Graphique de Bernard Dugas, Genève.
Milliers de milliards de notre souveraineté monétaire volés sans compter les créations secrètes en nano secondes et la finance de l’ombre !

Nous devons faire un contre-projet ou un projet de loi à monnaie-pleine. 


N’enterrons pas trop vite la «monnaie pleine»!
Chronique économique


L’initiative dite «monnaie pleine», qui entend réserver à la Banque nationale le pouvoir de créer de la monnaie, est l’objet d’une salve de critiques émanant aussi bien des milieux bancaires que de la sphère académique, qui lui reprochent tantôt son inutilité tantôt son impraticabilité. Pourquoi changer ce qui marche bien – le système monétaire actuel – pour courir l’aventure?

C’est vrai que, si séduisant qu’il paraisse en théorie, le régime proposé se heurte à une série de difficultés, le diable se cachant comme toujours dans les détails. Faut-il pour autant l’écarter sans autre forme de procès?

Eh bien, on va vous étonner en appelant à la rescousse deux économistes distingués enseignant dans les meilleures universités, l’un, Andrew Levin, ayant travaillé avec Ben Bernanke et Janet Yellen, les présidents successifs de la Réserve fédérale américaine, l’autre, Michael Bordo, comptant parmi les meilleurs amis de la BNS, pour avoir entre autres largement contribué à la rédaction de l’ouvrage commémoratif publié à l’occasion de son 100e anniversaire. Ces deux grands spécialistes de la théorie monétaire viennent de publier un papier dans lequel ils vantent les mérites de ce qu’ils appellent une «monnaie numérique de banque centrale» (central bank digital currency) qui prendrait progressivement la place des billets de banque actuels. Cette monnaie numérique aurait la caractéristique tout à fait originale et pour tout dire révolutionnaire de pouvoir être détenue par quiconque directement auprès de la banque centrale, et non plus seulement par les banques et les quelques rares institutions entretenant ce qu’on appelle, chez nous, des «comptes de virement». Cerise sur le gâteau, ces encaisses électroniques seraient en principe rémunérées (alors que le cash, comme chacun sait, ne rapporte rien) de la même manière qu’en temps normal les réserves des banques auprès de la banque centrale sont créditées d’un intérêt (sauf qu’actuellement, vu les circonstances, cet intérêt est négatif). L’idée de rémunérer les encaisses n’est pas nouvelle en soi (Milton Friedman par exemple l’avait postulée) et se justifie par des considérations théoriques tout ce qu’il y a de plus pertinentes.

Or il n’y a pas besoin d’être grand économiste pour saisir que cette monnaie numérique est pratiquement l’équivalent de la «monnaie pleine» proposée par nos doux rêveurs de la Vollgeld-Initiative! La seule différence de fond est qu’il ne serait pas interdit aux banques de créer de la monnaie, mais que celles-ci se trouveraient dès lors mises en concurrence avec l’argent numérique de la banque centrale. Bordo et Lewin font valoir que des expériences similaires se déroulent avec un certain succès en des lieux improbables (le Kenya et l’Equateur), et que les paiements sans cash s’imposent déjà, à plus de 85%, dans des pays tels que la Suède.

Au demeurant, et même si la Suisse compte parmi les pays où les paiements en liquide sont encore assez répandus (à hauteur de quelque 10% du PIB), le recours aux cartes de crédit ou de débit s’y généralise de plus en plus rapidement, avec cet inconvénient que ces formes de paiement engendrent des frais non négligeables pour les porteurs de cartes et pour les commerçants, alors que les paiements en monnaie numérique de banque centrale en seraient par définition totalement exempts.

Alors rêvons!

Marian Stepczynski
//www.hoover.org (TDG)

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