Un trophée convoité trône sur le bureau de Demian Conrad, au premier étage d’un entrepôt du Flon. Automatico Studio, son atelier de graphisme fondé il y a dix ans à Lausanne, vient d’être primé par le prestigieux Art Directors Club, la plus ancienne distinction de design. Leurs posters énigmatiques en faveur du revenu universel ont valu à la petite équipe le Prix Silver dans la catégorie Poster Design, remis début mai à New York.
«Une vraie surprise, sourit Demian Conrad. En général, Art Directors Club prime des gros bureaux, pas des petits studios comme le nôtre. C’est un encouragement et aussi une fierté de porter le nom de Lausanne à l’étranger.»
Revenons une année en arrière. Plus d’un passant s’interroge alors sur de mystérieuses affiches et autocollants qui fleurissent un peu partout en ville. Point de logo, de message ou de slogan; seulement un rond couleur or, parfois accompagné de ce mot: «Ja».
Marquer les esprits
Cette campagne nationale d’affichage militait donc en faveur de l’initiative pour le revenu de base inconditionnel (RBI), rejetée par le peuple en juin 2016. «C’est Daniel Häni (ndlr: l’entrepreneur à l’origine de l’initiative) qui m’a approché, se souvient Demian Conrad. Après avoir réfléchi à des visuels plus conventionnels, nous nous sommes dit que ce sujet était trop complexe pour le décrire avec un message.»
Ce rond doré, que signifie-t-il? Une référence aux pièces de monnaie? Le directeur créatif se refuse à figer l’interprétation. «C’est un symbole. Un symbole élégant, positif et féminin évoquant une société meilleure où les richesses sont mieux réparties. Avant tout, nous avons voulu faire quelque chose de beau. Le concept de cette campagne, c’est que la beauté peut changer le monde!»
Si l’approche est originale, le message n’est pas des plus clairs. Nombre de curieux n’ont jamais fait le lien entre les affiches et le RBI… «Ce n’est pas important, répond Demian Conrad. Une belle image reste dans la tête, tout comme une bonne idée. On ne voulait pas faire de propagande mais lancer le débat. Je crois profondément à cette démarche. Le RBI se réalisera un jour.»
Automatico Studio a déjà collaboré avec Art Basel, le LUFF et la HEP. C’est à lui que l’on doit l’identité graphique de La Camerata de Lausanne; des posters sur lesquels – un comble pour de la musique classique – ne figurent ni instruments, ni musiciens. Le petit studio lausannois s’illustre aussi à l’étranger et a signé le catalogue, l’affiche et la signalétique de l’exposition «Artists & Robots» pour le Grand Palais, à Paris.
L’atelier revendique une approche non conventionnelle du design graphique. Tessinois d’origine, débarqué à Lausanne en 2004, Demian Conrad prend un malin plaisir à casser les codes et à brouiller les pistes. «Actuellement, nous travaillons au studio sur des méthodes alternatives qui utilisent des algorithmes et de la programmation pour produire un design génératif.»
Nouveaux langages visuels
Passionné d’édition, il enseigne le design éditorial à la Haute Ecole d’Art et de Design de Genève (HEAD), où il dirige par ailleurs un laboratoire expérimental dévolu à l’exploration de nouveaux langages visuels. «Un centre pour les publications du futur.» (24 heures)
Créé: 17.05.2017, 07h43
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