDIT SOCIAL : CHRISTIANISME APPLIQUE
Alain Pilote
Le Crédit Social corrigerait le capitalisme de son vice financier et
appliquerait à merveille la doctrine sociale de l’Eglise (1)
Bulletin SCIENCE ET FOI, N° 37, 3e Trimestre 1995
CESHE France – B.P. 1055 – 59011 LILLE Cedex

Dans la dernière encyclique du Pape Jean-Paul II sur la question sociale, “Sollicitudo rei socialis“, datée du 30 décembre 1987, un passage a pu en surprendre certains : le Pape condamne à la fois le capitalisme libéral et le collectivisme marxiste :
“La tension entre l’Orient et l’Occident vient d’une opposition … entre deux conceptions du développement même des hommes et des peuples, toutes deux imparfaites et ayant besoin d’être radicalement corrigées… C’est là l’une des raisons sur lesquelles la doctrine sociale de l’Eglise adopte une attitude critique vis-à-vis du capitalisme libéral aussi bien que du collectivisme marxiste.”
On comprend que l’Eglise condamne que l’Eglise condamne le communisme, ou collectivisme marxiste qui, comme le rappelait déjà le Pape Pie XI, est “essentiellement pervers” [intrinsèquement pervers] et anti-chrétien, puisque son but avoué est la destruction complète de la propriété privée, de la famille et de la religion. Mais pourquoi l’Eglise condamnerait-elle le capitalisme ? Le Pape serait-il contre l’entreprise privée ? Le capitalisme ne vaudrait-il pas mieux que le communisme ?
Non, ce que l’Eglise condamne, ce n’est pas le capitalisme en soi (propriété, libre entreprise). Au contraire, les Papes, loin de souhaiter la disparition de la propriété privée, souhaiteraient plutôt sa diffusion la plus large possible pour tous, que tous soient propriétaires d’un capital, soient réellement “capitalistes”
“Comme le déclare Notre prédécesseur Pie XII : “La dignité de la personne humaine exige normalement, comme fondement naturel pour vivre, le droit et l’usage des biens de la terre ; à ce droit correspond l’obligation fondamentale d’accorder une propriété privée autant que possible à tous … il faut mettre en branle une politique économique qui encourage et facilite une plus ample accession à la propriété privée des biens durables : une maison, une terre, un outillage artisanal, l’équipement d’une ferme familiale, quelques actions d’entreprises moyennes ou grandes (Jean XXIII, encyclique Mater et Magistra, 15 mai 1961).
Le Capitalisme a été vicié par le système financier
Les maux que l’Eglise reproche au système capitaliste [bien que le Vatican ait également sa banque] ne proviennent pas de sa nature (propriété privée, libre entreprise), mais du système financier qu’il utilise, un système financier qui domine au lieu de servir, qui vicie le capitalisme. Pie XI le disait dans son encyclique “Quadragesimo anno“, en 1931 : “Le capitalisme n’est pas à condamner en lui-même, ce n’est pas sa constitution qui est mauvaise, mais il a été vicié”.
Ce que l’Eglise condamne, ce n’est pas le capitalisme en tant que système producteur, mais selon les mots du Pape Paul VI, le “néfaste système qui l’accompagne“, le système financier.
“Ce libéralisme sans frein conduisait à la dictature à bon droit dénoncé par Pie XI comme génératrice de “l’impérialisme de l’argent“. On ne saurait trop réprouver de tels abus, en rappelant encore une fois solennellement que l’économie est au service de l’homme. Mais s’il est vrai qu’un certain capitalisme a été la source de trop de souffrances, d’injustices et de luttes fratricides aux effets durables, c’est à tort qu’on attribuerait à l’industrialisation elle-même des maux qui sont dus au néfaste système qui l’accompagnait. Il faut au contraire en toute justice reconnaître l’apport irremplaçable de l’organisation du travail et du progrès industriel à l’œuvre du développement.” (Paul VI, Populorum progressio, 26 mars 1967, n° 26.)
Le Vice du système : L’argent est créé par les banques sous forme de dette :
C’est le système financier qui n’accomplit pas son rôle, il a été détourné de sa fin. L’argent ne devrait être qu’un instrument de distribution, un signe qui donne droit aux produits, une simple comptabilité.
Mais les banquiers, en se réservant le contrôle de la création de l’argent, en ont fait un instrument de domination. Puisque le monde ne peut vivre sans argent, tous – gouvernements, compagnies, individus – doivent se soumettre aux conditions imposées par les banquiers pour obtenir de l’argent, qui est le droit de vivre dans notre société actuelle. Cela établit une véritable dictature sur la vie économique ; les banquiers sont devenus les maîtres de nos vies, tel que le rapportait très justement Pie XI dans son encyclique “Quadragesimo anno“, en 1933 :
  “Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maîtres absolus de l’argent, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent le sang à l’organisme économique, dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que sans leur consentement, nul ne peut plus respirer.”
Dettes impayables
Le vice du système, c’est que les banques créent l’argent sous forme de dette : la banque exige le remboursement d’argent qui n’existe pas. Cela est très bien expliqué dans la parabole de “L’île des Naufragés”, de Louis Even, qu’on peut résumer ici brièvement :
Supposons une petite île où nous diviserions le système économique en deux : le système producteur et le système financier. D’un côté, il y a cinq naufragés qui réussissent à produire les différentes choses nécessaires à la vie – c’est le système producteur ; et de l’autre côté, un banquier qui leur prête de l’argent : c’est le système financier. Pour simplifier l’exemple, disons qu’il y a un seul emprunteur au nom de toute la communauté, que nous appellerons Paul.
Paul décide, au nom de la communauté, d’emprunter au banquier un montant suffisant pour faire marcher l’économie de l’île, disons 5000 F, à 8% d’intérêt. Le banquier prête 5000 F, mais à la fin de l’année il exige le remboursement du capital, 5000 f, plus 400 F pour l’intérêt. Ce 400 F pour payer l’intérêt n’existe pas, il n’y a que 5000 en circulation sur l’île.
La production sur l’île avait bien augmenté durant l’année, mais pas l’argent. Ce ne sont pas des produits que le banquier exige, mais de l’argent. Les habitants de l’île fabriquaient des produits, mais pas d’argent. Seul le banquier a le droit de créer l’argent.
Remarquez aussi, quand bien même le banquier aurait prêté cet argent à un taux d’intérêt de 1%, ce qui n’aurait fait qu’un intérêt de 50 F à payer à la fin de l’année, les cinq habitants de l’île n’auraient pas plus été capables de rembourser au banquier capital et intérêt, car il n’y a que 5000 F sur l’île, pas 5050. Et si le taux d’intérêt est plus élevé, cela ne fait qu’empirer le problème et augmenter la dette. Toute cela pour démontrer que tout intérêt demandé sur de l’argent créé, même à un taux de 1 pour cent, est de l’usure, est un vol.
La situation des cinq habitants de l’île des Naufragés, c’est celle de tous les pays du monde : tout l’argent en circulation est un prêt, qui doit retourner à la banque grossi d’un intérêt. Le banquier crée l’argent et le prête, mais il se fait promettre de se faire rapporter tout cet argent, plus d’autre qu’il ne crée pas. Il demande de lui rapporter, en plus du capital qu’il a créé, l’intérêt qu’il n’a pas créé, et que personne n’a créé. Comme il est impossible de rembourser de l’argent qui n’existe pas, on doit emprunter de nouveau, et les dettes s’accumulent. C’est ce qui arrive dans tous les pays du monde, et d’une manière plus aiguë dans les pays du Tiers-Monde (2).
Le Fonds Monétaire International
Pour les pays les plus endettés du Tiers-Monde, il existe un organisme, le “Fonds Monétaire International” (FMI), qui leur accorde des prêts, mais à des conditions très sévères, que le FMI appelle “réformes structurelles”, qui sont en réalité des mesures d’austérité : réduire les importations, réduire les salaires des travailleurs, couper dans l’aide sociale et les services publics, augmenter leurs exportations (vendre dans d’autres pays des produits dont leurs habitants auraient eu besoin) pour obtenir de l’argent des pays étrangers, afin de pouvoir payer leur dette. Ainsi, les meilleures terres du pays ne serviront pas à nourrir la population locale, mais à produire de la nourriture qui sera exportée afin d’obtenir les précieux dollars pour payer les dettes. C’est l’humain qui est sacrifié au dieu-argent.
Les banquiers prétendent venir en aide aux pays endettés en leur accordant de nouveaux prêts. Mais chaque fois que les pays débiteurs empruntent, ils doivent rembourser aux banques plus d’argent qu’ils n’ont reçu. En fait, ces prêts ne les aident pas du tout, au contraire, ils les appauvrissent de plus en plus : et c’est exactement ce que les banquiers (3) veulent, pour pouvoir s’emparer de toutes les richesses de ces pays.
Remettre totalement les dettes
C’est une telle situation que l’Eglise condamne. A la demande du Pape Jean Paul II, la Commission Pontificale Justice et Paix émettait, le 27 décembre 1986, un document intitulé “Une approche éthique de l’endettement international”, qui disait, entre autres :
“Les pays débiteurs, en effet, se trouvent placés dans une sorte de cercle vicieux : :ils sont condamnés, pour pouvoir rembourser leurs dettes, à transférer à l’extérieur, dans une mesure toujours plus grande, des ressources qui devraient être disponibles pour leur consommation et leurs investissement internes, donc pour leur développement.
“Le service de la dette ne peut être acquitté au prix d’une asphyxie de l’économie d’un pays et aucun gouvernement ne peut moralement exiger d’un peuple des privations incompatibles avec la dignité des personnes … S’inspirant de l’Evangile, d’autres comportements seraient à envisager, comme consentir des délais, remettre partiellement ou même totalement les dettes … En certains cas, les pays créanciers pourront convertir les prêts en dons (4).
“L’Eglise rappelle la priorité à accorder aux hommes et à leurs besoins, par-delà les contraintes et les techniques financières souvent présentées comme seules impératives.”
Alain Garcia du Pérou
Une fois qu’on a compris qu’il n’y a pas moyen de payer la dette dans le système actuel, puisque tout l’argent au départ est créé sous forme de dette, on comprend que ce qui est criminel, ce n’est pas de ne pas vouloir payer la dette, mais très justement de vouloir la payer : car payer la dette pour un pays dans le système actuel, cela signifie retirer tout l’argent de la circulation et faire crever de faim sa population.
Les pays d’Amérique latine ont déjà payé plusieurs fois en intérêt le montant qu’ils ont emprunté au début, mais ils doivent encore autant qu’au commencement. Plusieurs pays se sont aperçus de cette situation absurde, et ont décidé de couper tout lien avec le FMI. Le leader de ces pays qui ont décidé de tenir tête aux banquiers, c’est sans contredit, le Président du Pérou, Alain Garcia.
 Le Président Garcia disait lui-même, le jour de son arrivée au pouvoir : “Ma première responsabilité est devant le peuple péruvien qui est pour moi le premier créancier. J’ai été élu par le peuple, et non par un cercle de banquier”. Garcia est confiant que tôt ou tard, tous les pays suivront son exemple et ne feront plus affaire avec le système voleur d’argent-dette des banquiers. C’est ce que les banquiers craignent le plus, et avant que cela arrive, ils feront tout pour éliminer Garcia ou écraser son gouvernement.
Solution : un argent sans dette créé par la société
Mais la position des gens comme Garcia est-elle réaliste, un pays peut-il fonctionner sans emprunter l’argent-dette des banquiers internationaux ? Oui, et c’est très facile à comprendre : Ce n’est pas le banquier qui donne à l’argent sa valeur, c’est la production du pays. Le banquier ne produit absolument rien, il ne fait qu’apporter des chiffres, qui permettent au pays de faire usage de sa propre capacité de production, de sa propre richesse. Sans la production de tous les citoyens du pays, les chiffres du banquier ne valent absolument rien.
Donc ces chiffres-là, le pays peut très bien les faire lui-même sans s’endetter envers les banquiers internationaux (5). Pourquoi le gouvernement devrait-il payer de l’intérêt à un système bancaire privé pour l’usage de son propre argent, qu’il pourrait émettre lui-même sans passer par les banques, et cela sans intérêt, sans dettes ? En fait, c’est justement le premier devoir de chaque gouvernement souverain d’émettre sa propre monnaie, sans dette. Donc ce qu’il faut, c’est un argent fait par la société, sans dette, pour les besoins de la société.
Argent social, crédit social
 C’est justement ce que propose le système dit du “Crédit Social”, un ensemble de propositions financières énoncées pour la première fois en 1917 par l’ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas. En fait, les mots “argent social” et “crédit social” veulent dire la même chose, et c’est pour cela que Douglas a désigné des propositions financières par ce nom : au lieu d’avoir un argent créé par les banques, un crédit bancaire, on aurait un argent créé par la société, un crédit social.
Le Crédit Social
Le Crédit Social ramènerait l’argent à son rôle, qui est celui d’être un instrument de distribution. Puisque l’argent n’est qu’une question de chiffre qui doivent représenter les produits, une simple comptabilité, le Crédit Social établirait une comptabilité juste, où la finance serait un reflet exact des réalités économiques : l’argent serait émis au rythme de la production, et retiré de la circulation au rythme de la consommation. On aurait ainsi un équilibre constant entre les prix et le pouvoir d’achat, le dollar garderait sa valeur, et tout endettement serait impossible, l’argent serait enfin mis au service de l’homme.
Les systèmes au service de l’homme (6)
Que les systèmes soient au service de l’homme, c’est justement là le principe de base de la doctrine sociale de l’Eglise : la primauté de la personne humaine. Le Pape Jean XXIII le rappelait dans son encyclique Mater et Magistra, en 1961 :
“La doctrine sociale chrétienne a pour lumière la Vérité, pour objectif la justice et pour force dynamique l’Amour … Son principe de base est que les êtres humains sont et doivent être fondement, but et sujets de toutes les institutions où se manifeste la vie sociale.”
Le Crédit Social partage la même philosophie. C.H. Douglas écrivait au tout début de son premier livre, “Economic Democracy” : “Les systèmes sont faits pour l’homme, et non pas l’homme pour les systèmes, et l’intérêt de l’homme, qui est en son propre développement, est au-dessus de tous les systèmes”.
Le But de l’économique : la satisfaction des besoins humains [et quels sont les vrais besoins humains et pour quoi et pour qui l’homme est créé ? – Cf. Les Principe et fondement de Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, car en “toute chose, considère la fin ” dit l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ (op. I, chap. XXIV)]
Donc, le but des systèmes économique et financier, selon l’Eglise, est aussi le service de l’homme Le but du système économique, c’est la satisfaction des besoins humains, produire les biens dont l’homme a besoin (c’est le rôle du système producteur) et s’assurer que les biens soient distribués et atteignent les hommes qui en ont besoin (c’est le rôle du système financier). Le Crédit Social possède une technique qui ferait justement les systèmes producteur et financier accomplir leur fin.
Le Pape Pie XI, dans son encyclique déjà citée “Quadragesimo anno“, rappelle le but, la fin du système économique :
” L’organisme économique et social sera sainement constitué et atteindra sa fin alors seulement qu’il procurera à tous et à chacun de ses membres tous les biens que les ressources de la nature et de l’industrie, ainsi que l’organisation vraiment sociale de la vie économique, ont le moyen de leur procurer. Ces biens doivent être assez abondants pour satisfaire aux besoins d’une honnête subsistance et pour élever les hommes à ce degré d’aisance et de culture qui, pourvu qu’on en use sagement, ne met pas d’obstacles à la vertu, mais en facilite au contraire singulièrement l’exercice.” [Ne pas oublier cependant les Psaumes, 33 (Vg.) : 10 ; et leDeutéronome, 28 : 1-4, 9-12, 15, 28-29, 32, 45, 49-52 ; cf. également le Guide des pécheurs de Louis de Grenade, un des livres préférés de saint François de Sales, tome I, chap. 22.]
Les biens de la terre sont destinés à tous
Le Pape parle de tous et chacun des membres de la société qui ont droit aux biens matériels [et naturellement à l’enfer éternel, car ” nous étions par nature voués à la colère divine ” : Éph., 2 : 3] ; il rappelle là cet autre principe de base de la doctrine sociale de l’Eglise : les biens de la terre sont destinés à tous, parce que tous ont le droit de vivre, et que pour vivre l’homme a besoin de biens matériels [et “de toute parole qui sort de la bouche de Dieu” – Matthieu, 4 : 4] : de la nourriture, des vêtements, un logis. Ce droit a été rappelé aussi par le Concile Vatican II :
Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité” (Constitution Gaudium et Spes, n° 69).
La misère en face de l’abondance
Donc Dieu a créé l’homme avec ses besoins matériels [“pour louer, honorer et servir Dieu, notre Seigneur, et, par ce moyen, sauver son âme” – S. Ignace de Loyola, Principe et fondement] : se nourrir, s’habiller, se loger. Mais le Créateur a aussi mis sur la terre tout ce qu’il fallait pour satisfaire ces besoins ; car il sait bien que nous avons besoin de toutes ces choses, puisque c’est Lui qui nous a créés. Nous demandons notre pain quotidien [et notre pain supersubstantiel – Matthieu, VI, 11 : “Panem nostrum supersubstantialem“]. Dieu nous donne ce pain, en abondance même : malgré tous les quotas pour empêcher la production, les pays industriels se lamentent d’avoir des surplus agricoles de toutes sortes. Par exemple, pour la seule année 1987, la Communauté Economique Européenne a entreposé pour 200 milliards de francs de surplus agricoles – beurre, lait, viande, blé – sans compter tout ce qu’elle a dû détruire.
Or, pendant ce temps, sur la même terre, des milliers d’êtres humains meurent chaque jour parce qu’ils n’ont pas de quoi manger. Est-ce la faute de Dieu ? Non, sûrement pas. Alors, pourquoi ces gens n’ont-ils pas d’argent pour acheter ces produits ?
Un dividende
Donc, pour que tous et chacun aient accès aux biens de la terre, et aient au moins le minimum pour vivre, ça leur prend un minimum d’argent. Le Crédit Social y verrait, en attribuant à chaque individu une somme d’argent, un dividende, basé sur la part de la production qui ne provient pas directement du labeur humain, soit l’héritage des richesses naturelles et des inventions des générations passées, qui sont tous des dons gratuits de Dieu.
La machine : alliée ou ennemie de l’homme ?
Dans le système actuel, seulement ceux qui son employés dans la production ont droit à un revenu, qui est distribué sous forme de salaire. On veut lier le revenu à l’emploi. Or, cela est contraire aux faits puisque grâce aux nouvelles inventions, à la technologie, au progrès, on a de moins en moins de labeur humain, de travailleurs, pour produire les biens : ce sont les ordinateurs, les robots qui font le travail à notre place.
La technologie est-elle un mal ? Faut-il se révolter et détruire les machines parce qu’elles prennent notre place ? Non, si le travail peut être fait par la machine, tant mieux, cela permet à l’homme de se consacrer à d’autres activités, des activités libres, des activités de son choix. Mais cela, à condition de lui donner un revenu pour remplacer le salaire qu’il a perdu avec la mise en place de la machine, du robot ; sinon, la machine, qui devrait être l’alliée de l’homme, devient son adversaire, puisqu’elle lui enlève son revenu, et l’empêche de vivre.
Le matérialisme du plein emploi
Mais si l’on veut persister à tenir tout le monde, hommes et femmes, employés dans la production, même si la production, pour satisfaire les besoins de base, est déjà toute faite, et cela avec de moins en moins de labeur humain, alors il faut créer de nouveaux emplois complètement inutiles, et dans le but de justifier ces emplois, créer de nouveaux besoins artificiels, par exemple une avalanche de publicité, pour que les gens achètent des produits dont ils n’ont pas réellement besoin. C’est ce qu’on appelle “la société de consommation”.
De même, on fabriquera des produits dans le but qu’ils durent le moins longtemps possible, dans le but d’en vendre plus, et faire plus d’argent, ce qui entraîne un gaspillage non nécessaire des ressources naturelles, et la destruction de l’environnement. Aussi, on persistera à maintenir des travaux qui ne nécessitent aucun effort de créativité, qui ne demandent que des efforts mécaniques, et qui pourraient très bien être remplacés par la machine, où l’employé n’a aucune chance de développer sa personnalité. Mais pour cet employé, ce travail, si déshumanisant soit-il, est la condition d’obtenir de l’argent, le permis de vivre.
 Ainsi, pour lui et pour une multitude de salariés, la signification de leur emploi se résume à ceci : aller travailler pour obtenir l’argent qui servira à acheter le pain qui leur donnera la force d’aller travailler pour gagner l’argent … et ainsi de suite jusqu’à l’âge de la retraite, s’ils ne meurent pas avant. Voilà une vie vide de sens, où rien ne différencie l’homme de l’animal.
Activités libres
Justement, ce qui différencie l’homme de l’animal, c’est que l’homme n’a pas seulement des besoins matériels, il a aussi des besoins culturels, spirituels. Comme dit Jésus dans l’Evangile : “L’homme ne vit pas seulement que de pain, mais de toute parole qui vient de la bouche de Dieu”. Vouloir occuper tout le temps de l’homme à l’entretien de sa vie matérielle, c’est du matérialisme, car c’est nier que l’homme a aussi une dimension et des besoins spirituels.
Mais alors, si l’homme n’est pas employé dans un travail salarié, que va-t-il faire de ses temps libres ? Il les occupera à des activités libres, des activités de son choix. C’est justement dans ses temps libres, dans ses loisirs, que l’homme peut vraiment développer sa personnalité, développer les talents que Dieu lui a donnés et les utiliser à bon escient [pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes].
De plus, c’est durant leurs temps libres que l’homme et la femme peuvent s’occuper de leurs devoirs familiaux, religieux et sociaux : élever leur famille, pratiquer leur religion (connaître, aimer [adorer] et servir Dieu), venir en aide à leur prochain. Elever des enfants est le travail le plus important au monde, mais parce que la femme qui reste au foyer pour élever ses enfants ne reçoit pas de salaires, on considère qu’elle ne fait rien, qu’elle ne travaille pas !
Etre libéré de la nécessité de travailler pour produire des biens essentiels à la vie ne signifie aucunement paresse. Cela signifie tout simplement que l’individu est alors en position de choisir l’activité qui l’intéresse. Sous un système de Crédit Social, il y aura une floraison d’activités créatrices. Par exemple, les plus grandes inventions, les plus grands chefs-d’œuvre de l’art ont été accompli dans des temps libres. Comme le disait C.H. Douglas :
“La majorité des gens préfèrent être employés – mais dans des choses qu’ils aiment plutôt que dans des choses qu’ils n’aiment pas. Les propositions du Crédit Social ne visent aucunement à produire une nation de paresseux … Le Crédit Social permettrait aux gens de s’adonner aux travaux pour lesquels ils sont qualifiés. Un travail que vous faites bien est un travail que vous aimez, et un travail que vous aimez est un travail que vous faites bien.”
Manque chronique de pouvoir d’achat
Donc, vouloir distribuer la production rien que par la récompense au labeur humain (les salaires), c’est contraire aux faits (7). Mais c’est aussi impossible, car jamais l’argent distribué comme récompense au travail ne peut acheter la production qui comprend d’autres éléments dans ses prix. C’est un autre défaut du système actuel que Douglas a expliqué dans ce qui est connu sous le nom “Théorème A + B”.
Les économistes prétendent que la production finance automatiquement la consommation, que les salaires distribués suffisent pour acheter tous les produits mis en vente. Mais les faits prouvent le contraire : le producteur doit inclure tous ces coûts de production dans son prix. Les salaires distribués à ses employés (que Douglas appelle paiement A) ne sont qu’une partie du coût de production du produit. Le producteur a aussi d’autres coûts de production (que Douglas appelle paiement B) qui ne sont pas distribués en salaires : les paiements pour les matériaux, les taxes, les charges bancaires, les charges pour dépréciations (le remplacement des machines qui s’usent ou se brisent), etc.
Le prix de vente du produit doit inclure tous les coûts : les salaires (A) et les autres paiements (B). Le prix de vente du produit sera A + B. Alors, il est évident que les salaires (A) ne peuvent acheter la somme de tous les coûts (A + B). Il y a donc un manque chronique de pouvoir d’achat dans le système. Et remarquez bien, même si on essaye d’augmenter les salaires, la hausse des salaires sera incluse automatiquement dans les prix. Cela ne réglera rien. Pour pouvoir acheter toute la production, il faut donc un revenu supplémentaire en dehors des salaires, au moins égal à B. C’est ce que ferait le dividende du Crédit Social.
Une montagne de dettes
Mais puisque le dividende social n’a pas encore été institué, théoriquement, dans le système actuel, on devrait avoir une montagne de produits invendus. Si les produits se vendent malgré tout, c’est qu’on a à la place une montagne de dettes ! En effet, puisque les gens n’ont pas assez d’argent, les marchands doivent encourager les ventes à crédit pour écouler leur marchandise. Mais cela ne suffit pas pour combler le manque de pouvoir d’achat.
Alors on insistera sur le besoin de travaux qui distribuent des salaires sans augmenter la quantité des biens consommables mis en vente : les travaux publics (construction de ponts ou de routes), la production d’armement de guerre (sous-marins, avions, etc.). Au Etats-Unis, il est estimé que l’emploi d’une personne sur dix est relié à l’industrie de guerre. Mais tout cela ne suffit pas non plus. [Cf. La paix indésirable ? (document machiavélique), Rapport sur l’utilité des guerres, Préface de H. McLandress (J.K. Galbraith), Introduction de Léonard C. Lewin, Calmann-Lévy, Paris, 1968.]
Guerres commerciales
Alors on cherche à avoir une “balance commerciale favorable”, c’est-à-dire exporter, vendre à l’étranger plus de produits qu’on en reçoit, pour obtenir de l’étranger de l’argent qui servira à combler notre pouvoir d’achat déficient et acheter nos produits. Or, il est impossible pour tous les pays d’avoir une “balance commerciale favorable” : si certains pays réussissent à exporter plus de produits qu’ils en importent, ça prend nécessairement aussi, en contrepartie, des pays qui reçoivent plus de produits qu’ils n’en envoient. Mais comme tous les pays veulent envoyer dans d’autres pays plus de produits qu’ils n’en reçoivent, cela cause entre ces pays des conflits commerciaux, qui peuvent même dégénérer en conflits armés.
Alors comme dernière trouvaille, les économistes ont découvert un endroit où envoyer nos produits sans rien risquer de recevoir en retour, un endroit où il n’y a aucun habitant : la lune, l’espace. En effet, on dépensera des milliards pour construire des fusées pour aller sur la lune ou d’autres planètes ; tout cet énorme gaspillage de ressources simplement dans le but de générer des salaires qui serviront à acheter la production qui reste invendue dans notre pays. C’est le cas de le dire, les économistes sont vraiment dans la lune !
Une réforme du système financier
Des dettes impayables, des gens qui crèvent de faim en face de montagnes de produits parce qu’ils n’ont pas d’argent, la création de besoins factices pour pouvoir créer des emplois et distribuer du pouvoir d’achat, le gaspillage éhonté des ressources naturelles : ce sont tous là des maux causés par le mauvais système financier actuel qui régit le capitalisme.
Quand le Pape condamne le capitalisme “libéral”, ce sont tous ces maux dus au système financier que le Pape condamne : il condamne la dictature de l’argent rare, il condamne un système qui met l’argent au-dessus de la personne humaine, où les lois de l’économie sont suprêmes, intouchables, et l’homme doit s’y soumettre sans dire un mot :
“Il est nécessaire de dénoncer l’existence de mécanismes économiques, financiers et sociaux qui, bien que menés par la volonté des hommes, fonctionnent souvent d’une manière quasi automatique, rendant plus rigides les situations de richesses des unes et de pauvreté des autres” (Encyclique Sollicitudo rei socialis, n° 16).
De toute évidence, il y a un défaut capital, ou plutôt un ensemble de défauts et même un mécanisme défectueux à la base de l’économie contemporaine et de la civilisation matérialiste, qui ne permettent pas à la famille humaine de se sortir, dirais-je, de situations aussi radicalement injuste” (Encyclique Dives in Misericordia, 30 novembre 1980, n° 11).
“Une réforme structurelle du système financier mondial est sans nul doute une des initiatives les plus urgente et nécessaires” (Message du Pape à la 6e conférence des Nations Unies sur le Commerce et de Développement, Genvève, 26 septembre 1985) [ce dont les Nations unis n’ont que faire, fonctionnant selon le système pyramidal de Kelsen où la personne humaine n’a pas sa place !].
Ce que le Pape demande c’est une réforme des systèmes financiers et économiques, en vue de l’établissement d’un système économique au service de l’homme ; un système économique qui existe pour servir les besoins de l’homme, et non pour servir les besoins des financiers [et des francs-maçons ou des Illuminatis dont le prince du mensonge tire les ficelles – cf. “Des Pions sur l’Echiquier” de William Guy Carr] :
“Je fais appel à tous les chargés de pouvoir afin qu’ensemble ils s’efforcent de trouver les solutions [mais elles existent !] aux problèmes de l’heure, ce qui suppose une restructuration de l’économie de manière à ce que les besoins humains l’emportent toujours sur le gain financier” (Jean-Paul II aux pêcheurs, St John’s, Terre-Neuve, 12 septembre 1984).
Avec la réforme du système financier prôné par le Crédit Social, le système capitaliste serait corrigé de son vice financier, et tous les citoyens deviendraient réellement des capitalistes, chacun ayant droit à une part du capital des richesses naturelles du pays et du progrès, et pourraient ainsi, avec leur dividende, commander au système producteur les biens et services qui leur sont nécessaires.
Christianisme appliqué
De plus, les propositions financières du Crédit Social, en établissant un système économique et financier au service de l’homme, et garantissant à tous le droit aux biens matériels par l’attribution d’un dividende à chaque citoyen, appliqueraient à merveille la doctrine sociale de l’Eglise. Cela est tellement vrai que le fondateur du Crédit Social, C.H. Douglas, a déjà dit que le Crédit Social pouvait être défini en deux mots : christianisme appliqué.
Crédit Social : seule solution
Un autre qui était convaincu que le Crédit Social est le christianisme appliqué, qu’il appliquerait à merveille l’enseignement de l’Eglise sur la justice sociale, c’est le Père Peter Coffey, docteur en philosophie et professeur au Collège de Maynooth, en Irlande [et non dans la France maçonnique ou naturaliste]. Il écrivait à un jésuite canadien, le Père Richard, en mars 1932 :
“Les difficultés posées par nos questions ne peuvent être résolues que par la réforme du système financier du capitalisme, selon les lignes suggérées par le Major Douglas et l’école du crédit. C’est le système actuel qui est à la racine des maux du capitalisme. L’exactitude de l’analyse faite par Douglas n’a jamais été réfutée, et la réforme qu’il propose, avec sa fameuse formule d’ajustement des prix, est la SEULE réforme qui aille jusqu’à la racine du mal.
“Personnellement, je suis convaincu que la finance capitaliste doit inévitablement engendrer des guerres, des révolutions et la famine de millions d’êtres humains, dans un monde d’abondance potentielle. J’ai étudié le sujet durant quinze années et je considère une réforme financière telle que proposée par Douglas comme essentielle au rétablissement d’un système économique chrétien de propriété largement répandu et, par conséquent, la seule option à opposer à celle d’un communisme révolutionnaire [prenons bien garde à José Bové et à ceux qui l’encadrent et l’accompagnent], violent et athée… Je ne vois qu’un seul choix : c’est ou bien le Crédit Social de Douglas, ou bien le chaos du communisme. Tout le nœud de la tragique transition du capitalisme au communisme est actuellement situé dans la finance [en 1932 !].”
 Le Pape dit que c’est le devoir de tous les catholiques de travailler à l’établissement de la doctrine sociale de l’Eglise. Or, à notre connaissance, aucune autre solution n’appliquerait aussi parfaitement la doctrine sociale de l’Eglise que le Crédit Social. En fait, le Crédit Social est la seule solution à opposer au mauvais système financier actuel, la seule solution pour corriger le système capitaliste de son vice financier et faire de tous les individus de vrais capitalistes. Donc, tous les catholiques, et tous ceux qui ont soif de justice, devraient se mettre à étudier et à répandre le Crédit Social, qui mettrait réellement l’économie au service de l’homme [ou de la personne humaine].
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1) Extrait de “Vers Demain”, Spécimen gratuit, s.d., peut être obtenu auprès de : Pèlerins de Saint Michel, 91, rue des Mauges, 49450 St Macaire en Mauges (France), ou Joséphine Kleynen, 18, rue abbé Cuylits, 1070 Bruxelles (Belgique).
2) Ndlr. Il est impossible, sur de longues durées, d’honorer les prêts à intérêt réel (hors inflation). Si Hérode avait emprunté 1 franc à la naissance du Christ à 2% d’intérêt, il devrait aujourd’hui rembourser une somme fabuleuse égale à 1016 francs (10 suivi de 16 zéros), soit la valeur d’une très belle maison pour chacun des habitants de la terre.
3) Ndlr. Le mot “banquier”, dans la langue de l’auteur, ne s’applique évidemment pas aux cadres, même dirigeants, des banques, mais au petit nombre des décideurs qui fixent les règles de l’émission monétaire, tout particulièrement les directeurs de la Federal Reserve Bank aux Etats-Unis. M. Allais, dans le cours d’économie qu’il donnait en 1967, insistait sur l’ignorance des banquiers quant aux mécanismes de la création monétaire.  
4) Ndlr. Il est significatif que ce document romain, en négligeant de distinguer capital et intérêt, oublie la doctrine de l’Eglise et déplace le devoir de justice vers un appel à la charité.
5) Ndlr. L’auteur néglige ici une des possibilités offertes par les prêts internationaux : mettre “à l’abri” de l’argent en devises. Il y a parfois loin de la parole aux actes : Alain Garcia est aujourd’hui réfugié en Colombie ; il est poursuivi pour avoir détourné 50 millions de dollars, soit l’équivalent du revenu annuel de 25.000 péruviens (cf. Présent du 23/8/95).
6) Ndlr. Dans une société en ordre, l’économie est au service de la politique, et la finance au service de l’économie. Nous voyons aujourd’hui un ordre exactement inverse, ou, pour reprendre le mot de Marcel François, un “monde à l’envers”.


7) Ndrl. Le revenu indirect lié à une redistribution collective (allocations, prestations diverses) égale aujourd’hui la moitié des revenus directs (salaires et dividendes).

Courbes si on fait le jeu des banquiers…, crédits “revolving”, revolvers… tueurs…

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