La population
est-elle vraiment consciente que les avoirs en francs suisses déposés auprès de banques
ne sont pas garantis par la BNS ?

Curia Vista – Objets parlementaires.

La discussion est reportée.

12.3305 – Interpellation

Création de monnaie en Suisse (1)

Déposé par

Date de dépôt
16.03.2012
Déposé au
Conseil national
Etat des délibérations
Non encore traité au conseil

Texte déposé

Face
à la crise de l’euro et de la dette, je prie le Conseil fédéral de
prendre position sur la question de la création de monnaie en Suisse.
Selon la théorie économique qui prévaut, la plus grande part de la masse
monétaire M1 est créée par l’accroissement de la somme des bilans des
banques commerciales et non par la Banque nationale suisse (BNS), ce que
confirme d’ailleurs le lexique de cette dernière: “Les banques créent
de la monnaie en accordant des crédits; cf. lexique de la BNS”.
Partant de ce constat, je prie le Conseil fédéral de répondre aux questions suivantes:
1.
Aux termes de l’article 2 de la loi fédérale sur l’unité monétaire et
les moyens de paiement (LUMMP), seuls sont considérés comme moyens de
paiement, les espèces métalliques, les billets de banque et les avoirs à
vue auprès de la BNS. Sur quelle base légale se fonde la pratique
générale (suivie également par les autorités) de considérer les avoirs à
vue auprès des banques comme des moyens de paiement légaux, alors
qu’ils ne constituent qu’une créance sur ceux-ci, qui sera honorée ou
non par les banques selon leur solvabilité?
2. La création de
monnaie scripturale des banques commerciales est-elle conforme au droit
régalien de la Confédération, selon l’article 99 de la Constitution, qui
dispose que “la monnaie relève de la compétence de la Confédération”?
3.
Comme le Conseil fédéral l’a relevé dans son message du 26 mai 1999
concernant la LUMMP, “Les avoirs à vue auprès d’une grande banque, d’une
banque cantonale ou régionale, ou encore d’une organisation de cartes
de crédit, ne sont effectivement pas la même chose que ceux déposés à la
BNS, qui est le seul établissement du pays … à pouvoir créer de
l’argent à son gré”. L’Etat ne peut donc déclarer la monnaie scripturale
des banques comme moyen de paiement légal (99.051).
Or vu qu’elle est considérée dans les faits comme telle, le Conseil
fédéral ne pense-t-il pas qu’il serait nécessaire de préciser cette
distinction dans la loi parce que la majorité de la population continue
de penser que la mise en circulation de moyens de paiement libellés en
francs est exclusivement du ressort de la BNS et par conséquent
garantie?
4. Comment le Conseil fédéral légitime-t-il ce droit des
banques commerciales de créer de la monnaie, sans qu’elle soit
entièrement garantie par un capital, en accordant des crédits, qui
augmentent la somme de leur bilan, alors que les particuliers ne peuvent
consentir des prêts que s’ils disposent de l’argent?

Réponse du Conseil fédéral
du
25.04.2012

1. Les moyens de
paiement légaux et ceux considérés dans les faits comme tels sont loin
d’être sur pied d’égalité. Les moyens de paiement ayant cours légal font
l’objet d’une énumération exhaustive à l’article 2 de la loi fédérale
sur l’unité monétaire et les moyens de paiement (LUMMP). Etant donné les
différences de solvabilité des établissements gérant des comptes, les
avoirs à vue auprès des banques ne jouissent pas des caractéristiques
des dépôts auprès de la banque centrale: la standardisation et la
fongibilité.
Contrairement aux moyens de paiement légaux, nul
n’est tenu d’accepter la monnaie scripturale des banques, à moins qu’un
tel moyen de paiement ait été convenu par contrat, ou que les
circonstances (l’usage) ou une disposition légale particulière
l’exigent.
2. La fixation de l’unité monétaire et la désignation
des moyens de paiement ayant cours légal font partie des compétences
conférées par le monopole de la Confédération en matière d’émission du
numéraire (art. 99 al. 1 de la Constitution). L’article 2 LUMMP précise
que les moyens de paiement légaux sont les espèces métalliques, les
billets de banque et les avoirs à vue auprès de la Banque nationale
suisse (BNS). L’argent au sens du droit constitutionnel ne comprend pas
la monnaie scripturale des banques qui, contrairement aux avoirs à vue
auprès de la BNS, connaît un risque d’insolvabilité. La croissance des
substituts monétaires est laissée à la libre appréciation des marchés,
conformément à la conception du secteur privé ancrée dans la
Constitution. La Confédération a toutefois la possibilité, dans le cadre
de sa compétence législative, d’intervenir contre les développements
qui échappent au contrôle du processus de création monétaire exercé par
la BNS, ou qui sont susceptibles de miner d’une autre manière la
confiance placée dans le numéraire émis par l’Etat. Le législateur a
limité les possibilités des banques de créer de la monnaie scripturale,
par le biais de dispositions légales régissant les réserves minimales,
ainsi que par les prescriptions relatives aux fonds propres et aux
liquidités inscrites dans la loi sur les banques.
3. Voir les
chiffres 1 et 2. L’article 2 LUMMP indique clairement quels sont les
moyens de paiement légaux. Comme l’ont montré les débats sur la garantie
des dépôts menés dans le sillage de la crise financière, la population
est consciente que les avoirs à vue en francs déposés auprès de banques
ne sont pas garantis par la BNS.
4. Conformément à la conception
du secteur privé ancrée dans la Constitution, la croissance des
substituts monétaires est laissée à la libre appréciation des marchés.
En acceptant les dépôts du public et en octroyant des crédits, les
banques remplissent leur fonction principale et essentielle pour
l’économie d’intermédiaires entre épargnants et emprunteurs. En vertu de
sa compétence législative, la Confédération peut toutefois limiter et
réglementer la création de monnaie par les banques (voir ch. 2). Le
législateur a ainsi édicté diverses prescriptions détaillées (par ex.
sur les fonds propres, les liquidités ainsi que les réserves minimales).

Chronologie / procès-verbaux

Date Conseil
15.06.2012 CN La discussion est reportée.

Descripteurs (en allemand):

Aide

Indexation complémentaire:

24
http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20123305 

Une alternative, le wir:

http://www.veblen-institute.org/IMG/pdf/pluralite_monetaire_et_stabilite_economique_fr_oct_2011_.pdf

Glossaire BNS
http://www.snb.ch/f/welt/glossary/m.html

Nous avons vu dans un billet précédent
que les banques centrales ont joué un rôle important dans la Crise par
la baisse de leurs taux. Nous allons observer l’impact sur la masse
monétaire de la Suisse.

Rappels sur la monnaie

Mais rappelons en introduction qu’on réserve le nom de monnaie aux actifs qui présentent deux caractères particuliers :

  • ils sont “liquides”, c’est-à-dire qu’ils peuvent être utilisés instantanément,
  • ils sont “sans risque” de perte ou de gain en
    capital lorsqu’ils sont mobilisés (c’est-à-dire transformés pour être la
    contrepartie de l’échange).

Tous les actifs ne sont donc pas de la monnaie et certains le sont
plus que d’autres : il y a des degrés dans la “liquidité” et dans le
caractère “risqué”.

La monnaie c’est l’ensemble des actifs permettant de se
libérer d’une dette, sur un territoire donné, sans délai et sans risque
de perte en capital.

Les pouvoirs publics cherchent à mesurer la capacité de dépense des
agents de l’économie et pour cela ils définissent des instruments de
mesure appelés “agrégats monétaires”, pour suivre
l’évolution de la masse monétaire. Ils fonctionnent en poupées russes,
par liquidité décroissante. On a en simplifié :

  • un agrégat étroit M1, qu’on peut qualifier de «
    monnaie », qui regroupe les pièces et les billets en circulation dans le
    secteur non bancaire ainsi que les dépôts à vue des clients (comptes
    bancaires) ;
  • un agrégat intermédiaire M2, égal à M1 plus le « crédit à court
    terme » (essentiellement les comptes sur livrets et les dépôts à court
    terme – Livrets A, CODEVI, CEL…) ;
  • un agrégat large M3, qu’on peut qualifier de «
    masse monétaire », égal à M2 plus divers placement monétaires (dépôts à
    moyen et long terme, sicav monétaires…). Notons que la Fed a cessé de le
    publier en février 2006, certains y ayant vu le signe d’une volonté de
    masquer la dangereuse situation d’endettement du pays.

Agrégats monétaires

Soulignons que la différence fondamentale entre M1 et les autres
agrégats est que M1 comprend les moyens de paiement utilisables
immédiatement (actif parfaitement liquide) alors que les autres agrégats
doivent d’abord être transformés pour devenir des moyens de règlements.

Masse monétaire de la Suisse

Fort de ces définitions, observons l’évolution de la masse monétaire de la Suisse :

Masse monétaire suisse

ou présentée différemment :

Masse monétaire suisse

Masse monétaire suisse

Contrairement aux autres zones, on observe une grande constance dans
l’évolution de la masse monétaire, malgré la politique “d’argent pas
cher” des années 2000 (comme rappelé dans ce billet sur les taux directeurs).

Observons le taux annuel d’évolution de la masse monétaire :

Masse monétaire suisse

On observe qu’en général  la Suisse a été plus “sage” que bon nombre
d’autres pays au niveau de sa masse monétaire M3. A contrario M1 a été
largement chahutée :

Masse monétaire suisse

Quand on détaille par sous-agrégat, on observe bien que les gros pic
de M1 ont été quasiment compensée par des mouvements inverses dans
M3-M2… Les crises récentes se sont traduites par des mouvements
intra-masse monétaire, pas par de la création  monétaire.

Ces derniers mois, la masse monétaire suisse a tendance à augmenter de façon assez soutenue…

46 réponses à 0318 La masse monétaire de la Suisse

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